LA FRANCE ET LA BELGIQUE DECIDENT D’INTENSIFIER L’ECHANGE DE RENSEIGNEMENTS ET LA COOPERATION ADMINISTRATIVE (1)


par le Cabinet Fontaneau,
Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 131
(Année 2002)


Les autorités compétentes de France et de Belgique ont signé le 10 juillet 2002 un arrangement administratif en matière d’échange de renseignements.

Cet arrangement administratif est entré en vigueur le 1er septembre 2002.

Les dispositions adoptées se fondent sur plusieurs textes internationaux qui chacun a son niveau règle l’assistance administrative entre les Etats.

Ces textes sont les suivants :

· la Directive (77/799/CEE) du Conseil concernant l‘assistance mutuelle des autorités compétentes des Etats membres dans le domaine des impôts directs et indirects,
· le Règlement (n°218/92) concernant la coopération administrative dans le domaine des impôts indirects,
· la Convention multilatérale OCDE / Conseil de l’Europe concernant l’assistance mutuelle en matière fiscale,
· la Convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur les revenus,
· la Convention du 12 août 1843 entre la France et la Belgique relative à l’échange de renseignements tirés des actes présentés à la formalité de l’enregistrement des déclarations de succession ou de mutation par décès et d’autres documents administratifs,
· la Convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur les successions et de droits d’enregistrement.

C’est donc en application de ces différents textes que la France et la Belgique ont décidé d’instaurer de nouvelles dispositions en matière, d’échange de renseignements, de contrôles fiscaux simultanés, de présence sur le territoire d’un Etat de fonctionnaires fiscaux de l’autre Etat et de dispositif transfrontalier d’échange direct de renseignements.

ECHANGE AUTOMATIQUE DE RENSEIGNEMENTS

L’échange automatique porte toujours sur certaines catégories de cas sur lesquels les autorités compétentes des Etats ont décidé de se consulter sans demande préalable. Dans cet arrangement, l’échange automatique de renseignements porte sur l’impôt sur le revenu et sur la fortune, la TVA, les droits d’enregistrement et les droits de succession et de donation

EN MATIERE D’IMPOTS SUR LE REVENU ET SUR LA FORTUNE :

Les catégories de revenus concernées par l’intensification de l’échange de renseignements sont les suivantes :

· les revenus consistant en traitements, salaires et autres rémunérations analogues, visés aux articles 10 et 11 de la Convention de 1964;
· les rémunérations des administrateurs et des autres personnes visées à l’article 9 de la même Convention;
· les revenus versés sous forme de rentes ou de capitaux et consistant en pensions, autres rémunérations similaires, rentes viagères, rentes alimentaires, valeurs de rachat ou « revenus de remplacement » (c’est-à-dire les indemnités, rentes ou allocations diverses, destinées à compenser une perte de revenus professionnels survenant à la suite du chômage, d’une maladie, d’un accident ou d’une autre circonstance analogue), visés, selon le cas, aux articles 10, 12 ou 18 de la Convention de 1964;
· les redevances et autres produits et revenus visés à l’article 8 de la Convention précitée;
· les dividendes et les intérêts, visés aux articles 15 et 16 de la même Convention, payés par des débiteurs autres que des établissements financiers;
· les honoraires, commissions, courtages, ristournes, cachets et autres rémunérations versés à des personnes physiques ou à des personnes morales;
· l’acquisition de biens immobiliers, la propriété de biens immobiliers et/ou les revenus de biens immobiliers visés à l’article 3 de la Convention de 1964;
· les bénéfices des entreprises visés aux articles 4 et 5 de la Convention de 1964 et les profits visés à l’article 7 de la même Convention;
· les informations (avis d’imposition ou notes de calcul) relatives à l’impôt des personnes physiques établi par un Etat à charge de résidents de l’autre Etat.

EN MATIERE DE TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE

Les échanges porteront sur les remboursements en faveur des assujettis qui sont identifiés à la T.V.A. dans l’autre Etat et sur les remboursements de la taxe sur la valeur ajoutée, obtenus en application de la Directive 79/1072/CEE du Conseil des Communautés européennes du 6 décembre 1979.

EN MATIERE DE DROITS D’ENREGISTREMENT, DE DONATION ET DE SUCCESSION

Sont concernées les mutations en matière immobilière et les informations concernant la constitution de sociétés ou l’augmentation de capital de sociétés d’un Etat auxquelles participent des résidents de l’autre Etat.

ECHANGE SPONTANE DE RENSEIGNEMENTS

L’arrangement entre la France et la Belgique prévoit également un intensification de l’échange spontané de renseignements. Il s’agit de la fourniture obligatoire de renseignements autres que sur demande ou après accord préalable.

