L’ACCORD ENTRE LA PRINCIPAUTE DE MONACO ET L’UNION EUROPEENNE SUR LA FISCALITE DES INTERETS

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Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 159

(Année 2009)

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Depuis le début de la décennie, le problème des placements financiers dans des pays européens défendant le secret ou la confidentialité bancaire a préoccupé les autorités européennes.

Ce problème a pris une ampleur encore plus grande à la suite de la crise financière.

Les tentatives de solutions ont aboutit à la multiplication des initiatives et déclarations.

Cet article a donc pour objectif de préciser la position de Monaco et de l’Union Européenne. Ceci est d’autant plus important que cette position va devoir à l’avenir s’articuler avec un certain nombre d’autres initiatives notamment bilatérales dont les effets devraient commencer à se faire sentir dès le début de l’année 2010.

Le point de départ de cette recherche de solution entre Monaco et l’Union Européenne remonte à l’année 2003. En effet, le 21 janvier 2003 le conseil ECOFIN est parvenu à un accord politique sur un projet de directive en matière de fiscalité de l’épargne. Le but de cette directive est que les personnes domiciliées dans un État membre ne puissent pas échapper à l’impôt dans le pays où ils sont domiciliés sur les intérêts de leurs capitaux en délocalisant ces capitaux dans un autre État membre. Les États membres qui étaient hostiles à la levée du secret bancaire au profit de l’administration fiscale ont obtenu que l’échange automatique d’informations n’intervienne, en ce qui les concerne, qu’au terme d’une période transitoire au cours de laquelle serait pratiquée une retenue à la source.

De plus, contrairement à la proposition initiale, aucun délai contraignant n’est prévu pour mettre fin à la période transitoire et l’unanimité des membres sera nécessaire. Ainsi, si l’échange d’informations demeure l’objectif ultime, plus aucun délai n’est stipulé pour atteindre cet objectif.

Il est également prévu que des accords comportant des mesures équivalentes à celles de la directive devront être conclus avec certains États extérieurs à l’Union Européenne parmi lesquels la Principauté de Monaco. En effet, le Conseil ECOFIN de 2003 rappelle les conclusions du Conseil européen de Feira, où il est indiqué que des assurances suffisantes devraient être obtenues de certains États tiers quant à l’application de « mesures équivalentes » à celles qui sont prévues dans le projet de directive. Sur la base du rapport de la Commission présenté au Conseil ECOFIN du 3 décembre, le Conseil considère que cette condition est remplie dans le cas des États-Unis d’Amérique et qu’elle le serait dans les cas de la Suisse, du Liechtenstein, de Monaco, d’Andorre et de Saint-Marin si ces pays proposaient de conclure des accords ayant des mesures équivalentes à celles qui doivent être appliquées au sein de l’Union Européenne.

Toutefois, en ce qui concerne ces États tiers, il n’est pas envisagé, même à l’issue de la période transitoire, un échange automatique d’informations mais seulement un échange d’informations sur demande conformément au modèle de convention de l’OCDE.

Lors de l’adoption du « paquet fiscal » en juin 2003 dont la date d’entrée en vigueur est le 1er juillet 2005, le Conseil a invité la Commission à poursuivre, en étroite concertation avec la présidence du Conseil, les négociations avec la Confédération suisse, la Principauté de Liechtenstein, la République de Saint-Marin, la Principauté de Monaco, la Principauté d’Andorre et les États-Unis d’Amérique afin d’insister sur le fait que l’échange d’informations est l’objectif ultime de l’Union européenne, et à faire un rapport au Conseil d’ici le 31 décembre 2006 sur l’évolution de ces négociations. C’est ainsi que le Conseiller de Gouvernement pour les Finances et l’Économie de Monaco a confirmé que la Principauté, en raison de sa situation dans l’espace européen, ne pouvait pas rester à l’écart des négociations avec l’Union Européenne. Ainsi, Monaco a accepté, dès l’origine, de participer à ces négociations et a continué à négocier au même rythme que les autres États tiers de sorte que la solution retenue au terme des négociations soit la même pour tous ces États et préserve les cartes de la Principauté.

