L’ISF ALLEGE MAIS L’IMPOSITION DU PATRIMOINE ET DE L’EPARGNE ALOURDIE

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Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 164

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La Loi de Finances rectificative pour 2011, entrée en vigueur le 31 juillet 2011, comporte une profonde réforme de l’ISF (mais non la suppression de cet impôt qui avait pourtant été envisagée mais qui paraissait impossible en cette année pré-électorale) et un certain nombre de mesures d’accompagnement destinées à fournir des recettes fiscales permettant de compenser les pertes dues à la réforme de l’ISF.

Ainsi, globalement, la fiscalité du patrimoine, très élevée en France, ne sera pas réduite, puisqu’à des mesures d’allègement concernant l’ISF, seront associés un alourdissement en matière notamment de droits de succession et de donation et bien au contraire, les nouvelles mesures annoncées dans une lettre rectificative à la Loi de Finances rectificative alourdissent brutalement l’imposition des plus-values immobilières et des revenus du patrimoine.

Par ailleurs, certaines mesures du projet de Loi visaient spécifiquement les non résidents, au curieux motif que l’essentiel de leur fortune et de leurs revenus étant à l’étranger, ils échappent largement à l’impôt en France. La plus importante de ces mesures, une taxe sur les résidences secondaires en France des non résidents a toutefois été abandonnée en raison de l’opposition des représentants des Français de l’étranger.

Il peut paraître curieux que le Gouvernement ait cru nécessaire de compenser par des recettes fiscales nouvelles le coût de la réforme de l’ISF, alors qu’on pourrait penser qu’au contraire, cette réforme augmenterait le produit des impôts existant, en dissuadant les français fortunés de transférer leur domicile fiscal à l’étranger, et en favorisant les rapatriements et permettrait également des économies, puisque le coût de recouvrement de l’ISF est très élevé par rapport à son rendement.

Mais, il est vrai que, pour redonner une attractivité fiscale à la France, il faudrait, d’une part, que l’ensemble des impôts sur le patrimoine soit allégé et d’autre part, qu’il y ait une garantie sur la pérennité de ces allégements, même en cas de changement politique, ce qui n’est évidemment pas le cas.

Ainsi, en voulant compenser, pour des raisons à court terme, une perte de recettes en matière d’ISF par des recettes supplémentaires en matière d’impôt sur le patrimoine et en n’allant pas jusqu’au bout de la logique de la suppression de  l’ISF, le Gouvernement risque de perdre tous les avantages qui auraient pu être attendus d’une vraie réforme de l’imposition du patrimoine.

Mais, une telle réforme aurait-elle été possible en France, c’est-à-dire dans un pays où un impôt est d’autant plus populaire que le nombre de redevables est limité et où le déficit des finances publiques est considérable, alors que le taux des prélèvements obligatoires est très élevé.

Par ailleurs, une « exit tax », qui avait été instituée à la fin du siècle dernier, puis abandonnée en raison de son incompatibilité avec le Traité Européen, est ressuscitée selon des modalités quelques peu différentes, afin sans doute d’éviter cette incompatibilité.

Cependant, la question de la conformité de cette taxe, ainsi que des mesures spécifiques frappant les non résidents avec les Conventions internationales et avec les textes européens, va sans doute se poser.

Enfin, le régime fiscal du trust est clarifié, ce qui était une réelle nécessité.

Nous examinerons donc les principales dispositions du nouveau texte.

LA REFORME DE l’ISF

Le relèvement du seuil d’imposition

La mesure sans doute la plus spectaculaire en matière d’ISF est le relèvement du seuil d’imposition qui passe de 800.000 € à 1.300.000 €.

Cette seule mesure permettra de réduire de plus de la moitié le nombre d’assujettis à l’ISF, qui souvent étaient entrés dans le champ d’application de cet impôt en raison de l’inquiétante augmentation du prix des biens immobiliers depuis une douzaine d’années.

Cependant, il faut noter et c’est beaucoup moins positif, qu’alors que jusqu’à présent la fraction du patrimoine inférieur à 800.000 € était exonérée, désormais, les contribuables dont le patrimoine imposable est supérieur à 1.300.000 € seront imposés dès le premier centime.

