LA DETERMINATION DE LA LOI APPLICABLE AUX CONTRATS INTERNATIONAUX

 


 

Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 129 (Année 2002)


 

Le caractère international d’un contrat implique, comme nous l’avions envisagé à l’occasion d’un précédant article relatif à la formation des contrats internationaux (Revue Fiscalité Européenne n°125), de prendre un certain nombre de précautions lors de l’entrée en pourparlers avec un éventuel partenaire commercial et impose, à qui franchit les frontières, l’exigence d’une rigueur particulière.

Il faudra, en effet, se préoccuper des incidences que pourront avoir sur le document contractuel final les éventuels avant-contrats ou contrats partiels, les lettres d’intentions ou les simples correspondances qui auront pu circuler entre les parties selon qu’elles pourraient ou non être considérées comme de véritables offres fermes ou de acceptations non équivoques de contracter les obligations qu’elles énoncent.

En réalité, si toutes ces questions prennent un relief particulier lorsque le contrat est international, c’est que la technique contractuelle que l’on connaît en droit français varie d’un pays à l’autre en fonction des différentes cultures juridiques et que le juge qui peut être amené à statuer sur un tel contrat international, tranchera alors selon sa culture et surtout selon le droit du pays qui régira le contrat.

Avant même de s’interroger sur les précautions rédactionnelles à prendre en compte, il convient de déterminer avec précision le droit qui régira la relation contractuelle envisagée et le cas échéant, la juridiction compétente pour l’interpréter en cas de conflit.

Il existe, en effet, du fait même que le contrat est international, non plus une mais plusieurs lois ayant vocation à régir le rapport contractuel et il conviendra de résoudre cette question en déterminant laquelle de ces lois doit l’emporter sur les autres.

Dans la terminologie des internationalistes, on parle alors de « conflit de lois ».

Il existe un conflit de lois lorsque les législations de deux ou plusieurs Etats ont cumulativement vocation à régir une question de droit privé. Diverses méthodes peuvent alors être utilisées afin de résoudre le problème de cette concurrence des lois, mais l’une d’elles mérite plus d’attention car elle est de loin la plus usitée; elle est d’ailleurs nommée « méthode du conflit de lois »sans autres précisions.

LES DIFFERENTES METHODES

Avant d’envisager les méthodes de conflit de lois il faudra nous attacher à poser les données du problème que constitue la détermination de la loi applicable.

LES DONNEES DU PROBLEME

Tous les litiges internes se posent dans les mêmes termes au juge : Une prétention et un ensemble de faits invoqués à l’appui de cette prétention. Parfois le demandeur indique en outre le texte de loi qui selon lui s’applique à l’espèce mais il n’y est pas obligé et le juge n’est pas tenu par ce fondement auquel il doit substituer le fondement qui lui paraît être applicable.

Lorsque le litige est international, le juge doit d’abord se demander si la loi du for, c’est à de sa propre loi nationale, ne doit pas être écartée au profit d’une loi étrangère. En effet il peut substituer à la règle interne invoquée, non seulement une autre règle interne mais également une règle étrangère, si un autre ordre juridique s’avère être compétent. Or, à toute question de droit correspond une règle applicable, explicite ou implicite, et ce dans tout ordre juridique. Le juge devra donc statuer en vertu de cette règle étrangère comme il le ferait pour une règle de son propre droit national.

Il importe peu d’ailleurs, du point de vue du droit international public, que l’Etat étranger dont est issue la règle soit reconnu par le gouvernement français. Seul compte le fait que cette règle soit effectivement en vigueur sur le territoire étranger et que les parties aient noué des relations sous son empire.

Il faut donc que le juge exerce un choix entre plusieurs règles qui pourraient répondre complètement à la question qui lui est soumise mais sans lui offrir forcément la même solution.

Il lui faut donc trouver un critère de choix : Nationalité, domicile des sujets de droit, lieu de situation des biens, de survenance des actes ou faits juridiques.

Le problème de la détermination de la loi applicable trouve évidemment sa limite dans une relation juridique internationale portant sur une matière ayant fait l’objet d’une unification législative internationale comme par exemple en matière de chèques et de lettres de change avec les conventions de Genève de 1930 et 1931. Entre les Etats signataires de ces deux conventions, les règles sont identiques dans leur contenu mais également communes dans leur forme. Il suffit au juge d’appliquer le traité qui les consacre. Ici il n’y a pas de pluralité de législations et donc pas de conflit de lois.