EN MATIERE D’IMPOTS SUR LE REVENU

L’échange spontané portera sur les informations concernant les changements de résidence d’une personne de l’un des deux Etats contractants vers l’autre Etat contractant, ainsi que sur les informations (avis d’imposition ou notes de calcul) relatives à l’impôt établi par un Etat à charge de personnes physiques qui sont des résidents de cet Etat et qui recueillent dans l’autre Etat des revenus imposables dans cet autre Etat.

EN MATIERE DE TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE

La liste de renseignements éventuels à fournir est particulièrement longue dans ce domaine :

· dépassement du seuil du chiffre d’affaires à l’occasion de ventes à distance et choix du lieu des livraisons à l’occasion de ventes à distance,
· dépassement du seuil du chiffre d’affaires en matière de ventes à distance,
· options en matière de ventes à distance,
· prestations de services présumées irrégulières ou fictives,
· livraisons intracommunautaires sans exonération,
· postes diplomatiques, consulaires et similaires,
· acquisitions intracommunautaires, si par exemple il y a présomption que les acquisitions intracommunautaires ont un caractère fictif (cas de fraude carrousel);
· les assujettis qui réalisent d’emblée ou de façon inhabituelle d’importantes livraisons intracommunautaires à destination de l’autre Etat;
· numéros d’identification individuels à la T.V.A. qui sont attribués aux assujettis qui ne sont pas établis dans l’Etat qui fournit les renseignements,
· livraisons intracommunautaires de véhicules terrestres,
· livraisons de produits soumis à accise,
· domiciliations d’entreprises,
· livraisons de bateaux et aéronefs neufs,
· livraisons de moyens de transport neufs par des assujettis occasionnels.

EN MATIERE DE DROITS D’ENREGISTREMENT, DE DONATION ET DE SUCCESSION

Pourront être transmises également toutes informations relatives aux donations de valeurs mobilières supérieures à 25.000 EUR faites en faveur d’un national de l’autre Etat. ainsi que toutes informations relatives aux valeurs mobilières supérieures à 25.000 EUR recueillies par succession par un héritier-légataire national de l’autre Etat.

EN MATIERE DE TAXES ASSIMILEES AU TIMBRE

Les échanges seront intensifiés pour la taxe annuelle sur les contrats d’assurance et les informations relatives aux contrats d’assurance pour lesquels le risque se situe dans l’autre Etat et l’identification de l’assuré et de l’assureur.

ECHANGE DE RENSEIGNEMENTS SUR DEMANDE
ET ECHANGE SPONTANE DE RENSEIGNEMENTS NON ENUMERES CI-DESSUS

Les autorités compétentes des deux Etats veilleront également à intensifier l’échange de renseignements sur demande ainsi que l’échange spontané de renseignements qui n’ont pas été spécifiquement énumérés et qui seraient susceptibles de permettre à l’autre Etat l’établissement correct de ses impôts.

CONTROLES FISCAUX SIMULTANES

Par ailleurs, les deux Etats ont décidé, dans le cadre de cet arrangement, de contrôler simultanément et de manière indépendante, chacun sur son territoire, la situation fiscale de contribuables qui présentent pour eux un intérêt commun ou complémentaire, en vue d’échanger les renseignements.

Ces contrôles fiscaux simultanés serviront notamment à déterminer le montant exact de l’impôt dû par un contribuable dans les cas où :

· les charges sont partagées ou imputées et les bénéfices sont répartis entre des contribuables résidant dans des pays différents ou,
· plus généralement, lorsqu’un dossier fiscal présente des problèmes de prix de transfert ou lorsque des techniques apparentes d’évasion ou de fraude fiscales,
· lorsque des revenus non déclarés, des aspects fiscaux du blanchiment d’argent et des pratiques de corruption, des versements de commissions occultes ou d’autres paiements illicites, sont identifiés,
· lorsque des transactions avec des paradis fiscaux ou des systèmes d’évasion et de fraude fiscales impliquant le recours à des paradis fiscaux sont mis en évidence,
· lorsque enfin les principes d’autoliquidation par l’acquéreur ou le preneur en matière de T.V.A. trouvent à s’appliquer.

Ces contrôles fiscaux devraient aussi faciliter l’échange de renseignements concernant :

· les pratiques commerciales des entreprises multinationales, les transactions complexes, les problèmes de contrôle fiscal et les tendances à ne pas respecter les obligations fiscales qui notamment peuvent être spécifiques à une industrie ou à un groupe d’industries ;
· des accords de partage des coûts ;
· les méthodes de répartition de bénéfices dans des domaines particuliers, tels que les échanges à l’échelle mondiale et les nouveaux instruments financiers.

Un contrôle fiscal simultané n’est en aucune façon un substitut de la procédure amiable prévue à l’article 24 de la Convention de 1964. Il convient de rappeler que la convention permet dans le cas où un résident de l’un des États contractants estime que les impositions qui ont été établies ou qu’il est envisagé d’établir à sa charge ont entraîné ou doivent entraîner pour lui une double imposition dont le maintien ne s’accorderait pas avec les dispositions de la convention, l’intéressé peut adresser aux autorités compétentes de l’État dont il est résident une demande écrite et motivée de révision desdites impositions.

