MAJ Deuxième Semestre 2010

THEME I – L’obligation documentaire en matière de prix de transfert en France

 

La loi de finances rectificative pour 2009 instaure une obligation documentaire en matière de prix de transfert qui s’applique aux transactions réalisées au cours des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2010 et codifiée sous l’article L 13 AA du LPF.

Depuis cette date, les entreprises concernées doivent tenir à la disposition de l’administration une documentation permettant de justifier la politique de prix de transfert pratiquée dans le cadre de transactions de toute nature réalisées avec des entreprises associées.

 

Dans le cadre d’une nouvelle instruction l’administration vient de préciser :

Le champ d’application de l’obligation documentaire ;

Le contenu de l’obligation documentaire ;

Les modalités de mise en œuvre de cette obligation ;

Les sanctions applicables pour défaut ; de production de documents requis

 

I. Entreprises concernées par l’obligation documentaire

La nouvelle obligation prévue à l’article L 13 AA du LPF vise toutes les personnes morales établies en France qui répondent à l’une des conditions suivantes :

avoir un chiffre d’affaires annuel hors taxe ou un actif brut figurant au bilan supérieur ou égal à 400.000.000 € (1) ;

détenir, directement ou indirectement, à la clôture de l’exercice, plus de la moitié du capital ou des droits de vote d’une entité juridique établie ou constituée en France ou hors de France satisfaisant à la première condition ;

avoir plus de la moitié du capital ou des droits de vote détenue, à la clôture de l’exercice, directement ou indirectement, par une entité juridique satisfaisant à la première condition ;

bénéficier de l’agrément prévu pour le régime du bénéfice consolidé (CGI art. 209 quinquies), toutes les entités imposables en France faisant partie du périmètre de consolidation étant soumises à l’obligation ;

appartenir à un groupe intégré (CGI art. 223 A) lorsque celui-ci comprend au moins une personne morale mentionnée à l’un des points précédents.

 

II. Opérations concernées par l’obligation documentaire

L’article L 13 AA du LPF vise toutes les opérations réalisées entre entités juridiques liées au sens du 12 de l’article 39 du CGI (2).

 

III. Contenu de la documentation

Selon l’article L 13 AA du LPF, la documentation doit comporter deux parties principales :

une documentation générale (MasterFile) concernant le groupe d’entreprises associées qui doit permettre à l’administration d’appréhender l’environnement économique, juridique, financier et fiscal du groupe ;

une documentation spécifique concernant l’entreprise faisant l’objet d’une vérification qui porte sur les éléments permettant à l’administration d’apprécier la conformité au principe de pleine concurrence des prix de transfert au niveau de l’entité vérifiée.

Par ailleurs, nous attirons votre attention sur le fait que le nouvel article L 13 AB du LPF exige la tenue d’une documentation complémentaire lorsque des transactions sont réalisées avec des entreprises situées dans des Etats ou territoires non coopératifs au sens de l’article 238‑0 A du CGI (3).

 

IV. Sanctions

Le texte prévoit que la documentation doit être tenue à la disposition de l’administration à la date d’engagement de la vérification de comptabilité.

Lorsque l’entreprise vérifiée ne produit pas la documentation requise ou ne produit qu’une documentation partielle, l’administration lui adresse une mise en demeure de produire cette documentation ou de la compléter dans un délai de trente jours.

En cas de défaut de réponse ou d’une réponse partielle à la mise en demeure, l’entreprise vérifiée encourt des sanctions importantes, soit, pour chaque exercice vérifié, une amende d’un montant de 10.000 € ou, compte tenu de la gravité des manquements, d’un montant pouvant atteindre jusqu’à 5% des bénéfices transférés au sens de l’article 57 du CGI (si cette dernière somme est supérieure à 10.000 €) (CGI nouvel art. 1735 ter créé par l’article 22, I-V de la loi de finances rectificative pour 2009).

 

V. Entrée en vigueur

L’obligation documentaire s’applique aux transactions intervenues au cours des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2010.

Par conséquent, en pratique, cette documentation est susceptible d’être requise à compter des premiers contrôles afférents aux exercices ouverts en 2010, soit au plus tôt après la date de dépôt des déclarations de résultats en 2011.

 

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES
4 A-10-10
INSTRUCTION DU 23 DECEMBRE 2010
INSTRUCTION RELATIVE A L’OBLIGATION DOCUMENTAIRE
EN MATIERE DE PRIX DE TRANSFERT.

(C.G.I., art. 1735 ter ; L.P.F., art. L. 13 AA, L. 13 AB et L. 80 E)

NOR : ECE L 10 40011 J

Bureau E 1

P R E S E N T A T I O N

L’article 14 de la loi de finances rectificative pour 2009, codifié à l’article L. 13 AA du livre des procédures fiscales, a instauré une obligation à la charge des personnes morales relevant du périmètre de la direction des grandes entreprises tel que défini à l’article 344-0 A de l’annexe III au code général des impôts et des filiales et établissements de groupes étrangers satisfaisant aux mêmes critères, de tenir à disposition de l’administration une documentation permettant de justifier la politique de prix de transfert pratiquée dans le cadre de transactions de toute nature réalisées avec des entités juridiques liées au sens du 12 de l’article 39 du code général des impôts.

Un article L.13 AB du même livre complète cette obligation lorsque les transactions sont réalisées avec des entités liées situées ou constituées dans des Etats ou territoires non coopératifs au sens de l’article 238-0 A du code général des impôts.

Cette obligation s’applique aux transactions intervenues au cours des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2010.

La présente instruction précise la portée de cette obligation.


CHAPITRE 1 : CHAMP D’APPLICATION DE L’OBLIGATION DOCUMENTAIRE

1. Les personnes morales visées par l’obligation documentaire en matière de prix de transfert prévue à l’article L. 13 AA du livre des procédures fiscales sont celles établies en France :

a) dont le chiffre d’affaires annuel hors taxe ou l’actif brut figurant au bilan est supérieur ou égal à 400.000.000 €, ou

b) détenant à la clôture de l’exercice, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital ou des droits de vote d’une entité juridique satisfaisant à l’une des conditions mentionnées au a), ou

c) dont plus de la moitié du capital ou des droits de vote est détenue, à la clôture de l’exercice, directement ou indirectement, par une entité juridique satisfaisant à l’une des conditions mentionnées au a), ou

d) bénéficiant de l’agrément prévu à l’article 209 quinquies du code général des impôts, et, dans cette hypothèse, toutes les entreprises imposables en France faisant partie du périmètre de consolidation, ou

e) appartenant à un groupe relevant du régime fiscal prévu à l’article 223 A du code général des impôts lorsque celui-ci comprend au moins une personne morale satisfaisant à l’une des conditions mentionnées aux a), b), c), ou d).

2. L’expression « personnes morales établies en France » inclut les personnes morales étrangères disposant en France d’un établissement stable, étant précisé dans ce cas :

– que les conditions mentionnées au a) seront considérées comme satisfaites si elles sont remplies au niveau de l’établissement stable en France ou au niveau de la personne morale à l’étranger ;

– que les conditions mentionnées au b) seront considérées comme satisfaites si elles sont remplies au niveau de l’établissement stable en France ;

– que les conditions mentionnées au c) seront considérées comme satisfaites si elles sont remplies au niveau de la personne morale à l’étranger.

3. Les termes « entité juridique » s’entendent de toute personne morale, de tout organisme, de toute fiducie ou de toute institution comparable, qui est établi ou constitué en France ou à l’étranger.

4. Les critères retenus seront appréciés par l’administration pour chacun des exercices visés par l’avis de vérification de comptabilité.

5. Les entreprises qui ne sont pas situées dans le champ d’application de l’obligation documentaire en matière de prix de transfert prévue à l’article L.13 AA du livre des procédures fiscales sont soumises aux dispositions de l’article L.13 B du même livre.


CHAPITRE 2 : CONTENU DE L’OBLIGATION DOCUMENTAIRE

6. L’obligation documentaire en matière de prix de transfert prévue à l’article L.13 AA du livre des procédures fiscales vise sans distinction tous les types d’opérations réalisées entre entreprises associées.

7. La notion d’entreprises associées coïncide avec celle d’entités juridiques liées au sens de l’article 39.12 du code général des impôts. Ainsi, des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises :

a) lorsque l’une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l’autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ;

b) lorsqu’elles sont placées l’une et l’autre, dans les conditions définies au a), sous le contrôle d’une même tierce entreprise.

8. Conformément aux recommandations du code de conduite élaboré par le Forum conjoint de l’Union européenne, la documentation requise devra être constituée d’un ensemble d’éléments comportant deux niveaux d’information : des informations générales concernant le groupe d’entreprises associées et des informations spécifiques concernant l’entreprise associée faisant l’objet d’une vérification de comptabilité.