Cependant, même s’il n’y a pas de pluralité de législations, il peut y avoir divergence d’interprétation des règles du traité selon les différentes juridictions suprêmes des Etats signataires et cela est, de nouveau, source de conflit. Faudra-il appliquer la règle commune selon l’interprétation qu’en donne la Cour de Cassation Française ou encore la Cour Fédérale Allemande ? On dit à ce propos qu’il existe autant d’Ordres juridictionnels que d’Ordres juridiques.

Il est donc bon, même en ces matières pourtant unifiées, que les parties prennent le soin d’indiquer dans le détail quelles règles elles désirent se voir appliquer et ce, quelque soit le tribunal saisi.

Enfin, si le juge français peut statuer sur un différend au regard d’une règle étrangère, il n’y est toutefois pas obligé. Certains obstacles se dressent parfois contre cette application d’une règle étrangère même fondée sur le droit international public.

Le droit international public donne aux Etats compétence exclusive de légiférer dans certains domaines comme, par exemple, en matière fiscale. Or les juges montrent traditionnellement une certaine réticence à appliquer des règles étrangères quand ils ont été institués pour servir l’Etat français. Ils justifient ce refus par le prétendu caractère politique de la loi étrangère. Ils ne veulent tout simplement pas collaborer à la réalisation des buts que se sont fixés les Etats étrangers.

Si cette attitude est parfois légitime, elle peut sembler l’être beaucoup moins lorsque le juge refuse d’appliquer la loi étrangère après s’être toutefois déclaré compétent. Plus qu’un refus de collaboration, il s’agit d’une véritable opposition. Cette marque d’hostilité est le signe que l’on veut délibérément entraver la politique d’un Etat et cette attitude dessert l’objectif du droit international privé qu’est la sécurité juridique.

Mise à part cette hypothèse de refus d’application d’une loi étrangère compétente, il faut voir désormais selon quelles méthodes il est possible de fixer un critère qui permette de déclarer telle ou telle loi compétente en présence d’un concours ou plus exactement d’un conflit.

La règle de droit international privé désigne une règle substantielle

Si la fonction de la règle de Droit International Privé est la désignation d’une règle substantielle, il existe principalement deux méthodes permettant d’exercer un choix entre celles qui sont en concours. L’une est fonction de la question qui est posée, l’autre du but de la règle et de la volonté de son auteur.

– Choix fondé sur la question posée

Pour choisir entre plusieurs règles substantielles, on s’interroge sur la nature de la question posée et l’on en déduit quel élément la localise, c’est à dire que l’on détermine l’ordre juridique avec lequel elle présente objectivement les liens les plus étroits, les plus significatifs.

La question est de tel type, alors tel est l’élément qui désigne la loi applicable. Les questions de droit sont donc groupées en catégories et ont toutes un élément, un critère de rattachement aux différents ordres juridiques.

Cette règle est la plus utilisée et est connue sous le nom de Règle de conflit de lois sans autre précision.

Elle présente les caractéristiques d’être abstraite : le juge ne sait pas a priori en quoi consiste la solution que l’ordre juridique ainsi désigné réserve à la question posée. Par conséquent elle est également neutre car aucune considération de justice n’intervient dans le choix qui est opéré. Elle est également dite bilatérale car elle désigne indifféremment la loi nationale ou étrangère et par conséquent elle est dénuée de nationalisme car elle ne privilégie pas la loi nationale sur les lois étrangères. Toutes sont placées sur un pied d’égalité.

– Choix fondé sur le but des règles ou la volonté de leur auteur

le caractère abstrait de la méthode du conflit de lois, qui ne se préoccupe pas du résultat et qui fonde son choix sur la seule appartenance de la question posée à une catégorie, le divorce, la filiation, la vente, le contrat d’intermédiaire etc., n’est satisfaisant que pour
autant que les Etats n’aient pas la volonté ou n’éprouvent pas un intérêt particulier à ce que leur propre règle prévale et soit donc appliquée.

En présence de telles règles que l’on désigne sous le terme de « lois d’application nécessaire » ou plus généralement de « lois de police », la loi étrangère, même compétente selon la catégorie à laquelle appartient la question posée et le critère de rattachement qui la désigne, doit être écartée.

La loi de police s’appliquera parce que l’Etat qui l’a édictée l’estime nécessaire.

