MAJ Premier Semestre 2009

 

 

THEME I – LA lutte contre la fraude fiscale : les travaux de l’ocde

 

À la suite de la réunion du G20, l’OCDE a transmis un rapport détaillé sur les progrès accomplis par les différents centres financiers du monde vers la mise en œuvre d’une norme admise au niveau international sur l’échange de renseignements en matière fiscale.

Ce rapport comporte quatre parties :

  • Les juridictions qui ont largement appliqué la norme fiscale admise au niveau international.
  • Les paradis fiscaux qui ont pris des engagements concernant la norme fiscale admise au niveau international, mais ne l’ont pas encore largement appliquée.
  • Les autres centres financiers qui ont pris des engagements concernant la norme fiscale admise au niveau international, mais ne l’ont pas encore largement appliquée.
  • Les juridictions qui ne se sont pas engagées à appliquer la norme fiscale admise au niveau international.

 

Les défis futurs pour l’OCDE :

1. Obtenir une application rapide et effective de la norme. Un grand nombre de ces engagements nécessiteront des réformes législatives et la négociation d’accords bilatéraux spécifiques pour devenir effectifs, et l’OCDE se tient prête à assister les juridictions dans leur mise en œuvre.

2. Accélérer les négociations des accords d’échange de renseignements fiscaux. Les petits paradis fiscaux ne disposent pas des ressources nécessaires pour entreprendre des négociations avec un grand nombre de pays. Le modèle d’accord de 2002 de l’OCDE sur l’échange de renseignements en matière fiscale prévoit une option en faveur d’accords d’échange de renseignements fiscaux multilatéraux, plutôt que bilatéraux, que l’OCDE a l’intention d’étudier au cours des prochaines semaines. L’OCDE examine par ailleurs les moyens de s’inspirer plus largement de l’expérience des pays nordiques en matière de négociation multilatérale aboutissant à des accords bilatéraux simultanés.

3. Élargir la portée et le rôle de l’action de l’OCDE. Le Forum mondial de l’OCDE rassemble actuellement plus de 80 juridictions et procède à des autoévaluations ainsi qu’à des évaluations mutuelles pour déterminer les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la norme. Le moment est désormais venu de réexaminer la composition, la structure et le rôle du Forum mondial dans la fixation de normes et l’évaluation des progrès accomplis. Le Forum mondial entreprendra des études plus approfondies afin de renforcer la mise en œuvre de la norme.

Il convient de rappeler que le rapport établi à la suite de la réunion du G20 représente le résultat de plus de dix ans de travaux de l’OCDE pour améliorer l’ouverture et la transparence des services financiers transfrontières.

La norme admise au niveau international, mise au point par l’OCDE avec l’accord des pays non membres, requiert l’échange de renseignements sur demande dans tous les domaines de la fiscalité en vue de la gestion et de l’application de la législation fiscale nationale sans condition d’intérêt fiscal national ou possibilité d’invoquer le secret bancaire à des fins fiscales. Elle prévoit par ailleurs des garanties détaillées pour préserver la confidentialité des renseignements échangés.

A Berlin, au mois de juin, lors d’une réunion des Etats de l’OCDE, la lutte contre l’évasion a été réaffirmée comme l’une des priorités actuelles. Dans un monde où les frontières s’estompent de plus en plus, la fraude fiscale  transnationale  est devenue une menace plus sérieuse. De surcroît, la fraude fiscale  ébranle la base d’imposition des pays en développement.

Les travaux de l’OCDE sur les « Pratiques fiscales dommageables » ont révélé les effets néfastes qu’entraînent le manque de transparence, le recours à un secret bancaire strict et l’absence d’échange effectif de renseignements. C’est pourquoi l’OCDE collabore étroitement avec les pays non membres pour élaborer un ensemble de NORMES acceptées quasi universellement.

Il convient également de signaler que suite aux efforts accomplis par l’OCDE, des progrès rapides ont été accomplis par les quatre pays de l’OCDE (l’Autriche, la Belgique, le Luxembourg et la Suisse) qui ont récemment levé leurs réserves à l’égard de l’article 26 (article sur l’échange de renseignements) du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE.

– L’Autriche examinera prochainement des modifications de sa législation intérieure qui lui permettront d’améliorer son réseau de conventions.

– La Belgique, qui applique déjà avec les États Unis une convention répondant à la norme de l’OCDE, a écrit à plus de 80 pays afin de proposer un protocole aux conventions existantes de manière à y incorporer la norme de l’article 26, et a signé à Berlin un protocole avec les Pays Bas. Au mois de juillet, la Belgique a signé également des protocoles amendant ses conventions fiscales avec le Luxembourg, Saint Marin, les Seychelles et Singapour ainsi qu’une convention fiscale avec l’Ile de Man et un accord d’échange de renseignements fiscaux avec Monaco.

Du fait de la signature de ces 12 accords d’échanges de renseignements à des fins fiscales la Belgique franchit le seuil permettant à un pays d’être considéré comme ayant mis en place de façon substantielle la norme convenue au niveau international dans ce domaine.

– Le Luxembourg a désormais signé avec le Bahreïn, le Danemark, les États Unis, la France, l’Inde et les Pays Bas, des conventions qui respectent la norme de l’OCDE.

– La Suisse négocie également avec un certain nombre de pays, et a récemment conclu ses négociations sur la révision de ses conventions avec le Danemark, les États Unis, la France, le Mexique et la Norvège.

Par ailleurs, la totalité des 84 pays examinés par le Forum mondial ont d’ores et déjà souscrit aux normes et sont convenus de les mettre en œuvre, et le nombre des conventions d’échange de renseignements fiscaux a doublé pour dépasser 80 au cours des six derniers mois :

– Hong Kong et Macao – qui avaient entériné les normes dès 2005 – ainsi que Singapour, ont chacun annoncé qu’ils  adopteraient à bref délai une législation pour mettre en œuvre la norme fiscale reconnue au plan international, et nos discussions récentes avec ces juridictions ont confirmé que des travaux sont engagés à cet effet.

– Andorre, le Liechtenstein et Monaco – que l’OCDE avait définis en 2002 comme des paradis fiscaux non coopératifs – ont approuvé les normes de l’OCDE. Ces pays ont également fait part de leur volonté de modifier leur  législation nationale et de conclure des accords pour l’échange de renseignements. Ils ont  tous les trois été retirés de la liste des paradis fiscaux non coopératifs de l’OCDE.

– Le Liechtenstein a déjà conclu un accord en matière d’échange de renseignements avec les États Unis en décembre 2008, il négocie avec le Luxembourg et un accord a été signé avec le Royaume Uni, le 19 août 2009.

Significativement, les mesures comprennent la présentation par le Liechtenstein d’un programme quinquennal d’assistance au contribuable et de conformité ainsi que la présentation par le Fisc du Royaume-Uni d’une facilitation de divulgation spéciale sur cinq ans pour les personnes qui souhaitent régulariser leur situation fiscale au Royaume-Uni.

Le but pour les deux parties est qu’à l’issue de la période de cinq ans, il n’y ait plus de contribuables ressortissants du Royaume-Uni utilisant les lois du Liechtenstein pour se soustraire à leur assujettissement vis-à-vis du fisc du Royaume-Uni. Et que l’accord en matière d’échange de renseignements soit  pleinement en vigueur.

– Les Îles Caïmans ont récemment signé plusieurs accords en matière d’échange de renseignements, dont deux à Berlin, et sont sur le point d’en signer plusieurs autres.

– Les Bermudes ont récemment franchi le seuil des 12 conventions.

– Brunei et le Guatemala ont officiellement souscrit à  la norme et ont défini les mesures prises ou à prendre cette année pour la mettre en œuvre.

– Le Costa Rica, la Malaisie, les Philippines et l’Uruguay, initialement décrits dans le Rapport d’étape du 2 avril comme n’ayant pas adopté la norme fiscale convenue au plan international, l’ont  à présent approuvée et ont  défini les mesures concrètes à prendre cette année pour la mettre en œuvre.

– Le Chili, qui est en voie d’adhérer à l’OCDE, a soumis une législation en vue d’appliquer la norme. Dès lors que tous les pays de l’OCDE ont approuvé et sont en train d’appliquer les normes, tout pays désireux d’adhérer à l’OCDE devra faire de même.

 

Prochaines étapes :

L’OCDE continuera d’examiner les moyens d’accroître l’efficacité des mesures défensives.

En 1998, l’OCDE avait défini trois catégories de mesures défensives : les mesures fiscales internes (exemple : appliquer une retenue à la source sur les paiements fiscaux à des juridictions non coopératives) ; les mesures au titre des conventions fiscales (exemple : dénoncer les conventions avec les pays qui ne sont pas disposés à pratiquer un échange total de renseignements) ;  les mesures non fiscales (exemple : dissuader les institutions financières internationales de placer des fonds dans des juridictions non coopératives).

Au cours des mois à venir, le Comité des affaires fiscales et le Forum mondial de l’OCDE axeront leurs travaux sur les points suivants :

 

Renforcer le Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations :

– en établissant un mécanisme d’examen par les pairs solide ;

– en suivant la mise en œuvre des normes fiscales convenues ;

– en élargissant la participation au Forum mondial, y compris de la part des pays en développement ;

– en accélérant le processus de négociation de Conventions d’échange de renseignements fiscaux et de conventions fiscales, y compris par la mise au point d’instruments multilatéraux ;

– en développant encore  son arsenal de contre mesures à l’égard des juridictions non coopératives et en évaluer l’efficacité ;

– en poursuivant les travaux sur la mise au point de programmes de discipline volontaire ;

– en réfléchissant avec le Groupe d’action financière aux moyens d’établir un cadre cohérent  entre les normes fiscales et les normes de transparence du GAFI.


THEME II – Coopération fiscale au sein de l’union europeenne


En raison de la crise financière, les gouvernements nationaux n’ont jamais eu autant besoin de préserver leurs recettes fiscales.

La nécessité de promouvoir la coopération internationale dans le domaine fiscal et l’adoption de normes communes figure désormais régulièrement à l’ordre du jour des discussions, tant au sein de l’UE que dans les enceintes internationales (cf. les travaux de l’OCDE en matière de lutte contre la fraude fiscale).

Ainsi, les dirigeants réunis à l’occasion du sommet du G20 qui s’est tenu à Londres en avril 2009 sont convenus «de prendre des mesures à l’encontre des juridictions non coopératives, y compris les paradis fiscaux».

La présente communication de la Commission constitue une réponse aux questions soulevées à l’échelle internationale, qui est ancrée dans le contexte de la politique globale de bonne gouvernance que l’UE mène dans le domaine fiscal.

La Commission européenne propose des mesures pour améliorer la transparence et l’échange d’informations et progresser sur la voie de la concurrence loyale dans le domaine fiscal. Les mesures de la Commission européenne sont en totale synergie avec les travaux de l’OCDE.

