LIBERTE DE CIRCULATION DES CAPITAUX ET DISCRIMINATIONS FISCALES : L’EXEMPLE DES INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS EN FRANCE PAR DES RESIDENTS MONEGASQUES

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Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 165

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L’une des dispositions, souvent méconnue issue du Traité de Maëstricht est l’élargissement de l’interdiction de toutes restrictions aux mouvements de capitaux aux relations entre les Etats membres et les pays tiers, alors qu’auparavant cette interdiction ne concernait que les mouvements de capitaux entre les Etats membres.

Cette extension a paru en effet à juste titre indispensable pour la construction d’une union monétaire.

LA LIBERTÉ DE CIRCULATION DES CAPITAUX ÉTENDUE AUX RELATIONS AVEC LES PAYS TIERS

Ainsi, aux termes du paragraphe 1 de l’article 73B du Traité instituant la Communauté Européenne, dans sa rédaction issue du Traité de Maëstricht, devenu article 56 de ce même Traité après l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam et article 63 du Traité sur le fonctionnement à l’Union Européenne après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, il est stipulé que : « dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays Tiers sont interdites ».

Dès lors, la compatibilité de certaines dispositions du droit fiscal français interne, notamment lorsque celui-ci traite différemment certaines catégories de contribuables doit être réexaminée à l’aune du Traité de Maëstricht.

AVEC CEPENDANT QUELQUES DÉROGATIONS

Il est vrai cependant que l’article 73D du Traité instituant la Communauté Européenne, devenu l’article 58 de ce Traité puis l’article 65 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, pose lui-même des limites à l’application du principe qu’il institue.

Il prévoit, en effet, que l’article 73B ne porte pas atteinte au droit qu’on les Etats membres d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis. Mais les mesures et procédures ainsi visées ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 73B.

Ainsi, si la législation fiscale peut établir une distinction entre les contribuables en raison de leur résidence à condition qu’il y ait une différence objective de situation, elle ne saurait établir une distinction en fonction de leur nationalité.

La différence de traitement peut également se justifier si elle est destinée à lutter contre la fraude fiscale et si elle devient proportionnelle à ce but. Ainsi, la Cour de Justice des Communautés Européennes a validé la taxe de 3 %, bien que celle-ci traite, de manière discriminatoire et pénalisante les entités propriétaires d’immeubles en France lorsque leur siège est situé dans un pays qui n’a pas conclu avec la France de convention fiscale comportant une clause d’égalité de traitement ou une clause d’assistance administrative.

LE CARACTÈRE DISCRIMINATOIRE DES RELATIONS FISCALES FRANCO-MONÉGASQUES

Il n’est donc pas étonnant que le problème de la compatibilité des règles fiscales françaises avec ce principe ait été posé dans le cadre des relations fiscales franco-monégasques, puisque ces relations sont par nature incompatibles à l’article 73B du Traité dans le champ d’application de celui-ci, dès lors qu’elles instaurent une discrimination fondée sur la nationalité.

Cette discrimination est en premier lieu préjudiciable aux droits des français domiciliés en Principauté, puisqu’elle met à leur charge une imposition fondée sur la nationalité que les autres résidents monégasques ne supporte pas, mais elle peut aussi par ricochet s’avérer discriminatoire à l’égard de certains étrangers résidents en Principauté.

Le problème de la compatibilité de ces discriminations par rapport à l’interdiction des restrictions aux mouvements de capitaux ne se posait pas avant l’entrée en vigueur du Traité de Maëstricht, puisque Monaco est un pays tiers par rapport à la Communauté Européenne.

Il se pose désormais, puisque cette interdiction a été étendue aux relations entre les Etats membres et les pays tiers.

Nous en verrons quelques exemples.

L’APPLICATION DE L’ARTICLE 164 C DU CGI AUX RÉSIDENTS MONÉGASQUES

En vertu de l’article 164C du CGI, les personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal en France mais qui y disposent d’une ou plusieurs habitations à quelque titre que ce soit, directement ou sous le couvert d’un tiers, sont assujetties à l’impôt sur le revenu sur une base égale à trois fois la valeur locative réelle de cette ou de ces habitations, à moins que les revenus de source française des intéressés ne soient supérieurs à cette base, auquel cas le montant de ces revenus sert de base à l’impôt.

Cependant, ces dispositions ne s’appliquent pas aux contribuables ne nationalité française qui justifient être soumis dans le pays où ils ont leur domicile fiscal à un impôt personnel sur l’ensemble de leurs revenus et si cet impôt est au moins égal aux deux tiers de celui qu’ils auraient à supporter en France sur la même base d’imposition. Cette exonération a été étendue aux ressortissants de l’Union Européenne et aux personnes de nationalité étrangère qui bénéficient d’une clause d’égalité de traitement contenue dans la Convention Fiscale en matière d’impôt sur le revenu signée entre le pays dont ils ont la nationalité et la France.

