LUXEMBOURG : DE LA HOLDING 1929 A LA SOCIETE DE GESTION DE PATRIMOINE FAMILIAL

 


    Article publié dans la Revue “Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires” N° 150
(Année 2007)
 


Epinglée dans le rapport « Primarolo » puis remisée après presque quatre-vingts ans de bons et loyaux services. Tel est le sort qu’a réservé à la Holding 1929 la Commission Européenne qui n’a pas jugé suffisantes les modifications qui furent apportées à son statut en 2005, pour le rendre plus conforme aux exigences de la politique fiscale commune.

Désireux d’éviter une confrontation avec Bruxelles et une longue période d’incertitude, le Luxembourg en a pris son parti, décidant, le 22 décembre 2006, d’abroger le
« Régime 1929 » et aménageant un sursis de quatre années pour les structures existantes, appelées définitivement à disparaître au soir du 31 décembre 2010.

Le temps de glisser vers la société de gestion de patrimoine familial, le véhicule de remplacement de la Holding 1929. 

L’ABOLITION DES HOLDINGS 1929 AU LUXEMBOURG  

1.         LE MECANISME DE LA LOI DU 31 JUILLET 1929

1.1.      Le régime fiscal d’origine

1.1.1.   Les sociétés Holdings 1929

Au profit des sociétés de participations financières pures, mieux connues au Luxembourg sous le nom de « Holdings 1929 », la loi du 31 juillet 1929[1] a créé un régime fiscal d’exonération, visant à prévenir une deuxième imposition des bénéfices en provenance de filiales commerciales ou industrielles.

Par définition, les sociétés Holdings « pures » ne possèdent ni revenu, ni patrimoine qui n’aurait pas déjà fait l’objet d’une taxation. En conséquence, le choix du
« Régime 1929 » n’entraîne aucun assujettissement aux impôts directs tels que l’impôt sur la fortune, l’impôt commercial communal ou l’impôt sur le revenu des collectivités.

Les Holdings restent néanmoins soumises à une taxe d’abonnement annuelle sur le capital, égale à 0,20% de la valeur des parts, déduction faite de la partie non libérée du capital et prise en compte des pertes, à un impôt foncier, lorsqu’elles possèdent un immeuble pour leurs propres besoins de fonctionnement, et à un droit d’apport de 1% au moment de la fondation.

Il est encore à préciser que les Traités préventifs des doubles impositions écartent en général les Holdings 1929 de leur champ d’application.

1.1.2.   Les Holdings milliardaires

Sous-groupe des Holdings 1929 et formées par un apport initial d’au moins vingt-quatre millions d’euros, les « Holdings milliardaires », introduites par un arrêté grand-ducal du 17 décembre 1938, sont dotées d’une faculté d’option. Possibilité leur est en effet donnée de remplacer la taxe d’abonnement par un impôt « sur les revenus » perçu sur les intérêts payés aux titulaires d’obligations, sur les dividendes versés aux associés, ainsi que sur les tantièmes payés aux dirigeants, aux commissaires et éventuellement aux liquidateurs.

1.2.      La réforme de 2005 et la décision de la Commission Européenne

1.2.1.   Les modifications de juin 2005

Dans le but de le rendre conforme au Code de Conduite européen dans le domaine de la fiscalité des entreprises, adopté par le Conseil le 1er décembre 1997, le Législateur luxembourgeois a quelque peu modifié le Régime 1929, par une loi du 21 juin 2005.[2]

En effet, l’amendement de la loi du 31 juillet 1929 fait suite à la décision du Groupe Primarolo d’inclure les sociétés Holdings dans les mesures fiscales des Etats membres non conformes au Code de Conduite, le Luxembourg tentant de neutraliser la critique en refusant le statut d’exonération aux Holdings 1929 percevant 5% ou plus de leurs dividendes de filiales non soumises à un impôt comparable à l’impôt sur le revenu luxembourgeois.

1.2.2.   La décision de la Commission Européenne du 19 juillet 2006

Estimant que la conformité du Régime 1929 aux règles du marché unique n’était toujours pas assurée, la Commission entreprit alors de réaliser une enquête, dans le but de déterminer si les exonérations fiscales accordées aux Holdings 1929 constituaient ou non des aides d’Etat et, le cas échéant, si elles étaient ou non compatibles avec le marché unique.

Au terme de cette investigation, la décision rendue le 19 juillet 2006[3] tomba comme un couperet : le régime fiscal applicable aux Holdings 1929 et milliardaires enfreignait les règles du Traité CE régissant les aides d’Etat et aucune des exceptions prévues par ledit Traité n’était applicable (Article 87, §1).

2.         LE GLAS DES HOLDINGS 1929

2.1.      Le contenu de la loi d’abrogation du 22 décembre 2006

2.1.1.   La période transitoire

Le régime Holding ayant été institué par une loi luxembourgeoise de 1929 et constituant à ce titre une aide existante, antérieure au Traité CE, la décision rendue le 19 juillet 2006 par la Commission ne pouvait, en conséquence, avoir d’effet rétroactif sur le statut des sociétés Holding 1929 constituées jusqu’au 20 juillet 2006.