En tout état de cause, un accord avec l’Union Européenne ne modifie en rien la situation fiscale des personnes dont la résidence fiscale est située en Principauté de Monaco puisqu’il ne concerne que les paiements d’intérêts par un agent payeur établi à Monaco à des « bénéficiaires effectifs » ayant leur résidence fiscale dans un État de l’Union européenne à l’exclusion des résidents français. Les paiements d’intérêts à des personnes morales ne sont pas concernés.

La Commission européenne a donc présenté le 29 octobre 2004 une proposition de décision du Conseil relative à la signature de l’accord entre la Communauté européenne et la Principauté de Monaco prévoyant des mesures équivalentes à celles prévues dans la directive du Conseil sur l’imposition des revenus de l’épargne sous forme d’intérêts et à l’approbation ainsi qu’à la signature de la déclaration d’intention qui l’accompagnent. L’accord a été signé le 7 décembre 2004 entre la Principauté et la Communauté Européenne, sous réserve de l’adoption par le Conseil à un stade ultérieur d’une décision relative à la conclusion de l’accord.

Par conséquent, l’ordonnance souveraine n° 100 du 20 juin 2005 rend exécutoire à compter du 1er juillet 2005 l’accord entre la Principauté de Monaco et l’Union européenne prévoyant des mesures équivalentes à celles que porte la directive 2008/48/CE du Conseil en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiement d’intérêts. L’ordonnance souveraine n° 101, prise pour l’application de cet accord, précise les conditions dans lesquelles la retenue à la source sur les revenus de l’épargne sous la forme de paiement d’intérêts effectués en faveur de bénéficiaires effectifs, personnes physiques, résidentes d’un État membre de la Communauté est prélevée par les agents payeurs établis sur le territoire de la Principauté sous réserve des mesures de communication volontaire prévues par la même ordonnance.

La Principauté de Monaco a donc bien suivi les recommandations du Conseil ECOFIN. Cependant, ces ordonnances diffèrent quelque peu de la directive en matière de fiscalité des revenus de l’épargne. En effet, alors que le Conseil insiste sur l’échange des renseignements en tant qu’objectif ultime, Monaco a opté pour le régime de la retenue à la source afin de maintenir son secret bancaire et de préserver ainsi sa compétitivité en matière de gestion du patrimoine. Toutefois, il est prévu une possibilité d’échange d’informations soit de manière volontaire afin de se soustraire à la retenue à la source, soit de manière obligatoire en cas d’escroquerie fiscale.

L’ABSCENCE D’ECHANGE D’INFORMATION DANS LES OBJECTIFS DES ORDONNANCES SOUVERAINES

L’IDENTITE DU CHAMP D’APPLICATION DE LA DIRECTIVE EUROPEENNE ET DES ORDONNANCES SOUVERAINES

Le champ d’application de l’ordonnance monégasque est identique à celui de la directive de l’épargne tant au niveau de la définition du bénéficiaire effectif qu’au niveau de la définition de l’agent payeur et des intérêts.

Définition et identification du bénéficiaire effectif

Au sens de la directive de l’épargne, on entend par bénéficiaire effectif, « toute personne physique qui reçoit un paiement d’intérêts ou toute personne physique à laquelle un paiement d’intérêts est attribué, sauf si elle fournit la preuve que ce paiement n’a pas été effectué ou attribué pour son propre compte ».

Cette définition est identiquement la même que celle que l’on trouve dans l’ordonnance monégasque. En effet, est réputée « bénéficiaire effectif », toute personne physique résidente d’un État membre de l’Union européenne qui reçoit des paiements d’intérêts à Monaco, ou toute personne physique, résidente d’un État membre de l’Union européenne, à laquelle un paiement d’intérêts est attribué à Monaco, sauf dans le cas où cette personne apporte la preuve que ce paiement n’a pas été reçu ou attribué pour son bénéfice propre, à savoir qu’elle :

(a) intervient en qualité d’agent payeur ;

(b) intervient au nom d’une personne morale, d’une entité assujettie aux dispositions de l’ordonnance souveraine n° 3.152 du 19 mars 1964 instituant un impôt sur les bénéfices, d’un Organisme de Placement Collectif en Valeurs Mobilières (OPCVM), d’un organisme équivalent à un OPCVM qui soit établi sur le territoire de la Principauté de Monaco et chargé de réaliser des investissements en placement d’épargne ;

(c) intervient au nom d’une autre personne physique, qui est le bénéficiaire effectif, et communique à l’agent payeur l’identité et la résidence de ce bénéficiaire effectif.