9. Pour les personnes morales réalisant des transactions avec une ou plusieurs entreprises associées situées ou constituées dans un Etat ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A du code général des impôts, l’obligation documentaire mentionnée à l’article L.13 AA du livre des procédures fiscales est renforcée conformément aux dispositions du nouvel article L.13 AB du même livre.

10. Conformément aux dispositions de l’article L.123-22 du code de commerce et de l’article 54 du code général des impôts, l’administration a la possibilité de demander que des documents rédigés dans une langue étrangère fassent l’objet d’une traduction en français.

Section 1 : Informations générales concernant le groupe d’entreprises associées

11. Ces informations doivent permettre à l’administration d’appréhender l’environnement économique, juridique, financier et fiscal du groupe d’entreprises associées. L’entreprise faisant l’objet d’une vérification de comptabilité devra fournir à l’administration les documents suivants :

– Une description générale de l’activité déployée incluant les changements intervenus au cours de l’exercice vérifié ;

– Une description générale des structures juridiques et opérationnelles du groupe d’entreprises associées comportant une identification des entreprises associées du groupe engagées dans des transactions contrôlées ;

– Une description générale des fonctions exercées et des risques assumés par les entreprises associées, dès lors qu’ils affectent l’entreprise vérifiée ;

– Une liste des principaux actifs incorporels détenus (brevets, marques, noms commerciaux, savoir-faire…), en relation avec l’entreprise vérifiée ;

– Une description générale de la politique de prix de transfert du groupe.

12. Les principales entités du groupe devront être présentées. Le niveau de détail des informations relatives à chacune sera fonction, d’une part, de sa place dans l’organisation du groupe et de sa contribution à l’ensemble des activités, d’autre part, de la place que ses fonctions et ses actifs occupent dans la détermination de la politique de prix de transfert du groupe.

Section 2 : Informations spécifiques concernant l’entreprise associée faisant l’objet d’une vérification de comptabilité

13. Ces informations doivent permettre à l’administration d’apprécier la conformité au principe de pleine concurrence, tel que défini par les Principes directeurs de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert, de la politique de prix de transfert mise en œuvre par l’entreprise vérifiée.

14. L’entreprise faisant l’objet d’une vérification de comptabilité doit notamment fournir les documents suivants :

– une description de l’activité déployée incluant les changements intervenus au cours de l’exercice vérifié ;

Pour les établissements de crédits et les entreprises d’investissements tels que définis respectivement aux articles L.511-1 et L.531-4 du code monétaire et financier, cette description présentera notamment les différentes lignes de métiers et lignes de produits.

– une description des opérations réalisées avec d’autres entreprises associées incluant la nature des flux et les montants, y compris les redevances ; ces éléments pourront porter sur les flux globaux par type de transaction ;

Pour les établissements de crédit et les établissements d’investissement mentionnés supra ces informations pourront être fournies par catégories d’opérations ou par lignes de produits ou de métiers, selon la structure et l’organisation propres à l’établissement de crédit ou à l’entreprise d’investissement.

– une liste des accords de répartition de coûts, une copie des accords préalables en matière de prix de transfert et des rescrits couvrant la détermination des prix de transfert, affectant les résultats de l’entreprise vérifiée ;

– une présentation de la ou des méthode(s) de détermination des prix de transfert dans le respect du principe de pleine concurrence, comportant une analyse des fonctions exercées, des actifs utilisés et des risques assumés ainsi qu’une explication concernant la sélection et l’application de la ou des méthodes retenues ;

Pour les établissements de crédit et les entreprises d’investissement précités, la documentation produite pourra décrire les méthodes utilisées par catégories d’opérations, ou par lignes de produits ou de métiers.

– lorsque la méthode de détermination des prix de transfert retenue le requiert, une analyse des éléments de comparaison considérés comme pertinents par l’entreprise, incluant les caractéristiques des biens ou services, l’analyse fonctionnelle (fonctions exercées, actifs utilisés, risques assumés), les clauses contractuelles, les situations économiques et les stratégies spécifiques des entreprises utilisées comme comparables.

15. L’entreprise faisant l’objet d’une vérification de comptabilité peut produire, si elle le juge utile, tout autre document susceptible d’éclairer l’administration.

16. Conformément au droit de contrôle prévu par l’article L. 10 du livre des procédures fiscales, l’administration conserve la possibilité de demander à l’entreprise vérifiée des éléments complémentaires.

Section 3 : Informations complémentaires requises lorsque des transactions
sont réalisées avec des entreprises associées situées dans un Etat ou territoire
non coopératif

17. Lorsque des transactions de toute nature sont réalisées avec une ou plusieurs entreprises associées établies ou constituées dans un Etat ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A du code général des impôts, la documentation visée à l’article L. 13 AA du livre des procédures fiscales comprend également, pour chaque entreprise bénéficiaire des transferts, une documentation complémentaire comprenant l’ensemble des documents qui sont exigés des sociétés passibles de l’impôt sur les sociétés, y compris le bilan et le compte de résultats établis dans les conditions prévues par les articles 102 U et 102 V de l’annexe II du code précité.

La liste des Etats ou territoires non coopératifs, établie par arrêté conjoint des ministres chargés de l’Economie et du Budget après avis du ministre des Affaires étrangères, est mise à jour au 1er janvier de chaque année.


CHAPITRE 3 : MODALITES DE MISE EN ŒUVRE

Section 1 : Une documentation fondée sur des éléments contemporains
et tenue à jour

18. La documentation requise énumérée supra (cf. paragraphes 11 à 17) doit être tenue à la disposition de l’administration à la date d’engagement de la vérification de comptabilité générale, ponctuelle ou simple, à savoir, à la date de la première intervention sur place telle que figurant sur l’avis de vérification de comptabilité.


19. Sans préjudice d’ajustements de fin d’exercice, cette documentation doit être établie ou actualisée de manière à permettre aux entreprises visées à l’article L.13 AA du livre des procédures fiscales de veiller, dès le moment où elles fixent leurs prix de transfert, à ce que ces prix soient conformes au principe de pleine concurrence. Corrélativement, les études de comparables doivent privilégier les informations les plus récentes disponibles à la date de facturation des transactions. Lorsque les conditions d’exercice de l’activité demeurent inchangées, il peut néanmoins être admis que les études de comparables soient actualisées par période triennale.

Section 2 : Envoi d’une mise en demeure en cas de non-respect de l’obligation documentaire

20. Lorsque l’entreprise vérifiée ne produit pas la documentation requise ou lorsqu’elle produit une documentation partielle, l’administration lui adresse une mise en demeure de la produire ou de la compléter dans un délai de trente jours. La mise en demeure, adressée par lettre recommandée avec accusé de réception, mentionne les documents ou les compléments attendus ainsi que les sanctions applicables en cas de défaut de réponse ou de réponse partielle.

21. La documentation est considérée comme complète lorsqu’elle permet à l’administration d’évaluer la politique de prix de transfert de l’entreprise dans son ensemble, sans préjuger des justificatifs que l’administration est en droit d’exiger dans le cadre de la vérification de transactions spécifiques. Elle conserve donc un caractère général (en pratique, elle n’a pas vocation à excéder une cinquantaine de pages) mais doit être suffisamment précise pour permettre à l’administration d’apprécier si la politique de prix de transfert mise en œuvre par l’entreprise vérifiée est conforme au principe de pleine concurrence et aux standards de l’OCDE.

22. Une documentation pourra être considérée comme partielle lorsque l’entreprise vérifiée ne fournit pas l’ensemble des documents visés aux paragraphes 11 à 17 de la présente instruction ou lorsque la documentation produite fait référence à des principes très généraux (respect du principe de pleine concurrence, recours aux méthodes reconnues par l’OCDE…) sans justifier de l’application de ces principes à l’entreprise vérifiée.

23. L’entreprise vérifiée peut, par une demande écrite et motivée, solliciter, en précisant la durée, une prorogation du délai de réponse qui dans tous les cas ne pourra excéder au total une durée de deux mois. Dans cette hypothèse, il incombe à l’administration d’informer l’entreprise vérifiée de la décision retenue, en lui indiquant, dans l’affirmative, la date d’expiration du délai complémentaire accordé.

Section 3 : Sanctions applicables

24. Lorsque l’entreprise vérifiée ne produit pas la documentation requise ou produit une documentation partielle dans le délai de trente jours suivant la réception de la mise en demeure adressée par le service vérificateur, ou dans le délai régulièrement prorogé, elle est passible d’une amende prévue à l’article 1735 ter du code général des impôts. Cette amende est égale à 10.000 € ou à un montant pouvant atteindre, compte tenu de la gravité des manquements, 5 % des bénéfices transférés au sens de l’article 57 du code général des impôts, si ce montant est supérieur à 10.000 €. L’amende s’applique pour chacun des exercices couverts par la vérification de comptabilité.