La Commission européenne vient d’adopter une communication dans laquelle sont recensées les mesures que les États membres devraient prendre pour promouvoir la «bonne gouvernance» dans le domaine fiscal (c’est-à-dire plus de transparence et d’échange d’informations et de nouveaux progrès sur la voie de la concurrence loyale en matière fiscale).

Cette communication indique les moyens qui permettraient d’améliorer la bonne gouvernance au sein de l’UE. Elle recense également les outils dont la Communauté et les États membres disposent pour veiller à ce que les principes de bonne gouvernance soient mis en œuvre au niveau international.

Enfin, cette communication invite les États membres à adopter, dans leurs relations bilatérales avec les pays tiers et au sein des enceintes internationales, une approche plus cohérente par rapport aux principes de bonne gouvernance. La communication s’appuie sur la politique actuellement poursuivie par l’UE dans le domaine fiscal et les récentes conclusions du G20 en matière de juridictions fiscales non coopératives.

 

1 – Améliorer la bonne gouvernance au sein de l’UE

L’amélioration de la bonne gouvernance au sein de l’UE constituerait pour les autres juridictions une raison supplémentaire de prendre des mesures semblables.

La Commission invite donc les États membres de l’Union à adopter dès que possible ses récentes propositions qui visent à:

– assurer une coopération administrative efficace dans l’évaluation des impôts et taxes, qui empêcherait notamment les États membres d’invoquer à l’avenir la législation sur le secret bancaire pour justifier le fait qu’ils s’abstiennent d’assister les autorités fiscales d’autres États membres ;

– garantir la coopération administrative dans le recouvrement des créances fiscales;

– améliorer le fonctionnement de la directive sur la fiscalité de l’épargne. Il est nécessaire d’élargir le champ d’application de cette directive aux structures intermédiaires exonérées d’impôts (trusts, fondations etc.) et aux revenus équivalents aux intérêts perçus pour des investissements dans certains produits financiers innovants.

La Commission demande également aux États membres de poursuivre les travaux qu’ils mènent dans le cadre du Code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises aux fins d’abroger les mesures dommageables en matière de fiscalité des entreprises.

 

2 – Promouvoir la bonne gouvernance dans les relations avec les pays tiers

La Commission européenne propose d’améliorer les outils spécifiques dont la Communauté européenne et les États membres disposent pour encourager la bonne gouvernance au niveau international :

– elle recense les moyens d’assurer une meilleure cohérence entre les politiques de l’UE en général, de façon à ce que les partenaires de l’UE s’engagent à mettre en œuvre les principes de bonne gouvernance. À cet effet, il convient notamment d’assurer le respect de ces principes dans les accords entre l’UE et les pays tiers concernés et de prévoir des incitations dans le cadre de la coopération au développement ;

– elle invite les États membres de l’UE à adopter une approche coordonnée et cohérente pour promouvoir les principes de bonne gouvernance vis-à-vis des pays tiers, et, notamment, lorsque cela se justifie, à adopter des mesures coordonnées à l’encontre des juridictions qui refusent d’appliquer les principes de bonne gouvernance.

 

Voici quelques unes des mesures concrètes proposées :

– inviter le Conseil à donner le poids politique approprié au mandat confié à la Commission pour intégrer les principes de bonne gouvernance dans les accords entre l’UE et les pays tiers concernés ;

– étudier avec les États membres les mesures de rétorsion qui pourraient être prises à l’encontre des juridictions non coopératives dans le domaine fiscal (le Secrétariat de l’OCDE a proposé une liste de mesures. Ces mesures devront être examinées avec les États membres) ;

– promouvoir un renforcement de la coopération avec les pays tiers dans le cadre de la directive sur la fiscalité de l’épargne ;

– conclure des accords spécifiques dans le domaine fiscal contenant, au besoin, des dispositions relatives à la transparence et à l’échange d’informations aux fins de la fiscalité au niveau de l’UE, afin d’accélérer le processus de mise en œuvre des engagements pris par certaines juridictions pour accroître la transparence et l’échange d’informations ;

– étudier l’opportunité de réaffecter des fonds au profit des pays en développement qui respectent leurs engagements et, inversement, étudier l’opportunité de supprimer les fonds destinés aux pays qui n’auraient pas respecté leurs engagements ;

– accroître la cohérence entre, d’une part, les politiques fiscales bilatérales avec les pays tiers menées par les États membres et, d’autre part, les principes de bonne gouvernance dans le domaine fiscal.

 

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL, AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

Encourager la bonne gouvernance dans le domaine fiscal

1. Introduction

Dans le contexte actuel de crise financière et économique, qui fait peser une menace croissante sur les budgets nationaux et les systèmes fiscaux, la nécessité d’une coopération internationale et de normes communes en matière fiscale (ce que l’on appelle la «bonne gouvernance dans le domaine fiscal») est une question qui revient régulièrement dans les discussions internationales.

La mondialisation, ou l’intégration économique sans cesse plus poussée des marchés favorisée par la rapidité de l’évolution technologique et les politiques de libéralisation, offre d’importantes perspectives à travers le monde. De nombreux pays retirent des avantages considérables de ce phénomène. Pour les pays de l’Union européenne, on estime qu’il est à l’origine d’un cinquième au moins des gains de revenus enregistrés depuis la Seconde Guerre mondiale[1]. Toutefois, la mondialisation a également des effets négatifs sur les plans social et économique. Ainsi, certains pays peuvent être plus vulnérables aux turbulences économiques, comme on le voit clairement aujourd’hui, ou plus exposés à la fraude et l’évasion fiscales. Dans un monde où l’argent ne connaît pas de frontières, les «paradis fiscaux», et les centres financiers internationaux trop peu réglementés, qui refusent de reconnaître les principes de transparence et d’échange d’informations, peuvent faciliter, voire encourager, la fraude et l’évasion fiscales, ce qui porte atteinte à la souveraineté fiscale des autres pays et fragilise leurs recettes. Selon une estimation de l’OCDE réalisée à la fin de l’année 2008, les paradis fiscaux de la planète ont attiré des capitaux d’une valeur comprise entre 5 000 et 7 000 milliards USD[2] ; en raison du secret qui entoure les comptes concernés, il est toutefois difficile de déterminer avec exactitude les montants qui sont effectivement placés dans ces différentes juridictions. À l’heure où les budgets nationaux et, partant, les politiques sociales ou autres sont mis à rude épreuve, il s’agit là d’un problème extrêmement préoccupant.

Il serait contreproductif de rejeter la mondialisation et de fermer les marchés en raison de ces effets négatifs. Du point de vue de l’Union européenne, une solution viable consiste à mieux gérer les effets de la mondialisation en concluant avec les pays tiers, sur une base géographique aussi large que possible, des accords visant à renforcer la coopération et à établir des normes communes, y compris dans le domaine fiscal. Si des systèmes fiscaux équitables et efficaces sont essentiels pour que tous les acteurs soient mis sur un pied d’égalité dans les relations économiques et commerciales ou en matière d’investissements, ils constituent également la base financière de toutes les dépenses publiques. Cela se traduit par une bonne gouvernance dans le domaine fiscal, qui est non seulement un moyen essentiel pour contrer la fraude et l’évasion fiscales transfrontalières, mais aussi une manière de renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent, la corruption et le financement du terrorisme.

On observe de toute évidence un consensus mondial croissant quant à la nécessité d’apporter une réponse suivie et coordonnée à ce problème, par la mise en place d’initiatives complémentaires dans les domaines de la régulation financière et de la fiscalité.

Les pays du G20, dans leur plan d’action adopté en novembre 2008, sont convenus d’œuvrer à l’instauration internationale de règles de transparence dans le domaine de la finance et de la coopération administrative en matière fiscale. Dans le document qu’ils ont présenté au Conseil européen de décembre 2008[3], les ministres des finances de l’Union ont appelé à poursuivre la lutte contre les risques financiers illicites issus de juridictions non coopératives ainsi que contre les paradis fiscaux. Dans leur contribution à la réunion des ministres et des gouverneurs des banques centrales du G20 du 14 mars 2009, les ministres des finances de l’UE ont souligné la «nécessité de protéger le système financier contre les pays ou territoires où la transparence fait défaut, qui ne coopèrent pas et ne sont que peu réglementés, notamment les centres bancaires extraterritoriaux (« off-shore »)», ont appelé à l’élaboration d’un «arsenal de sanctions» et ont insisté sur le renforcement nécessaire de «l’action visant à assurer une bonne gouvernance internationale dans le domaine fiscal (transparence, échange d’informations et concurrence fiscale loyale)». Le Conseil européen des 19 et 20 mars a confirmé cette position. Au sommet du G20 de Londres (2 avril 2009), les dirigeants sont convenus «de prendre des mesures à l’encontre des juridictions non coopératives, y compris les paradis fiscaux» et se sont déclarés «prêts à appliquer des sanctions pour protéger [leurs] finances publiques et les systèmes financiers», en précisant que «l’ère du secret bancaire [était] révolue». Dans le cadre de la préparation du sommet du G20, de nombreuses juridictions ont réagi en manifestant leur volonté d’appliquer dès à présent les normes internationales en matière de transparence et d’échange d’informations[4].

La présente communication a pour objet de recenser les différentes actions par lesquelles l’Union européenne peut contribuer à la bonne gouvernance dans le domaine de la fiscalité directe. Elle couvre les aspects suivants :

– la manière dont on peut améliorer la bonne gouvernance au sein de l’Union,

– les outils dont la Communauté et les États membres disposent pour encourager la bonne gouvernance au niveau international, et

– les possibilités pour les États membres d’agir de manière plus coordonnée afin de soutenir, de rationaliser et de compléter les mesures adoptées dans les enceintes internationales comme l’OCDE ou les Nations unies.

2. Éléments de bonne gouvernance dans le domaine fiscal

2.1. Coopération fiscale actuelle au sein de l’Union européenne

Lors de la réunion du Conseil «Ecofin» du 14 mai 2008, les ministres des finances de l’Union ont défini la bonne gouvernance dans le domaine fiscal comme étant fondée sur les principes de transparence, d’échange d’informations et de concurrence fiscale loyale.

Le marché intérieur est régi par des règles communes, notamment en matière de droit des sociétés et de fiscalité[5], qui doivent permettre aux entreprises et aux particuliers de tirer un parti maximal de l’ouverture des frontières. Ces règles ont notamment permis de réduire les coûts liés au respect de la réglementation et d’encourager les investissements transfrontaliers. Toutefois, l’intégration croissante des économies au sein du marché intérieur crée également certaines difficultés. L’ouverture des frontières peut ainsi mettre les systèmes fiscaux à rude épreuve et entraver la perception de recettes suffisantes pour financer les dépenses publiques.

