L’IMPOSITION DES SUCCESSIONS ET DES DONATIONS RETABLIE EN ITALIE


Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 155

(Année 2008)


Le premier impôt sur les successions applicable à l’ensemble de l’Italie fut créé en 1862, soit l’année qui suivit celle où fut réalisée l’unification du pays, par une loi qui réglementait également les droits d’enregistrement. Les taux étaient proportionnels et très bas (0,50 % pour les descendants en ligne directe). La progressivité fut introduite en 1902 et les taux du haut de l’échelle devinrent rapidement confiscatoires, ce qui entraîna une forte évasion fiscale.

Le régime fiscal des successions et donations avait été entièrement remanié par le décret du Président de la République du 26 octobre 1972, n° 637, entré en vigueur le 1er janvier 1973. Des modifications importantes y furent apportées par les articles 32 et 33 de la loi du 2 décembre 1975, n° 576 et par la loi du 17 décembre 1986, n° 880.

Un Texte Unique (désigné par la suite sous le signe TU) des dispositions concernant l’impôt sur les successions et donations fut approuvé par le décret-loi n° 346, du 27 octobre 1990, modifié de façon substantielle par l’article 23 de la loi n° 413, du 30 décembre 1991, rectifiée par le décret loi n° 260 du 29 avril 1994 et intégré dans la loi n° 140 du 28 mai 1997.

L’article 13 de la loi du 18 octobre 2001 n° 383 (publiée au Journal Officiel n° 248 du 24 octobre 2001) prévoyait la suppression de l’impôt sur les successions et donations. Cet article est en vigueur à compter du 25 octobre 2001.

La réforme du droit des successions et des donations modifiait radicalement le régime fiscal des transmissions à titre gratuit par successions pour cause de décès et par actes de donations, prévoyant en particulier la suppression de l’impôt sur les successions et donations.

L’article 13 en particulier prévoyait la totale suppression de l’impôt sur les successions ; l’impôt était aboli également pour les donations et autres libéralités en faveur du conjoint, des parents en ligne directe ou des autres parents jusqu’au 4ème degré, mais aussi dans tous les cas où la valeur de la quote-part ne dépassait pas les 180.759,92 €. En revanche, pour les autres cas, les impôts sur les transmissions applicables pour les opérations à titre onéreux restaient dus.

L’article 14 confirmait l’application des facilités de paiements déjà en vigueur pour l’impôt sur les successions et donations pour les actes de transmissions à titre gratuit entre vifs assujettis à l’impôt.

Cependant, la loi de Finances pour 2007 a apporté des changements d’orientation en matière d’imposition des successions et des donations. En effet, cette imposition a été réintroduite par la loi de conversion du décret-loi 262/2006.

Cependant, le nouveau dispositif d’imposition des successions et des donations est très allégé par rapport à celui en vigueur avant 2002 et les héritiers et donataires domiciliés en Italie demeurent très privilégiés sur le plan fiscal par rapport aux résidents de la plupart des pays européens.

Les nouveautés en matière de taux et de franchise

Les bénéficiaires de la succession ou de la donation sont :

- le conjoint et les parents en ligne directe : le taux d’imposition est de 4 %, mais avec une franchise de 1 million d’euro à multiplier autant de fois qu’il y a de bénéficiaires ;

- les frères et sÅ“urs : le taux d’imposition est de 6 %, avec une franchise de 100 000 euro à multiplier autant de fois qu’il y a de bénéficiaires ;

- les autres parents jusqu’au 4ème degré, les parents par alliance en ligne directe et les alliés en ligne collatérale jusqu’au 3ème degré : le taux d’imposition est de 6 %, sans aucune franchise ;

- toute personne autre que les précédentes : le taux d’imposition est de 8 %, sans franchise.

Le législateur de la loi de finances pour 2007 a également introduit une ultime franchise concernant une hypothèse particulière. En effet, si le bénéficiaire de la donation ou de la succession est une personne portant un handicap reconnu comme étant grave au sens de la loi du 5 février 1992 n°104, le prélèvement fiscal doit être effectué exclusivement sur la partie de la valeur du don ou du legs qui dépasse le montant de la franchise égale à 1 500 000 euro.