25. La pénalité maximale est appliquée en l’absence de toute documentation ou en cas de lacunes privant la documentation de toute pertinence.

26. Bien entendu, un simple désaccord sur la méthode de fixation des prix de transfert la plus appropriée ne saurait motiver l’application de la pénalité prévue à l’article 1735 ter du code général des impôts.

A. VISA HIERARCHIQUE

27. La décision d’appliquer l’amende visée à l’article 1735 ter du code général des impôts est prise par un agent ayant au moins le grade d’inspecteur départemental qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités (art. L.80 E et R.80 E-1 du livre des procédures fiscales).

28. Le visa de l’agent ayant au moins le grade d’inspecteur départemental est requis non seulement sur le document initial de motivation des pénalités mais également sur tout document qui, avant la mise en recouvrement et pour quelque motif que ce soit, modifie la base légale, la qualification ou les motifs des pénalités (CE, arrêt du 6 avril 2007, n°269 402).

B. MAINTIEN DU DROIT AUX PROCEDURES AMIABLES CONVENTIONNELLES

29. L’amende visée à l’article 1735 ter du code général des impôts ne constitue pas une pénalité grave au sens de l’article 8-1 de la convention européenne du 23 juillet 1990 relative à l’élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d’entreprises associées et de l’instruction 14 F-1-06 du 23 février 2006 relative aux procédures amiables (Cf. paragraphe 26 de ladite instruction). Cette amende ne prive donc pas l’entreprise de la possibilité de recourir aux procédures prévues par la convention européenne du 23 juillet 1990 relative à l’élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d’entreprises associées et par les conventions fiscales bilatérales.

30. Les dispositions de l’article L.189 A du livre des procédures fiscales ne s’appliquent pas à l’amende visée à l’article 1735 ter du code général des impôts.

31. L’amende prévue à l’article 1735 ter du code général des impôts doit être, le cas échéant, recalculée sur la base des rectifications confirmées à l’issue des procédures amiable ou d’arbitrage. S’il y a lieu, la différence entre l’amende recouvrée et l’amende confirmée à l’issue de ces procédures fait l’objet d’un remboursement ne donnant pas lieu au décompte d’intérêts moratoires.

CHAPITRE 4 : CONFIDENTIALITE DES INFORMATIONS TRANSMISES

32. Le caractère confidentiel de l’information ne peut être opposé à l’administration pour faire obstacle à la communication d’un document.

33. Les règles relatives au secret fiscal s’appliquent aux informations transmises dans le cadre de l’obligation documentaire prévue aux articles L.13 AA et L.13 AB du livre des procédures fiscales.


CHAPITRE 5 : ENTREE EN VIGUEUR

34. Les dispositions des articles L.13 AA et L.13 AB du livre des procédures fiscales s’appliquent aux transactions réalisées au cours des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2010.


THEME II – Procédure de répression de l’abus de droit, en France : modification


L’article L 64 du LPF a été refondu dans le cadre de la LFR pour 2008 (Art. 35).

ü       Une nouvelle définition de l’abus de droit a été retenue ;

ü       L’énumération des impôts visés a été supprimée, la procédure d’abus de droit est devenue applicable, sans restriction, à l’ensemble des impôts ;

ü       Le « comité consultatif pour la répression des abus de droit » a été remplacé par le « comité de l’abus de droit fiscal » ;

ü       L’abus de droit entraînait l’application de l’intérêt de retard (Art.1727 CGI) et d’une majoration de 80 %. Cette majoration a été ramenée à 40 % dans certaines situations ;

Les règles de solidarité ont été modifiées.

Il ressort de la nouvelle rédaction de l’article L 64 du LPF : « Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ».

L’administration fiscale, vient de commenter ces aménagements dans trois nouvelles instructions fiscales.

L’administration apporte notamment un éclairage sur « les textes ou les décisions retenus pour établir une fraude à la loi au sens de l’article L. 64 du LPF ». Elle confirme ainsi que « les instructions administratives publiées au bulletin officiel des impôts ne sont pas constitutives de décisions »

 

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES
13 L-9-10

INSTRUCTION DU 9 SEPTEMBRE 2010
PROCEDURE DE L’ABUS DE DROIT FISCAL.

ARTICLE 35 DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2008 (LOI N° 2008-1443 DU 30 DECEMBRE 2008).
(L.P.F., art. L. 64)
NOR : BCR Z 10 00063 J
Bureau JF-2B

ECONOMIE GENERALE DE LA MESURE

L’article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008 (n° 2008-1443 du 30 décembre 2008) a modifié la procédure de répression des abus de droit prévue aux articles L. 64 et L. 64 A du livre des procédures fiscales. Cette réforme fait suite au rapport Fouquet sur la sécurité juridique en matière fiscale (« Améliorer la sécurité juridique des relations entre l’administration fiscale et les contribuables : une nouvelle approche ») remis au ministre du Budget, des Comptes publiques et de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat en juin 2008 dont elle reprend l’essentiel des recommandations en matière d’abus de droit.

La refonte de la procédure de l’abus de droit a pour effet :

– de préciser la définition de l’abus de droit (LPF, art. L. 64) ;

– d’harmoniser les pénalités applicables pour abus de droit ou fraude à la loi (CGI, art. 1729) ;

– de modifier les règles de paiement solidaire de ces pénalités (CGI, art. 1754 V 1) ;

– et de modifier la composition du comité consultatif pour la répression des abus de droit, son fonctionnement de même que sa dénomination (CGI, art. 1653 C, 1653 D et 1653 E).

Les dispositions relatives à la procédure de l’abus de droit fiscal s’appliquent aux propositions de rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2009. Les dispositions concernant le comité entrent en vigueur le 1er janvier 2009 et le 1er avril 2009 concernant sa composition.

La présente instruction commente les modifications ainsi apportées aux articles L. 64 et L. 64 A du livre des procédures fiscales et mentionne les nouvelles règles applicables en matière de majoration pour abus de droit, de solidarité de paiement des pénalités et concernant le comité, expose les nouvelles règles qui le régissent en termes de composition, de fonctionnement et de dénomination.


INTRODUCTION

1. L’article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008 (n° 2008-1443 du 30 décembre 2008) a modifié la procédure de répression des abus de droit prévue aux articles L. 64 et L. 64 A du livre des procédures fiscales. La présente instruction a pour objet de rappeler les principes généraux de cette procédure et de commenter les nouveaux principes applicables résultant de la réforme. Des précisions sont apportées en particulier quant à sa définition, aux majorations applicables, à la solidarité de paiement des pénalités ainsi qu’à la composition, aux règles de fonctionnement et à la dénomination du comité consultatif pour la répression des abus de droit.

Les commentaires sur les modifications apportées aux dispositions concernant la majoration pour abus de droit (CGI, art. 1729 b) et aux dispositions concernant la solidarité de paiement des pénalités en cas d’abus de droit (CGI, art. 1754 V 1) sont repris dans le BOI 13 N-3-10.

Les commentaires sur la composition, le fonctionnement, la dénomination et la procédure suivie devant le comité de répression des abus de droit figurant dans la documentation de base sous la référence 13 M 5 sont rapportés et repris dans le BOI 13 M-2-10 assortis des commentaires sur les modifications apportées par l’article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008 (n° 2008-1443 du 30 décembre 2008).

Section 1 : Règles antérieures

A. CHAMP D’APPLICATION DE LA PROCEDURE DE REPRESSION DES ABUS DE DROIT

2. La procédure de répression des abus de droit prévue aux articles L. 64 et L. 64 A du livre des procédures fiscales est une procédure contradictoire mise en oeuvre exceptionnellement dans des affaires importantes ou particulièrement délicates qui permet d’écarter des actes juridiques dans les situations de fictivité juridique et de fraude à la loi1, c’est-à-dire lorsque ces actes ont pour objectif la recherche d’un but exclusivement fiscal par le contournement de la norme.

La procédure de répression des abus de droit, telle qu’en vigueur pour les propositions de rectification notifiées avant le 1er janvier 2009, ne s’applique pas à tous les impôts. Les impôts visés par la procédure prévue aux articles L. 64 et L. 64 A du livre des procédures fiscales sont : l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés, les taxes sur le chiffre d’affaires et taxes assimilées, les droits d’enregistrement et la taxe de publicité foncière, l’impôt de solidarité sur la fortune et la taxe professionnelle. Sont en revanche exclues de cette procédure les taxes sur les salaires, la taxe d’habitation et la taxe foncière.