Bien qu’un système de décote soit prévu pour éviter un effet de seuil trop important pour les redevables dont le patrimoine est compris entre 1.300.000 € et 1.400.000 €, il est néanmoins évident que les redevables qui dépassent de peu le seuil d’imposition sont les grands perdants de la réforme et que pour eux, l’allègement d’ISF sera très limité.

Il faut également noter que le relèvement du seuil d’imposition s’appliquera dès l’ISF 2011.

En revanche, les personnes dont le patrimoine imposable excède le seuil demeureront imposables en 2011 en application du barème prévu par la Loi de Finances initiale. Pour eux, presque rien ne sera changé, mais le dépôt de la déclaration et donc le paiement de l’impôt sont reportés au 30 septembre.

Une simplification et un allègement du barème d’imposition

A compter de 2012, le barème ne comportera plus que deux tranches d’imposition à 0,25 % pour les patrimoines inférieurs à 3.000.000 € et 0,50 % pour les patrimoines supérieurs à cette somme.

Si l’on considère que le barème actuel comporte six tranches d’imposition, dont la plus élevée est imposée au taux de 1,8 %, l’allègement paraît très substantiel, surtout pour les plus grandes fortunes.

Cependant, il faut noter que depuis l’instauration de l’ISF, la rentabilité du capital a fortement diminué, surtout celle des placements monétaires et obligataires et que subir un prélèvement de 0,50 % chaque année sur le nominal d’une obligation dont le rendement est de 3 % est sans doute plus lourd qu’un prélèvement de 1,5 % sur la valeur d’une obligation dont le rendement est de 15 %.

Par ailleurs, et contrairement à la tradition française qui a toujours été de calculer l’impôt par tranche d’imposition, les redevables dont le patrimoine atteint 3.000.000 € seront imposés au taux de 0, 5 % dès le premier centime.

Ainsi, et malgré l’instauration d’une décote, l’économie d’impôt réalisée par les contribuables dont le patrimoine n’excède que de peu 3.000.000 € sera limitée.

En conclusion, les effets du relèvement du seuil, de la réforme et du barème d’imposition seront surtout très sensibles, d’une part pour les titulaires d’un patrimoine compris entre 800.000 € et 1.300.000 €, qui sortiront du champ de l’impôt, et d’autre part pour les titulaires de patrimoine très élevé, qui bénéficieront largement de la baisse du taux marginal d’imposition.

En revanche, pour les patrimoines compris entre 1.300.000 € et 4.000.000 €, le gain de la réforme sera beaucoup moins sensible, voire quasiment nul dans certain cas.

Une simplification des obligations déclaratives

A compter de 2011, les redevables dont le patrimoine est compris entre 1.300.000 € et 3.000.000 € ne seront plus obligés de produire une déclaration détaillée de leur patrimoine et d’y joindre divers justificatifs, notamment en ce qui concerne le passif déductible.

Ils devront seulement faire figurer le montant de l’actif net imposable dans leur déclaration de revenus.

Ils ne devront plus joindre à leur déclaration le paiement de l’ISF, mais cet impôt sera mis en recouvrement par voie de rôle, comme l’impôt sur le revenu.

Les non résidents devront, le cas échéant, produire une déclaration de revenus pour déclarer leur fortune imposable à l’ISF.

Il est enfin prévu que l’Administration pourra demander aux contribuables des éclaircissements et des justifications sur la composition détaillée de l’actif et du passif de son patrimoine.

Autrement dit, si les contribuables imposables dans la première tranche ne seront plus obligés de déclarer spontanément le détail de leur patrimoine, ils devront cependant être prêts à le fournir si l’Administration en fait la demande, faute de quoi ils s’exposeront à une procédure de rectification.

Enfin, quelques mesures d’assouplissement, qui pour la plupart valident la doctrine administrative et étaient donc déjà appliquées en pratique, concernant l’exonération des biens professionnels et le régime de la réduction ISF PME et ISF dons.

Suppression du « bouclier fiscal » et du plafonnement de l’ISF

Le nouveau texte supprime le très impopulaire « bouclier fiscal », qui limitait le montant global de l’impôt sur le revenu, des contributions sociales de l’ISF et de certains impôts locaux payés par les contribuables français à 50 % de leurs revenus.

Il est vrai que cette mesure bénéficiait essentiellement à quelques milliers de français parmi les plus privilégiés qui auront moins besoin de cette protection, puisqu’ils figurent parmi les principaux gagnants de la réforme de l’ISF.