Bien entendu, les personnes dont le domicile fiscal est en Principauté, dans la mesure où ils ne sont pas assujettis dans leur pays de résidence à l’impôt sur le revenu, ne peuvent pas bénéficier de cette dérogation.

Il en résulte une différence de traitement entre les français établis en Principauté depuis le 13 octobre 1957 et les personnes d’autres nationalités résidentes en Principauté.

En effet, les premiers sont réputés, de par l’article 7-1 de la Convention Fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963, avoir leur domicile fiscal en France ; ils sont donc imposés sur l’ensemble de leurs revenus et non, le cas échéant, sur trois fois la valeur locative de leurs résidences secondaires en France.

Cette différence de traitement est évidemment, dans l’immense majorité des cas, défavorable aux Français ; beaucoup de Français de Monaco seraient heureux de n’être imposés que sur trois fois la valeur locative de leur résidence secondaire en France au lieu de l’être sur leur revenu mondial. Mais cette différence de traitement peut également être invoquée par les étrangers.

LA DIFFÉRENCE DE TRAITEMENT SUBIE PAR UNE RESSORTISSANTE FINLANDAISE RÉSIDENTE A MONACO

Une ressortissante Finlandaise, domiciliée en Principauté de Monaco et qui avait été imposée en France sur le fondement de l’article 164C, avait donc contesté son imposition en soulignant son incompatibilité avec trois Traités internationaux, tous les trois supérieurs au droit interne français.

– Elle faisait valoir d’abord que la différence de traitement qui lui été appliquée était constitutive d’une discrimination contraire au principe d’égalité de traitement prévu par l’article 24 de la Convention franco-finlandaise du 11 septembre 1970 en matière d’impôt sur le revenu.

– Elle faisait également valoir que cette même différence de traitement était contraire à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales.

– Enfin, elle arguait que cette différence de traitement était contraire au Traité instituant la Communauté Européenne et, plus particulièrement, aux articles 52 et 56 de ce Traité.

        Après que sa Requête ait été rejetée par le Tribunal Administratif de Nice, elle avait saisi la Cour Administrative d’Appel de Marseille.

        LA CONVENTION FISCALE FRANCO FINLANDAISE N’EST PAS APPLICABLE

        Sur le premier point, la requérante a été déboutée par la Cour. En effet, la Convention franco-finlandaise du 11 septembre 1970 limite son champ d’application aux résidents d’un Etat contractant, c’est-à-dire, aux personnes qui en vertu de la législation dudit Etat sont assujetties à l’impôt dans cet Etat en raison de leur domicile, de leur résidence, de leur siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue.

        Au regard de cette définition, l’intéressée n’était résidente ni de Finlande ni de France et ni d’autre part, l’article 24 de la même Convention relatif à l’égalité de traitement ne déroge pas au champ d’application de la Convention. Ainsi, si cet article stipule que les nationaux d’un Etat contractant ne sont soumis dans l’autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative qui soit autre ou plus lourde que celles auxquelles pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation, c’est à condition que ces nationaux entrent dans le champ d’application de la convention, c’est-à-dire qu’ils soient résidents de l’un ou de l’autre des deux Etats signataires.

        LE MOYEN FONDE SUR LA CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME N’EST PAS PERTINENT

        S’agissant de la mise en jeu de la Convention Européenne de Sauvegardes des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, la requérante se fondait sur l’article 14 qui stipule que la jouissance des droits et libertés reconnue dans la Convention doit être assurée sans distinction aucune fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, l’origine nationale ou sociale ou toutes autres situations et sur l’article premier du premier Protocole à Convention selon lequel toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la Loi et les principes généraux du droit international.

        Cependant, les dispositions précédentes ne portent pas atteinte aux droits que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour règlementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts, des autres contributions ou des amendes.

        La Cour a également rejeté ce moyen au motif que la requérante n’était pas fondée à soutenir que l’imposition de l’article 164C constituerait une discrimination dans la jouissance de son droit de propriété en violation des stipulations de l’article 14 et qu’elle n’était pas non plus fondée à soutenir qu’elle constituerait une atteinte excessive à son droit de propriété en violation des stipulations de l’article 1er du Protocole additionnel, eu égard au rapport existant entre l’imposition et la valeur vénale des biens.

        En revanche, la Cour a fait droit au troisième moyen de la requérante, ce qui suffit bien évidement à entrainer le dégrèvement de l’imposition contestée.

        La requérante se fondait à la fois sur l’article 52 (Liberté d’établissement) et sur l’article 56 (Libre circulation des capitaux) du Traité CE ainsi que sur l’article 7 (devenu après modification article 6 puis article 12 CE) qui interdit toute discrimination exercée en raison de la nationalité.