De même, la procédure de répression des abus de droit ne s’applique pas à tous les aspects des impôts qui entrent dans son champ d’application. Par exemple, en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés cette procédure n’est applicable qu’à l’établissement de l’assiette de l’impôt à l’exclusion de sa liquidation et de son paiement.

De plus, des garanties spécifiques sont accordées au contribuable dans le cadre de la procédure de répression des abus de droit : le visa de la proposition des rectifications par un agent ayant au moins le grade d’inspecteur départemental et la possibilité de demander la saisine pour avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat a rappelé que le principe général de « fraude à la loi » s’appliquait aux impôts non visés par le texte opérant en matière d’abus de droit et aux actes qui ne visent pas à obtenir une minoration de l’assiette de l’impôt (CE, 27 septembre 2006, n° 260050, Janfin). L’application dans ces situations de la majoration pour manœuvres frauduleuses est possible s’il est démontré que le contribuable a créé des apparences de nature à égarer l’administration dans l’exercice de son pouvoir de contrôle.

En conséquence, sur le terrain de la fraude à la loi, selon que l’administration utilise ou non la procédure de répression des abus de droit c’est-à-dire que les opérations examinées sont constitutives ou non d’un abus de droit au sens des articles L. 64 et L. 64 A du livre des procédures fiscales, les situations contrôlées sont traitées diversement aussi bien en termes de pénalités applicables, de paiement solidaire de ces pénalités qu’en termes de garanties accordées au contribuable.

3. En application des dispositions de l’article L. 64 B du livre des procédures fiscales, la procédure définie à l’article L. 64 du même livre n’est pas applicable lorsqu’un contribuable, préalablement à la conclusion d’un contrat ou d’une convention, a consulté par écrit l’administration centrale en lui fournissant tous éléments utiles pour apprécier la portée véritable de cette opération, et que l’administration n’a pas répondu dans un délai de six mois à compter de cette demande ou a confirmé que l’opération présentée ne constituait pas un abus de droit.

B. MAJORATION POUR ABUS DE DROIT

4. Les inexactitudes ou rehaussements relevés dans le cadre de la procédure de répression des abus de droit sont passibles de la majoration de 80 % prévue au b de l’article 1729 du code général des impôts.

C. SOLIDARITE DE PAIEMENT DES PENALITES EN CAS D’ABUS DE DROIT

5. En application du 1 du V de l’article 1754 du code général des impôts, en cas d’abus de droit l’intérêt de retard et la majoration prévue à l’article 1729 sont dus par toutes les parties à l’acte ou à la convention qui sont solidairement tenues à leur paiement.

L’administration n’est pas autorisée à réclamer à un contribuable contrôlé les pénalités (majoration pour abus de droit et intérêt de retard) qui résultent de la procédure de répression des abus de droit dès lors que ce contribuable n’est pas partie à l’acte ou à la convention litigieux bien qu’en étant le bénéficiaire. Seules les parties à ces actes ou conventions sont redevables solidairement des pénalités (CE, 23 août 2006, n° 262914, Treilhou).

D. LE COMITE CONSULTATIF POUR LA REPRESSION DES ABUS DE DROIT

6. Le comité consulté pour avis à l’initiative du contribuable ou de l’administration se dénomme « comité consultatif pour la répression des abus de droit » (CCRAD). Il est composé en application de l’article 1653 C du code général des impôts d’un conseiller d’Etat, président, d’un conseiller à la Cour de cassation, d’un professeur des universités, agrégé de droit ou de sciences économiques, et d’un conseiller maître à la Cour des comptes nommés par le ministre de l’économie et des finances. Sont également désignés dans les mêmes conditions un ou plusieurs agents supérieurs de la direction générale des impôts pour remplir les fonctions de rapporteur auprès du comité.

7. La procédure suivie devant le CCRAD est écrite.

 

Section 2 : Règles nouvelles

A. CHAMP D’APPLICATION DE LA PROCEDURE DE L’ABUS DE DROIT FISCAL

1. Définition de l’abus de droit fiscal

8. L’article L. 64 du livre des procédures fiscales résultant de l’article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008 définit l’abus de droit comme suit :

« Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ».

9. Désormais, la procédure de l’abus de droit fiscal concerne tous les impôts et peut être mise en œuvre indifféremment lorsque la situation constitutive de l’abus porte sur l’assiette, la liquidation de l’impôt ou son paiement.

10. Cette définition couvre les situations de fictivité juridique et de fraude à la loi.

11. En pratique, la fictivité juridique est constituée par la différence objective existant entre l’apparence juridique créée par l’acte en cause et la réalité, en particulier économique, sous-jacente à cet acte.

Selon la jurisprudence, la fraude à la loi en matière fiscale, souvent résumée par la recherche d’un but exclusivement fiscal, est constituée toutes les fois que sont réunies cette recherche d’un but exclusivement fiscal et, d’autre part, l’obtention d’un avantage fiscal par une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs (CE, 29 décembre 2006, n°283314, Bank of Scotland), par exemple par le recours à un montage juridique et économique artificiel (CE, 18 mai 2005, n° 267087, Sagal, CE, 18 février 2004, n° 247729, Pléiade et CE, 27 juillet 2009, n° 295358, Caisse Interfédérale du Crédit Mutuel).

12. La recherche d’un but exclusivement fiscal consistant à éluder ou atténuer les charges fiscales peut notamment prendre la forme d’une réduction d’une dette d’impôt ou de la perception indue d’un crédit d’impôt ou encore de l’augmentation abusive d’une situation déficitaire.

L’exercice d’une option offerte par la législation fiscale n’est pas en soi constitutif d’un abus de droit, les conditions qui ont permis de se trouver en situation d’exercer cette option peuvent en revanche être abusives et encourir la mise en oeuvre de la procédure de l’abus de droit fiscal (CE, ass.plén., 3 février 1984, n° 38230, Mme Bilger Gillet).

2. Les actes qui peuvent être écartés par la procédure de l’abus de droit fiscal

13. Tout comme avant la réforme de l’abus de droit issue de l’article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008, les actes que l’administration peut écarter en démontrant un abus de droit sont des actes écrits ou non écrits (bail verbal, …) qu’ils soient unilatéraux, bilatéraux ou multilatéraux : il s’agit en pratique de tout document ou fait2 qui manifeste l’intention de son auteur et produit des effets de droit.

3. Les textes ou les décisions retenus pour établir une fraude à la loi au sens de l’article L. 64 du LPF a. Les textes

14. Lorsque la mise en œuvre de la procédure de l’abus de droit fiscal a pour objectif la démonstration d’une fraude à la loi c’est-à-dire la mise en évidence de la recherche d’un but exclusivement fiscal par l’application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, les textes en question s’entendent des lois et le cas échéant des textes réglementaires (décrets pris en Conseil d’Etat, décrets simples, arrêtés, …) qui en précisent les conditions d’application.

b. Les décisions

15. Les décisions susceptibles d’être prises en compte pour établir une fraude à la loi s’entendent de celles qui vont au-delà du simple commentaire de la norme et qui de ce fait créent du droit.

– Il en résulte que les instructions administratives publiées au bulletin officiel des impôts ne sont pas constitutives de décisions au sens de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans la mesure où elles ont en principe pour seul objet de commenter la norme (loi, décret ou arrêté) et donc qu’elles ne créent pas du droit.

Il peut en être différemment des instructions dont les dispositions outrepassent le commentaire et comportent ainsi une interprétation qui ajoute à la norme : dans l’hypothèse où un contribuable fait une application littérale d’une telle instruction à l’encontre des objectifs poursuivis par son auteur, la procédure de l’abus de droit fiscal est susceptible de s’appliquer.

En conséquence, le n° 29 de la DB 13 L 1531 du 1er juillet 2002 est rapporté.

– Les décisions administratives entrent dans le champ de l’article L. 64 du LPF lorsqu’elles sont de portée générale et comportent une interprétation favorable de la loi, telles les réponses ministérielles à des questions écrites des parlementaires ou les réponses à des représentants d’organisations professionnelles.

Les précisions doctrinales apportées par l’administration fiscale et mises en ligne sur le site internet de la DGFiP (www.impots.gouv.fr), à la rubrique « documentation », sous-rubrique « la documentation fiscale en ligne », onglet « les rescrits », Table Analytique des Rescrits » entrent également dans le champ de l’article L. 64 du LPF.

16. En revanche, les décisions individuelles ne peuvent en aucun cas servir de fondement à l’application de la procédure d’abus de droit fiscal.