Par ailleurs, le plafonnement de l’ISF à 85 % du revenu est également supprimé.

ALOURDISSEMENT DES DROITS DE MUTATION A TITRE GRATUIT

Pour compenser l’allègement de l’impôt pesant sur la détention du patrimoine, le nouveau texte alourdit l’imposition de sa transmission.

Ainsi, les taux d’imposition des deux dernières tranches des droits de succession et de donation en ligne directe, ainsi que des droits de donation entre époux passent respectivement de 35 % à 40 % et de 40 % à 45 %, ce qui sont des taux extrêmement élevés notamment par comparaison avec les taux pratiqués dans les autres Etats de l’Union Européenne.

Il est vrai que cette augmentation n’affecterait qu’un nombre extrêmement restreint de successions et de donations.

Parallèlement, le taux des prélèvements sur les capitaux décès versés en raison d’un contrat d’assurance-vie a été porté de 20 % à 25 % pour la fraction supérieure à 902.838 €.

D’autre part, en ce qui concerne spécifiquement les donations, toutes les réductions de droit (50 % pour les donateurs âgés de moins de 70 ans et 30 % entre 70 et 80 ans) ont été supprimées.

Parallèlement, le délai à l’issu duquel les donations ne sont plus cumulées ou reportées dans la succession pour le calcul des droits passerait de six ans à dix ans.

Pour limiter l’effet rétroactif de cette disposition, une entrée en vigueur progressive a toutefois été prévue.

Le Gouvernement a justifié les nouvelles mesures concernant les donations par le fait que celles-ci avaient bénéficié, dans le cadre de la Loi TEPA de 2007, d’un substantiel allègement. Mais, on pourrait aussi dire qu’il reprend aujourd’hui d’une main ce qu’il avait donné d’une autre il y a quatre ans.

Les nouvelles mesures ne sont donc pas cohérentes avec la volonté qui avait été affichée en 2007 d’alléger les droits de succession et de donation, voire même de les supprimer. Elles ne sont pas non plus cohérentes avec la politique qui consistait depuis de nombreuses années à encourager la transmission anticipée du patrimoine sous forme de donation, afin que les nouvelles générations entrent plus rapidement en possession de leur héritage, malgré l’allongement de la durée de la vie, ce qui ne peut qu’être favorable au dynamisme économique.

En outre, et toujours en matière de droits d’enregistrement, le droit de partage a été fortement augmenté (de 1,1% à 2,5%).

Ainsi, la cohérence d’une politique économique et fiscale est aujourd’hui remise en cause par la nécessité de trouver de nouvelles recettes fiscales.

La crise économique et le gonflement démesuré du déficit budgétaire sont passés par là.

Les nouvelles mesures fiscales, annoncées le 24 août dernier par le Premier Ministre, moins d’un mois après l’entrée en vigueur de la loi dont nous commentons les dispositions, consistent d’ailleurs principalement en un alourdissement de la fiscalité frappant l’épargne et le patrimoine des ménages, avec la suppression de l’abattement sur les plus-values immobilières des particuliers, qui pourrait cependant être revue à l’occasion du débat parlementaire et l’augmentation du taux des prélèvements sociaux sur l’ensemble des revenus du patrimoine.

L’heure en France est à l’augmentation des impôts et des contributions sociales plus qu’à la baisse des dépenses publiques pour tenter de revenir progressivement à l’équilibre budgétaire.

DES MESURES VISANT SPECIFIQUEMENT LES NON RESIDENTS PROPRIETAIRES DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT D’UNE RESIDENCE SECONDAIRE EN FRANCE

Le premier projet de Loi de Finances rectificative pour 2011, comportait des dispositions qui intéressaient particulièrement les non résidents qui ont la disposition d’une ou de plusieurs résidences secondaires en France et (ou) qui sont propriétaires de ces résidences au travers d’une personne morale.

Le but de ces dispositions, tel qu’il a été clairement annoncé par le Gouvernement, était d’une part, de trouver des recettes nouvelles pour compenser en partie les aménagements apportés à l’Impôt de Solidarité sur la Fortune et, d’autre part, de faire participer davantage les non résidents au financement des Services Publics français dont ils sont présumés être bénéficiaires, dès lors qu’ils ont une résidence secondaire en France, alors que l’essentiel de leurs revenus n’est pas imposable dans ce pays.