        LA LIBERTÉ D’ÉTABLISSEMENT N’EST PAS EN CAUSE

        La Cour a écarté l’application de l’article 52 au motif que l’imposition en cause ne relève pas de l’exercice d’une activité non salariée ou de la gestion d’une entreprise et par suite de la liberté d’établissement. Elle avait écarté également l’application de l’article 7 au motif que l’interdiction de toute discrimination en raison de la nationalité prévue par cet article ne vaut que dans le domaine d’application du Traité et sans préjudice des dispositions particulières qu’il prévoit. Or, les impôts directs ne relèvent pas de la compétence de la Communauté Européenne.

        LA COMPÉTENCE FISCALE DE L’ÉTAT DOIT RESPECTER LE DROIT COMMUNAUTAIRE ET DONC LA LIBERTÉ DE CIRCULATION DES CAPITAUX

        En revanche, le moyen tiré des articles 56 et 58 CE a été retenu, la Cour considérant que, bien que les impôts directs ne relèvent pas, en tant que tels, du domaine de compétence de la Communauté Européenne, les Etats membres doivent exercer leur compétence fiscale dans le respect du Droit Communautaire et notamment de la liberté de circulation des capitaux.

        LES INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS CONSTITUENT DES MOUVEMENTS DE CAPITAUX

        Il résulte du point 2A de la nomenclature annexée à la directive 88-361 du 24 juin 1988 que les investissements immobiliers effectués sur un Territoire national par un non-résident même à des fins personnelles constituent des mouvements de capitaux au sens de l’article 56 CE.

        L’INTERDICTION DES RESTRICTIONS AUX MOUVEMENTS DE CAPITAUX PEUT DONC ÊTRE INVOQUÉE PAR UNE FINLANDAISE RÉSIDANT A MONACO

        Les dispositions des articles 56 et 58 CE sont, depuis le 1er janvier 1994, invocables par un ressortissant communautaire résident dans un pays tiers, notamment à Monaco, propriétaire d’une maison d’habitation en France.

        Celui-ci peut également invoquer à son profit les dispositions à l’article 12 CE interdisant toute discrimination exercée en raison de la nationalité dans le domaine d’application du Traité.

        Ces dispositions combinées s’opposent à ce que deux ressortissants communautaires placés dans la même situation soient, en raison de leur différence de nationalité, imposés différemment ; l’existence éventuelle d’une violation de ces dispositions s’apprécie en prenant en compte non seulement les dispositions fiscales de droit interne mais également les règles fiscales qui pourraient découler de l’application de Conventions Fiscales notamment de la Convention franco-monégasque.

        Madame X résidente monégasque était dans la même situation qu’un ressortissant français résident à Monaco et disposant d’une habitation en France ; l’application combinée à l’article 164 C du Code Général des Impôts et du paragraphe 1 de l’article 7 de la Convention franco-monégasque a conduit l’Administration Fiscale à soumettre Madame X à l’imposition sur un revenu forfaitaire égale à trois fois la valeur forfaitaire locative réelle des biens immobiliers dont elle est propriétaire en France, alors qu’un ressortissant français résident à Monaco est soumis à l’impôt sur le revenu dans les mêmes conditions que s’il avait son domicile ou sa résidence en France ; cette différence d’imposition, qui ne résulte que d’une différence de nationalité, constitue une restriction aux mouvements de capitaux entre Etats membres et pays tiers et méconnaît ainsi les dispositions des articles 12 et 56 du Traité CE sauf s’il est établi que ces modalités de taxation relèvent des traitements inégaux autorisés par les dispositions de l’article 58 1A du Traité CE.

        Or, il résulte des termes de l’article 164C qu’un résident monégasque de nationalité étrangère disposant d’un immeuble en France est, en tout état de cause, soumis à une taxation minimum à l’impôt sur le revenu égale à trois fois la valeur locative du ou des immeubles dont il dispose, sans que lui soit ouverte la possibilité d’établir que ses revenus son inférieurs à cette base ; un résident monégasque de nationalité française dans la même situation en ce qui concerne sa résidence et le lieu où ses capitaux sont investis n’est pas soumis à cette obligation de cotisation minimum. Ces modalités de taxation n’entrent pas dans le champ d’application des dispositions du A du I de l’article 58 du Traité CE et constituent une discrimination arbitraire au sens du 3 de cet article.

        En conclusion, selon la Cour Madame X était fondée à soutenir que c’est en méconnaissance des dispositions du Traité instituant la Communauté Européenne qu’elle a été assujettie à l’impôt sur le revenu et par application de l’article 164C du Code Général des Impôts.

        L’Arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Marseille place donc hors du champ d’application de l’article 164C du CGI tous les résidents monégasques, quelle que soit la portée de la clause d’égalité de traitement contenue dans la Convention de double imposition entre le pays dont ils sont les ressortissants et la France.

        Malheureusement, l’Arrêt de la Cour a été annulé par le Conseil d’Etat par un Arrêt du 26 juillet 2011.

        MAIS LA CLAUSE DE « GEL » PERMET LE MAINTIEN DES RESTRICTIONS A LA LIBRE CIRCULATION DES CAPITAUX INTERVENUE AU TRAITE DE MAESTRICHT, CE QUI EST LE CAS DE L’ARTICLE 164 C DU CGI

        Il faut cependant noter que le Conseil d’Etat ne contredit en rien le raisonnement de la Cour.