Dans les cas où un agent payeur détient des informations indiquant qu’il est possible que la personne physique qui reçoit un paiement d’intérêts ou à laquelle un paiement d’intérêts est attribué n’en soit pas le bénéficiaire effectif et dans les cas où ni le point (a), ni le point (b) ci-dessus ne s’appliquent à cette personne physique, cet agent payeur prend des mesures raisonnables afin de déterminer l’identité du bénéficiaire effectif. Dans l’hypothèse où l’agent payeur n’est pas en mesure d’identifier le bénéficiaire effectif, il traitera la personne physique qui reçoit le paiement d’intérêts ou à laquelle le paiement d’intérêts est attribué comme si elle était le bénéficiaire effectif.

L’agent payeur identifie les bénéficiaires effectifs et leur résidence selon les procédures et modalités suivantes :

–    dans le cas de relations contractuelles établies avant le 1er janvier 2004, l’agent payeur établit l’identité du bénéficiaire effectif et son lieu de résidence d’après les informations dont il dispose, obtenues sur la base d’un document d’identité officiel ou tout autre document probant, à savoir un document officiel portant photographie du bénéficiaire effectif.

–    dans le cas de relations contractuelles établies après le 1er janvier 2004 ou de transactions effectuées en l’absence de relations contractuelles, l’identité du bénéficiaire effectif et son lieu de résidence sont établis sur la base du passeport ou de la carte d’identité officielle émise par un État membre de l’Union européenne, ou tout autre document probant présenté par le bénéficiaire effectif.

Les personnes physiques présentant une carte de séjour monégasque doivent, au moyen d’une attestation sur l’honneur, déclarer qu’elles ne sont pas résidentes d’un État membre.

Pour les personnes physiques présentant un passeport ou une carte d’identité officielle émise par un État membre de l’Union européenne et qui déclarent être résidentes d’un pays autre qu’un État membre ou que la Principauté de Monaco, la résidence est établie au moyen d’un certificat de résidence fiscale émis par l’autorité compétente du pays dans lequel cette personne physique déclare être résidente.

En l’absence de présentation d’un tel certificat, il est considéré que la résidence est située dans l’État membre de l’Union européenne qui a émis le passeport ou la carte d’identité officielle.

–    dans le cas des diplomates résidant dans un État membre de l’Union européenne, leur domicile est réputé situé non pas dans cet État membre, mais dans l’État accréditant.

–    dans le cas d’une relation collective (comptes collectifs, comptes joints…) et dès lors qu’au moins un des cocontractants est un bénéficiaire effectif d’intérêts, l’agent payeur limite l’application de ce régime aux personnes concernées en répartissant les paiements d’intérêts et le décompte en fonction du nombre de cocontractants, à moins que celui-ci n’ait été informé, documents à l’appui, d’une autre clé de répartition.

Par ailleurs, si le cocontractant n’entend pas être considéré comme bénéficiaire effectif, il lui appartient de démontrer de manière probante soit quel est le bénéficiaire effectif, soit qu’il agit lui-même en qualité d’agent payeur.

–    en cas de décès, c’est le dernier domicile du défunt qui fait foi. Il est réputé inchangé jusqu’à la date où l’agent payeur est informé du partage successoral, date à laquelle les dispositions relatives aux relations collectives s’appliquent.

Définition de l’agent payeur

La directive de l’épargne prévoit qu’a la qualité d’agent payeur, « tout opérateur économique qui paie des intérêts ou attribue le paiement d’intérêts au profit immédiat du bénéficiaire effectif, que cet opérateur soit le débiteur de la créance produisant les intérêts ou l’opérateur chargé par le débiteur ou le bénéficiaire effectif de payer les intérêts ou d’en attribuer le paiement, dans des cas spécifiques précisés par l’article 4 de la directive, est aussi considérée comme agent payeur, au moment où elle reçoit un paiement d’intérêts ou se voit attribuer un paiement d’intérêts, toute entité établie dans un État membre à laquelle des intérêts sont payés ou attribués au profit du bénéficiaire effectif ».