Le Gouvernement luxembourgeois a par ailleurs négocié une période transitoire de quatre années, allant jusqu’au 31 décembre 2010. Dès lors, pour les sociétés qui avaient le statut fiscal de Holding exonérée à la date de la notification de la décision de la Commission, le 20 juillet 2006, la perte de ce statut ne sera applicable qu’à compter du 1er janvier 2011.

•2.1.2.      Les autres idées-phares de la loi du 22 décembre 2006

Outre la période transitoire, la loi du 22 décembre 2006 s’articule autour de trois idées directrices : 

  • – l’abrogation, à partir du 1er janvier 2007, de la loi modifiée du 31 juillet 1929, qui avait porté introduction des Holdings 1929;
  • – la non-application du régime fiscal des Holdings 1929 à des sociétés constituées après le 20 juillet 2006, et ce même si l’article 1er précise que la date d’abrogation juridique des textes est le 1er janvier 2007;
  • – la fin du bénéfice du régime fiscal, pour les sociétés Holdings 1929 constituées avant le 20juillet2006, si tout ou partie des titres représentatifs du capital de la société Holding 1929 sont cédés à un tiers, avec effet à la date de cession.

Par dérogation, le bénéfice des dispositions de la période transitoire reste acquis jusqu’à la fin de la période transitoire en cas de cessions d’actions de sociétés Holdings cotées en bourse, de cessions intragroupes et de cessions pour cause de succession, de libéralité ou de régime matrimonial.

Tout transfert d’actions ou de parts, autre que ces derniers, est soumis à l’agrément préalable donné en assemblée générale des associés représentant au moins les deux tiers du capital social.

Le maintien du régime d’exonération pendant la période transitoire suppose la présentation, par les Holdings cotées, de la Cote officielle de la Bourse de Luxembourg ou d’un document similaire émis par une autre Bourse de valeurs ou, en ce qui concerne les sociétés non cotées, d’un certificat de non-objection établi annuellement par le domiciliataire ou, à défaut, par un réviseur d’entreprises ou un expert-comptable. Ladite certification, ou la preuve de la cotation, est requise pour la société Holding qui entend se prévaloir des dispositions de la période transitoire et sera jointe aux déclarations de la taxe d’abonnement.

•2.2.            La nécessité d’un véhicule de remplacement

•2.2.1.      Les  conséquences de la disparition du Régime 1929

Privées du Régime 1929, les Holdings deviennent sociétés de droit commun sur le plan fiscal, assujetties aux impôts directs et imposables sur leurs revenus mondiaux. Elles accèdent bien entendu aux exonérations de droit commun prévues par la loi luxembourgeoise, en matière de revenus en provenance de filiales, mais également à toutes les conventions préventives de double imposition et aux avantages découlant des directives européennes.[4]

•2.2.2.      L’instauration d’une nouvelle génération de Holdings

En vue de pallier les effets de l’abolition du Régime 1929, voire de donner une impulsion supplémentaire à la Place financière, le Gouvernement luxembourgeois a déposé, en date du 20 novembre 2006, un projet de loi, adoptée le 11 mai 2007[5] et instaurant la société de gestion de patrimoine familial, nouvelle génération de Holdings destinée à la gestion de fortune des personnes physiques. 

LA REACTION A LA SUPPRESSION DU REGIME LUXEMBOURGEOIS DES HOLDINGS 1929 : LA SOCIETE DE GESTION DE PATRIMOINE FAMILIAL 

1.         UN VEHICULE POUR LA GESTION DU PATRIMOINE PRIVE

1.1.      La définition générale de la société

1.1.1.   La forme et l’objet

La société de gestion de patrimoine familial, ou « SPF » en abrégé, est conçue comme une société d’investissement destinée aux personnes agissant dans le cadre de la gestion d’un patrimoine privé.

La volonté de se soumettre aux dispositions la régissant doit explicitement figurer dans les statuts.

La SPF se doit d’adopter une forme de société de capitaux (société à responsabilité limitée, société anonyme, société en commandite par actions, société coopérative organisée sous forme de société anonyme).

Quant à son objet social, il se limite à l’acquisition, à la détention, à la gestion et à la réalisation d’actifs financiers, à l’instar de ce qui serait permis à une personne physique, à l’exclusion de toute activité commerciale. Toute activité de négoce d’actifs financiers, de services financiers ou autres est exclue.

La SPF n’est admise à détenir une participation dans une société qu’à la condition de ne pas s’immiscer dans la gestion de la société filiale. Elle ne peut donc pas être administrateur de la société filiale. Il lui est également interdit d’octroyer des prêts rémunérés à une société filiale. Selon les commentaires accompagnant la loi du 11 mai 2007, les avances aux sociétés filiales ne sont autorisées que si elles sont octroyées à titre accessoire et purement gratuit. La SPF est par ailleurs autorisée à cautionner les engagements de la société dans laquelle elle détient une participation.