        Bien au contraire, la Haute Juridiction estime que la Cour a pu, sans commettre ni erreur de droit ni erreur de qualification juridique, estimer d’une part que l’intéressé était dans la même situation que celle des ressortissants français qui résident à Monaco sans pouvoir justifier de cinq ans de résidence habituelle dans la Principauté à la date du 13 octobre 1962 et disposent d’une habitation en France et, d’autre part, qu’elle était soumise à la différence de ces derniers par l’application combinée de l’article 164 C du Code Général des Impôts et du paragraphe 1 de l’article 7 de la Convention Fiscale franco-monégasque à une taxation minimum à l’impôt sur le revenu sur une base égale à trois fois la valeur locative du bien immobilier qu’elle possédait en France, sans que lui soit ouverte la possibilité d’établir que ses revenus étaient inférieurs à cette base, et que cette différence d’imposition ne résultait que d’une différence de nationalité.

        Le Conseil d’Etat n’a pas davantage nié que cette différence de traitement constituait une restriction à la liberté de circulation des capitaux ; mais il s’est fondé sur un paragraphe du Traité qui, semble-t-il, n’avait pas été invoqué devant la Cour d’Appel.

        En effet, le Conseil d’Etat a considéré qu’aux termes du paragraphe 1 de l’article 73C du Traité instituant la Communauté Européenne devenu l’article 57 du même Traité puis l’article 64 du Traité sur le fonctionnement à l’Union Européenne, l’article 73B ne porte pas atteinte à l’application aux pays tiers des restrictions existantes avant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit communautaire en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou provenant de pays tiers lorsqu’ils impliquent des investissements directs y compris les investissements immobiliers.

        Ainsi, dès lors que les dispositions de l’article 164C du Code Général des Impôts applicables au litige ont fait partie de l’ordre juridique français de manière ininterrompue depuis leur création par l’article 7 de la Loi du 29 décembre 1976 modifiant les règles de territorialité et les conditions d’imposition des français de l’étranger ainsi que des autres personnes non domiciliées en France, la Cour a commis une erreur de droit en ne relevant pas d’office que cette restriction à des investissements directs en provenance d’un pays tiers comme la Principauté de Monaco n’entrait pas, du fait des stipulations précitées, dans le champ d’application du paragraphe 1 de l’article 73B du Traité instituant la Communauté Européenne. Le Conseil d’Etat, pour ce motif, annule l’Arrêt attaqué.

        La position du Conseil d’Etat est donc tout à fait claire, les restrictions à la libre circulation des capitaux existant au 31 décembre 1993 font l’objet d’une clause de « gel » qui permet aux Etats concernés de les maintenir même si elles sont contraires à l’article 73B du Traité.

        Bien entendu, il leur est interdit d’en instituer de nouvelles.

        Cependant, il est un point sur lequel le Conseil d’Etat ne s’est plus vraiment expliqué.

        En effet, la clause de « gel » ne concerne que les investissements directs.

        Le Conseil d’Etat a inclu les investissements immobiliers dans la catégorie des investissements directs sans expliquer pourquoi il l’a fait.

        Or, cette assimilation de tout investissement immobilier à un investissement direct paraît dans certains cas contestable, ainsi que l’ont montré d’autres décisions provenant, il est vrai, de juridictions dont l’autorité est inférieure à celle du Conseil d’Etat.

        LES RESSORTISSANTS COMMUNAUTAIRES RÉSIDANT A MONACO TRAITES DE MANIÈRE DIFFÉRENTE AU REGARD DE L’ARTICLE 164C

        En l’état de la décision du Conseil d’Etat, les ressortissants étrangers domiciliés en Principauté de Monaco et qui ont la disposition d’une résidence secondaire en France ne pourront donc plus être exonérés de l’imposition de l’article 164C du CGI qu’en se fondant sur la Convention de double imposition et en particulier la clause d’égalité de traitement entre la France et le pays dont ils sont ressortissants.

        A cet égard, il y a lieu de distinguer cinq types de Conventions :

        – en premier lieu, les Conventions qui ne comportent pas de clause de non discrimination. Aucune Convention entre la France et un Etat de l’Union Européenne n’est dans ce cas ;

        – en deuxième lieu, les Conventions qui subordonnent le bénéfice de la clause de non discrimination une condition de nationalité et de résidence. Ce n’est pas non plus le cas des Conventions dont il s’agit ;

        – en troisième lieu, les Conventions qui limitent leur champ d’application aux résidents mais qui prévoient que la clause de non discrimination s’applique aux personnes, qu’elles soient ou non-résidentes d’un Etat contractant. De nombreuses Conventions entre la France et les autres Etats de l’Union Européenne contiennent cette disposition : Belgique, Pays-Bas, Italie, Espagne, Suède, Estonie, Lettonie, Lituanie, République Tchèque, Hongrie, Autriche, Slovénie, Bulgarie, Chypre et Malte ;