Il est très difficile d’identifier les lois de police et certains ont même pu dire que toutes les lois, étant donné qu’elles tendent à la sauvegarde des intérêts économiques et sociaux d’un Etat pouvaient être rangées parmi les lois de police. Il s’agirait donc plutôt d’une question de degré entre les lois qui doit être apprécié au cas par cas par le juge, au risque d’arbitraire voir de nationalisme.

C’est là une des limites au libéralisme de la règle de conflit qui laisse aux contractants le choix de la loi applicable au contrat.

Mais chaque Etat édicte des lois de police et le juge français qui se trouve en présence d’une loi de police étrangère doit en faire application. Certes, il participe en cela à la réalisation des buts que s’est fixé l’Etat étranger, mais si tous les Etats adoptent en la matière la même attitude coopérative, cela facilite une harmonisation des solutions.

Il faut toutefois que le but poursuivi par le législateur étranger paraisse légitime au juge français, lequel pourrait, par exemple, refuser de prêter son concours en appliquant une règle étrangère visant à instaurer un embargo sur certaines marchandises à destination d’un Etat tiers, ami de la France.

La question se pose de savoir quelle serait l’attitude du juge qui se trouverait en présence de deux lois de police, l’une française, l’autre étrangère, situation constituant un conflit de lois de police : Il fera application de la sienne bien entendu. Mais en présence d’un conflit entre des lois de polices étrangères, il lui faudra en sacrifier une au profit de l’autre.

La règle de droit international privé est une règle substantielle

Les règles purement substantielles de droit international privé se distinguent des règles substantielles ordinaires par le fait qu’elles sont destinées spécialement aux relations internationales.

A titre d’exemple, l’article 66 de la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises dispose: «La perte ou la détérioration des marchandises après le transfert des risques à l’acheteur, ne libère pas celui-ci de son obligation de payer le prix, à moins que ces événements ne soient dus à un fait du vendeur ».

En présence de telles règles substantielles internationales, le juge ne peut plus se poser de questions et est obligé de les appliquer.

Néanmoins, ce procédé de réglementation direct se combine nécessairement avec le procédé indirect qui consiste ici à indiquer au juge qu’il faut faire application de la règle substantielle internationale en raison du fait même qu’elle existe.

Entre les deux procédés direct et indirect existent des degrés intermédiaires qui consistent par exemple, pour pallier la neutralité de la méthode du conflit de lois, à indiquer la loi applicable sans se soucier de son contenu, à rechercher au contraire quelle est la teneur de chacune des règles en présence et, tout en s’efforçant d’appliquer la règle de conflit, pencher parfois pour celle qui n’est pas désignée, en raison de son caractère plus juste ou plus conforme à la tendance des impératifs de sa propre législation comme, par exemple, la protection des victimes ou des consommateurs. Cette méthode est critiquée pour son arbitraire dans le choix de ce qui est juste ou ne l’est pas et, surtout, pour la trop grande liberté qu’elle laisse au juge.

Un autre stade intermédiaire est celui qui permet au législateur d’offrir ce choix au juge dans le libellé même de la règle. Il édicte une règle aux termes de laquelle telle relation juridique peut être régie par tel ordre juridique ou tel autre que choisira le sujet de droit ou le juge.

Le législateur peut enfin énoncer lui-même la solution à la question de droit mais en la subordonnant à l’examen préalable du contenu d’une ou plusieurs autres règles de droit étrangères.

Exemple : « Est Français l’enfant né en France de parents étrangers et à qui n’est attribuée par les lois étrangères la nationalité d’aucun des deux parents ».

Ce procédé est plus fréquent en Droit Public International qu’en Droit International Privé où le législateur est beaucoup moins préoccupé de voir s’appliquer une loi étrangère.

Les règles de détermination de la loi en matière de contrats internationaux peuvent faire appel à ces différentes méthodes.

CONFLIT DE LOIS ET CONTRATS INTERNATIONAUX

En matière contractuelle, il existe une règle particulière induite par le caractère volontaire de la relation juridique privée.

Les parties, ayant décidé de nouer des relations contractuelles et par là d’être liées entre elles par un certain nombre d’obligations, pourront, au même titre qu’elles ont défini la nature des obligations auxquelles elles souscrivent, déterminer la loi qui régira leur convention.

On appelle « loi d’autonomie », la loi dont la compétence repose sur un choix exprès ou tacite effectué par les parties.