La taxe sur les résidences secondaires des non résidents finalement abandonnée

Une nouvelle taxe visant les résidences secondaires en France des non résidents était ainsi prévue mais son instauration a été abandonnée devant l’opposition des français de l’étranger qui étaient les premiers pénalisés par cette taxe.

Cette taxe aurait été calculée au taux de 20 % sur la valeur locative cadastrale du ou des logements concernés.

Corrélativement, l’article 164C du Code Général des Impôts, qui prévoit que les personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal en France, mais qui y ont la disposition d’un logement, sont assujetties à l’impôt sur le revenu sur une base forfaitaire égale à trois fois la valeur locative de ce logement, aurait été abrogé.

Cette imposition a donc été maintenue mais le champ d’application de l’article 164C est extrêmement réduit, puisque cette imposition ne s’applique ni aux personnes qui ont leur domicile fiscal dans un pays lié à la France par une Convention de double imposition, ni à celles qui ont la nationalité d’un Etat lié à la France par une clause d’égalité de traitement et qui justifient être assujetties dans l’Etat où elles résident à un impôt égal au moins au deux tiers de ce que serait l’impôt français calculé sur la même base, ni aux personnes dont les revenus de source française sont supérieurs à la base forfaitaire.

Une nouvelle règle d’évaluation des parts de sociétés propriétaires d’immeubles en France détenues par des non résidents

Les personnes physiques n’ayant pas leur domicile fiscal en France sont imposables sur les parts qu’elles détiennent dans des sociétés à prépondérance immobilière, qu’elles soient françaises ou étrangères, à proportion de la valeur des biens immobiliers détenus en France par la société par rapport à l’actif total de celle-ci.

En revanche, ces personnes ne sont pas imposables en raison de leurs apports en compte courant qui figurent au passif desdites sociétés, notamment des SCI, dans la mesure où elles sont, d’une manière générale, exonérées de l’impôt sur la fortune à raison de leurs placements financiers.

Ainsi, en finançant par le biais d’apports en compte courant une société ayant acquis un immeuble en France, dont ils détiennent des parts, les associés non résidents peuvent réduire la valeur de ces parts qui figurent dans leur patrimoine taxable à l’ISF, sans que la créance correspondante soit ajoutée à leur patrimoine taxable, et échappent ainsi très souvent à l’ISF.

Afin de mettre un terme à ces schémas d’optimisation fiscale, il a été décidé d’exclure les dettes contractées à l’égard des associés non résidents pour la valorisation des parts qu’ils détiennent dans une société à prépondérance immobilière à compter du 1er janvier 2012.

Les conséquences de cette nouvelle règle peuvent être importantes, dans la mesure où le schéma d’optimisation fiscale décrit ci-dessus a été très largement utilisé par les investisseurs immobiliers étrangers en France.

Bien entendu, la nouvelle mesure n’aura d’effet que si le patrimoine imposable des intéressés est supérieur à 1.300.000 €, ce qui sera presque toujours le cas si le bien immobilier qu’ils détiennent en France au travers d’une entité juridique est un appartement à Paris ou une villa sur la Côte d’Azur.

On peut cependant s’interroger sur la compatibilité de cette nouvelle mesure avec les Conventions de double imposition en matière d’impôt sur la fortune.

En effet, ces Conventions attribuant, en général, l’imposition des créances au pays de résidence du créancier et on ne voit donc pas comment la France pourrait imposer une créance détenue par un résident d’un des Etats concernés par une convention, dans une société qui, le plus souvent d’ailleurs, ne sera pas une société française.

Or, ne pas permettre de déduire de la valeur des parts d’une société une créance détenue sur celle-ci revient indirectement à imposer cette créance.

Ainsi, cette nouvelle mesure pourrait susciter un contentieux important.

UNE NOUVELLE EXIT TAX

Les contribuables qui, à compter du 3 mars 2011, transfèrent hors de France leur domicile fiscal et qui détiennent, lors de ce transfert, avec les autres membres du foyer fiscal une participation directe ou indirecte d’au moins 1 % dans le capital d’une société ou une participation directe ou indirecte dans une société d’une valeur supérieure à 1,3 millions d’Euros seront soumis, lors de la cession ultérieure de cette participation, à l’impôt sur les plus-values et aux prélèvements sociaux, si les titres sont cédés dans les huit ans suivant la sortie du Territoire national.