4. Le rescrit « abus de droit »

17. En application des dispositions de l’article L. 64 B du livre des procédures fiscales, la procédure prévue à l’article L. 64 du même livre n’est pas applicable lorsqu’un contribuable, préalablement à la conclusion d’un ou plusieurs actes, a consulté par écrit l’administration centrale en lui fournissant tous éléments utiles pour apprécier la portée véritable de ces actes, et que celle-ci n’a pas répondu dans un délai de six mois ou a confirmé que l’opération présentée ne constituait pas un abus de droit.

B. MAJORATION POUR ABUS DE DROIT

18. En application du b de l’article 1729 du code général des impôts, les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de 80 % en cas d’abus de droit au sens de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu’il n’est pas établi que le contribuable a eu l’initiative principale du ou des actes constitutifs de l’abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire.

Désormais, deux taux sont susceptibles de s’appliquer :

– 40 % dès lors qu’il y a abus de droit ;

– 80 % si le service établit que le contribuable est l’instigateur principal ou le bénéficiaire principal de l’abus de droit.

L’application de la majoration de 80 % nécessite donc une démonstration et une motivation étayées dans la proposition de rectification. Cette démonstration pourra être apportée par tous moyens, notamment par référence à des pièces saisies suite à une opération de visite et de saisie ou par référence aux fonctions et au rôle du ou des intéressés dans l’opération en cause.

A défaut de cette démonstration, seule la majoration de 40% est applicable.

19. Sur la notion de « bénéficiaire principal », dans tous les cas où le contribuable contrôlé est l’unique bénéficiaire de l’acte ou des actes écartés, le rehaussement de la majoration pour abus de droit de 40 à 80 % ne pose pas de difficulté.

En cas de pluralité de bénéficiaires, la notion de bénéficiaire « principal » ou d’instigateur « principal » repose sur une appréciation qualitative des faits et a vocation à s’appliquer à tous les contribuables qui ont pris une part active dans le montage considéré comme abusif par l’administration.

A l’inverse, le taux de pénalité de 40 % s’applique lorsque le contribuable s’est montré « passif » c’est-à-dire n’a pas initié le montage critiqué ou en a retiré un avantage de moindre importance que celui perçu par les autres personnes impliquées.

Dans les situations où plusieurs personnes bénéficient des opérations abusives en droit dans les mêmes proportions, elles sont chacune considérées comme « bénéficiaire principal ».

L’appréciation du caractère principal du bénéficiaire d’un acte ne se limite pas au seul critère mathématique.

Ainsi, face à deux associés, l’un détenant 50 % plus un des titres d’une société et son co‑associé le solde, l’application de la majoration au premier des deux associés conduirait à une situation tout à fait inéquitable que n’a pu souhaiter le législateur.

Sont considérés comme les principaux bénéficiaires et les principaux instigateurs tous les participants à une opération abusive au sens de l’article L. 64 du LPF bien que chacun soit actionnaire minoritaire dès lors que la mise en place de la filiale litigieuse ne trouve sa raison d’être que dans la participation de plusieurs associés minoritaires (CE n° 295358 du 27 juillet 2009 Caisse Interfédérale du Crédit Mutuel).

Le dispositif du b de l’article 1729 du code général des impôts a pour vocation d’écarter les associés très minoritaires d’une société qui ne sont en fait que des associés passifs et qui ne disposent pas d’information particulière ni de pouvoir de décision au sein de la société. Ce dispositif permet d’appliquer la sanction au taux de 40 % dès lors que certains bénéficiaires de l’opération critiquée n’en retirent qu’un avantage fiscal minime attestant ainsi de l’absence d’intentionnalité dans la manœuvre constatée.

Bien entendu, si le ou les bénéficiaire(s) « secondaire(s) » de l’opération litigieuse sont à l’initiative du montage critiqué et sous réserve que l’administration en fasse la démonstration dans la proposition de rectification qui leur est adressée, les droits sont assortis de la majoration de 80%.

20. La majoration est applicable, quelle que soit la nature des impôts en cause, dans tous les cas où les cotisations réclamées aux contribuables ou établies à leur nom résultent d’une rectification motivée par un abus de droit.

À cet égard, il n’y a pas lieu de distinguer selon que les cotisations en cause ont été, ou non, établies ou réclamées, après avis du comité dont la consultation facultative est prévue par l’article L. 64 susvisé, ou même contrairement à l’avis de ce comité.

C. SOLIDARITE DE PAIEMENT DES PENALITES EN CAS D’ABUS DE DROIT

21. En application du 1 du V de l’article 1754 du code général des impôts, en cas d’abus de droit ou de dissimulation d’une partie du prix stipulé dans un contrat, toutes les parties à l’acte ou à la convention sont tenues solidairement, avec le redevable de la cotisation d’impôt ou de la restitution d’une créance indue, au paiement de l’intérêt de retard et de la majoration prévue à l’article 1729 du même code.

Il s’agit bien évidemment d’un fait juridique matérialisant une volonté. Le Conseil d’Etat a admis que l’occupation de résidences principales successives préalablement à leur revente pouvait être fictive (CE, 18 novembre 1991, n° 77303). Il en va de même pour le choix d’un domicile.

Cette modification a pour effet de rétablir le contribuable dans sa qualité de redevable des pénalités, dont la majoration pour abus de droit, les parties à l’acte ou aux actes constitutifs de l’abus de droit étant solidairement responsables de leur paiement avec ce contribuable. Peu importe que le contribuable contrôlé soit ou non partie aux actes que l’administration écarte dans le cadre de la démonstration d’un abus de droit.

D. COMITE DE L’ABUS DE DROIT FISCAL

1. Composition du comité

22. Jusqu’à la réforme de l’abus de droit, le comité est composé en application de l’article 1653 C du code général des impôts des représentants de l’Etat nommés par le ministre de l’économie et des finances :

– un conseiller d’Etat, président,

– un conseiller à la Cour de cassation,

– un professeur des universités, agrégé de droit ou de sciences économiques,

– et un conseiller maître à la Cour des comptes.

Sont également désignés dans les mêmes conditions un ou plusieurs agents supérieurs de la direction générale des impôts pour remplir les fonctions de rapporteur auprès du comité.

23. En application de l’article 1653 C du code général des impôts modifié par l’article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008, la composition du comité de l’abus de droit fiscal est étendue à compter du 1er avril 2009 à :

– un avocat ayant une compétence en droit fiscal,

– un notaire,

– un expert-comptable.

24. Tous les membres du comité sont nommés par le ministre chargé du budget ; l’avocat, le notaire et l’expert-comptable le sont en particulier sur proposition respectivement du Conseil national des barreaux, du Conseil supérieur du notariat et du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables. Des suppléants pour chacun des membres du comité sont nommés dans les mêmes conditions que les membres titulaires.

Le ministre chargé du budget désigne en outre un ou plusieurs agents de catégorie A de la direction générale des finances publiques pour remplir les fonctions de rapporteur auprès du comité.

Secret professionnel

25. En application du II de l’article 1653 D (nouveau) du code général des impôts, les membres et les personnels du comité de l’abus de droit fiscal sont tenus au respect des règles de secret professionnel définies à l’article L. 103 du livre des procédures fiscales.

Ce secret n’est pas opposable à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre d’une procédure pénale.

Incapacité à la désignation comme membre du comité

26. En application du III de l’article 1653 D (nouveau) du code général des impôts, nul ne peut être membre de ce comité s’il a été condamné au cours des cinq années passées, selon les modalités prévues à l’article 131-27 du code pénal, à une peine d’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.

2. Règles d’incompatibilité

27. Des règles d’incompatibilité entre la qualité de membre du comité de l’abus de droit fiscal et les intérêts professionnels des membres de ce comité est prévue au I de l’article 1653 D (nouveau) du code général des impôts.

3. La procédure suivie devant le comité

28. En application de l’article 1653 E (nouveau) du code général des impôts, lorsque le comité de l’abus de droit fiscal est saisi, le contribuable et l’administration sont invités par le président à présenter leurs observations dans le cadre d’un débat oral et contradictoire. Le contribuable conserve la possibilité de ne pas se présenter ou de se faire représenter.

E. DENOMINATION DU COMITE ET DE LA PROCEDURE DE RECTIFICATION

29. Le comité chargé de l’examen pour avis des affaires engagées dans le cadre de la procédure de l’abus de droit fiscal tient sa dénomination de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales qui mentionne le « comité de l’abus de droit fiscal » (et non plus le « comité consultatif pour la répression des abus de droit »).

30. S’agissant de la procédure prévue à l’article L. 64, les propositions de rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2009 font état de la « procédure de l’abus de droit fiscal ».