La législation communautaire laisse aux États membres une grande latitude dans la conception de leurs systèmes de fiscalité directe, de sorte qu’ils puissent les adapter en fonction d’objectifs et d’impératifs nationaux. Toutefois, au cours de la dernière décennie, ils sont convenus de différents mécanismes permettant d’enrayer l’érosion des assiettes fiscales et d’éliminer les distorsions dans la répartition des investissements. Ils ont par là reconnu que, seules, les actions nationales et bilatérales ne peuvent résoudre qu’une partie des problèmes liés à l’érosion fiscale, et qu’une coopération à l’échelle de l’Union européenne est essentielle. Les États membres ont adopté plusieurs mesures destinées à encourager, au sein de l’Union, la bonne gouvernance dans le domaine fiscal, lesquelles sont présentées ci-après.

– Coopération administrative, y compris échange d’informations – Une directive sur l’assistance mutuelle[6] prévoit l’échange d’informations entre autorités fiscales dans le domaine de la fiscalité directe. Une autre, sur le recouvrement des créances fiscales[7], établit un système dans lequel un État membre peut demander l’assistance d’un autre État membre aux fins du recouvrement de créances relatives à des taxes, impôts, droits ou autres prélèvements. La directive sur la fiscalité de l’épargne[8], quant à elle, permet aux administrations fiscales d’échanger des informations sur une base systématique, même si elle ne s’applique qu’aux intérêts provenant de l’épargne des particuliers et que trois États membres ont été autorisés, à titre transitoire, à appliquer une retenue à la source.

– Concurrence fiscale dommageable – En complément de ces instruments législatifs relatifs à la coopération administrative, il existe un accord politique entre les États membres pour lutter contre la concurrence fiscale dommageable en matière de fiscalité des entreprises dans le cadre d’une procédure d’évaluation par les pairs. Le code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises[9] définit les mesures fiscales dommageables comme des mesures (y compris les pratiques administratives) ayant, ou pouvant avoir, une incidence sensible sur la localisation des activités économiques au sein de la Communauté et établissant un niveau d’imposition effective nettement inférieur à ceux qui s’appliquent normalement dans l’État membre concerné. Au titre de ce code, qui s’applique tant aux États membres qu’à leurs territoires dépendants ou associés, plus de 400 mesures relatives à la fiscalité des entreprises ont été évaluées et plus de 100 d’entre elles, jugées dommageables, ont été abrogées ou modifiées.

– Aides d’État – De plus, l’application de la politique communautaire en matière d’aides d’État[10] aux mesures relevant de la fiscalité a contribué à la suppression des distorsions de concurrence résultant de régimes fiscaux spécifiques introduits par les États membres pour leurs entreprises.

– Transparence – Ces initiatives dans le domaine de la fiscalité sont complétées par des dispositions législatives et réglementaires applicables aux sociétés et visant à assurer la transparence du monde des affaires et de la finance.

2.2. Discussions internationales relatives à la coopération fiscale

Les efforts d’amélioration de la coopération fiscale déployés au sein de l’Union européenne se fondent en grande partie sur les principes qui régissent depuis plusieurs années l’action de l’OCDE contre la concurrence fiscale dommageable. Le travail de l’OCDE dans ce domaine comporte deux volets :

– D’une part, il s’agit de recenser, en vue de leur démantèlement, les régimes fiscaux préférentiels des 30 pays membres de l’Organisation, sur la base de critères similaires (quoique moins vastes) à ceux définis par le code de conduite de l’Union européenne dans le domaine de la fiscalité des entreprises.

– D’autre part, l’OCDE a étendu son travail aux pays non-membres de l’Organisation, y compris un certain nombre de «paradis fiscaux»[11], et obtenu, de la part de 35 de ces juridictions, un engagement politique en faveur de la mise en place d’une coopération loyale avec les membres de l’OCDE en ce qui concerne la transparence et l’échange d’informations dans le domaine fiscal. Étant donné qu’il devait être établi, à l’occasion du sommet du G20 du 2 avril 2009, une liste des juridictions dont les progrès ont été jugés insuffisants pour ce qui est de l’application des normes fiscales internationales largement reconnues, élaborées par l’OCDE, plusieurs juridictions se sont récemment engagées à mettre en œuvre ces normes, notamment la Suisse, l’Autriche, la Belgique, le Luxembourg, Hong Kong, Macao, Singapour, le Chili, Andorre, le Liechtenstein et Monaco. Ces engagements concernent essentiellement le respect des normes internationales de l’OCDE, qui requièrent l’échange d’informations sur demande dans tous les domaines fiscaux pour l’administration et l’application de la législation fiscale nationale, sans tenir compte des exigences liées à l’intérêt national ou du secret bancaire à des fins fiscales dans la juridiction concernée. Les normes de l’OCDE prévoient également d’importantes mesures de sauvegarde en vue de protéger la confidentialité des informations échangées. À la suite du sommet du G20, l’OCDE a présenté un rapport sur la mise en œuvre des normes fiscales internationales par les juridictions faisant l’objet d’un suivi par le forum mondial de l’OCDE.

La Commission se félicite des engagements importants qui ont été pris récemment et attend leur mise en œuvre. Elle proposera une action coordonnée au niveau des États membres afin de garantir un suivi approprié lorsque cela est dans l’intérêt de l’UE.

La «Déclaration de Doha sur le financement du développement», adoptée à l’occasion de la conférence internationale de suivi sur le financement du développement[12], organisée par les Nations unies et chargée d’examiner la mise en œuvre du Consensus de Monterrey, contient un ferme engagement en faveur des réformes fiscales et appelle à consentir davantage d’efforts pour accroître les recettes fiscales en modernisant les systèmes fiscaux, en améliorant le recouvrement de l’impôt, en élargissant l’assiette fiscale et en luttant vigoureusement contre la fraude fiscale.

3. Politique internationale de l’Union européenne relative à la bonne gouvernance dans le domaine fiscal

3.1. Engagements pris au niveau de l’Union européenne

La politique de l’Union européenne relative à la bonne gouvernance dans le domaine fiscal a évolué au fil des ans, en fonction d’une série d’initiatives de la Commission[13] qui ont débouché sur l’adoption, par les ministres des finances réunis le 14 mars 2008 au sein du Conseil «Ecofin», de conclusions sur la bonne gouvernance dans le domaine fiscal. Le Conseil a reconnu la nécessité de mettre en œuvre, sur une base géographique aussi large que possible, les principes d’une bonne gouvernance dans le domaine fiscal. Il a par conséquent demandé qu’une disposition concernant cette bonne gouvernance soit incluse dans les accords pertinents conclus par la Communauté et ses États membres avec des pays tiers ou des groupements de pays tiers. L’objectif n’est pas de lutter contre les paradis fiscaux en tant que tels, mais de parvenir avec un nombre aussi grand que possible de pays tiers à un accord sur des principes communs en matière de coopération et de transparence.

De plus, dans sa contribution au Conseil européen de décembre 2008[14], le Conseil «Ecofin» a donné davantage de poids à cette démarche en convenant, dans le droit fil des travaux menés dans différentes enceintes internationales, de continuer à lutter contre les risques financiers illicites issus de juridictions non coopératives, ainsi que contre les paradis fiscaux.

3.2. Actions en cours

L’Union européenne a adopté dans différentes matières un certain nombre de mesures destinées à faire en sorte que les pays tiers adhèrent aux principes de la bonne gouvernance dans le domaine fiscal ou à des principes connexes.

Fiscalité de l’épargne – Des mesures identiques ou équivalentes à celles qui sont contenues dans la directive communautaire sur la fiscalité de l’épargne s’appliquent dans plusieurs pays[15] et dans différents territoires dépendants ou associés des États membres, dont certains étaient précédemment reconnus comme paradis fiscaux par l’OCDE. Sur la base d’un mandat du Conseil «Ecofin», la Commission a également mené des pourparlers exploratoires avec Hong Kong, Macao et Singapour en vue de l’application de mesures équivalentes à celles de la directive sur la fiscalité de l’épargne, mais ceux-ci n’ont pas encore débouché sur l’ouverture de négociations formelles.

Code de conduite – Lors de l’adoption du code de conduite de l’Union européenne dans le domaine de la fiscalité des entreprises, les États membres se sont engagés, d’une part, à faire en sorte que les principes relatifs à l’abolition de la concurrence fiscale dommageable s’appliquent également dans leurs territoires dépendants ou associés et, d’autre part, à promouvoir ces principes auprès des pays tiers. Ce dernier point fait partie du programme de travail 2009-2010 du groupe «Code de conduite» de l’Union européenne.

EEE et Suisse – L’Union européenne entretient d’étroites relations avec les autres pays de l’Espace économique européen (EEE – Islande, Liechtenstein et Norvège) ainsi qu’avec la Suisse. La législation communautaire régissant le marché intérieur s’applique directement aux autres pays de l’EEE, tandis que des règles équivalentes aux règles communautaires en matière d’aides d’État sont définies dans l’accord sur l’EEE et mises en œuvre par l’Autorité de surveillance de l’AELE. Des règles similaires s’appliquent à la Suisse au titre de l’accord de libre-échange UE-Suisse de 1972. Les possibilités pour ces pays de mettre en place des régimes fiscaux générateurs de distorsions sont donc réduites. D’ailleurs, la Commission a récemment attaqué certains régimes d’imposition suisses octroyant aux sociétés des avantages qui, pour la Commission, constituaient des aides d’État. Le Conseil «Ecofin» a exhorté le Liechtenstein à approfondir sa coopération fiscale avec l’Union européenne en matière administrative et judiciaire ainsi que dans le cadre de la lutte contre la fraude. Par ailleurs, des négociations sont en cours en vue d’un nouvel accord UE-Liechtenstein sur la lutte antifraude, notamment en ce qui concerne la question de l’échange d’informations dans le domaine de la fiscalité directe. Le récent engagement pris par le Liechtenstein de respecter les normes de l’OCDE en matière de transparence et d’échange d’informations devrait donner une nouvelle impulsion à ces négociations.

Politique européenne de voisinage – Un certain nombre de plans d’action conclus avec les pays relevant de cette politique contiennent des références générales à la coopération en matière fiscale. Nombre de ces plans mentionnent spécifiquement les principes de transparence et d’échange d’informations ainsi que le code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises. Les plans d’action sont des outils de coopération économique et politique entre l’Union européenne et les pays partenaires, qui approfondissent les engagements et objectifs fixés dans les accords de partenariat et de coopération.