La franchise de 1 500 000 euro tend à faire abstraction du degré de parenté, en présence d’un handicap grave. Par exemple, si le conjoint est affecté d’un handicap, il pourra bénéficier de la franchise ayant le montant le plus élevé à la place de celle qui est spécifiquement prévue pour le conjoint et qui est égale à 1 million d’euro.

Les nouvelles dispositions concernant les franchises s’appliquent aux successions ouvertes à compter du 3 octobre 2006.

Dans l’hypothèse où la succession et la donation concernent des biens immobiliers, les impôts hypothécaires et cadastraux s’appliquent avec un taux d’imposition respectif de 2 et 1%.

D’autre part, si au moins un des bénéficiaires de la succession ou bien un des donataires remplit la condition pour pouvoir réclamer les bénéfices de l’acquisition d’une « première habitation », les impôts sont dus à hauteur d’un montant fixe de 168 euro chacune.

La loi de conversion du décret-loi 262/2006, telle que modifiée par la loi de finances pour 2007, a apporté un radical changement dans la détermination de la base imposable du nouvel impôt sur les successions et les donations par rapport à ce qui s’appliquait par effet du même décret-loi n° 262/2006.

En effet, maintenant la règle est celle suivant laquelle, en dehors de quelques exceptions spécifiques, pour chaque bien ou droit qui vient à être transféré par donation ou succession, on déduit le passif y afférent.

En particulier, en matière d’imposition sur les successions, concernant la taxation du transfert d’une masse de rapports actifs et passifs, les taux d’imposition s’appliquent sur la somme algébrique que l’on obtient en opposant l’actif et le passif du défunt. Alors qu’avec le décret-loi 262/2006 non encore modifié, comme la nouvelle imposition sur les successions ne concernait plus l’intégralité du patrimoine du défunt mais seulement la transmission de certains biens déterminés, on ne pouvait pas déduire le passif du défunt de la valeur de l’actif transféré.

Par conséquent, à l’exception du cas de la transmission d’un groupe d’entreprises (lequel par sa nature est un ensemble de rapports d’actifs et de passifs, et qui par conséquent ne peut pas ne pas être taxé que sur la part de la valeur de l’actif qui excède la valeur du passif de l’entrepreneur) il n’était plus possible, par exemple (comme cela arrivait en revanche par le passé et comme cela arrivera par effet de l’entrée en vigueur de la loi de conversion), de défalquer de la valeur du bien immobilier objet de la succession, la dette provenant du prêt hypothécaire contracté par le défunt lors de son acquisition du bien.

Plus spécifiquement, les objets soumis à l’imposition sur les successions et les donations sont :

1. les biens immobiliers (auxquels on applique également les impôts hypothécaires et cadastraux), dont l’évaluation est calculée en multipliant les rentes cadastrales par les coefficients en vigueur ;

2. les entreprises (dont la valeur imposable est donnée par le patrimoine net comptable, et donc sans réévaluer les immobilisations et sans ajouter la formation), à moins qu’il ne s’agisse d’entreprises transmises à des descendants, hypothèse dans laquelle la valeur de l’entreprise ne concoure pas à former la base imposable ;

3. les actions et les parts sociales (la base imposable, comme pour les entreprises, est donnée par la valeur du patrimoine net comptable), à moins qu’il ne s’agisse de parts sociales transmises aux descendants, cas où la valeur des parts sociales ne concourent pas à former la base imposable ;

4. les obligations ;

5. les crédits, et donc même les parts de fonds communs d’investissements, lesquelles, au regard exclusivement de l’impôt sur les successions, ne sont pas taxées sur la partie de leur valeur qui ne correspond pas à la valeur des titres d’Etat présents dans le fonds commun d’investissement ;

6. l’argent ;

7. les biens mobiliers en général (par exemple les meubles et les bijoux).