Cette imposition ne vise toutefois que les contribuables qui ont été fiscalement domiciliés en France pendant au moins six années au cours des dix dernières années précédant le transfert de leur domicile hors de France.

L’assiette de la plus-value, définie lors du transfert du domicile fiscal hors de France, correspondra à la différence entre la valeur des titres au jour du transfert et leur valeur d’acquisition diminuée, le cas échéant, des abattements pour durée de détention.

En outre, le transfert du domicile à l’étranger rendra immédiatement imposables certaines plus-values en report d’imposition (plus-value d’apport en société d’une créance née d’une clause d’earn out, plus-value de cession réalisée avant le 1er janvier 2006 par certains salariés ou dirigeants de sociétés, plus-value d’échange de titres réalisée avant le 1er janvier 2000 résultant de certaines opérations de restructuration).

Le sursis de paiement, de droit et sans prise de garantie, sera accordé si le contribuable transfère son domicile dans un Etat de l’Union Européenne, ou dans un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace Economique Européen, ayant conclu avec la France une Convention Fiscale d’assistance administrative, en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une Convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement.

En revanche, si le contribuable transfère son domicile dans un Etat hors de cette zone, l’imposition serait due à la date du départ hors de France mais, à sa demande et sous réserve de prise de garantie adéquate (sauf en cas de mutation professionnelle), un sursis pourrait également être accordé.

Le sursis de paiement prendrait fin lors de la cession, du rachat, du remboursement, de l’annulation ou, dans certains cas, de la donation des titres concernés.

L’impôt payé dans l’Etat de résidence du contribuable sera imputable sur l’impôt exigible en France (prélèvements sociaux inclus).

L’impôt afférent à la plus-value latente ou en report d’imposition serait dégrevé ou restitué :

– à l’expiration d’un délai de huit ans suivant le transfert du domicile fiscal hors de France,

– ou lorsque le contribuable transfère de nouveau son domicile en France, si l’évènement intervient avant l’expiration du délai de huit ans,

– et en cas de décès du contribuable.

Cette nouvelle taxe ne manque sans doute pas de justification sur le plan économique et de l’équité fiscale mais on peut s’interroger sur sa compatibilité avec les engagements internationaux de la France.

La nouvelle Exit Tax est en effet très proche d’un dispositif que la Cour de Justice des Communautés Européennes avait déclaré en 2004, incompatible avec le droit communautaire et notamment avec la liberté d’établissement et la liberté de circulation des capitaux garanties par le Traité CEE et l’Accord sur l’Espace Economique Européen. A la suite de cette décision, ce dispositif avait été abrogé.

Toutefois, l’octroi d’un sursis de paiement automatique et sans garantie en cas de transfert du domicile dans un Etat de l’Union Européenne pourrait rendre compatible le nouveau texte avec le Traité Européen, dans la mesure où il n’y aurait pas, au moment du départ de France, entrave à la liberté d’établissement ou à la liberté de circulation des capitaux au sein de l’Union.

UNE CLARIFICATION DU REGIME FISCAL DES TRUSTS

Le régime fiscal des trusts et des institutions juridiques de droit étranger comparable en matière de droits de mutation à titre gratuit et d’impôt de solidarité sur la fortune n’a pas toujours été clair en France, compte tenu de la singularité des concepts mis en œuvre par les droits étrangers qui connaissent le trust, lequel est ignoré par le droit civil français.

Certes, la jurisprudence française reconnaissait la validité de trusts constitués à l’étranger mais il n’est pas toujours possible de qualifier les relations juridiques caractéristiques du trust au regard des catégories juridiques de droit interne et d’en déduire la fiscalité applicable.

Cette situation est depuis longtemps lourde d’insécurité juridique pour les personnes qui ont constitué un trust et/ou qui en sont bénéficiaires, notamment pour celles qui souhaitent s’installer en France et qui ont recours à un trust pour organiser la gestion ou la transmission de leur patrimoine.

La Loi de Finances rectificative pour 2011 a le mérite d’apporter une solution à ces difficultés.