Politique d’élargissement – La politique d’élargissement requiert des pays candidats et des pays candidats potentiels qu’ils transposent progressivement la législation communautaire dans leur droit national, y compris en ce qui concerne la fiscalité. Au moment de leur adhésion à l’Union européenne, les pays candidats doivent appliquer pleinement l’ensemble du corpus législatif communautaire. À cet égard, la bonne gouvernance est l’un des domaines qui, dans le cadre de la stratégie pour l’élargissement, fait l’objet d’une attention particulière dès le début du processus de préadhésion.

Mise en œuvre des conclusions du Conseil de mai 2008 – La Commission a entamé des négociations avec un certain nombre de pays tiers au sujet d’une disposition concernant la bonne gouvernance dans le domaine fiscal, conformément à ce que le Conseil «Ecofin» a convenu dans ses conclusions de mai 2008. Ce processus n’en est qu’à ses débuts, et déjà des résultats sont attendus dans un avenir proche. La Commission se félicite de la réaction positive de certains pays tiers. Toutefois, il convient également d’examiner le cas des juridictions qui, jusqu’ici, ont rejeté l’idée d’une telle disposition.

Politique de coopération au développement – La Commission a prévu un soutien supplémentaire pour les pays en développement qui acceptent d’adhérer aux principes de la bonne gouvernance dans le domaine fiscal. La facilité de gouvernance de la politique européenne de voisinage (PEV), fondée sur l’article 2, paragraphe 1, et sur l’article 7 de l’instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP), prévoit un financement supplémentaire, qui vient s’ajouter aux enveloppes nationales, pour les pays partenaires dont on estime qu’ils ont accompli le plus de progrès dans la réalisation des objectifs liés à la gouvernance fixés dans leur programme de réforme, lui-même défini dans leur plan d’action PEV (qui contient des engagements tant généraux que spécifiques en matière de réformes liées à la gouvernance).

Le 10e Fonds européen de développement (FED), qui couvre la période 2008-2013, prévoit également une mesure d’incitation dans le cadre de l’initiative en matière de gouvernance, par laquelle l’Union européenne offre un financement supplémentaire destiné à soutenir le dialogue et les réformes ayant trait à la gouvernance, notamment dans le domaine fiscal. Les pays admissibles au bénéfice de l’aide au développement qui, après une évaluation fondée sur l’établissement d’un profil de gouvernance, prennent des engagements précis (détaillés dans un plan d’action en matière de gouvernance) peuvent se voir octroyer une enveloppe supplémentaire en fonction de la qualité de leur engagement. Un certain nombre de pays des Caraïbes et du Pacifique ont déjà pris des engagements[16] de ce type, tandis que d’autres ont jusqu’ici refusé de le faire ou, à tout le moins, n’ont pas donné suite à cette offre[17]. Plusieurs pays et territoires d’outre-mer (PTOM) pour lesquels les États membres exercent des responsabilités se sont engagés à mettre en œuvre les normes de l’OCDE en matière de transparence et d’échange d’informations.[18]

4. Comment renforcer le principe de bonne gouvernance dans le domaine fiscal au sein de l’UE et à l’échelle internationale

Pour encourager la bonne gouvernance dans le domaine fiscal, il faut à la fois améliorer celle-ci au sein de l’Union européenne et mener des actions ciblant les pays tiers. La bonne gouvernance dans le domaine fiscal au sein de l’Union viendra appuyer les efforts entrepris par les États membres pour lutter contre la fraude. Dans le même temps, l’Union pourra plus facilement convaincre les autres juridictions d’établir avec elle une coopération administrative efficace. En tout état de cause, au nom du principe de l’égalité de traitement, un État membre doit offrir aux autres États membres un niveau de coopération au moins identique au niveau de coopération le plus élevé qu’il a accepté d’offrir à un pays tiers.

La Commission estime que les actions suivantes sont nécessaires :

Initiatives internes en cours

La Commission invite le Conseil à adopter dès que possible les propositions de la Commission indiquées ci-dessous aux points i), ii) et iii), et à accorder l’attention qui s’impose à l’action proposée au point iv).

i) La Commission a présenté, en février 2009, une proposition[19] visant à remplacer la directive actuelle sur l’assistance mutuelle. Outre qu’elle prévoit de nouveaux outils pratiques qui amélioreront la coopération administrative (organisation, formulaires, modèles et canaux communs), la directive proposée introduit deux nouveaux éléments importants, que la Commission juge indispensables au renforcement de l’action internationale de l’Union européenne dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Tout d’abord, elle contient une clause de la nation la plus favorisée, en vertu de laquelle tout État membre devra offrir aux autres États membres un niveau de coopération au moins égal au niveau de coopération le plus élevé qu’il a accepté d’offrir à un pays tiers. Ensuite, et surtout, elle interdirait aux États membres d’invoquer le secret bancaire pour les non-résidents pour justifier un refus de communication des informations relatives à un contribuable à l’État membre de résidence de ce dernier.

ii) En même temps que la proposition relative à l’assistance mutuelle, la Commission a présenté une autre proposition[20], visant cette fois à remplacer la directive sur le recouvrement des créances fiscales. Son objectif est d’accroître l’efficacité de l’assistance de façon à renforcer la capacité des administrations fiscales en matière de recouvrement des taxes et impôts impayés, et donc de contribuer à la lutte contre la fraude fiscale.

iii) La proposition de modification de la directive sur la fiscalité de l’épargne[21], présentée par la Commission en 2008, vise à étendre le champ d’application de la directive à certains paiements d’intérêts effectués en faveur de résidents de l’Union européenne par le biais de structures intermédiaires exonérées d’impôts établies dans des pays non-membres de l’Union. La proposition contient également d’autres suggestions destinées à améliorer les mesures fiscales applicables à l’épargne. Une adoption rapide de toutes ces modifications permettrait d’améliorer l’efficacité du système. La Commission invite le Conseil à parvenir rapidement à un accord politique concernant les modifications à apporter à la directive. Ainsi, les améliorations apportées au fonctionnement des mesures relatives à l’épargne pourront être proposées dès que possible aux autres juridictions appliquant déjà les mesures prévues dans la directive, ou des mesures équivalentes.

iv) Le gel et le démantèlement des pratiques fiscales dommageables des États membres de l’Union devraient se poursuivre dans le cadre du code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises.

Accords de l’Union européenne avec les pays tiers

v) Il convient que le Conseil accorde à la question de la bonne gouvernance dans le domaine fiscal toute l’attention politique qui s’impose. La mise en œuvre de la recommandation suivante devrait permettre d’améliorer la négociation relative à l’insertion de dispositions concernant la bonne gouvernance dans le domaine fiscal dans le cadre des accords généraux avec les pays tiers: il importe de faire référence à la bonne gouvernance dans le domaine fiscal à un stade du processus aussi précoce que possible, par exemple dans les directives de négociation données par le Conseil à la Commission, tout en tenant compte de la nature spécifique de l’accord en question.

vi) Lorsque l’on sait d’emblée que la discussion sur les principes de la bonne gouvernance dans le domaine fiscal sera difficile, ou lorsque ces principes ne sont pas bien compris, il importe que l’Union européenne et les pays tiers concernés abordent cette question dans le cadre d’un dialogue politique avant le début des négociations commerciales, afin de faciliter ces dernières.

vii) Il est nécessaire que le Conseil donne à la Commission suffisamment de marge de manœuvre quant à la négociation du libellé des accords, afin qu’elle puisse dégager des solutions adaptées à la situation de chaque pays, tout en préservant les éléments essentiels et les objectifs de la bonne gouvernance.

viii) Ces accords devraient contenir, le cas échéant, des dispositions similaires à celles qui s’appliquent au sein de l’Union européenne en matière d’aides d’État. Ces dispositions permettraient de rendre plus loyale la concurrence entre les États membres et les pays tiers dans le domaine de la fiscalité des entreprises. Elles devraient, par exemple, rendre possible la lutte contre les pratiques qui ont des effets de distorsion indûment préjudiciables aux budgets et aux entreprises des États membres et qui ne sont pas nécessairement couvertes par les règles de l’OMC.

ix) Des accords spécifiques dans le domaine fiscal contenant, au besoin, des dispositions relatives à la transparence et l’échange d’informations aux fins de la fiscalité au niveau de l’UE pourraient être envisagés afin d’accélérer le processus de mise en application des engagements pris par certaines juridictions en matière de transparence et d’échange d’informations.

x) La directive sur la fiscalité de l’épargne prévoit un mécanisme spécial permettant à trois États membres de soumettre les titulaires de compte étrangers résidents de l’Union européenne à une retenue à la source, plutôt que de pratiquer l’échange d’informations comme le font les autres. Le Liechtenstein, la Suisse, Monaco, Andorre et Saint-Marin ont conclu avec l’Union européenne des accords fiscaux prévoyant également une retenue à la source plutôt que l’échange d’informations. La directive prévoit que tous les États membres de l’UE adopteront en définitive l’échange automatique d’informations selon des modalités qui dépendent de l’adoption, par les pays tiers susmentionnés, des normes en matière d’échange d’informations établies en 2002 par l’OCDE. Il importe d’encourager ce recours accru à l’échange d’informations par les pays tiers concernés afin que la directive puisse atteindre son objectif général.

Les engagements pris récemment par les quatre autres pays[22], sur les cinq pays susmentionnés, en ce qui concerne l’application des normes de l’OCDE en matière de transparence et d’échange d’informations, indiquent qu’il est temps d’évaluer s’il convient à présent de mettre fin à la période transitoire, ce qui entraînerait le passage à l’échange automatique d’informations pour tous les États membres.

Il est également manifestement nécessaire de poursuivre les discussions avec d’autres pays tiers, en particulier Singapour, Hong Kong et Macao, à la lumière du nouveau consensus qui se dessine en matière de transparence et d’échange d’informations, afin d’étudier avec ces juridictions l’application de mesures appropriées équivalentes à celles contenues dans la directive sur la fiscalité de l’épargne.

xi) En ce qui concerne le code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises, la Commission estime que le groupe du Conseil devrait mettre en place une politique cohérente d’action coordonnée envers les pays tiers se livrant à des pratiques fiscales dommageables, par exemple en adoptant une approche commune pour l’application de mesures anti-abus. Il conviendra de faire de ce point une priorité lors de la mise en œuvre du programme de travail du groupe, adopté en décembre 2008 par les ministres des finances de l’Union européenne.