        – en quatrième lieu, les Conventions qui ne limitent pas leur champ d’application aux résidents de l’un ou des deux Etats contractants et qui contiennent une clause de non discrimination qui ne se réfère à la nationalité. C’est le cas de la Convention entre la France et le Grand Duché de Luxembourg ;

        – Il y a, enfin, les Conventions qui limitent leur champ d’application aux seuls résidents et dont la clause de non discrimination ne pose qu’un critère de nationalité. C’est le cas des Conventions avec l’Allemagne, l’Irlande, le Royaume-Uni (nouvelle Convention du 19 juin 2008), le Portugal, la Finlande, la Pologne, la Slovaquie (ancienne Convention avec la Tchécoslovaquie), la Roumanie et la Grèce.

        Notons enfin que la Convention entre la France et le Danemark n’est plus en vigueur puisqu’elle a été dénoncée par le Danemark.

        Seules les Conventions du troisième ou du quatrième type paraîssent pouvoir être invoquées par les résidents monégasques pour échapper à l’application à l’article 164C du Code Général des Impôts.

        Autrement dit, les ressortissants belges, néerlandais, luxembourgeois, italiens, espagnols, suédois, estoniens, lituaniens, tchèques, hongrois, autrichiens, slovènes, bulgares, chypriotes, ou maltais qui résident en Principauté de Monaco paraîssent pouvoir échapper à l’application de l’article 164C du CGI.

        Au contraire, les ressortissants allemands, britanniques (depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle Convention), portugais, finlandais, danois, polonais, slovaques, roumains et grecs ne paraissent pas pouvoir échapper à cette imposition en l’état actuel de la Jurisprudence.

        LES DISCRIMINATIONS EN MATIÈRE D’IMPOSITION DES PLUS-VALUES IMMOBILIÈRES CONSTITUENT UNE RESTRICTION A LA LIBERTÉ DE CIRCULATION DES CAPITAUX

        Un Arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Paris du 7 octobre 2011 et un Jugement du Tribunal Administratif de Montreuil du 25 février 2011 retiennent la contrariété de certaines dispositions en matière d’imposition des plus-values immobilières des non-résidents avec l’article 56 du Traité Européen.

        La première de ces décisions intéresse directement une entité monégasque ; la deuxième concerne un résident canadien, mais sa motivation pourrait parfaitement s’appliquer à un résident monégasque.

        UNE PERSONNE MORALE SANS BUT LUCRATIF DONT LE SIEGE EST A MONACO NE DOIT PAS ÊTRE IMPOSÉE DIFFÉREMMENT D’UNE PERSONNE MORALE SANS BUT LUCRATIF DONT LE SIÈGE EST EN FRANCE

        Dans l’espèce, jugée par la Cour Administrative d’Appel de Paris, la Caisse autonome des retraites des travailleurs salariés de Monaco avait acquitté, le prélèvement du tiers prévu à l’article 244Bis A du Code Général des Impôts sur la plus-value résultant de la cession de parcelles de terrain dont elle était propriétaire en France.

        La Caisse avait contesté cette imposition et, à la suite du rejet de sa demande d’abord par le Chef des Services Fiscaux de la Direction des résidents à l’étranger, puis par le Tribunal Administratif de Paris, elle avait saisi la Cour Administrative d’Appel de Paris qui lui a donné raison.

        L’Arrêt est d’autant plus intéressant et complètement motivé par la Cour, après avoir exposé la règle générale de libre circulation de capitaux, a analysé toutes les dérogations qui sont apportées à cette règle et conclu que ces dérogations ne pouvaient pas être retenues.

        La Cour a tout d’abord considéré :

        Qu’aux termes de l’article 56 du Traité instituant la Communauté Européenne :

        1) dans le cadre des dispositions du précédent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et les Etats membres et les pays tiers sont interdites ;

        2) dans le cadre des dispositions du précédent chapitre, toutes les restrictions aux paiements entre les Etats membres et les Etats membres et les pays tiers sont interdites ;

        Qu’aux termes de l’article 57 de ce Traité :

        3) l’article 56 ne porte pas atteinte à l’application, aux pays tiers, des restrictions existant avant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit Communautaire en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu’ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l’établissement, la prestation de services financiers ou l’admission de titres sur les marchés des capitaux ;

        Qu’aux termes de l’article 58 du même Traité :

        1) l’article 56 ne porte pas atteinte aux droits qu’ont les Etats membres :

        a) d’appliquer les dispositions pertinentes de la législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou lieu où leurs capitaux sont investis.

        b) de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions, aux lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle des établissements financiers, de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d’information administrative ou statistique ou de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l’ordre public et à la sécurité publique.

        2) le présent chapitre ne préjuge pas la possibilité d’appliquer des restrictions en matière de droit d’établissement qui sont compatibles avec le présent Traité.