La rédaction de l’ordonnance monégasque sur la définition de l’agent payeur diffère de celle prévue dans la directive de l’épargne mais sa substance n’en est pas pourtant altérée. Sont considérées comme ayant la qualité d’agent payeur dans la Principauté de Monaco les banques, les personnes physiques et morales, sociétés de personnes et filiales de sociétés étrangères qui, dans le cadre de leur activité d’affaires, acceptent, détiennent, placent ou transfèrent des actifs appartenant à des tiers et procèdent à, ou attribuent, même occasionnellement, des paiements d’intérêts au profit immédiat d’un bénéficiaire effectif.

Tout agent payeur est tenu de se faire recenser auprès de la Direction des Services Fiscaux au cours du trimestre du premier versement d’intérêts passibles de la retenue.

Il précisera :

–    son nom ou sa dénomination sociale, son domicile ou siège,

–    la nature de son activité,

–    son identifiant statistique (code D.S.E.E.).

Définition des paiements d’intérêts

Cette définition reste fidèle à celle que l’on retrouve dans la directive communautaire.

En effet, pour l’ordonnance monégasque, constituent des paiements d’intérêts :

a) Les intérêts payés ou inscrits en compte, qui se rapportent à des titres de créances ou résultant de dépôts effectués par la clientèle, assorties ou non de garanties hypothécaires ou d’une clause de participation aux bénéfices du débiteur, et notamment les intérêts des titres du Trésor et des obligations d’emprunts, y compris les primes et lots attachés à ceux-ci.

Les pénalisations pour paiement tardif ne sont pas considérées comme des paiements d’intérêts. Toutefois, sont exclus les intérêts résultant de prêts consentis entre personnes physiques agissant à titre privé en dehors de toute activité commerciale ou d’affaires ;

b) Les intérêts courus ou capitalisés obtenus lors de la cession, du remboursement ou du rachat des créances visées au point (a) ;

c) Les revenus résultant de paiements d’intérêts, que ce soit directement ou par l’entremise d’une entité domiciliée dans un État membre de l’Union européenne visée à l’article 4, paragraphe 3 de la directive du Conseil 2003/48/CE du 3 juin 2003 et distribués par :

– des organismes de placement collectif établis dans un État membre de l’Union européenne ou dans la Principauté de Monaco ;

– des entités domiciliées dans un État membre de l’Union européenne qui font exercice de l’option au titre de l’article 4, paragraphe 3 de la directive du Conseil 2003/48/CE du 3 juin 2003 et en informent l’agent payeur, et

– des organismes de placement collectif établis en dehors du territoire visé à l’article 19 de l’Accord conclu le 7 décembre 2004 entre la Principauté de Monaco et l’Union européenne ;

d) Les revenus réalisés à l’occasion de la cession, du remboursement ou du rachat d’actions ou de parts des organismes ou entités ci-dessous, si ces derniers investissent directement ou indirectement, par l’entremise d’autres organismes de placement collectif ou entités visés ci-dessous, plus de 40 % de leurs actifs dans des créances visées au point (a) :

– des organismes de placement collectif établis dans un État membre de l’Union européenne ou dans la Principauté de Monaco ;

– des entités domiciliées dans un État membre de l’Union européenne qui font exercice de l’option au titre de l’article 4, paragraphe 3 de la directive du Conseil 2003/48/CE du 3 juin 2003 et en informent l’agent payeur, et

– des organismes de placement collectif établis en dehors du territoire visé à l’article 19 de l’Accord conclu le 7 décembre 2004 entre la Principauté de Monaco et l’Union européenne.

Cette définition des paiements d’intérêts donnée par l’ordonnance monégasque est plus précise que celle prévue dans la directive sur l’épargne. En effet, au sens de la directive, on entend par paiement d’intérêts, « des intérêts payés, ou inscrits en compte, qui se rapportent à des créances de toute nature, assorties ou non de garanties hypothécaires ou d’une clause de participation aux bénéfices du débiteur, et notamment les revenus des fonds publics et des obligations d’emprunts, y compris les primes et lots attachés à ceux-ci (à l’exclusion des pénalisations pour paiement tardif) ; des intérêts courus ou capitalisés obtenus lors de la cession, du remboursement ou du rachat des créances précédemment énoncées ; des revenus provenant de paiements d’intérêts, soit directement soit par l’intermédiaire de certaines entités limitativement énumérées, distribués par les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) autorisés conformément à la directive 85/611/CEE ou certains organismes de placement collectif ; des revenus réalisés lors de la cession, du remboursement ou du rachat de parts ou d’unités dans les OPCVM, lorsque ceux-ci investissent, directement ou indirectement par l’intermédiaire d’autres organismes de placement collectif ou entités, plus de 40 % de leurs actifs dans les créances ».