Section 3 : Entrée en vigueur

31. Les nouvelles dispositions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales sur le champ d’application de la procédure de l’abus de droit fiscal, du b de l’article 1729 code général des impôts sur la majoration pour abus de droit et du 1 du V de l’article 1754 du même code s’appliquent conformément à l’article L. 284 du livre des procédures fiscales aux propositions de rectification notifiées à compter du 1er janvier 2009 sans faire obstacle, le cas échéant, à l’application rétroactive des dispositions du b de l’article 1729 précité à des agissements commis avant cette date, en vertu de l’application rétroactive de la loi pénale la plus douce (article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789).

Les nouvelles dispositions de l’article 1653 C du code général des impôts sur la composition du comité de l’abus de droit fiscal s’appliquent à compter du 1er avril 2009.

Les dispositions de l’article 1653 D (nouveau) du code général des impôts sur les règles d’incompatibilité, sur le secret professionnel des membres du comité et sur les règles d’incapacité à la désignation comme membre du comité de l’abus de droit fiscal, de même que les dispositions de l’article 1653 E (nouveau) du même code sur la procédure suivie devant ce comité s’appliquent à compter du 1er janvier 2009.

 

THEME III – Lever les obstacles fiscaux transfrontaliers pour les citoyens européens


Dans la présente communication, la Commission répertorie les problèmes fiscaux transfrontaliers les plus pressants auxquels les citoyens de l’Union sont confrontés et expose des solutions envisageables. Selon le cas, ces solutions pourraient prendre la forme d’une modification des règles fiscales des États membres en vue de supprimer les discriminations, de l’introduction de règles communes à l’échelle de l’Union ou du renforcement de la coopération entre les administrations fiscales de l’UE dans de nouveaux domaines, ou encore de campagnes d’information et de sensibilisation. Il ne faut pas que les règles fiscales dissuadent les particuliers de profiter du marché intérieur.

 

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL, AU PARLEMENT

EUROPÉEN ET AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

Lever les obstacles fiscaux transfrontaliers pour les citoyens de l’Union européenne

 

1. INTRODUCTION

Depuis 1992, les ressortissants des États membres de l’Union européenne (UE) sont non seulement citoyens de leur État membre d’origine, mais aussi citoyens de l’Union. Le droit de l’Union européenne confère aux 500 millions de citoyens de l’Union le droit de se rendre dans tout pays de l’UE pour y vivre, y étudier, y travailler ou y passer leur retraite, ainsi que le droit d’effectuer des achats ou d’investir dans ces pays.

Dans sa stratégie « Europe 2020 »[1] pour une croissance intelligente, durable et inclusive dans l’UE, la Commission européenne a conclu que pour relancer l’économie de l’Union européenne, il fallait notamment donner aux citoyens les moyens de participer pleinement au marché unique et créer la confiance nécessaire à cet effet.

Toutefois, dans les faits, les citoyens de l’Union sont confrontés à de nombreux obstacles lorsqu’ils veulent effectuer des activités transfrontalières au sein du marché unique. Les citoyens doivent pouvoir exercer pleinement leur droit d’agir dans l’UE par-delà les frontières en tant que citoyens, consommateurs, étudiants, travailleurs, patients ou retraités. L’acte pour le marché unique[2] et le rapport sur la citoyenneté de l’Union[3] ont recensé des mesures à prendre dans toute une série de domaines pour que les droits des citoyens de l’Union soient totalement effectifs. La fiscalité figure au nombre de ces domaines.

Dans la présente communication, la Commission répertorie les problèmes fiscaux transfrontaliers les plus pressants auxquels les citoyens de l’Union sont confrontés et expose des solutions envisageables. Selon le cas, ces solutions pourraient prendre la forme d’une modification des règles fiscales des États membres en vue de supprimer les discriminations, de l’introduction de règles communes à l’échelle de l’Union ou du renforcement de la coopération entre les administrations fiscales de l’UE dans de nouveaux domaines, ou encore de campagnes d’information et de sensibilisation. Il ne faut pas que les règles fiscales dissuadent les particuliers de profiter du marché intérieur.

 

2. DIFFICULTES FISCALES TRANSFRONTALIERES ACTUELLEMENT RENCONTREES PAR LES CITOYENS DE L’UNION

Les citoyens de l’Union soulèvent fréquemment des questions au sujet de problèmes fiscaux transfrontaliers via les différents points de contacts proposés par la Commission sur le portail « L’Europe est à vous »[4]. Ainsi, il ressort des rapports annuels du service d’orientation pour les citoyens (SOC), du service Solvit et du centre de contact Europe Direct que ces services reçoivent de nombreuses demandes et plaintes des citoyens de l’UE concernant la fiscalité, celles-ci représentant au moins 3 à 4 % du volume total des plaintes et demandes. Les services compétents de la Commission[5], les centres européens des consommateurs, le Réseau Entreprise Europe et les services de l’emploi européens (EURES) dans les régions transfrontalières reçoivent également un grand nombre de plaintes et questions de toute sorte en matière de fiscalité. De plus, la Commission a reçu ou vu de nombreux rapports établis par des associations transfrontalières sur les problèmes fiscaux transfrontaliers. Étant donné que les citoyens de l’Union sont de plus en plus actifs par-delà les frontières, il est probable que le nombre de ces plaintes et demandes s’accroisse à l’avenir.

Une part importante des plaintes concerne la complexité des règles fiscales étrangères et les difficultés à obtenir des informations au sujet de ces règles ainsi qu’au sujet des droits et obligations qui en découlent. Si ces difficultés sont souvent liées à des obstacles linguistiques, un manque de coopération entre les administrations fiscales des différents pays est parfois déploré. Parmi les autres griefs couramment formulés figurent les contradictions entre les informations fournies par les différents services des autorités fiscales des États membres et l’incidence des taxes locales sur les résidents étrangers.

En outre :

• Les citoyens de l’Union qui déménagent à l’étranger pour y travailler de manière permanente ou temporaire ou qui franchissent tous les jours la frontière pour se rendre au travail se plaignent souvent de difficultés à obtenir des déductions, des avantages et des abattements fiscaux de la part des autorités fiscales étrangères. Ils déplorent également souvent des taux d’imposition progressifs plus élevés pour les non-résidents et une imposition plus lourde des revenus étrangers. Les problèmes de double imposition sont aussi fréquemment cités, lesquels découlent des conflits en matière de résidence fiscale, des limitations du montant du crédit d’impôt prévu par les conventions préventives de double imposition et même, dans certains cas, de l’absence de telles conventions.

• Les citoyens de l’UE qui acquièrent des biens immobiliers dans des pays autres que leur pays de résidence se plaignent de l’absence d’exonérations fiscales pour les biens immobiliers étrangers, de l’impossibilité pour les non-résidents de déduire ou de compenser les pertes immobilières ou de l’application de droits d’enregistrement plus élevés pour les non-résidents.

• Les citoyens de l’Union qui investissent dans des valeurs mobilières étrangères déplorent les difficultés à obtenir une exonération des retenues à la source.

• Les citoyens de l’UE qui effectuent des paiements à des fonds de pension étrangers se plaignent en particulier de la non-déductibilité de ces contributions, de la double imposition des pensions et des obstacles fiscaux entravant le transfert du capital de retraite d’un pays vers un autre.

• De nombreux citoyens de l’UE ayant hérité de biens situés dans un autre État membre ont notamment déploré l’absence de dispositions destinées à éviter la double imposition des successions et l’application de droits de succession plus élevés pour les non-résidents.

• Les consommateurs se plaignent avant tout des doubles taxes d’immatriculation et/ou de circulation qu’ils doivent acquitter lorsqu’ils achètent une voiture dans un État membre autre que celui de leur résidence normale ou lorsqu’ils transfèrent une voiture dans un État membre autre que celui où elle est immatriculée. Nombre d’entre eux ont du mal à comprendre comment les règles de l’UE en matière de libre circulation s’appliquent à la fiscalité et pensent, à tort, que les règles relatives à la fiscalité automobile sont ou devraient être harmonisées au sein de l’Union. Ils déplorent également l’existence d’obstacles fiscaux aux achats en ligne à l’étranger et de difficultés liées aux achats transfrontaliers. En outre, ils s’interrogent sur les différences concernant les droits d’accise frappant l’alcool et le tabac et se plaignent de difficultés pour importer ces biens.

• Les associations représentant les artistes et les musiciens ainsi que d’autres prestataires de services indépendants se plaignent de retards dans l’obtention du remboursement des taxes payées sur leurs honoraires, de l’absence de point de contact unique dans les administrations fiscales, des délais stricts et difficiles à respecter imposés par les autorités fiscales, du manque de coordination des délais pour la perception de la taxe et la demande d’allégement fiscal et des problèmes liés à l’utilisation de formulaires fiscaux compliqués qui diffèrent d’un pays à l’autre.