        3) les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 56.

        La Cour a ensuite considéré que la Principauté de Monaco, Etat souverain qui n’est pas partie au Traité instituant la Communauté Européenne, doit être regardée comme un pays tiers au sens des stipulations précitées des articles 56 et 57 de ce Traité, alors même que cet Etat est intégré au Territoire douanier de la Communauté Européenne, qu’il n’est pas considéré comme un pays tiers aux fins de l’application des directives relatives au système commun de taxe sur la valeur ajoutée et que l’article 1er du décret du 29 décembre 1989, réglementant les relations financières avec l’étranger, assimile la Principauté de Monaco à la France pour son application.

        La Cour a considéré également que le paragraphe 1 de l’article 56 du Traité interdit toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et les pays tiers, que si le Traité ne définit pas les mouvements de capitaux, il résulte de la nomenclature annexée à la Directive 88/361 du 24 juin 1988, que les investissements immobiliers effectués sur le Territoire d’un Etat membre par un non-résident constituent des mouvements de capitaux au sens de la stipulation précitée ; qu’il s’en suit que l’investissement immobilier transfrontalier auquel la Caisse autonome des retraites des travailleurs salariés de Monaco a procédé en France constitue un mouvement de capitaux au sens du paragraphe 1 de l’article 56 du Traité instituant la Communauté Européenne.

        L’ARTICLE 56 CE INTERDIT LES MESURES FISCALES QUI PLACENT UN INVESTISSEUR IMMOBILIER NON RÉSIDENT DANS UNE SITUATION MOINS FAVORABLE QU’UN INVESTISSEUR IMMOBILIER RÉSIDENT

        Or, selon la Cour, cette dernière stipulation interdit en principe l’adoption de mesures qui sont de nature à dissuader les non-résidents de faire des investissements dans un Etat membre. Sont ainsi interdites tant les mesures nationales susceptibles d’empêcher ou de limiter l’acquisition d’un bien immeuble situé dans un Etat membre que celles qui sont susceptibles de dissuader de conserver un tel bien, c’est le cas des mesures nationales d’un Etat membre qui place des investisseurs non-résidents dans une situation fiscale moins favorable que celle des investisseurs qui résident dans cet Etat.

        La Cour relève ensuite qu’en vertu des paragraphes 1 et 5 de l’article 206 du Code Général des Impôts une personne morale sans but lucratif dont le siège est en France qui procède à la cession de l’immeuble qu’elle détient dans ce pays n’est pas assujettie à l’impôt sur les sociétés sur l’éventuelle plus-value réalisée et qu’il s’ensuit que les dispositions du 1 de l’article 244A Bis du Code Général des Impôts, en tant qu’elles introduisent une différence de traitement au détriment des organismes sans but lucratif dont le siège est situé hors de France, qui sont soumis aux prélèvements d’un tiers sur les plus-values immobilières prévues par ces dispositions par rapport aux organismes sans but lucratif dont le siège est situé en France, constituent une restriction à la liberté de circulation des capitaux au sens de l’article 56 du Traité. Ces dispositions ne peuvent être admises au regard de l’article 58 que si la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou si la restriction est justifiée pour une raison d’intérêt général.

        La Cour a ensuite analysé le rôle et le fonctionnement de la Caisse autonome des retraites ainsi que l’opération immobilière à laquelle elle s’est livrée, pour en déduire qu’elle devait être regardée comme ayant été, lors de la cession de ses immeubles, dans une situation objectivement comparable à celle d’organismes sans but lucratif ayant leur siège en France et réalisant la même opération.

        LA CLAUSE DE GEL NE CONCERNE LES INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS QUE S’IL S’AGIT D’INVESTISSEMENTS DIRECTS

        Il restait enfin à la Cour à examiner si, en l’espèce, l’Administration Fiscale pouvait se prévaloir de la clause de « gel » lui permettant de maintenir des restrictions existant le 31 décembre 1993 en matière d’investissement direct, y compris les investissements immobiliers.

        La Cour s’est alors référée à la Jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne qui elle-même se réfère sur ce point aux notes explicatives auxquelles renvoie la nomenclature figurant à l’annexe 1 de la Directive 88/361 du 24 juin 1988.

        Selon cette Jurisprudence, la notion d’investissement direct, qui constitue la catégorie 1 de cette nomenclature, concerne les investissements de toute nature auxquels procèdent les personnes physiques ou morales et qui servent à créer ou à maintenir des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l’entreprise à laquelle ces fonds sont destinés dans le but d’exercer une activité économique.

        La catégorie 2 de cette nomenclature, intitulée « investissements immobiliers » (non compris dans la catégorie 1) vise, dans son point A, les investissements immobiliers effectués sur le Territoire national par des non-résidents.