Il est donc possible de constater que la Principauté de Monaco a exactement suivi les recommandations du Conseil ECOFIN pour la qualification des personnes visées et pour la définition de la matière concernée. Cependant, ce champ d’application identique n’a pas le même objectif. En effet, Monaco a opté pour le régime de la retenue à la source qui est versée à hauteur de 75% au pays de résidence du bénéficiaire des intérêts.

L’OPTION POUR LE REGIME DE LA RETENUE A LA SOURCE DANS LES ORDONNANCES SOUVERAINES

Dans son ordonnance, la Principauté a accepté le régime de la retenue à la source qui est versé à hauteur de 75% au pays de la résidence du bénéficiaire des intérêts et dont le taux est progressivement porté à 15% au 1er juillet 2005, à 20% au 1er juillet 2008 et à 35% au 1er juillet 2011.

Cette retenue à la source est prélevée différemment selon les caractéristiques des intérêts versés. En effet, l’agent payeur effectue la retenue à la source selon les modalités suivantes :

a) dans le cas d’un paiement d’intérêts au sens du point (a) du paragraphe ci-dessus : sur le montant des intérêts payés ou crédités ;

b) dans le cas d’un paiement d’intérêts au sens du point (b) ou (d) du paragraphe ci-dessus: sur le montant des intérêts ou des revenus visés à ces paragraphes ou par un prélèvement d’effet équivalent à prendre en charge par le bénéficiaire effectif sur l’intégralité du produit de la cession, du rachat ou du remboursement ;

c) dans le cas d’un paiement d’intérêts au sens du point (c) du paragraphe ci-dessus, sur le montant des revenus visés dans ce paragraphe.

Aux fins des points (a) (b) et (c) ci-dessus, la retenue à la source est prélevée au prorata de la période durant laquelle le bénéficiaire effectif est détenteur du titre de la créance ou des actions ou parts qui a (ont) donné lieu à la réalisation du revenu. Dans l’hypothèse où l’agent payeur n’est pas en mesure de déterminer cette période sur la base des informations mises à sa disposition, il considère que le bénéficiaire effectif a été en possession du titre de la créance ou des actions ou parts pendant l’ensemble de la période où ce(s) dernier(s) a (ont) existé, sauf si le bénéficiaire effectif apporte la preuve de la date où il l'(a) (les) a acquis(es).

Les impôts, prélèvements et retenues autres que la retenue à la source prévue par l’ordonnance souveraine n° 101 grevant le même paiement d’intérêt sont déduits du montant de la retenue d’impôt calculée conformément aux dispositions ci-dessus.

La retenue est calculée et prélevée en euros, arrondie à l’euro le plus proche, la fraction d’euro égale à 0,50 étant comptée pour 1.

Si les intérêts sont payés en monnaie étrangère, l’agent payeur effectue le change au cours du jour du décompte avec son client.

Les agents payeurs doivent verser les retenues effectuées à la Direction des Services Fiscaux au plus tard le 31 mars de l’année suivant le paiement des intérêts.

Le versement est obligatoirement accompagné d’une déclaration, conforme au modèle annexé à l’ordonnance souveraine n° 100 du 20 juin 2005, faisant ressortir la répartition des montants entre les Etats membres de l’Union européenne.

L’agent payeur délivre, sur demande du bénéficiaire effectif des intérêts, un justificatif de la retenue effectuée.

Le défaut ou le retard de production et du versement de la retenue entraîne les sanctions suivantes :

–    une amende forfaitaire de 1 000 euros pour le défaut constaté ;

–    un intérêt de retard de 0,5 % par mois sur la retenue exigible à compter du 1er avril de l’année suivant le paiement des intérêts jusqu’au jour du paiement encaissé de la retenue à la source ;

–    une majoration de 10 % de la retenue exigible en l’absence de réponse à la mise en demeure de déposer la déclaration et de verser la retenue exigible ;

–    une majoration de 40 % de la retenue exigible lorsque la déclaration et le versement de la retenue à la source ne sont pas intervenus dans les 30 jours suivant la réception d’une mise en demeure ;

–    une majoration de 80 % de la retenue exigible lorsque la déclaration et le versement de la retenue à la source ne sont pas intervenus dans les trente jours de la deuxième mise en demeure.