Mesures d’incitation liées à la coopération au développement

xii) Il devrait être considéré la possibilité d’établir un lien entre, d’une part, le soutien financier de l’Union européenne et le degré d’accès aux marchés communautaires dont bénéficient certains pays et, d’autre part, le niveau de coopération qu’offrent ces pays en ce qui concerne les principes de la bonne gouvernance dans le domaine fiscal.

xiii) La Commission estime que les mesures suivantes devraient renforcer les efforts menés au niveau de l’Union pour encourager la bonne gouvernance dans le domaine fiscal dans les pays tiers admissibles au bénéfice de l’aide au développement :

– dans le cadre de l’évaluation à mi-parcours des programmes d’aide, suivi de la situation en matière de bonne gouvernance, afin que les mesures appropriées puissent être prises le cas échéant ; dans le contexte plus spécifique de l’évaluation à mi-parcours du 10e FED, évaluation de la mise en œuvre des engagements pris par certains pays en faveur de la bonne gouvernance dans le domaine fiscal ; réaffectation possible des fonds en faveur des pays qui s’acquittent de leurs engagements de manière satisfaisante et, à l’inverse, suppression des fonds destinés aux pays qui n’ont pas tenu ces engagements ;

– fourniture de l’assistance technique nécessaire pour aider les pays concernés à respecter leurs engagements en matière de bonne gouvernance dans le domaine fiscal ; si un pays le demande, l’assistance technique pourrait également concerner la conception d’un système fiscal efficace permettant à ce pays de mieux tirer parti des ressources dont il dispose ;

– proposition visant à inclure une disposition spécifique relative à la bonne gouvernance dans le domaine fiscal à l’occasion de la révision de l’accord de Cotonou.

xiv) La Commission a également l’intention d’examiner la faisabilité de l’introduction d’un critère supplémentaire aux fins de l’évaluation de l’admissibilité au bénéfice des fonds alloués au titre des instruments d’aide extérieure actuels de la Communauté, lequel aurait trait à l’application par les pays tiers des principes de la bonne gouvernance dans le domaine fiscal. De plus, on pourrait envisager, dans le cadre des prochaines perspectives financières, un financement supplémentaire pour les juridictions coopératives, en vue, par exemple, de l’assistance technique ou du détachement d’experts.

xv) L’Union européenne est l’un des principaux bailleurs de fonds en matière d’aide au développement. Pour la Commission, il est essentiel de veiller à la cohérence des politiques menées envers les pays tiers si l’on veut promouvoir les principes de la bonne gouvernance dans le domaine fiscal. Dans le cadre de leurs programmes d’aide bilatéraux, il faut donc que les États membres de l’Union prennent des mesures similaires à celles qui sont exposées plus haut. La coordination de l’action de l’Union européenne au niveau de chaque pays sera renforcée afin de garantir des synergies maximales. L’Union appelle les autres donateurs à accroître, eux aussi, la cohérence de leurs politiques et cherchera à mettre en place une démarche davantage coordonnée entre les donateurs à cet égard.

Coordination dans le domaine de la politique fiscale internationale

xvi) Il convient également d’examiner le degré de cohérence entre les principes de la bonne gouvernance dans le domaine fiscal et les politiques fiscales des États membres, y compris les conventions fiscales bilatérales conclues avec les pays tiers. Il importe de veiller à ce que, par leurs conventions fiscales bilatérales, les États membres ne créent pas de possibilités de contournement des directives communautaires ou de la législation fiscale d’autres États membres. Dans le même temps, l’existence d’obligations de bonne gouvernance dans les accords conclus entre l’Union européenne et les pays tiers conférera aux États membres un pouvoir de négociation plus grand dans leurs pourparlers bilatéraux avec ces pays.

xvii) Les États membres devraient également définir une approche plus unifiée envers les pays tiers, selon que ceux-ci appliquent ou non les principes de la bonne gouvernance dans le domaine fiscal. Ainsi, un pays qui applique ces principes pourrait être retiré des «listes noires» nationales des États membres afin qu’il ne fasse plus l’objet de mesures anti-abus pour les pratiques fiscales concernées. À l’inverse, les juridictions qui ne mettent pas en œuvre de façon satisfaisante les aspects clés de bonne gouvernance dans le domaine fiscal appliqués par les États membres de l’UE pourraient faire l’objet de mesures de rétorsion coordonnées. Ainsi, les dirigeants du G20 sont convenus d’élaborer un arsenal de mesures de rétorsion efficaces qui restent à définir[23]. La Commission estime que le contenu et les modalités d’utilisation d’un tel arsenal devraient faire l’objet de discussions avec les États membres afin de prendre en compte les règles et pratiques spécifiques appliquées dans l’UE.

xxiii) La Commission estime qu’une meilleure coordination de la position des États membres dans les discussions relatives à la bonne gouvernance dans le domaine fiscal qui se tiennent dans le cadre de l’OCDE, du G20 ou de l’ONU est nécessaire afin d’exercer une pression plus forte sur les pays non coopératifs.

5. Conclusion

L’Union européenne et ses États membres se trouvent confrontés à de graves difficultés dans le contexte actuel de crise économique et financière. La crise a accentué les préoccupations quant à la viabilité des systèmes fiscaux face à la mondialisation. La promotion, sur une base géographique aussi large que possible, de la bonne gouvernance dans le domaine fiscal est aujourd’hui reconnue comme la manière adéquate de répondre à ces préoccupations. Elle permet de préserver la souveraineté fiscale des différents pays, tout en assurant la protection légitime des recettes fiscales.

C’est pourquoi, à ce stade, l’Union européenne et ses partenaires ont un intérêt commun majeur à encourager la coopération fiscale et l’adoption de normes communes sur une base géographique aussi large que possible. L’heure est venue pour les États membres et les pays tiers de travailler ensemble pour encourager et soutenir les efforts qui sont maintenant entrepris en faveur d’une plus large acceptation des normes internationales de coopération en matière fiscale.

Dans la présente communication, la Commission a exposé pour examen une série de démarches qui doivent permettre de promouvoir la bonne gouvernance dans le domaine fiscal et supposent une action à la fois au sein et en dehors de l’Union européenne, tant au niveau communautaire qu’à celui des États membres. Pour la Commission :

– si l’on améliore la bonne gouvernance dans le domaine fiscal au sein de l’Union, les États membres en retireront des avantages et l’Union pourra plus facilement convaincre les autres juridictions d’établir avec elle une coopération administrative efficace. Les États membres devraient en conséquence adopter dès que possible les propositions de la Commission relatives aux directives sur l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances et sur la fiscalité de l’épargne, et continuer à accorder l’attention nécessaire au démantèlement des régimes fiscaux dommageables dans le domaine de la fiscalité des entreprises.

– le renforcement de la cohérence et de la coordination des politiques au niveau de l’Union européenne permettra de promouvoir la bonne gouvernance dans le domaine fiscal sur une base géographique plus large, l’objectif étant de faire en sorte que l’approfondissement des relations économiques entre l’Union et les juridictions partenaires s’accompagne d’un accord sur les principes de la bonne gouvernance dans le domaine fiscal, suivi, le cas échéant, d’accords de coopération en matière fiscale. L’UE devrait également œuvrer dans le sens d’une meilleure coordination au niveau mondial entre les donateurs en ce qui concerne la cohérence des politiques.

– tout en respectant pleinement le principe de subsidiarité, il est nécessaire d’assurer davantage de cohérence entre la position des différents États membres dans les enceintes internationales traitant de la fiscalité et les principes de bonne gouvernance définis d’un commun accord, tels que ceux établis dans les conventions fiscales bilatérales avec les pays tiers et au sein des enceintes internationales. Il faudra pour cela mettre en place une coopération accrue au niveau de l’UE afin de garantir que la dynamique engagée en faveur d’une coopération plus ouverte et constructive en matière fiscale se poursuive au niveau mondial.

La Commission entend poursuivre avec toutes les parties intéressées un dialogue constructif sur les principes énoncés et la mise en œuvre pratique des mesures exposées dans la présente communication. Elle procédera à un réexamen de la situation et présentera un rapport à ce sujet en 2010.

La Commission estime que la dynamique générée par les dirigeants du G20 en faveur d’une coopération internationale en matière fiscale doit être poursuivie et se déclare prête à aider les États membres à prendre les mesures appropriées dans le cadre de la politique de bonne gouvernance dans le domaine fiscal.

La Commission invite le Conseil à adopter ces orientations et à veiller à leur mise en œuvre rapide.

 


THEME III –  la Commission publie un rapport sur le regime fiscal commun applicable aux paiements d’interets et de redevances

 

L’article 8 de la directive 2003/49/CE du Conseil concernant un régime fiscal commun applicable aux paiements d’intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d’États membres différents (ci-après «la directive relative aux intérêts et redevances» ou «la directive») dispose que la Commission «fait rapport au Conseil sur l’application de la […] directive, notamment en vue d’en étendre le champ d’application à des sociétés ou à des entreprises autres que celles indiquées à l’article 3 et dans l’annexe.»

En conséquence, la Commission a examiné si la directive était appliquée dans les délais et dans tous ses éléments et s’est penchée sur les questions d’interprétation du texte existant et les améliorations qui pourraient y être apportées, notamment en ce qui concerne l’extension du champ d’application de la directive. Elle conclut que, bien que la directive ait généralement été appliquée dans les délais et dans tous ses éléments, il est, d’une part, nécessaire d’élaborer des lignes directrices et d’assurer la coordination pour certains concepts essentiels et, d’autre part, possible d’améliorer le texte actuel.

RAPPORT DE LA COMMISSION AU CONSEIL

conformément à l’article 8 de la directive 2003/49/CE du Conseil concernant un régime fiscal commun applicable aux paiements d’intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d’États membres différents

 

1. CONTEXTE

La directive a été adoptée le 3 juin 2003 et devait être mise en œuvre pour le 1er janvier 2004. Elle a ensuite été modifiée par les directives 2004/66/CE[24] et 2004/76/CE[25] du Conseil. La première étend le champ d’application aux sociétés et à la fiscalité des nouveaux États membres, tandis que la deuxième accorde à certains de ces nouveaux États membres des dérogations temporaires à une ou plusieurs dispositions. Les deux directives modificatives devaient être mises en œuvre pour le 1er mai 2004.

Aux fins du rapport prévu par l’article 8, la Commission a demandé au Bureau international de documentation fiscale (BIDF) de réaliser une étude sur la mise en œuvre de ces directives. Les informations que fournirait l’étude devaient permettre à la Commission d’évaluer la nécessité :

– de prendre des mesures en vue de veiller au respect par les États membres des obligations qui leur incombent au titre de la directive et du traité ;

– d’élaborer des lignes directrices sur l’application des dispositions de la directive ;

– d’étoffer la législation dans le domaine couvert par la directive.

Il a été convenu que l’étude ne devait couvrir que vingt des États membres de l’époque, à l’exclusion des cinq autres (Grèce, Lettonie, Lituanie, Pologne et Portugal) qui, bénéficiant de dérogations transitoires, n’étaient pas encore obligés de mettre intégralement en œuvre la directive. Bien que l’étude ait été achevée avant l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne, il convient de signaler que ces États membres bénéficient eux aussi de dérogations transitoires[26].