Ladite demande doit être présentée avant l’expiration d’un délai de six mois à compter de la date de la notification ou de la perception à la source de la seconde imposition.

Si cette demande est reconnue fondée, les autorités qui en ont été saisies s’entendront avec les autorités compétentes de l’autre État pour éviter la double imposition.

Pour la mise en œuvre de ces contrôles simultanés, les autorités compétentes des deux Etats détermineront de commun accord les critères et les procédures de sélection des dossiers, ainsi que la procédure à respecter lors d’un tel contrôle.

Les contrôles seront effectués séparément dans le cadre des lois et pratiques nationales, par des agents de l’Administration fiscale de chaque Etat, en appliquant les dispositions en vigueur en matière d’échanges de renseignements. Il n’y aura pas d’échanges de personnel, mais la présence de représentants des autorités compétentes d’un Etat (si elle est autorisée par la loi) pourrait être justifiée pour permettre une meilleure efficacité du contrôle.

Cela signifie que sous réserve des dispositions législatives et administratives des deux Etats, des fonctionnaires d’une administration fiscale d’un Etat pourront être présents sur le territoire de l’autre Etat en vue d’y recueillir toute information utile pour la détermination de l’impôt sur le revenu et la fortune, de la taxe sur la valeur ajoutée, des droits d’enregistrement, de donation et de succession et des accises d’un ou des deux Etats. Les autorités compétentes des deux Etats détermineront de commun accord les conditions et procédures à respecter dans le cadre d’un tel déplacement de fonctionnaires.

DISPOSITIF TRANSFRONTALIER D’ECHANGE DIRECT DE RENSEIGNEMENTS

Il a été convenu la mise en place d’un dispositif transfrontalier d’échange direct de renseignements entre les fonctionnaires locaux des deux Etats.

Le dispositif concernera tous les impôts visés par le présent arrangement et sera mis en place dans les domaines suivants, avec possibilité d’étendre ce dispositif à d’autres domaines et à d’autres services si c’est nécessaire :

· collaboration entre services locaux situés à proximité des frontières ;
· recherche et contrôle en matière de fraude fiscale internationale ;
· contrôles fiscaux simultanés bilatéraux ou multilatéraux.

L’ARRANGEMENT RAPPELLE LES LIMITES DE L’ECHANGE DE RENSEIGNEMENT

En matière de secret des informations, l’arrangement rappelle les différents limites prévues par les textes d’application dans ce domaine, c’est à dire les dispositions des articles 7 et 8 de la Directive, de l’article 20 de la Convention de 1964, de l’article 14 de la Convention de 1959 et des articles 21 et 22 de la Convention multilatérale d’assistance sont applicables.

Cela signifie que les renseignements ainsi échangés conservent un caractère secret et qu’ils ne doivent être communiqués, en dehors du contribuable ou de son mandataire, qu’à des personnes autres que celles qui sont chargées de l’assiette et du recouvrement des impôts visés, ainsi que des réclamations et recours y afférents.

D’autre part, ces mêmes renseignements ne peuvent être utilisés ni directement ni indirectement à des fins autres que l’assiette et le recouvrement des impôts en cause.

En outre, aucun renseignement susceptible de porter atteinte à un secret commercial ou industriel ne peut être échangé.

L’assistance peut être également refusée lorsque l’État requis estime qu’elle n’est pas réalisable pour des motifs d’ordre public ou qu’elle porte sur des renseignements qui, par leur nature, ne sont pas susceptibles d’être obtenus par l’État demandeur en vertu de sa propre loi interne.

Enfin s’il s’avère que les données fournies par un Etat dans le cadre de l’échange automatique, spontané ou sur demande sont erronées ou incomplètes, les autorités compétentes de cet Etat sont tenues de prendre contact à ce sujet avec les autorités compétentes de l’autre Etat dans les plus brefs délais. Un retour d’information devrait être fourni chaque fois que cela est utile à l’Etat qui a transmis les renseignements.

Les renseignements visés seront fournis autant que possible de manière informatisée et sur un support numérique. Ces renseignements incluent, dans la mesure du possible, les Numéros d’Identification Fiscale (NIF) des contribuables non-résidents qui leur sont attribués par leur Etat de résidence.

Les renseignements concernant une année civile ou une période donnée seront transmis le plus vite possible après la fin de l’année ou de la période considérée.

Le présent arrangement pourra être modifié à tout moment, d’un commun accord, par les autorités compétentes.

 

Cabinet FONTANEAU
Paris – Nice – Bruxelles

Notes :
(1) BOI 13K-10-02, N° 176 du 14 octobre 2000

Les commentaires sont fermés.