Les omissions, insuffisances ou inexactitudes de la déclaration excédant le vingtième de la base passible de la retenue à la source sont sanctionnées :

–    si la bonne foi est établie, d’un intérêt de retard de 0,5 % par mois sur la retenue exigible ;

–    si la mauvaise foi de l’agent payeur est établie, d’une majoration de 40 % de la retenue exigible, qui s’ajoute à l’intérêt de retard.

L’action en répétition de la Direction des Services Fiscaux à l’égard des insuffisances ou omission de perception ou l’action en restitution des redevables à l’égard des perceptions indues sont prescrites après l’expiration de la troisième année civile suivant celle au cours de laquelle la retenue était exigible.

Dans le délai précité, l’agent payeur peut rectifier une retenue prélevée à tort en produisant toutes les justifications du versement indû. Sous cette condition, il pourra procéder sur la déclaration à la compensation entre le trop versé et les retenues exigibles par État de résidence de bénéficiaires.

Il est donc possible de constater que la Principauté de Monaco est en accord avec les recommandations du Conseil ECOFIN. En effet, bien que dans les conclusions du Conseil, il soit précisé que l’objectif ultime de l’Union européenne était l’échange d’informations sur une base aussi large que possible; il était aussi précisé que des assurances suffisantes devraient être obtenues de certains États tiers, notamment Monaco, quant à l’application de « mesures équivalentes » à celles qui sont prévues dans le projet de la directive. C’est donc, en toute cohérence avec les dispositions communautaires, que la Principauté a privilégié la technique de la retenue à la source comme « mesure équivalente ».

La Principauté a toutefois accepté la possibilité d’échanges d’informations dans un certains nombre de circonstances exceptionnelles.

LE CARACTERE EXCEPTIONNEL DU RECOURS A L’ECHANGE D’INFORMATION

LE CAS DE L’ESCROQUERIE ET DES INFRACTIONS EQUIVALENTES

En contrepartie de la signature de ces ordonnances, la Principauté a pu maintenir l’anonymat du titulaire du compte au regard des administrations fiscales (lequel anonymat pourra cependant être levé sous certaines conditions dans le cadre de la mise en jeu des Conventions d’assistance administrative que la Principauté vient de signer ou qui sont en cours de signature) et préserver ainsi sa compétitivité dans la section de gestion du patrimoine.

Cependant, ce secret peut être levé dans le cas d’une incrimination pénale selon le droit du pays requis de fournir des informations (et non sur le droit du pays qui les requiert notamment en cas de fraude fiscale) en respectant le principe de double incrimination.

Plus précisément, ce n’est que dans le cas d’un délit d’escroquerie fiscale en matière d’imposition des revenus de l’épargne payés sous la forme d’intérêts définie au sens du droit interne de l’État requis que des renseignements pourront être fournis à la demande de l’État de résidence aux termes de l’article 12 de l’accord.

Ainsi, sont considérés comme des actes délictueux : l’usage d’un document faux, falsifié ou inexact dans le dessein de se soustraire ou de tenter de se soustraire au paiement total ou partiel de l’imposition des revenus de l’épargne, l’absence intentionnelle de retenue de l’imposition ou une retenue d’un montant insuffisant, le détournement intentionnel des montants perçus et l’obtention frauduleuse d’une restitution totale ou partielle de l’imposition.

Les renseignements sont transmis dans le cas où ils porteraient sur des faits faisant l’objet d’une procédure administrative, civile ou pénale engagée par l’État requérant relatifs aux actes visés et se rapportant aux seuls revenus de l’épargne imposable par ledit État.

Cependant, la fourniture de renseignements sur demande est étroitement encadrée.

En effet, le Département des Finances et de l’Economie procède à un examen préliminaire des demandes de renseignements que les autorités étrangères compétentes de l’Union européenne formulent en application de l’article 12 de l’Accord susvisé en cas d’escroquerie fiscale ou d’infraction équivalente ayant le même degré de gravité.