 

2. LA DIRECTIVE

2.1. Objectif et régime

La directive a pour objectif de mettre sur le même pied les paiements transfrontaliers d’intérêts et de redevances, d’une part, et les paiements au sein d’un même État, d’autre part, en éliminant la double imposition juridique et les désavantages liés aux flux de trésorerie.

Il s’agit également d’éviter que ces paiements ne soient pas du tout imposés. Conformément au considérant 3, ces paiements doivent être «… soumis une fois à l’impôt dans un État membre.»

Le régime consiste à exonérer de toute imposition, recouvrée par voie de rôle ou retenue à la source, les paiements d’intérêts et de redevances dans l’État membre d’origine des paiements, tout en veillant à ce que le bénéficiaire des paiements soit imposé dans l’État membre où il réside ou, dans le cas d’établissements stables, dans l’État membre où ils sont situés. La directive prévoit une procédure de remboursement, lorsque l’impôt a été retenu à la source.

L’imposition du bénéficiaire dans l’État membre où il réside – dans le cas d’établissements stables, dans l’État membre où ils sont situés – permet de garantir que ces revenus sont imposés dans l’État où les dépenses correspondantes sont déductibles (c’est-à-dire le coût de la levée de capitaux dans le cas d’intérêts et les dépenses de recherche et développement dans le cas de redevances).

2.2. Mise en œuvre

Il apparaît que la plupart des vingt États membres qui ont fait l’objet de l’étude ont mis en œuvre la directive dans le délai légal. Parmi les autres, tous sauf un ont adopté leurs dispositions nationales de mise en œuvre avec effet rétroactif au 1er janvier 2004.

S’agissant des implications pratiques de la directive, l’étude indique que dix États membres ne pratiquent pas actuellement de retenue à la source sur les intérêts versés à l’étranger (deux autres États membres accordant d’importantes exonérations) et que dans six États membres, il n’y a pas de retenue à la source sur les redevances (hormis, dans un de ces États membres, sur les redevances d’exploitation des brevets).

Il y a lieu de préciser à cet égard que la directive concerne même les États membres qui ne pratiquent pas de retenue à la source (ni ne recouvrent d’impôt par voie de rôle) sur les intérêts ou les redevances, dans la mesure où les articles 4 et 5 limitent le pouvoir discrétionnaire de tous les États membres de requalifier des intérêts ou redevances en bénéfices distribués et de les imposer à ce titre.

2.3. Questions ponctuelles d’interprétation et d’application

2.3.1. Article 1er, paragraphes 1, 4 et 5 – «Bénéficiaire»

Le recours au critère du bénéficiaire, doit permettre d’éviter que l’exonération ne soit abusivement obtenue par l’intervention fictive d’un intermédiaire.

Bien que le critère du bénéficiaire soit formulé de façon différente selon qu’il s’agit de sociétés ou d’établissements stables, la différence fondamentale tient à la mention des «… recettes auxquelles est applicable […] l’un des impôts…», par laquelle la directive dit explicitement que les paiements de cette nature doivent faire l’objet d’une taxation au niveau du bénéficiaire.

Les États membres couverts par l’étude ont adopté des attitudes différentes par rapport au critère du bénéficiaire. S’agissant des sociétés, certains États membres ont choisi de ne pas transposer du tout la définition de l’article 1er, paragraphe 4, tandis que d’autres recourent à des définitions de droit interne; d’autres encore ont transposé ladite définition en la modifiant. S’agissant des établissements stables, certains États membres ont choisi de ne pas transposer du tout l’article 1er, paragraphe 5, ou de le transposer avec de légères différences.

En raison de ces divergences, l’exonération pourrait être refusée dans un État membre et accordée dans un autre, alors que les circonstances sont identiques. En dépit des commentaires de certains États membres qui considèrent que cette question relève d’une évaluation cas par cas, il n’en demeure pas moins que le terme utilisé dans le contexte de la directive procède du droit communautaire. Son interprétation doit être uniforme dans toute la Communauté. La coexistence de 27 interprétations potentiellement différentes compromettrait l’efficacité de la directive.

La solution à ce problème pourrait notamment consister à élaborer des lignes directrices dans le cadre d’une discussion au sein d’un groupe de travail technique ou à modifier les définitions pour qu’elles soient plus précises.

2.3.2. Article 1er, paragraphe 3 – Établissements stables – «Charge fiscalement déductible»

S’agissant des paiements effectués par des établissements stables, l’obligation de l’État d’origine d’accorder l’exonération est subordonnée à la condition que ces paiements constituent une charge fiscalement déductible pour le payeur.

Il ressort clairement du contexte que l’exigence de la «déductibilité fiscale» vise à garantir que les avantages de la directive ne s’appliquent que pour les paiements qui constituent des charges imputables aux établissements stables. Toutefois, comme elle est libellée, la disposition pourrait s’appliquer aussi aux cas où la déduction n’est pas accordée pour d’autres motifs.

Bien que le BIDF n’ait relevé, dans les États membres objets de l’étude, aucun cas de refus d’exonération au motif que le paiement était une charge non déductible, il ne peut être exclu que de tels cas se produisent à l’avenir et que l’État d’accueil des établissements stables puisse, dans cette situation, imposer une retenue à la source sur le paiement.

Pour éviter une différence de traitement injustifiée entre une filiale et un établissement stable, il pourrait être envisagé de reformuler l’article 1er, paragraphe 3, pour qu’il soit plus précis.

2.3.3. Article 1er, paragraphe 10 – Période de participation

Onze des vingt États membres couverts par l’étude ont recouru à la possibilité, prévue par l’article 1er, paragraphe 10, d’imposer une période de participation minimale comme condition préalable à l’octroi des avantages accordés par la directive. D’après l’étude, trois de ces États membres exigent que cette condition soit remplie à la date du paiement, sans possibilité de prise en compte rétroactive en cas de mise en conformité ultérieure.

Cette dernière exigence semble contraire à la finalité de la directive en général et de l’article 1er, paragraphe 10, en particulier, ainsi qu’à la jurisprudence de la CJCE en la matière. Dans l’affaire Denkavit, concernant la possibilité d’imposer une période de participation, prévue à l’article 3, paragraphe 2, de la directive relative au régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales, la Cour a déclaré que dès lors qu’elle constitue une dérogation au principe de l’exemption de la retenue à la source prévu dans ladite directive, cette possibilité doit faire l’objet d’une interprétation stricte[27]. Elle a en outre relevé que la disposition en cause «vise en particulier […] à lutter contre les abus résultant de participations prises dans le capital de sociétés dans le seul but de profiter des avantages fiscaux prévus et qui ne sont pas destinées à durer»[28].

Les constatations qui précèdent sont directement utiles à l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 10, de la directive. De même que pour l’article 3, paragraphe 2, de la directive relative aux sociétés mères et filiales, l’article 1er, paragraphe 10, constitue une dérogation au principe de l’exonération de la retenue à la source prévu dans ladite directive et doit donc faire l’objet d’une interprétation stricte. Il partage aussi la même finalité que l’article 3, paragraphe 2, c’est-à-dire éviter le bénéfice indu des avantages accordés par la directive par le jeu de participations temporaires uniquement à des fins fiscales. Cet objectif est atteint si la participation est maintenue pendant la période minimale requise, que celle-ci ait déjà pris fin à la date du paiement ou qu’elle ne prenne fin qu’à une date ultérieure, telle que la date de soumission de la demande d’exonération.

Pour la CJCE, les États membres ne sont pas obligés d’accorder l’exemption dès le début de la période de participation, sans être assurés de pouvoir obtenir le versement ultérieur de l’impôt dans le cas où la société mère ne respecterait pas le délai de participation minimal, pas plus qu’ils ne sont tenus d’accorder immédiatement l’exemption lorsque la société mère s’engage unilatéralement à respecter le délai de participation minimal[29]. Toutefois, cet arrêt a été rendu avant que le Conseil ne modifie la directive 76/308/CEE en vue d’accroître la coopération administrative en matière de recouvrement des montants dus au titre des impôts sur le revenu[30]. Ce nouveau contexte juridique pourrait modifier les obligations qui incombent aux États membres au titre de la directive, étant donné que ceux-ci disposent maintenant de nouveaux outils pour recouvrer les dettes fiscales.

2.3.4. Article 2 – «Intérêts» et «Redevances»

L’étude ne révèle pas de divergences majeures entre la définition du terme «intérêt» qui figure à l’article 2, point a), et celles utilisées dans le contexte de la législation nationale transposant la directive. Il ne semble pas non plus y avoir de différences flagrantes entre la définition de l’article 2, point a), et celle de l’article 11 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE qui pourraient présenter un intérêt pour l’application de la directive.

Il ressort de l’étude que deux États membres ont appliqué une définition des redevances plus restrictive que celle qui figure à l’article 2, point b). En conséquence, il se peut que certains paiements de redevances provenant de ces États membres aient à l’époque fait l’objet d’une retenue à la source, en fonction des dispositions du droit interne et des conventions en matière de double imposition applicables. Depuis la fin de l’étude, l’un des États membres concernés a modifié sa législation, afin d’harmoniser la définition énoncée dans son droit interne avec celle de la directive.

La définition qui figure à l’article 2, point b), est précise et sans ambiguïté. Il s’ensuit que les États membres ne peuvent s’écarter de cette définition que si, ce faisant, ils accordent une exonération identique ou supérieure à celle prévue par la directive.

2.3.5. Article 3, point a) – «Société d’un État membre»

2.3.5.1. Annexe – Liste des entités

Plusieurs États membres ont choisi d’étendre les avantages de la directive aux paiements effectués par d’autres types d’entités que ceux énumérés dans l’annexe, tout en maintenant les conditions que celle‑ci définit concernant les bénéficiaires des paiements.

2.3.5.2. Entités transparentes

Il est concevable qu’une ou plusieurs entités énumérées dans l’annexe puissent être considérées comme fiscalement transparentes par un autre État membre que celui dans lequel l’entité est enregistrée ou constituée.

La directive ne contient aucune disposition autorisant les États membres à «regarder à travers» les entités non résidentes admissibles[31]. Il s’ensuit qu’un État membre n’est pas juridiquement fondé à refuser d’appliquer la directive à une entité non résidente qui satisfait aux exigences de l’article 3.

Toutefois, même s’il était permis d’adopter une approche par transparence, l’État membre en cause devrait, dans la logique de cette approche, étendre les avantages de la directive aux associés et actionnaires. Ce point de vue rejoint la position adoptée dans le rapport de l’OCDE sur le partenariat et les commentaires sur l’article 1er du Modèle de convention fiscale[32].