• Les entreprises évoquent fréquemment les obstacles fiscaux empêchant le recrutement de travailleurs d’un autre pays et, en particulier, la manière dont interagissent les différents systèmes fiscaux.

Dans la présente communication, la Commission entend tout d’abord expliquer comment elle peut aider les citoyens de l’Union à trouver des solutions aux problèmes de discrimination fiscale dont ils sont victimes.

Le recours aux services de résolution des problèmes proposés par la Commission et l’application des règles des traités de l’UE permettent de résoudre un grand nombre des problèmes de discrimination fiscale auxquels les citoyens sont confrontés lorsqu’ils mènent des activités transfrontalières. Toutefois, d’autres problèmes, comme la double imposition du fait de la coexistence de deux régimes fiscaux incompatibles entre eux, ne peuvent être résolus de cette façon. Même lorsque les dispositions fiscales des États membres ne sont pas réellement contraires aux règles des traités, la Commission estime qu’il est inopportun, dans un marché unique, que les particuliers soient découragés d’entreprendre une activité transfrontalière, ou pénalisés lorsqu’ils le font, en raison de problèmes tels que la double imposition, l’incompatibilité entre les différents systèmes fiscaux et le manque d’accès aux informations sur les règles fiscales des États membres. S’il n’est ni nécessaire ni possible d’harmoniser tous les aspects des règles fiscales des États membres, il faut trouver des solutions qui tiennent compte des intérêts légitimes des citoyens dans le domaine de la libre circulation, telle qu’établie par les traités. À cet égard, il n’est pas exclu que la résolution des différents problèmes fiscaux requière des degrés divers de coordination et de coopération entre les États membres.

C’est pourquoi, pour la Commission, il importe également que des mesures soient prises au niveau de l’Union européenne pour rendre les systèmes fiscaux des États membres davantage compatibles entre eux. Dans la présente communication, la Commission expose ses projets en la matière et appelle également le Conseil et le Parlement, ainsi que toutes les parties intéressées, à jouer chacun un rôle actif dans la résolution de ces problèmes dans le cadre d’une stratégie partagée au bénéfice des citoyens de l’Union.

 

3. METTRE FIN AUX DISCRIMINATIONS GENEREES PAR LA LEGISLATION FISCALE DES ÉTATS MEMBRES

Pour la Commission, il est très important de supprimer les règles fiscales discriminatoires des États membres pour faciliter la tâche des citoyens qui souhaitent exercer leur liberté de mener des activités transfrontalières. Les États membres ne peuvent pas opérer de discrimination sur la base de la nationalité ou imposer des restrictions injustifiées à l’exercice des quatre libertés fondamentales garanties par les traités de l’Union européenne. Un État membre ne peut traiter une situation transfrontalière différemment d’une situation nationale, sauf si cela se justifie par une différence dans la situation du contribuable.

Avec le temps, alors que les citoyens de l’Union effectuent davantage d’activités transfrontalières, il est apparu que de nombreux aspects de la législation fiscale des États membres sont incompatibles avec les règles des traités. Nombre des problèmes recensés ont déjà été abordés et résolus. Ils concernent principalement les règles qui s’appliquent aux revenus transfrontaliers, aux propriétés étrangères, aux pensions, aux dividendes, aux importations de voitures et aux importations d’alcool et de tabac. Un aperçu détaillé de ces cas figure dans le document de travail des services de la Commission accompagnant la présente communication[6]. Ce document contient des informations sur les services de résolution des problèmes proposés aux citoyens de l’Union par la Commission et donne des exemples des types de règles fiscales des États membres qui ont été jugées incompatibles avec les traités de l’Union européenne.

La Commission encourage les citoyens à attirer son attention sur les problèmes liés aux dispositions de la législation fiscale des États membres qu’ils considèrent potentiellement incompatibles avec le droit de l’Union. Tout citoyen peut s’adresser aux points de contacts du portail « L’Europe est à vous », décrits au chapitre 2. De plus, tout citoyen a également le droit de déposer une plainte auprès de la Commission européenne au sujet de n’importe quelle pratique d’un État membre qu’il juge incompatible avec le droit de l’Union.

Pour sa part, la Commission entend accroître ses efforts pour

• assurer davantage de transparence et d’information pour les citoyens quant à l’issue des plaintes concernant la législation fiscale des États membres et aux résultats des procédures d’infraction ouvertes dans le domaine de la fiscalité ;

• surveiller la législation fiscale des États membres et demander systématiquement à ces derniers de remédier aux incompatibilités avec le droit de l’Union dans un délai donné ;

• suivre la mise en œuvre, par les États membres, des arrêts de la Cour de justice dans le domaine fiscal et veiller à ce que ces arrêts soient également appliqués dans les États membres qui n’étaient visés par ceux-ci ;

• veiller à ce que les services de conseil aux citoyens de l’Union disposent des informations, des formations et de la documentation nécessaires pour pouvoir traiter les plaintes des citoyens concernant les obstacles fiscaux transfrontaliers.

 

4. ACTIONS DE L’UE PREVUES DANS DES DOMAINES SPECIFIQUES

La Commission prévoit certaines actions pour remédier aux principaux problèmes fiscaux en suspens auxquels les citoyens de l’Union sont confrontés dans les situations transfrontalières.

1. Double imposition des revenus et du capital

La Commission estime avant tout qu’il faut régler définitivement le problème de la double imposition dans l’UE, par des mesures allant au-delà de ce que prévoient les conventions bilatérales en matière de prévention de la double imposition. La Commission examine actuellement les problèmes auxquels tant les particuliers que les entreprises sont confrontés lorsque leurs revenus, leurs bénéfices et leurs plus-values sont imposés dans plusieurs États membres. Elle analysera ces problèmes de double imposition en détail dans une communication qu’elle entend adopter en 2011, en vue de proposer en 2012 des solutions fondées sur une analyse d’impact, telles qu’un mécanisme obligatoire de résolution des différends, comme l’a suggéré le récent rapport Monti[7], pour palier les lacunes des conventions bilatérales en matière de double imposition des revenus et du capital.

2. Droits de succession

Les problèmes transfrontaliers liés aux droits de succession sont une source de préoccupation croissante pour les citoyens de l’Union. Avant 2003, la Cour de justice de l’Union européenne n’avait jamais examiné les règles des États membres en la matière, mais depuis lors, les tribunaux nationaux lui ont soumis huit cas. De plus, la Commission a reçu de nombreuses plaintes et demandes concernant des problèmes tant de discrimination que de double imposition dans ce domaine. Les problèmes de double imposition surviennent car les législations des États membres qui appliquent des droits de succession diffèrent considérablement, parfois sur la notion même d’assujetti. De plus, les conventions fiscales bilatérales entre États membres qui traitent de la double imposition des successions sont très rares et les mécanismes unilatéraux d’exonération se révèlent incomplets. La Commission examine actuellement ces problèmes transfrontaliers et mène une vaste consultation en la matière.

Elle analyse des solutions qui consisteraient par exemple à élaborer des lignes directrices concernant la suppression des éléments discriminants et à demander aux États membres de donner une portée plus large à leurs mécanismes unilatéraux d’exonération en cas de double imposition. La Commission a l’intention de présenter, à la mi-2011, des propositions destinées à remédier aux problèmes transfrontaliers liés aux droits de succession, sur la base de l’analyse d’impact actuellement en cours.

3. Imposition des dividendes payés par-delà les frontières

Dans les situations transfrontalières, le système de retenues à la source sur les dividendes entraîne un partage du droit d’imposer les revenus entre l’État d’origine des revenus et l’État de résidence de l’investisseur. Toutefois, le fait que les dividendes soient soumis à l’impôt dans deux États membres engendre fréquemment des problèmes considérables: il peut être difficile d’obtenir un remboursement d’impôt, il peut y avoir plusieurs niveaux d’imposition et l’imposition des dividendes payés aux investisseurs étrangers peut être plus élevée que celle qui frappe les dividendes payés aux investisseurs locaux. Cette situation est à l’origine d’une augmentation du nombre de plaintes des citoyens pour discrimination et du nombre d’affaires portées devant la Cour de justice.

La Commission analyse actuellement la question et, sur la base d’une analyse d’impact, elle entend présenter en 2012 une initiative destinée à résoudre les problèmes qui se posent lorsque deux États membres jouissent d’un droit d’imposition sur les dividendes payés aux investisseurs privés. En attendant le résultat de cette analyse plus poussée de l’imposition des dividendes dans l’UE, la Commission travaille également avec les États membres pour faire en sorte que tout abattement concernant la retenue à la source prélevée sur les revenus des valeurs mobilières (dont les dividendes) auquel les investisseurs peuvent prétendre en vertu des conventions fiscales soit octroyé aussi simplement et rapidement que possible, idéalement lors du paiement des revenus en question (voir recommandation 2009/784/CE du 19 octobre 2009).