Une définition du trust

Un nouvel article introduit dans le Code Général des Impôts (article 782-O bis) précise que, pour l’application du Code, on entend par trust l’ensemble des relations juridiques créées dans le droit d’un Etat autre que la France, par une personne qui a la qualité de constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, en vue d’y placer des biens ou droits sous le contrôle d’un Administrateur, dans l’intérêt d’un ou de plusieurs bénéficiaires ou pour la réalisation d’un objectif déterminé.

On entend par constituant du trust, soit la personne physique qui l’a constitué soit, s’il a été constitué par une personne physique agissant à titre professionnel ou une personne morale, la personne physique qui y a placé des biens ou des droits.

Le régime fiscal de transmission à titre gratuit via un trust

Pour mettre un terme à une situation insatisfaisante, la Loi de finances rectificative pour 2011 contient un article qui se propose de préciser le régime fiscal des transmissions à titre gratuit réalisées via un trust, d’une part en confirmant les règles de taxation actuellement applicables, d’autre part en créant des règles de taxation pour certaines situations spécifiques.

Cet article confirme que les transmissions à titre gratuit réalisées via un trust et qui peuvent être qualifiées de donation ou de succession sont soumises aux droits de mutation existant (selon le cas : droits de donation ou de succession) compte tenu du lien de parenté existant entre le constituant et le bénéficiaire ; les avoirs placés en trust sont alors ajoutés aux autres biens transmis par le constituant au bénéficiaire. Cette règle de taxation s’applique aux biens et droits ainsi qu’aux produits capitalisés dans le trust et transmis par donation ou succession.

Corrélativement, la présomption de propriété posée par l’article 752 du Code Général des Impôts est complétée pour tenir compte des actifs détenus dans un trust. Ainsi, sont présumés, jusqu’à preuve du contraire, faire partie de la succession pour la liquidation et le paiement des droits de mutation par décès, les biens ou droits composant un trust défini à l’article 792- O bis et les produits qui y sont capitalisés, dont le défunt a eu la propriété ou a perçu des revenus, ou en raison desquelles il a effectué une opération quelconque dans un délai d’un an avant son décès.

Une règle subsidiaire de taxation spécifique

Lorsque la qualification de donation ou de succession ne peut pas être retenue, et qu’en conséquence les droits de mutation à titre gratuit ne peuvent pas être appliqués selon la règle de droit commun, le nouveau texte crée une règle de taxation spécifique aux droits de mutation par décès, applicable au décès du constituant.

Ces droits de mutation seront désormais appliqués sur les biens, droits ou produits capitalisés, qu’ils soient transmis au décès du constituant ou à une date postérieure.

En effet, afin de permettre l’imposition aux droits de mutation à titre gratuit des transmissions successives des avoirs restant dans le trust de génération en génération, une disposition particulière prévoit que le bénéficiaire est réputé être constituant du trust à raison des biens, droits et produits qui ont fait l’objet d’une transmission à titre gratuit via le trust.

La règle fiscale est sans incidence sur la qualification de la transmission intervenant au décès ou à une date postérieure et dont les modalités dépendront de la part revenant aux bénéficiaires du trust :

– lorsqu’à la date du décès la part d’un bénéficiaire est déterminée, elle sera taxée aux droits de mutation par décès en fonction de son lien de parenté avec le constituant défunt,

– dans le cas où la part revenant aux bénéficiaires ne peut pas être déterminée pour chacun d’entre-eux à la date du décès, les droits de mutation à titre gratuit seront dus au décès du constituant au taux maximum applicable en ligne directe sur la part des biens, droits et produits capitalisés qui a vocation à être transmise à un descendant du constituant (soit 45 %) et au taux de 60 % sur les autres biens, droits et produits restant dans le trust.

En application à l’article 751 du CGI, ces droits seront dus soit lorsque le constituant a son domicile fiscal en France au sens de l’article 4B du CGI, ou lorsque le bénéficiaire du trust est domicilié en France au jour de la transmission ou l’a été pendant au moins six ans au cours des dix dernières années, soit lorsque les biens mis en trust sont situés en France.

Les droits sont acquittés par l’Administrateur du trust.

Enfin, dans le cas particulier de trusts constitués sous le régime juridique prévu par la Loi d’un Etat ou Territoire « non coopératif », ou dans le cas d’un trust créé après le 11 mai 2011, lorsque le constituant était domicilié en France lors de la constitution du trust, le tarif applicable aux donations et aux mutations par décès serait un taux unique de 60 %.