Le Département des Finances et de l’Economie doit informer l’autorité étrangère compétente qu’il ne peut accéder à sa demande s’il ressort de cet examen préliminaire que les faits commis à l’étranger ne constitueraient pas un délit d’escroquerie fiscale s’ils avaient été commis dans la Principauté de Monaco. En ce cas, ladite autorité peut compléter sa demande.

Si l’examen préliminaire révèle que toutes les conditions d’octroi définies à l’article 12 de l’Accord susvisé sont satisfaites, le Département des Finances et de l’Economie entreprend les démarches suivantes :

–    Il informe l’agent payeur du dépôt de la demande et des renseignements demandés exclusivement ;

–    Il demande audit agent payeur de lui communiquer les renseignements, et

–    Il l’invite à faire désigner par la personne concernée domiciliée à l’étranger une personne physique ou morale dans la Principauté de Monaco habilitée à recevoir des notifications.

Si l’agent payeur communique au Département des Finances et de l’Economie les renseignements demandés, celui-ci examine lesdits renseignements et prend la décision finale.

Si l’agent payeur, la personne concernée ou la personne habilitée à recevoir les notifications ne consent pas à remettre les renseignements sollicités dans un délai de quinze jours, le Département des Finances et de l’Economie enjoint à l’agent payeur, de remettre les renseignements désignés dans la demande de l’autorité étrangère.

Le Département des Finances notifie également à la personne concernée ou à la personne habilitée à recevoir des notifications la décision adressée à l’agent payeur ainsi qu’une copie de la demande présentée par l’autorité étrangère compétente, pour autant que la demande n’exige pas expressément le maintien du secret.

Si la personne concernée n’a pas désigné de personne habilitée à recevoir des notifications, l’autorité étrangère compétente procède à la notification de la décision et de la demande conformément à son droit.

Simultanément, le Département des Finances et de l’Economie fixe à la personne concernée un délai pour consentir à la transmission des renseignements ou pour désigner une personne habilitée à recevoir des notifications.

La personne concernée peut prendre part à la procédure et consulter le dossier. La consultation et la participation à la procédure peuvent être refusées ou limitées s’il apparaît que les pièces et actes de la procédure doivent être tenus secrets pour la sauvegarde d’intérêts importants ou à la demande de l’autorité compétente étrangère dans l’intérêt de la procédure ou pour la protection d’un intérêt juridique important.

Si les renseignements exigés dans la décision ne sont pas remis au Département des Finances et de l’Economie dans le délai fixé, sont applicables les dispositions de l’ordonnance souveraine n° 3.085 du 25 septembre 1945 relative aux droits et devoirs des agents des Services Fiscaux.

L’agent payeur est tenu de prêter son concours à la localisation et à l’identification des documents et pièces.

Seuls peuvent être saisis les documents et pièces qui pourraient avoir une importance en relation avec la demande de renseignements.

Le Département des Finances et de l’Economie prend la décision finale motivée, dans laquelle il se prononce sur la recevabilité de la demande au regard des conditions posées à l’article 12 de l’Accord et décide de la transmission des documents et de pièces à l’autorité compétente étrangère, telles que déterminées à l’article 12-1 dernier paragraphe de l’Accord susvisé.

La décision est notifiée à la personne concernée ou à la personne habilitée à recevoir les notifications.

Par dérogation à ce qui précède, si la personne concernée consent à la remise des renseignements à l’autorité étrangère compétente, elle en avise le Département des Finances et de l’Economie par écrit. Ce consentement est irrévocable.

Le Département des Finances et de l’Economie constate le consentement par écrit et clôt la procédure en transmettant les renseignements à l’autorité étrangère compétente.

Si le consentement ne porte que sur une partie des renseignements, les autres documents ou pièces sont obtenus conformément aux dispositions du présent article et transmis au moyen d’une décision finale.

Cet échange d’informations contre le gré de la personne concernée permet à Monaco de suivre les lignes directrices de la directive de l’épargne. Cependant, il est possible que ce soit le bénéficiaire effectif qui demande un tel échange.

LA COMMUNICATION VOLONTAIRE

Dans les ordonnances monégasques, il est prévu une exception au système de la retenue à la source si le bénéficiaire effectif autorise expressément son agent payeur à communiquer les paiements d’intérêts perçus ou crédités à la Direction des Services Fiscaux.