2.3.5.3. Centre de gestion principal

Il apparaît que trois des États membres couverts par l’étude imposent comme condition préalable à l’exonération que la société bénéficiaire du paiement soit soumise à l’impôt sur les sociétés dans l’État membre dans lequel elle a son centre de gestion principal. Cette condition pourrait entraîner un refus d’accorder les avantages de la directive lorsque, par exemple, le droit interne tant de l’État membre dans lequel la société a été constituée que de celui où se trouve son centre de gestion principal considère le lieu de constitution comme le critère déterminant la résidence fiscale.

Aucune disposition de la directive ne prévoit l’imposition d’un critère plutôt qu’un autre pour déterminer la résidence fiscale. Si la société ne réside que dans un seul État membre, il est indifférent que le critère appliqué par l’État membre de résidence soit le lieu d’acquisition de la personnalité morale ou le centre de gestion principal. Si la société est résidente dans deux États membres, la disposition décisive de la convention applicable en matière de double imposition déterminera habituellement la résidence sur la base du critère du «centre de gestion principal». Dans cette dernière situation, on peut raisonnablement s’attendre à ce que la société soit «assujettie à l’un des impôts énumérés ci-dessous sans bénéficier d’une exonération» [article 3, point a) iii)] dans l’État membre où se trouve le centre de gestion principal de la société[33].

2.3.5.4. Critères d’assujettissement à l’impôt

Alors que la plupart des États membres appliquent un critère «subjectif» d’assujettissement à l’impôt ‑ c’est-à-dire que celui-ci s’applique à la société en tant que telle et non au paiement d’intérêts ou de redevances concerné – certains États membres exigent que le paiement lui-même soit imposé (critère «objectif» d’assujettissement à l’impôt).

D’après l’étude, un seul État membre exige que la société n’ait pas la possibilité d’être exonérée. En outre, cet État membre requiert que la société soit assujettie, dans l’État membre de résidence, à un impôt dont la nature est identique ou similaire à l’impôt sur le revenu dans le premier État membre.

Aucune disposition de la directive ne prévoit l’une ou l’autre de ces exigences. Au contraire, les conditions énoncées à l’article 3, point a), sont exhaustives, ce qui ne laisse aucune latitude pour imposer d’autres conditions et restrictions.

2.3.6. Article 3, point b – «Société associée»

2.3.6.1. Seuil de participation

L’étude indique qu’aucun État membre n’a assoupli le seuil de participation directe minimale de 25 %, bien qu’un État membre accepte les participations indirectes. Cependant, plusieurs États membres ont abandonné le critère du «capital» pour celui des «droits de vote» ou autorisé l’usage de l’un ou de l’autre.

L’étude révèle que l’un des États membres exige que les deux critères, celui du capital et celui des droits de vote, soient remplis simultanément. Aucune disposition de la directive ne prévoit cette double exigence.

2.3.6.2. Sociétés «intervenantes»

Un État membre a étendu la possibilité d’exonération prévue par la directive en omettant la condition que la société mère commune dans le cas décrit à l’article 3, point b) iii), réside dans l’UE. Les États membres peuvent être plus généreux que la directive.

2.3.7. Article 3, point c) – Établissements stables – Définition

Il est manifeste que la définition de l’établissement stable est inspirée de celle de l’article 5 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE, dont elle ne mentionne cependant pas la liste d’exemples et d’exceptions figurant à l’article 5, paragraphes 2 à 7.

Le fait que la définition de la directive diffère légèrement de celle de l’article 2, paragraphe 2, de la directive relative aux sociétés mères et filiales et qu’aucune des deux définitions ne reproduise exactement l’article 5 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE peut être source d’insécurité juridique, en particulier dans le cas des établissements stables qui sont agents dépendants.

Pour la mise en œuvre de la directive, si la plupart des États membres ont choisi d’utiliser la définition générale de l’établissement stable qui figure dans leur législation fiscale interne respective, cinq d’entre eux ont toutefois élaboré une définition spécifique.

2.3.8. Article 4, paragraphe 2 – Exclusion de certains paiements en tant qu’intérêts ou redevances

L’article 4, paragraphe 2, a pour objet le prix de transfert. Comme il ressort du commentaire sur ledit article qui figure dans la proposition de directive du Conseil COM (1998) 67 final, l’article a également été conçu comme une règle relative à la sous-capitalisation. Il est également affirmé dans le commentaire que tout montant requalifié en distribution de bénéfices devrait bénéficier des avantages de la directive relative aux sociétés mères et filiales[34].

D’après l’étude, un seul État membre refuserait d’octroyer les avantages de la directive relative aux sociétés mères et filiales aux paiements d’intérêts et de redevances requalifiés en distribution déguisée de bénéfices, au motif que selon la jurisprudence interne, ces distributions de bénéfices ne peuvent pas être considérées comme des dividendes. Cet État membre se trouve cependant dans l’incapacité de percevoir une retenue à la source si une convention en matière de double imposition est applicable, car il ne pourrait se prévaloir de l’article sur les dividendes de ladite convention[35].

Il y a lieu d’examiner plus avant le traitement fiscal des montants d’intérêts ou de redevances excessifs, qu’ils soient ou non requalifiés en distribution de bénéfices. En fonction des circonstances, il peut également être question de discrimination par rapport au traitement de paiements internes similaires.

Dans ce contexte, il convient de relever que pour la Cour, l’application discriminatoire de règles relatives à la sous-capitalisation faisant intervenir un ratio fixe emprunts/capitaux propres, sans clause échappatoire, constitue une restriction disproportionnée et, partant, injustifiée à la liberté d’établissement[36].

2.3.9. Article 5 – Fraudes et abus

Il apparaît que plusieurs États membres donnent de l’article 5 une interprétation qui autorise le refus d’exonération, si la société bénéficiaire est contrôlée par un résident d’un pays tiers.

Il s’avère qu’un État membre retire le bénéfice de la directive à une société bénéficiaire d’un autre État membre, si celle-ci est détenue ou contrôlée par une personne résidant habituellement ou domiciliée dans le premier État membre.

L’article 3, point b), dispose que «les participations ne peuvent concerner que des sociétés établies dans la Communauté». La directive ne prévoit pourtant pas qu’une société mère qui reçoit un paiement d’intérêts ou de redevances d’une filiale dont elle détient la totalité ou une partie des parts doit être contrôlée par un résident de l’UE (ou par un résident d’un État membre autre que celui de la filiale) pour que le paiement soit exonéré.

En outre, il y a lieu d’interpréter l’article 5 à la lumière de la jurisprudence de la CJCE en matière de lutte contre les pratiques abusives, selon laquelle les mesures dans ce domaine doivent être appropriées et proportionnées[37]. Il est peu probable qu’une disposition du droit interne ou d’une convention en matière de double imposition qui permet à un État membre de refuser l’exonération au seul motif que la société mère est contrôlée par un résident d’un pays tiers – ou par l’un de ses propres résidents – satisfasse au critère de proportionnalité, étant donné qu’elle «n’a pas pour objet spécifique d’exclure d’un avantage fiscal les montages purement artificiels»[38].

Il convient de rappeler que le critère du «bénéficiaire» énoncé à l’article 1er a spécifiquement pour objet de lutter contre les montages impliquant des intermédiaires fictifs. En conséquence, on peut douter qu’une société satisfaisant au critère du «bénéficiaire» puisse être considérée comme un intermédiaire fictif en application de l’article 5.

2.4. Questions non abordées par l’étude

2.4.1. Paiements intraentreprise

Le champ d’application de la directive est actuellement limité aux paiements entre entités juridiques distinctes. La directive ne couvre donc pas le cas de paiements au sein d’une même société, par exemple de paiements réels ou fictifs entre un siège et un établissement stable ou entre deux établissements stables de la même société.

Dans le contexte des travaux de l’OCDE sur l’attribution de profits aux établissements stables, la question s’est posée de savoir si, sur le fondement d’une convention en matière de double imposition, l’État d’origine (généralement l’État de l’établissement stable) aurait le droit de prélever une retenue à la source, ou une autre forme d’imposition, sur des paiements fictifs d’intérêts ou de redevances versés au siège ou à un autre établissement stable de la même société.

La question fait toujours l’objet de discussions, mais certains pays de l’OCDE ont indiqué qu’ils seraient enclins à prélever une retenue à la source sur ces paiements.

L’imposition à la source des paiements intraentreprise associerait aux investissements transfrontaliers des désavantages similaires ou identiques à ceux qui ont motivé l’adoption de la directive. Il serait donc judicieux d’envisager d’élargir le champ d’application de la directive de façon à couvrir ces paiements.

2.4.2. Participations

Le seuil : l’article 3, point b), de la directive prévoit actuellement que les «participations» au sens de cette disposition doivent être égales ou supérieures à 25 % du capital ou des droits de vote. Conformément à l’article 3 de la directive relative aux sociétés mères et filiales, qui contient une disposition similaire, le seuil de «participation» a progressivement été réduit, passant de 25 % du capital ou des droits de vote à 10 % depuis 2009 (voir également l’article 7, paragraphe 2, de la directive relative aux fusions).

Ainsi, bien que les trois directives communautaires relatives à l’impôt sur les sociétés aient pour but commun de créer des conditions analogues à celles d’un marché intérieur, un groupe de sociétés au sens des deux dernières directives n’est pas exactement un groupe de sociétés au sens de la directive relative aux intérêts et redevances, ce qui augmente les coûts de planification et de mise en conformité des sociétés qui participent à des opérations transfrontalières.

La différence entre les seuils peut avoir des conséquences absurdes, par exemple dans les cas d’un paiement d’intérêts ou de redevances requalifié en distribution de bénéfices. Un paiement d’intérêts ou de redevances entre des sociétés associées par une «participation» d’au moins de 10 % mais de moins de 25 % ne serait pas exonéré aux fins de la directive relative aux intérêts et redevances, mais le serait aux fins de la directive relative aux sociétés mères et filiales s’il était requalifié en distribution de bénéfices.

Participations indirectes : le champ d’application de la directive est actuellement limité aux participations directes, ce qui n’est pas le cas de celui de la directive relative aux sociétés mères et filiales. Étant donné que les deux directives partagent le même objectif – à savoir éliminer la double imposition – cette différence ne semble pas justifiée.

Élargissement du champ d’application : alors que la suppression d’incohérences caractérisant les seuils et participations directes et indirectes aurait pour effet d’améliorer considérablement la situation existante, on peut déduire de l’article 8, lu en liaison avec les considérants 2, 4 et 9, que l’intention était d’étendre le champ d’application de la directive pour qu’elle s’applique finalement aux entreprises non liées et que la limitation actuelle aux sociétés associées ne doit être considérée que comme une première étape expérimentale. Il est en effet indéniable que les paiements entre entités non liées se heurtent aux mêmes obstacles transfrontaliers que ceux qui pénalisent les transactions entre sociétés liées: double imposition internationale, lourdeur des formalités administratives et problèmes de flux de trésorerie.