Le critère de détermination de la loi applicable a longtemps été celui du lieu de conclusion du contrat. C’est un critère qui garde une certaine importance lorsque les parties n’expriment pas leur volonté de voir s’appliquer une autre loi et ne font donc pas appel au principe de la loi d’autonomie.

LE PRINCIPE DE LA LOI D’AUTONOMIE

Le choix de la loi applicable au contrat peut être exprès et résulter d’une clause de choix de la loi, ou encore tacite et être révélé par les faits, les circonstances et les termes du contrat.

A défaut de choix, le juge applique la loi du lieu de conclusion du contrat.

Ce dernier critère est néanmoins concurrencé par un faisceau d’indices résultant d’autres éléments dont la proximité avec le contrat permet de désigner la loi applicable.

On trouve parmi ces éléments, la nationalité des parties ou le lieu d’exécution du contrat.

La convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles, conclue entre les Etats membres de la Communauté Européenne, consacre le principe d’autonomie et, en l’absence de volonté expresse ou tacite des parties, fait varier le critère de rattachement en fonction du type de contrat et permet au juge de l’écarter si l’Etat désigné n’est pas celui qui présente avec le contrat, les liens les plus étroits.

Cette Convention, entrée en vigueur le 1er avril 1991, s’applique à tous les contrats conclus postérieurement et constitue le Droit International Privé français des contrats.

Sa vocation est universelle, c’est à dire que les règles qu’elle édicte peuvent désigner la loi d’un Etat qui n’a pas ratifié la Convention.

Certains contrats spécifiques lui échappent néanmoins comme ceux ayant trait au droit de la famille. Elle ne trouve pas non plus à s’appliquer en matière de lettres de change, de chèques, ou de billets à ordre pour lesquels existent des Conventions de Genève. Sont exclus également les connaissements, ainsi que les conventions d’arbitrage ou les accords d’élection de for qui sont prévus par l’article 17 de la Convention de Bruxelles de 1968 etc.

Elle est écartée également lorsqu’il existe des conventions internationales portant sur des contrats plus particuliers tels que les contrats de vente d’objets mobiliers corporels pour lesquels existe la Convention signée à La Haye le 15 juin 1955, ou les contrats d’intermédiaires pour lesquels existe la Convention signée à La Haye le 14 mars 1978.

L’avantage du principe d’autonomie réside dans la prévisibilité, laquelle favorise l’essor du commerce international par la conclusion de contrats internationaux offrant une grande marge de manœuvre à ceux qui les élaborent. Les parties peuvent en effet choisir la loi dont la teneur convient parfaitement à leur projet.

Pour qu’il soit permis de choisir sa loi, il est nécessaire que le contrat soit objectivement international. Son internationalité doit même être nettement caractérisée.

De plus, s’il est possible aux parties aux contrats internationaux de choisir la loi applicable, ce choix doit théoriquement porter sur la loi d’un Etat. La Convention de Rome, en l’absence de choix des parties, prévoit la désignation d’une loi d’un Etat, en l’occurrence celui présentant les liens les plus étroits avec le contrat.

Néanmoins, il est permis aux parties de soumettre leur contrat aux principes UNIDROIT sur les contrats internationaux, corps de règles sans valeur obligatoire, élaboré dans le cadre d’UNIDROIT par un groupe d’experts représentant tous les systèmes juridiques.

Le juge ou l’arbitre appliqueront ces règles comme celles d’un Etat.

Les parties peuvent aussi le soumettre à la lex mercatoria, le risque résultant alors du caractère lacunaire et imprécis de ces règles offrant au juge une grande latitude pour inventer la règle applicable.

Toutes ces règles non-étatiques sont toujours subsidiaires et le juge institué par un Etat peut tout à fait rechercher d’abord quelle est la loi étatique applicable au contrat avant de voir comment cette loi permet l’incorporation au contrat des règles UNIDROIT ou de la lex mercatoria et comment la concurrence entre les deux règles peut être arbitrée.

Cette attitude va évidemment à l’encontre des prévisions des parties et sacrifie la sécurité juridique.

L’arbitre en revanche, peut et doit respecter la volonté des parties et statuer selon ces règles coutumières.

En pratique, le recours à la lex mercatoria est assez rare et les parties accordent plus de confiance à un ordre étatique connu, complet et fiable. Il est alors fait appel à la lex mercatoria à titre complémentaire seulement.