Imposition à l’ISF des avoirs placés en trust

Aux termes du nouvel article 885 G du CGI, le constituant ou le bénéficiaire réputé être un constituant, lorsqu’il est assujetti à l’ISF, comprend dans son patrimoine imposable les biens ou droits placés dans un trust ainsi que les produits qui y sont capitalisés. L’ISF est assis sur la valeur vénale nette de ces biens au 1er janvier de l’année d’imposition.

Sont donc imposables :

– les biens placés dans un trust dont le constituant est résident fiscal français, quel que soit le lieu de situation de ces biens,

– les biens (à l’exception des placements financiers) situés en France et placés dans un trust dont le constituant n’est pas un résident fiscal français.

Toutefois, les biens, droits et produits capitalisés placés dans un trust irrévocable dont les bénéficiaires exclusifs relèvent de l’article 795 du CGI (trust caritatif) et dont l’administrateur est soumis à la Loi d’un Etat ou Territoire ayant conclu avec la France une Convention d’Assistance Administrative, en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, n’ont pas à figurer dans l’actif imposable à l’ISF du constituant.

La Loi instaure également un prélèvement spécifique de 0,50 % dont la finalité principale est de se substituer à l’ISF pour sanctionner le défaut de déclaration régulière au titre de l’ISF des avoirs placés en trust.

Ce prélèvement est dû par les constituants ou bénéficiaires d’un trust personne physique.

Les personnes physiques domiciliées en France sont soumises au prélèvement à raison de l’ensemble des biens, droits ou produits capitalisés composant le trust, qu’ils soient situés en France ou hors de France.

Les personnes physiques domiciliées hors de France ne sont imposables qu’à hauteur des seuls biens et droits situés en France. En outre, leurs placements financiers sont expressément exonérés.

Les biens qui ont été régulièrement déclarés à l’Administration et les biens placés dans un trust caritatif ou dans des trusts créés par des entreprises au bénéfice de leurs salariés pour gérer leurs droits à pension sont exonérés.

En revanche, les exonérations prévues en matière d’ISF ne sont pas applicables en matière de prélèvement de 0,50%.

L’administrateur du trust est tenu de déclarer chaque année la consistance et la valeur des biens, droits et produits capitalisés placés dans le trust, au plus tard le 15 juin, au Service des Impôts compétent.

Le dépôt de la déclaration doit être accompagné du paiement du prélèvement.

Le constituant et le bénéficiaire, autres que ceux ayant satisfait à leur obligation déclarative propre, sont solidairement responsables avec l’administrateur de son paiement.

Enfin, le nouvel article 1 649 AB du CGI instaure une obligation de déclaration à la charge de l’administrateur du trust, dès lors que les actifs qui y sont placés sont susceptibles d’être taxés en France (le constituant ou l’un des bénéficiaires du trust a son domicile fiscal en France au titre de l’année de la déclaration ou un des biens ou droits placés en trust est situé en France) l’administrateur est alors tenu de déclarer :

– la constitution, la modification ou l’extension du trust,

– le contenu de ses termes,

– la valeur vénale au 1er janvier de l’année des biens, droits et produits capitalisés entrant dans le champ du prélèvement de 0,50 % sur le trust.

Cette déclaration est la condition de l’application de l’exonération de prélèvement de 0,50 % sur les trusts pour les personnes qui ne sont pas redevables de l’ISF.

Le non respect de cette obligation déclarative est sanctionné par une amende de 10.000 € ou, si elle est plus élevée, d’un montant égal à 5 % des biens, droits et produits capitalisés composant le trust.

Exonération d’impôt sur le revenu des produits réinvestis dans le trust

Jusqu’à présent, l’article 120-9 du CGI assimilait à des revenus de capitaux mobiliers de source étrangère, imposables à l’impôt sur le revenu les produits des trusts, quelle que soit la consistance des biens le composant, que ces produits soient ou non distribués.

Désormais, dans la nouvelle rédaction de l’article, seuls les produits distribués par les trusts seront imposables et non les produits réinvestis (sauf s’il s’agit de produits de participations dans des entités financières étrangères soumises à un régime fiscal privilégié).

Henri FONTANA

Avocat au Barreau de Nice

Ancien Assistant à la Faculté

CABINET FONTANEAU

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