Cette autorisation couvre l’ensemble des paiements d’intérêts effectués en faveur du bénéficiaire effectif par cet agent payeur.

Une fois accordée, l’autorisation reste valable jusqu’à réception par l’agent payeur d’une révocation expresse du bénéficiaire effectif ou de son successeur en droit sous réserve du paiement de la retenue d’impôt qui devient alors exigible.

En cas d’autorisation expresse du bénéficiaire effectif, l’agent payeur communique les éléments suivants :

(a) identité et résidence du bénéficiaire effectif ;

(b) nom ou dénomination sociale et adresse de l’agent payeur ;

(c) numéro de compte du bénéficiaire effectif ou identification du titre de créance donnant lieu au paiement des intérêts ;

(d) montant du paiement des intérêts.

Ces renseignements sont communiqués à la Direction des Services Fiscaux au moyen d’une déclaration obligatoirement conforme au modèle annexé à l’ordonnance souveraine n° 101 au plus tard le 31 mars de l’année suivant le paiement des intérêts.

L’agent payeur peut révoquer une déclaration d’intérêt au plus tard le 31 mai de l’année où la déclaration est souscrite. Si dans un tel cas une retenue à la source doit être effectuée, l’agent payeur l’acquittera immédiatement à la Direction des Services Fiscaux.

Cet échange d’informations volontaire présente un intérêt double : d’une part, elle permet, pour le bénéficiaire effectif, d’éviter la retenue à la source et d’autre part, elle offre la possibilité à la Principauté de se mettre en conformité avec les lignes de conduite prévues dans la directive sur la fiscalité de l’épargne qui souhaite en objectif ultime une communication d’informations sur une base la plus large possible.

A l’issue de cette présentation de la situation actuelle de la Principauté en matière de fiscalité de l’épargne et d’échange d’information, il convient de noter que les ordonnances analysées sont loin de clore le débat ouvert en 2003 sur le sujet.

Deux points importants méritent en effet d’être signalés.

Tout d’abord il convient de noter qu’un nouvel accord avec l’Union Européenne est déjà en gestation. La Commission européenne a en effet adopté, en novembre 2008, une proposition de modification de la directive en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiement d’intérêts. Les principales modifications concernent :

–    l’application des dispositions de la directive aux paiements effectués à des structures intermédiaires établies hors de l’Union Européenne, lorsque le bénéficiaire effectif est une personne physique qui réside dans l’Union Européenne,

–    l’élargissement de la directive aux revenus équivalant à des intérêts et provenant d’investissements effectués dans divers produits financiers innovants ainsi que dans certains produits d’assurance-vie,

–    l’extension de la directive à tous les fonds de placement quelle que soit leur forme juridique.

Bien entendu, le projet de modification de la directive n’en est encore qu’à ses débuts et un grand nombre d’étapes devra être franchi et de négociations menées à leur terme avant que de nouvelles dispositions puissent entrer en vigueur dans les États membres et dans les États qui auront accepté d’adopter des mesures équivalentes.

Par ailleurs, lors du sommet du G20 à Londres au mois d’avril 2009, la Principauté de Monaco a été placée sur la liste grise émise par l’OCDE. Afin de sortir de cette liste, Monaco a entamé une politique de développement en matière d’échange d’information et a signé de nombreux accords bilatéraux avec des États membres de l’Union européenne dont notamment l’Autriche, la Belgique, le Luxembourg, la France et les Pays-Bas.

Du fait de ces nouvelles conventions, la problématique des échanges d’informations fiscales avec la Principauté va devoir intégrer deux niveaux distincts.

D’une part, l’échange d’information limité dans sa portée mais étendu à l’ensemble de l’Union Européenne, tel qu’il a été décrit dans cet article, d’autre part, l’échange d’information beaucoup plus contraignant mais d’une simple portée bilatérale qui produira ses effets sitôt que les conventions bilatérales signées par la Principauté auront été ratifiées.

A ce stade, il est en tout cas clair que, quelque soit le cadre des échanges d’informations auxquels la Principauté s’est engagée, ces derniers ne s’inscriront pas dans une logique d’automaticité.

Isabelle FONTANEAU

Rédacteur Juridique

D.E.S.S. Droit des affaires et fiscalité

CABINET FONTANEAU

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