Le choix d’une loi étatique peut porter sur la loi d’un Etat présentant un quelconque lien avec le contrat comme sur la loi d’un Etat tiers dénué de tout contact avec le contrat, la seule condition à cette totale liberté de choix étant que ce dernier soit fait sans fraude.

Lorsque les parties désignent une loi, c’est en fait un ordre juridique qui est désigné et si les règles de cet ordre viennent à être modifiées en cours d’exécution du contrat, ces modifications lui sont applicables. On ne peut exiger en effet, que les règles qui sont applicables au contrat par le choix que l’on opère soient figées ou gelées et l’on reste dépendant des éventuelles évolutions de l’ordre juridique adopté ab initio.

Il peut même arrivé que selon la lex contractus ( loi du contrat) choisie, le contrat se trouve vicié au point d’être partiellement ou totalement annulé et que cette loi, bien que désignée par les parties en toute connaissance de cause, entraîne l’anéantissement de leur projet. Cette hypothèse peut paraître insolite voir ubuesque, mais c’est là l’expression la plus nette de la valeur qui est conférée à la volonté des parties. La loi désignée est appliquée comme prévu, et ce quelles qu’en soient les conséquences.

Il n’est pas permis en revanche aux parties de se confectionner une loi sur mesure en empruntant des règles issues de plusieurs lois différentes. Ce dépeçage vicierait le contrat car il n’aurait manifestement d’autre but que d’écarter une disposition impérative d’une des lois choisies.

La Convention de Rome permet par contre de choisir une loi pour chaque partie du contrat qui soit identifiable et détachable du reste.

LA MISE EN ŒUVRE DU PRINCIPE DE LA LOI D’AUTONOMIE

La détermination concrète de la loi applicable

L’existence d’une clause expresse de choix de la loi dispense de consulter d’autres éléments : Le juge doit s’en tenir au choix exprimé lors de la formation du contrat ou même ultérieurement, dans la mesure où ce choix peut se faire à tout moment. Ce changement de loi applicable ne doit néanmoins pas nuire aux tiers ou remettre en cause les droits acquis par une partie, comme par exemple ceux du salarié en matière de contrat de travail.

Lorsque les parties n’ont pas pensé à désigner la loi applicable ou l’ont fait en termes équivoques ou contradictoires, soit on utilise des indices subjectifs pour découvrir leur volonté ou objectifs tels que le lieu de conclusion du contrat, de son exécution ou du domicile des parties, soit on ne tient pas compte de la volonté des parties pour ne considérer, comme le fait le Convention de Rome, que le pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits.

Les clauses qui permettent d’identifier la volonté des parties quant à la loi à laquelle ils entendent soumettre leur contrat sont nombreuses, notamment lorsque les parties ont recours à des contrats types en usage dans un pays donné ou en présence d’un contrat d’adhésion, soumis à la loi de celui qui l’impose car il l’a élaboré, qu’il en conclut de nombreux et qu’il veut donc certainement qu’ils soient tous soumis à la même loi.

On peut encore se référer à la présence d’une clause compromissoire, le choix d’un ordre juridictionnel faisant présumer le choix de l’ordre juridique dont il dépend ou encore pour un contrat qui ne serait que l’accessoire d’un contrat principal, la loi de ce dernier lui sera aussi applicable.

En revanche, la circonstance qu’une loi soit mieux adaptée qu’une autre pour régir l’opération ne suffit pas à révéler un choix des parties pour cette loi.

Dans la Convention de Rome, l’élément ordinaire de localisation est le suivant :

« Il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ou, s’il s’agit d’une société, association ou personne morale, son administration centrale » (art. 4 §2).

La prestation caractéristique est celle qui permet de distinguer un contrat d’un autre.

Ce n’est donc jamais le paiement d’un prix car celui-ci est commun à de très nombreux contrats.

Si une prestation est impossible à identifier, c’est le juge qui déterminera le centre de gravité du contrat.

Il y a deux avantages à retenir le lieu du domicile de celui qui effectue la prestation caractéristique :

  • C’est souvent un professionnel, ce qui répond à la prévision des parties, surtout si c’est lui qui rédige le contrat.
    Cela lui permet une certaine standardisation de l’opération et la rend plus facile en termes de gestion.

Ces deux avantages répondent au souci de voir se développer le commerce international.

La Convention fait néanmoins quatre exceptions à ce principe :

* Les contrats portant sur un immeuble, pour lesquels la loi applicable est celle du lieu de situation de l’immeuble (sauf pour la construction où l’on retient le principal établissement du constructeur).