S’agissant des paiements de redevances, l’élargissement du champ d’application de la directive aux entreprises non liées serait conforme à l’objectif de l’article 163 du traité CE, à savoir «…renforcer les bases scientifiques et technologiques de l’industrie de la Communauté et favoriser le développement de sa compétitivité internationale…».

Il y a également lieu de relever que l’élargissement du champ d’application s’inscrirait dans le droit fil des articles 11 et 12 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE, qui ne fait pas de distinction entre entreprises liées et non liées.

Enfin, il faut tenir compte de l’incidence budgétaire d’un éventuel élargissement du champ d’application. Il convient toutefois de noter que cette incidence sera probablement limitée, car la plupart des États membres renoncent déjà partiellement ou totalement à leur pouvoir fiscal, soit en vertu de leur législation interne soit en application des conventions en matière de double imposition qu’ils ont signées avec d’autres États membres.

3. CONCLUSIONS

Bien qu’il ressorte de l’étude que la mise en œuvre de la directive dans son ensemble est satisfaisante, plusieurs cas de transposition et d’interprétation contestables ont été mis en lumière, par exemple en ce qui concerne la période minimale de participation, la résidence fiscale du bénéficiaire, le seuil de participation, la requalification en bénéfices déguisés, la corrélation entre la directive relative aux intérêts et redevances et la directive relative aux sociétés mères et filiales et la clause relative aux fraudes et aux abus.

Il apparaît aussi qu’il peut être nécessaire d’examiner plus avant certains concepts clés de la directive et d’élaborer des lignes directrices en la matière, afin d’assurer une interprétation uniforme et de réduire l’incertitude juridique. Il convient de réfléchir aux incidences d’une mise en œuvre et d’une interprétation inégales du concept d’établissement stable dans le contexte de la directive et de l’utilisation d’une définition de l’établissement stable qui s’écarte de celle de l’article 5 du Modèle de convention fiscale, par exemple en ce qui concerne l’éventuelle exclusion des établissements stables qui sont des agents.

S’agissant des modifications susceptibles d’améliorer l’application de la directive, une reformulation de l’article 1er, paragraphe 3, permettrait de faire disparaître ce qui peut être considéré comme une discrimination injustifiée entre les filiales et les établissements stables. Pour ce qui est de la cohérence et de l’uniformité, il est de toute évidence urgent de veiller à l’alignement des critères de participation de la directive sur ceux de la directive relative aux sociétés mères et filiales et de la directive relative aux fusions. On pourrait à présent envisager d’étendre le champ d’application de la directive aux entreprises non liées, dans le but d’évaluer sa capacité à promouvoir les objectifs de Lisbonne.

 


THEME IV – La Commission autorise des incitations fiscales innovantes en faveur de la production cinématographique Iitaliene

 

La Commission européenne a autorisé, en application des règles du traité CE relatives aux aides d’État, le régime italien innovant d’incitations fiscales à la production cinématographique d’un montant de 82 millions € qui restera en place jusqu’au 31 décembre 2010.

Ces incitations visent à stimuler l’investissement de secteurs extérieurs à la production cinématographique dans les films culturels européens et à soutenir la distribution de ces films.

La Commission a conclu que ces incitations étaient compatibles avec la dérogation culturelle prévue par le traité CE.

La Commission a également ouvert une procédure formelle d’examen concernant un crédit d’impôt de 30 % proposé pour l’installation d’équipements de projection numérique dans les cinémas italiens, car elle craint que cette mesure bénéficie principalement aux grands multiplexes qui devraient recevoir un soutien moins important. L’ouverture d’une enquête approfondie donne aux parties tierces la possibilité de présenter leurs observations sur la mesure envisagée. Elle ne préjuge pas du résultat de l’enquête.

 

Régime innovant d’incitations fiscales

Le régime d’incitations fiscales à la production cinématographique approuvé par la Commission prévoit :

– un crédit d’impôt et des allégements fiscaux pour les entreprises extérieures au secteur de la production cinématographique qui investissent dans la production de films culturels européens,

– un crédit d’impôt pour les distributeurs de films et les exploitants qui investissent dans la production de films présentant un intérêt culturel particulier, et

– un crédit d’impôt et des allégements fiscaux pour les distributeurs de films culturels européens.

 

Ces incitations complètent les incitations fiscales à la production cinématographique italienne approuvées par la Commission en décembre 2008 et visent à stimuler le financement privé de la production et de la distribution de films culturels européens.

La Commission a conclu que ce soutien à la production cinématographique était conforme aux règles relatives aux aides d’État énoncées dans la communication sur le cinéma de 2001 . Pour évaluer les autres types d’aides prévus par ce régime, la Commission a appliqué la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 3, point d), du traité CE, autorisant les aides aux activités culturelles sous certaines conditions.

 

Crédit d’impôt en faveur du cinéma numérique

L’Italie a également proposé d’offrir un crédit d’impôt de 30 % pour l’installation d’équipements de projection numérique dans les cinémas italiens.

Toutefois, à ce stade, la Commission émet des doutes sur la compatibilité de ce crédit d’impôt avec les règles relatives aux aides d’État.

La Commission est notamment préoccupée par les coûts maximaux éligibles, l’effet d’incitation de l’aide pour les cinémas les plus rentables, l’accès plus limité à cette aide pour les petits cinémas et l’incidence sociale et culturelle de cette aide.

Les parties intéressées sont invitées à présenter leurs commentaires d’ici le 31 octobre 2009.


[1] «Globalisation: Trends, Issues and Macro Implications for the EU», Economic Paper n° 254 de la DG ECFIN (Bruxelles: Commission européenne, 2006).

[2] Observations d’Angel Gurría, Secrétaire général de l’OCDE, lors de la conférence sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales internationales qui s’est tenue à Paris le 21 octobre 2008.

[3] Document du Conseil n° 16095/1/08 REV 1.

[4] http://www.oecd.org/dataoecd/38/14/42497950.pdf.

[6] Directive 77/799/CEE du Conseil du 19 décembre 1977, modifiée par la directive 2004/56/CE du Conseil du 21 avril 2004.

[7] Directive 2008/55/CE du Conseil du 26 mai 2008.

[8] Directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003.

[10] i) communication de la Commission 98/C 384/03, JO C 384 du 10.12.1998, p. 3; ii) rapport sur la mise en œuvre de la communication de la Commission sur l’application des règles en matière d’aides d’État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises, C(2004) 434 du 9.2.2004.

[11] Les paradis fiscaux sont définis dans le rapport de 1998 intitulé «Concurrence fiscale dommageable – un problème mondial.» L’OCDE retient quatre critères essentiels qui permettent de déterminer si une juridiction est un paradis fiscal: i) l’absence d’impôt ou le prélèvement d’impôts minimes uniquement; ii) le manque de transparence; iii) l’existence de dispositions législatives ou de pratiques administratives empêchant un véritable échange de renseignements avec d’autres pays sur les contribuables bénéficiant de l’absence ou de la faiblesse de l’imposition dans cette juridiction; iv) l’absence d’obligation d’exercer une activité substantielle.

[12] Doha, 29 novembre – 2 décembre 2008.

[13] Communication «Prévenir et combattre les malversations financières et pratiques irrégulières des sociétés» [COM(2004) 611], communication relative aux pays des Caraïbes [COM(2006) 86], communication relative aux pays du Pacifique [COM(2006) 248], communication relative à Hong Kong et à Macao [COM(2006) 648], communication sur la gouvernance et le développement [COM(2006) 421] et communication sur la compétitivité de l’Union européenne [COM(2006) 567].

[14] Document du Conseil n° 16095/1/08 REV 1.

[15] La Suisse, le Liechtenstein, Saint-Marin, Monaco et Andorre.

[17] Antigua-et-Barbuda, les Bahamas et le Liberia n’ont pas pris d’engagements en matière fiscale dans le cadre du 10e Fonds européen de développement.

[18] Voir note de bas de page 10.

[19] COM(2009) 29 du 2 février 2009.

[20] COM(2009) 28 du 2 février 2009.

[21] COM(2008) 727 du 13 novembre 2008.

[22] L’engagement de Saint‑Marin remonte à 2000.

[23] http://www.londonsummit.gov.uk/resources/en/PDF/annex-strengthening-fin-sysm.

[24] JO L 168 du 1.5.2004, p. 35.

[25] JO L 157 du 30.4.2004, p. 106.

[26] Les dérogations pour la Bulgarie et la Roumanie sont prévues dans l’acte relatif aux conditions d’adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne, annexes VI, numéro 6, et annexe VII, numéro 7, JO L 157 du 21.6.2005, p. 289 et 329.

[27] Arrêt rendu le 17 octobre 1996 dans les affaires jointes C-283/94, C-291-94 et C-292/94, Denkavit International e.a./Bundesamt für Finanzen, point 27.

[28] Point 31.

[29] Denkavit, point 33.

[30] Directive 2001/44/CE du Conseil du 15 juin 2001 modifiant la directive 76/308/CEE concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances résultant d’opérations faisant partie du système de financement du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole, ainsi que de prélèvements agricoles et de droits de douane, et relative à la taxe sur la valeur ajoutée et à certains droits d’accise, JO L 175 du 28.6.2001, p. 17 à 20.

[31] C’est-à-dire, qui remplissent tous les critères définis à l’article 3.

[32] Voir en particulier les paragraphes 6.4 et 6.5.

[33] Cette position pourrait être éventuellement contestée au motif que si un établissement stable est le bénéficiaire d’un paiement d’intérêts ou de redevances, il devrait suffire que la société soit assujettie, dans l’État membre de l’établissement stable, à l’impôt sur le bénéfice attribué à ce dernier.

[34] Voir les conclusions de l’avocat général Mischo du 26 septembre 2002 dans l’affaire Lankhorst-Hohorst, C-324/00.

[35] Cette affirmation est contestable. Dans une réserve à l’article 10, paragraphe 3, du Modèle de convention fiscale de l’OCDE, l’État membre en cause se réserve le droit «de compléter la définition des dividendes du paragraphe 3 de manière à couvrir expressément les revenus […] soumis au même régime fiscal que les revenus d’actions […]». Un paiement ne doit dès lors pas nécessairement être reconnu comme un «dividende» par le droit interne de cet État membre pour être considéré comme un «dividende» aux fins de l’application de l’article 10, paragraphe 3.

[36] Affaire C-105/07, Lammers, point 32. Voir également affaire C-524/04, Thin Cap Group Litigation, point 92.

[37] Par exemple, arrêt du 17 juillet 1997, Leur-Bloem/Inspecteur der Belastingdienst/Ondernemingen Amsterdam 2, C-28/95, point 44.

[38] Voir, par exemple, arrêt du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation/Commissioners of Inland Revenue, C-524/04, point 79.

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