4. Taxe d’immatriculation des véhicules et taxe de circulation

Lorsqu’ils achètent une voiture dans un État membre autre que celui de leur résidence normale ou lorsqu’ils transfèrent un véhicule dans un État membre autre que celui dans lequel ce véhicule est immatriculé, les citoyens de l’UE sont souvent confrontés à des formalités administratives excessives et peuvent être amenés à payer deux fois la taxe d’immatriculation et/ou de circulation.

En 2005, la Commission a proposé une directive[8] concernant les taxes sur les voitures particulières, qui avait pour objectif une suppression progressive des taxes d’immatriculation et l’introduction d’un système de remboursement pour la période de transition. Jusqu’ici, les États membres ne sont pas parvenus à l’accord unanime requis pour l’adoption de cette proposition. La Commission réévalue actuellement la situation en vue de remédier au problème du double paiement de la taxe d’immatriculation des véhicules et formulera de nouvelles propositions en 2011[9].

5. Commerce électronique

Les consommateurs de l’Union européenne estiment qu’il est actuellement difficile d’acheter des biens et des services en ligne à l’étranger. Un consommateur sur trois a déjà effectué un achat sur internet, mais seuls 7 % des consommateurs ont réalisé un tel achat à l’étranger, alors que 33 % d’entre eux seraient tentés de le faire.

Une étude a montré que 60 % des consommateurs qui essaient d’effectuer des achats en ligne à l’étranger échouent car la transaction ou l’expédition est refusée par le vendeur[10]. Dans la moitié des cas testés, la transaction, qui aurait pu faire économiser jusqu’à 10 % au consommateur, n’a pu être finalisée. Si divers facteurs concourent à dissuader les entreprises de vendre à l’étranger, les problèmes liés à la TVA sont apparus comme le plus important d’entre eux. Les différences entre les réglementations fiscales nationales ont été citées par 62 % des revendeurs comme un obstacle pratique significatif aux échanges transfrontaliers. Les vendeurs en ligne hésitent à vendre à l’étranger car, s’ils le font, ils risquent de devoir se plier à des obligations fiscales et déclaratives dans les pays où ils sont actifs.

La situation actuelle a pu en partie être améliorée grâce à l’adoption d’un système de guichet unique pour les opérateurs fournissant aux consommateurs des services de télécommunications, de radiodiffusion et de télévision, ainsi que des services électroniques, et les travaux en vue de la mise en œuvre de ce système ont déjà commencé. La Commission continue à préconiser l’extension de l’utilisation du guichet unique[11]. Dans ce contexte, la Commission a publié, le 1er décembre, un livre vert permettant à toutes les parties prenantes de faire entendre leur voix dans le débat sur l’avenir de la TVA, y compris en ce qui concerne les guichets uniques. La Commission encourage ces parties prenantes à contribuer activement à cette consultation qui aidera la Commission à préparer les actions futures dans ce domaine.

5. PISTES EN VUE D’ACTIONS FUTURES

La Commission propose également d’établir un dialogue avec les administrations fiscales des États membres et les parties prenantes au sujet d’autres solutions appropriées pour remédier aux obstacles fiscaux transfrontaliers rencontrés par les citoyens de l’Union. Parmi les suggestions déjà émises figurent :

• la mise en place, dans les administrations fiscales, de guichets uniques auxquels les travailleurs mobiles et les investisseurs pourraient s’adresser non seulement pour obtenir des informations fiscales utiles et fiables, mais aussi pour payer directement les taxes et recevoir tous les certificats nécessaires aux autorités fiscales de leur État membre d’origine ;

• des mesures facilitant le respect de la réglementation fiscale en contexte transfrontalier grâce à une meilleure harmonisation des formulaires utilisés pour les demandes et les déclarations fiscales, à la traduction de l’information dans des langues officielles de l’UE et au recours accru à l’informatique ;

• des mesures encourageant les États membres à adopter, pour les travailleurs frontaliers et les travailleurs mobiles, des règles spéciales tenant compte de l’interaction des systèmes fiscaux et sociaux des différents États membres ;

• des mesures destinées à promouvoir une meilleure interaction entre les différents systèmes d’imposition des pensions, de manière à encourager la mobilité des travailleurs.

6. CONCLUSION

L’élimination des obstacles fiscaux peut jouer un rôle important pour renforcer la capacité des citoyens de l’Union à travailler, prendre leur retraite, investir et acheter des biens et services dans d’autres États membres, et pour accroître leur confiance à cet égard. Pour sa part, la Commission propose :

• de traiter activement les plaintes et d’assurer davantage de transparence et d’information pour les citoyens quant à l’issue des plaintes concernant la législation fiscale des États membres et aux résultats des procédures d’infraction ouvertes dans le domaine de la fiscalité. À cet effet, elle publiera notamment chaque année sur le portail Europa des informations facilement accessibles aux citoyens ;

• de faciliter l’accès au service de conseil aux citoyens Europe Direct et au service d’orientation pour les citoyens (SOC) et veiller à ce que ces services puissent mieux répondre aux questions de fiscalité et à ce que le citoyen puisse recevoir une aide et des conseils plus directs. Les informations contenues sur le site « L’Europe est à vous » seront présentées de manière conviviale ;

• de présenter en 2011 une analyse détaillée des problèmes de double imposition et de travailler à une solution définitive pour 2012, sur la base des résultats d’une analyse d’impact ;

• de présenter en 2011 des solutions aux problèmes transfrontaliers en matière de droits de succession, sur la base des résultats d’une analyse d’impact ;

• de présenter en 2012 des solutions aux problèmes liés aux taxes frappant les paiements transfrontaliers de dividendes, sur la base des résultats d’une analyse d’impact ;

• de présenter des solutions concernant les problèmes transfrontaliers rencontrés par les citoyens dans les domaines de la fiscalité automobile et de l’achat en ligne de biens et services ;

• de lancer en 2011 un débat avec les États membres, au sein d’un groupe d’experts fiscaux, sur les manières de rendre plus aisé le respect des règles fiscales dans les situations transfrontalières.

Pour pouvoir s’attaquer avec succès aux problèmes fiscaux transfrontaliers rencontrés par les citoyens de l’Union, comme la double imposition, la complexité des procédures fiscales et l’absence d’informations claires pour les contribuables étrangers, la Commission a besoin du soutien du Conseil, du Parlement européen, des États membres et des autres parties prenantes. Elle appelle donc toutes les parties intéressées à jouer un rôle actif dans la suppression des obstacles fiscaux exposés dans le présent document, afin que les citoyens soient réellement les bénéficiaires du marché unique. La Commission présentera un rapport sur les progrès accomplis dans la suppression des obstacles fiscaux, en particulier en ce qui concerne la double imposition des voitures, dans le rapport sur la citoyenneté de l’Union pour 2013, année européenne consacrée aux citoyens.


[1] http://europa.eu/press_room/pdf/complet_fr_barroso_-_europe_2020_-_fr_version.pdf.

[2] COM(2010) 608.

[3] COM(2010) 603.

[4] http://ec.europa.eu/youreurope/citizens/index_fr.htm.

[5] SEC(2010) 1576.

[6] SEC(2010) 1576.

[7] http://ec.europa.eu/bepa/pdf/monti_report_final_10_05_2010_fr.pdf.

[8] COM(2005) 261 final.

[9] L’obligation d’immatriculer deux fois les véhicules est une question distincte du double paiement de la taxe d’immatriculation. En ce qui concerne cette obligation, comme annoncé dans le rapport 2010 sur la citoyenneté de l’Union [COM(2010) 603], la Commission proposera un instrument législatif en 2011 en vue de simplifier les formalités et conditions liées à l’immatriculation de véhicules précédemment immatriculés dans un autre État membre, afin de supprimer les obstacles au transfert transfrontalier de ces véhicules.

[10] Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, Comité économique et social européen et au Comité des régions sur le commerce électronique transfrontalier entre entreprises et consommateurs dans l’Union européenne, COM(2009) 557 final du 22.10.2009, et document de travail des services de la Commission: «Report on cross-border e-commerce in the EU», SEC(2009) 283.

[11] En 2004, la Commission a proposé un système de guichet unique [COM(2004) 728] qui permettrait aux opérateurs de s’acquitter de certaines obligations déclaratives dans l’État membre où ils sont établis. Toutefois, la proposition n’a pas encore été adoptée.

Les commentaires sont fermés.