        Ainsi, l’acquisition par la Caisse autonome des retraites des travailleurs salariés de Monaco de différentes parcelles de terrain à Beausoleil n’ayant pas été effectuée en vue d’exercer une activité économique ne constitue pas un investissement direct au sens de l’article 57 paragraphe 1 du Traité instituant la Communauté Européenne interprété à la lumière de la directive 88/361 du 24 juin 1988 mais un investissement immobilier entrant dans la catégorie de la nomenclature annexée à ladite directive.

        L’investissement ne relève donc pas, pour ce motif, de la dérogation prévue par l’article 57 paragraphe 1 du Traité instituant la Communauté Européenne qui ne peut faite obstacle à l’application de l’article 56 dudit Traité.

        En conséquence, la Cour a considéré que l’imposition en litige constitue une restriction aux mouvements de capitaux entre un Etat membre de la Communauté Européenne et un pays tiers prohibée par l’article 56 du Traité et a accordé à la Caisse autonome des retraites la restitution du prélèvement qui a été payé.

        Il faut donc noter qu’alors que le Conseil d’Etat a, sans doute un peu vite, implicitement placé tous les investissements immobiliers dans la catégorie des investissements directs, la Cour Administrative d’Appel a fait la différence entre ces deux catégories d’investissements en se fondant sur la Jurisprudence Européenne et sur une analyse fouillée de la notion d’investissement direct qui est lié à l’exercice d’une activité économique ce qui n’est évidemment pas le cas d’un investissement immobilier fait par un organisme sans but lucratif mais également, sans doute, par un particulier qui fait l’acquisition d’une résidence secondaire pour des raisons de convenance personnelle et pour s’en réserver la jouissance.

        LA DIFFÉRENCE DE TAUX D’IMPOSITION DES PLUS-VALUES DES RÉSIDENTS ET DES NON-RÉSIDENTS EST CONTRAIRE A L’ARTICLE 56 CE

        Les plus-values immobilières des résidents français et des résidents de l’Union Européenne, ainsi que celles des résidents de la Norvège, de l’Islande, du Liechtenstein sont imposées au taux de 19 % (auparavant 16 %) alors que les plus-values des non-résidents hors Union Européenne sont imposées au taux de 33,33 %.

        Il est vrai que les résidents français doivent en plus supporter les prélèvements sociaux qui viennent d’être portés à 15,1 %.

        Le Tribunal Administratif de Montreuil a jugé que la différence de traitement qui conduit à imposer plus lourdement les plus-values de cession d’un bien immobilier réalisées en France par des résidents de pays tiers à l’Union Européenne que celles qui sont réalisées par des résidents d’Etats membres présente un caractère discriminatoire et constitue une restriction aux mouvements de capitaux prohibés par l’article 56 CE.

        Le Tribunal Administratif a suivi un raisonnement analogue à celui susvisé de la Cour Administrative d’Appel. Il a également répondu au moyen tiré de la possibilité donnée par l’article 56 aux Etats membres d’établir une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis.

        Pour cela, il a considéré que la circonstance que les contribuables soient résidents d’un Etat membre ou d’un pays tiers n’a pas de conséquence sur la détermination de la base imposable, qu’il s’agit de la même imposition, qu’elle ne porte que sur une seule catégorie de revenus et enfin que l’Etat membre source du revenu imposable est, dans les deux cas, la France.

        Ainsi, un résident d’un pays tiers et un résident d’un Etat membre se trouvent dans une situation objectivement comparable au regard de l’imposition en litige et l’Administration ne peut utilement soutenir que les résidents français sont soumis à la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale sur la même base, de sorte qu’il serait placé dans une situation objectivement différente de celle des résidents d’Etats tiers dès lors que ces contributions sociales ne concernent que les contribuables affiliés à la Sécurité Sociale et constituent une imposition différente qui obéit à une finalité spécifique.

        Dès lors, la différence de traitement qui conduit à imposer différemment les plus-values de cession de biens immobiliers réalisées en France selon qu’elles ont été obtenues par des résidents de pays tiers ou par des résidents d’Etats membres ne peut être regardée comme correspondant à une simple technique d’imposition différente, elle présente ainsi un caractère discriminatoire et constitue par là même une restriction aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et les pays tiers prohibés par l’article 56 du Traité instituant la Communauté Européenne.

        En considérant qu’un résident d’un Etat tiers et un résident d’un Etat membre de l’Union se trouvent dans une situation objectivement comparable au regard de l’imposition en litige, que, l’article 58 ne permet pas d’écarter le caractère discriminatoire de cette imposition et, en outre, que la différence de taux d’imposition ne peut être regardée comme une mesure indispensable à la lutte contre les infractions en matière fiscale. Le Tribunal a estimé que cette différence constituait une restriction à la liberté de circulation des capitaux interdite par l’article 56 CE.

        Enfin, s’agissant de l’application de la clause de « gel », le Tribunal a retenu qu’il ressort de la nomenclature des mouvements de capitaux figurant à l’annexe 1 de la directive 88/361 CE du Conseil du 24 juin 1988 sur la mise en œuvre de l’article 67 du Traité instituant la Communauté Européenne que les investissements immobiliers effectués sur le Territoire national par des non-résidents ne sont pas des investissements directs au sens de l’article 57.