* Les contrats de transport de marchandises pour lesquels la loi du transporteur s’applique à condition qu’elle coïncide soit avec le lieu du chargement, soit avec celui du déchargement, soit avec celui de l’établissement principal de l’expéditeur.

* Les contrats conclus par le consommateur pour lesquels la loi applicable est celle du lieu de sa résidence habituelle par souci de protection de ce dernier. C’est une loi de police qui impose qu’on ne puisse priver le consommateur de la protection des dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle. Il faut pour cela, soit que le consommateur ait été sollicité dans son pays et y ait accompli les actes nécessaires à la conclusion du contrat, soit que la commande ait été reçue par le professionnel ou son représentant dans ce même pays, soit que le consommateur se soit rendu dans le pays du professionnel et y ait passé commande grâce à un voyage trans-frontières organisé par ce dernier.

* Les contrats de travail pour lesquels la loi applicable est celle du lieu d’accomplissement habituel du travail, un détachement temporaire n’ayant donc pas d’effet sur la loi du contrat. Si le travail s’accomplit dans plusieurs pays, on tient compte du lieu de l’établissement d’embauche ou du lieu ayant le lien le plus étroit avec le contrat.

Le domaine d’application de la loi désignée

La loi désignée va avoir compétence pour régir tout ce qui touche à la formation du contrat à l’exception du pouvoir des parties, c’est à dire leur consentement, la cause du contrat, tout ce qui est relatif à son existence, à sa licéité et à sa moralité, ainsi que les sanctions attachées à la violation d’une condition de validité du contrat et le régime de l’action tendant à l’annuler, notamment les règles de prescription.

Elle a bien entendu compétence pour régir les effets du contrat. La licéité de ses clauses s’apprécie selon la loi du contrat mais il faut tout de même réserver le cas d’application des lois de police. En effet, si la loi d’autonomie peut mettre à l’écart des lois impératives, il ne peut en être fait autant avec des lois internationalement impératives, c’est à dire des lois de police.

On trouve des lois de police en grand nombre dans des domaines comme le droit de la concurrence, le droit des baux, des contrats d’assurances ou de travail

Il faut remarquer que si l’exécution du contrat est régie par la loi d’autonomie, il arrive que les modalités d’exécution non prévues au contrat soient régies par la loi du lieu d’exécution. La Convention de Rome prévoit cette modalité en son article 10 §2. Par exemple, les opérations d’embarquement et de débarquement des marchandises seront régies par la loi du port où elles s’effectuent.

Enfin les Etats dans lesquels doivent s’effectuer des importations sont compétents en matière de réglementation douanière ou de contrôle des changes.

Selon la Convention de Rome c’est la loi du contrat qui est compétente pour régir les conséquences de l’inexécution des obligations contractuelles. Elle déterminera les possibilités d’exécution forcée, en nature ou en équivalent et précisera le régime de responsabilité contractuelle

LES LIMITES A LA LIBERTE DES PARTIES

De nombreuses règles de forme constituent des lois d’application nécessaire. Le plus souvent ce sont des lois destinées à protéger l’une des parties jugée plus faible. Le législateur qui les a posées ne veut pas qu’elles puissent être éludées par le choix d’une autre loi. C’est le cas du formalisme attaché par exemple à la conclusion d’un contrat de travail ou à la procédure de licenciement.

D’ailleurs, l’article 7 de la Convention de Rome, qui traite des lois de police, a vocation à s’appliquer tant à la forme qu’au fond.

De plus, l’article 9 §6 précise qu’en matière de contrat portant sur des droits réels immobiliers ou un droit d’utilisation d’un immeuble, le juge devra appliquer les règles impératives du pays de situation de l’immeuble pour ce qui concerne la forme des actes.

Un notaire français peut donc très bien recevoir un testament en une forme étrangère , prévoyant certaines mentions obligatoires ou la présence de plusieurs témoins, mais il est obligé d’accomplir par ailleurs toutes les formalités prévues par la loi française qui confère à l’acte son authenticité.

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En conclusion, il est donc conseillé, avant de traiter à l’international, de prendre soin de choisir la loi qui devra régir le rapport contractuel envisagé, d’en délimiter tous les contours et d’identifier les éventuelles lois de police internationales que ce choix ne permettra pas d’éluder, que ces lois soient fondamentales ou, comme nous venons de le voir, purement formelles.

Cabinets FONTANEAU
Paris-Nice-Bruxelles

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