Comme les crédits sont taxés au titre de l’impôt sur les successions, avec la loi de conversion on revient alors au blocage des comptes bancaires du défunt en attente de la preuve au débiteur qu’est la banque du paiement de la charge fiscale due par les héritiers.

Concernant le traitement des titres d’Etat, on constate donc une différence entre la taxation des transferts par donation et ceux qui interviennent par succession héréditaire. En effet :

- Pour l’impôt sur les successions, ces titres sont déclarés comme biens qui « ne concourent pas à former l’actif héréditaire » de l’article 12 alinéa 1h) et i) du décret‑loi 346/1990 (et par conséquent leur valeur n’est assujettie à aucun taux d’imposition) ;

- Pour l’impôt sur les donations, ces titres en revanche ne sont pas exemptés de l’application de l’imposition. En effet, alors qu’avant le décret-loi du 20 juin 1996 n°323 (converti en loi du 8 août 1996 n° 425), l’article 59 alinéa 1 b) du décret-loi 346/1990 assimilait, pour l’exonération de l’imposition, tant les obligations données que les obligations faisant l’objet de successions héréditaires, désormais par effet du décret-loi 323/2006 l’exonération pour les titres donnés est supprimée.

TABLEAU RECAPITULATIF DES REGIMES

L’impôt sur les transferts par donation ou succession :

Sujets Imposition sur les donations et successions Impôts
hypothécaires
Impôts
cadastraux
Conjoint Parents en ligne directe 4 % (avec une franchise de 1.000.000 d’euros pour chaque bénéficiaire) sur la valeur nette de la donation ou du patrimoine héréditaire
Frères et sÅ“urs 6 % (avec une franchise de 100.000 euros) sur la valeur nette de la donation ou du patrimoine héréditaire 2 % sur la valeur cadastrale des immeubles objets d’une donation ou succession (ou bien 168 euros s’il s’agit d’une « 1ère maison » pour l’un des bénéficiaires) 2 % sur la valeur cadastrale des immeubles objets d’une donation ou succession (ou bien 168 euros s’il s’agit d’une « 1ère maison » pour l’un des bénéficiaires)
Autres parentsjusqu’au 4ème degré

Parents par alliance
en ligne directe

Parents par alliance

en ligne collatérale

jusqu’au 3ème degré

6 % (sans franchise) sur la valeur nette de la donation ou du patrimoine héréditaire
Autres sujets 8 % (sans franchise) sur la valeur nette de la donation ou du patrimoine héréditaire
Transfert en faveur d’un sujet porteur d’un handicap grave au sens de la loi du 5 février 1992 n° 104 4 %-6 %-8 % avec une franchise de 1.500.000 euros en fonction de l’handicap reconnu grave

Entreprises familiales : Les transferts de propriété aux membres de la famille sont avantagés

La nouveauté la plus importante dans le transfert des « entreprises familiales » a été introduite par l’alinéa 78 de la loi de finances pour 2007. Cette disposition s’applique aux transmissions interfamiliales d’entreprise et parts de participations (parts sociales ou actions) au capital de la société.

En respectant certaines conditions, les transferts de propriété de ces biens ne sont pas assujettis à l’impôt sur les successions ou les donations.

Et si les conditions ne sont pas remplies pour l’exonération totale, la reprise n’est pas prise en compte dans la détermination de la base imposable (article 1 alinéa 78).

Les transferts de propriété facilités

La loi de finances pour 2007 a ajouté l’alinéa 4-ter à l’article 3 (transferts non assujettis à l’imposition) du Texte Unique sur l’impôt sur les successions et les donations (décret-loi 346/90).

Il est prévu que « les transferts de propriété, effectués également au moyen de pactes de famille, tels que prévus aux articles 768 bis et suivants du Code civil en faveur des descendants, d’entreprises ou de certaines filiales de celles-ci, de parts sociales et d’actions ne sont pas soumis à l’impôt ».

Les actions et parts sociales

Pour le transfert d’actions ou de parts sociales de Spa, Sapa, Srl, sociétés coopératives et de mutuelles assurances, la non imposition s’applique seulement dans le cas où le bénéficiaire acquiert ou prend le contrôle de la société (c’est-à-dire, selon l’article 2359 alinéa 1 n°1 du Code civil, avoir la majorité des votes dans l’assemblée ordinaire).