        En conséquence, le Tribunal a ordonné la restitution à un résident du Québec de la différence entre la cotisation acquittée au titre du prélèvement de 33,33 % et de la cotisation résultant de l’application du taux de 16 % (applicable à l’époque pour les résidents) à la même base.

        Bien entendu, le raisonnement aurait été identique pour le résident d’un autre Etat tiers, et notamment pour un résident monégasque.

        Il apparaît donc à la lecture de ces décisions que la Jurisprudence administrative est unanime pour considérer que les discriminations fiscales applicables à des investissements immobiliers constituent une entrave à la liberté de circulation de capitaux prohibés par le Traité Européen et cela, quelle que soit l’origine des capitaux investis : Etat membre ou Etat tiers.

        LES MESURES FISCALES DISCRIMINATOIRES EN MATIÈRE D’INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS CONSTITUENT DES RESTRICTIONS A LA LIBRE CIRCULATION DES CAPITAUX QUI SONT INTERDITES, SAUF LORSQUE LA CLAUSE DE « GEL » PEUT JOUER

        Cependant, il existe semble-t-il une différence d’appréciation entre le Conseil d’Etat et les autres Juridictions en ce qui concerne la qualification des investissements immobiliers et donc la possibilité de faire jouer la clause de « gel » qui permet de maintenir les mesures fiscales discriminatoires antérieures à l’entrée en vigueur du Traité de Maëstricht. Selon le Conseil d’Etat, les investissements immobiliers sont des investissements directs et donc la clause de « gel » est applicable. Seules les règles fiscales discriminatoires postérieures au 31 décembre 1993 seraient condamnées. Selon la Cour Administrative d’Appel de Paris et le Tribunal Administratif de Montreuil, qui eux-mêmes se réfèrent à la Jurisprudence Européenne, les investissements immobiliers ne sont pas, du moins pas toujours, des investissements directs.

        Il serait donc souhaitable que la Cour de Justice des Communautés Européennes soit interrogée et qu’elle tranche le débat.

        DE NOUVELLES PERSPECTIVES

        En conclusion, il apparaît que, malgré les quelques restrictions posées par le Conseil d’Etat pour son application, l’article 73B du Traité Européen, devenu article 56 puis article 63 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, ouvre des perspectives pour contester des dispositions fiscales internes qui présenteraient un caractère discriminatoire et qui auraient un effet sur la libre circulation des capitaux y compris sur les investissements immobiliers ; or, la tentation est grande pour des Etats à la recherche et éperdus de nouvelles recettes fiscales de prendre de telles dispositions.

        Prenons un exemple, l’article 40 de la première Loi de Finances rectificative pour 2011 (Loi du 30 juillet 2011) est venue insérer dans le Code Général des Impôts un article 885T ter qui prévoit que les créances détenues directement ou par l’intermédiaire d’une ou plusieurs sociétés interposées par des personnes n’ayant pas leur domicile fiscal en France sur une société à prépondérance immobilière ne sont pas déduites pour la détermination de la valeur des parts que ces personnes détiennent dans la société.

        Ainsi, les non-résidents qui détiennent des titres d’une société à prépondérance immobilière en France et qui, de ce fait, sont assujettis à l’ISF ne pourront plus, à compter du 1er janvier 2012 pour évaluer la valeur de leurs titres, déduire de l’actif de la société les créances qu’ils détiennent sur celle-ci, alors que les résidents placés dans la même situation auront toujours la possibilité de le faire.

        La base d’imposition ne sera donc pas la même.

        Cette différence de traitement peut sans doute constituer une entrave aux investissements immobiliers en France des non-résidents (qui très souvent effectuent leurs investissements au travers de sociétés) et paraît donc contrevenir au Traité Européen, que le non-résident soit ou non communautaire.

        Certes, on pourrait rétorquer que la différence de traitement serait autorisée par l’article 57 du même Traité dans la mesure où elle est liée non à la nationalité mais à la localisation du domicile fiscal, et où il s’agirait de faire échec à des montages fréquemment utilisés par les non-résidents pour échapper à l’ISF sur leurs investissements immobiliers en France du fait que ceux-ci sont exonérés d’ISF sur leurs placements financiers tandis que les résidents ne le sont pas.

        Il n’en demeure pas moins qu’objectivement résidents et non-résidents qui détiennent un bien immobilier en France par l’intermédiaire d’une société et qui ont financé l’acquisition de ce bien par des apports en compte courant sont dans la même situation et ne devraient donc pas être soumis à des règles différentes pour l’évaluation de leurs titres.

        Il serait donc intéressant que la question soit posée au Juge de l’impôt français et sans doute à la CJCE.

        Henri FONTANA

        Avocat au Barreau de Nice

        Ancien Assistant à la Faculté

        CABINET FONTANEAU

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