Sociétés de personnes

La condition du contrôle de l’entreprise par le bénéficiaire n’est pas prévue pour les sociétés de personnes. Les donations et les successions de participations de petites tailles sont donc facilitées.

Par exemple, dans le cas d’un parent qui souhaite donner à parts égales à ses deux fils les parts sociales qu’il détient dans une SNC à hauteur de 80% du capital social (les autres 20% du capital étant détenus par l’épouse) : le transfert des 40 % du capital social à chacun de ses enfants ne sera pas assujetti à l’impôt sur les donations.

En revanche, s’il s’agissait d’une Srl, l’exonération n’aurait été possible que pour le transfert à l’un de ses fils pour lequel il aurait consenti le contrôle de la société. En revanche pour l’autre enfant, la donation aurait suivi les règles ordinaires d’imposition.

La condition des 5 ans

Les facilités de transfert de propriété, tant pour les sociétés ou leurs filiales ou succursales, tant pour les actions et les parts sociales, s’appliquent à la condition que les bénéficiaires poursuivent l’exercice de l’activité de l’entreprise ou détiennent le contrôle de la société, dont les parts et actions sont transmises, durant une période non inférieure à 5 ans à compter de la date du transfert.

Le bénéficiaire de la transmission doit d’ailleurs rendre en même temps que la déclaration de succession ou l’acte de donation, une déclaration sur la poursuite de l’exercice de l’entreprise ou le maintien du contrôle de la société.

En l’absence de déclaration ou si le bénéficiaire ne respecte pas la condition de la poursuite de l’activité ou du maintien du contrôle, il est alors déchu dudit bénéfice. Il devra alors payer l’impôt sur les successions et les donations de manière ordinaire et subira une sanction administrative égale à 30 % du montant non versé. Le fisc procèdera également à la demande d’intérêts moratoires à compter de la date à laquelle l’impôt sur les successions et les donations aurait dû être payé.

Toutes ces facilités décrites s’appliquent aux successions ouvertes à compter du 3 octobre 2006, ainsi qu’aux actes publiés, aux à titre gratuit, actes authentiques, aux actes sous seing privé présentés à l’enregistrement à compter du 1er janvier 2007.

L’exonération des jeunes agriculteurs

L’article 14 alinéa 1 de la loi 441/ 98 dispose que pour favoriser la continuité de l’entreprise agricole, même si elle est sous forme de société de personnes, les actes relatifs aux propriétés rurales, objets de la succession ou donation entre ascendants et descendants jusqu’au 3ème degré, sont exonérés de l’impôt sur les successions et les donations, des impôts cadastraux, et restent seulement soumis aux impôts hypothécaires.

Une telle exonération n’est concédée qu’à la condition que les bénéficiaires s’obligent à gérer l’entreprise agricole durant au moins six ans.

Le bénéficiaire doit être également ou doit acquérir la qualité de cultivateur direct ou d’entrepreneur agricole professionnel.

Le législateur a souhaité privilégier ainsi les jeunes agriculteurs puisque les bénéficiaires de cette exonération sont les héritiers ou donataires n’ayant pas encore 40 ans au moment de l’ouverture de la succession ou de l’acte de donation.

Le conjoint et les parents collatéraux sont donc exclus de l’exonération.

La loi de finances pour 2007 (loi 296/06) exonère de l’impôt sur les successions et les donations, les parts de participation, et en particulier celles dans les sociétés de personnes, sans obligation d’avoir le contrôle de la société. L’exonération ne concerne que le cas de transferts d’entreprises agricoles. Il n’y a pas de limite d’âge pour en bénéficier, ni de qualification professionnelle particulière. Et les bénéficiaires doivent seulement diriger l’entreprise agricole pendant au moins cinq ans.

Henri FONTANA

Avocat au Barreau de Nice

Ancien Assistant à la Faculté

CABINET FONTANEAU

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