Les actifs qui peuvent encore être détenus par la SPF sont définis d’une manière très large, comme étant des instruments financiers au sens de la loi du
5 août 2005[6] relative aux contrats de garantie financière ou des espèces et avoirs de quelque nature que ce soit, détenus en compte auprès des établissements de crédit ou d’autres professionnels du secteur financier.

Font ainsi partie des instruments financiers les valeurs mobilières, dont actions, obligations et titres assimilables, les certificats de dépôt, les bons de caisses, les titres conférant le droit d’acheter des valeurs mobilières, les instruments financiers à terme, etc.

La nature financière de l’actif doit être vérifiée.

Si la SPF ne peut acquérir directement des immeubles, rien ne s’oppose à ce qu’elle détienne des participations dans des sociétés immobilières non transparentes.

Pour financer ses actifs, la SPF a toute latitude pour emprunter auprès d’un tiers, établissement financier ou non, ainsi qu’auprès de ses associés, contre rémunération.

•1.1.2.      Les conditions propres aux investisseurs

Les parts ou actions de la société de gestion de patrimoine familial sont réservées à des investisseurs particuliers, c’est-à-dire à toute personne physique agissant dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé, mais également à toute entité patrimoniale (trust, fondation privée ou entité similaire) agissant exclusivement dans l’intérêt du patrimoine privé de personnes physiques. Il en est de même des intermédiaires, détenant des actions de SPF à titre fiduciaire, pour le compte d’investisseurs admis. Une personne morale contrôlée par des particuliers est elle aussi admise comme associé, à la condition qu’elle n’exerce aucune activité économique, industrielle ou commerciale. Il restera, en pratique, à apporter une réponse à la question de savoir si cette condition doit uniquement être vérifiée de façon empirique, ou si l’objet social de la société doit explicitement exclure de telles activités.

Dans le but de faciliter les contrôles, l’investisseur doit déclarer sa qualité par écrit à l’attention du domiciliataire ou des dirigeants de la SPF. 

Le texte du projet de loi initial limitait l’actionnariat à un cercle restreint d’investisseurs. Si cette précision a été supprimée, il est néanmoins légitime d’estimer qu’en pratique, au vu des interprétations législatives quant au caractère privé de la SPF, cette exigence subsistera. En ce sens, les titres émis par une société de gestion de patrimoine familial ne peuvent faire l’objet d’un placement public ni même être admis à la cotation d’une bourse de valeurs.

Enfin, il convient de préciser qu’un lien familial entre investisseurs n’est pas nécessaire.

•1.2.            La réglementation fiscale spécifique à la nouvelle structure

1.2.1.   L’exemption d’impôts directs

Comme pour les Holdings 1929, les dispositions législatives régissant la société de gestion de patrimoine familial instaurent un régime d’exemption personnelle à son profit : la SPF est exemptée de l’impôt sur le revenu, de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur la fortune.

L’objectif de l’exonération des impôts sur le revenu est de ne pas soumettre à une charge fiscale supplémentaire les bénéfices d’entreprises réalisés et imposés en amont de la SPF et de permettre l’accumulation de revenus de capitaux mobiliers hors de toute imposition, laquelle devant intervenir suivant les règles de droit commun auprès de l’investisseur en cas de distribution des revenus.

En ce qui concerne les résidents luxembourgeois, les dividendes sont imposés par voie d’assiette, sans retenue à la source[7], tandis que les intérêts sont soumis à une retenue à la source libératoire.[8]

Quant aux non-résidents, les dividendes ne sont pas imposables au Luxembourg, étant donnée l’absence de retenue à la source. Les intérêts tombent dans le champ d’application de la directive 2003/48/CE relative à la fiscalité de l’épargne sous forme de paiement d’intérêts.[9]

L’exonération au titre de l’impôt sur la fortune s’explique au vu du constat que la société de gestion de patrimoine familial est constitutive d’un patrimoine privé, et que les personnes physiques sont elles-mêmes exemptées de l’impôt sur la fortune.

La disposition restrictive introduite en 2005 à l’égard des Holdings 1929 est maintenue : encourt une exclusion du bénéfice du régime fiscal d’exemption, pour l’exercice en cours, toute société de gestion de patrimoine familial qui, au cours dudit exercice, a reçu 5% ou plus du montant total de ses dividendes en provenance de participations dans des sociétés non résidentes et non cotées qui ne sont pas soumises à un impôt comparable à l’impôt sur le revenu des collectivités.[10] Le respect de cette condition doit être certifié annuellement par un expert comptable ou un réviseur d’entreprises.

Précisons encore que la SPF entre dans le champ d’application de certains impôts directs sur des revenus versés : retenues à la source sur les salaires et les tantièmes.

Finalement, la SPF reste redevable du droit d’apport de 1% perçu lors de la constitution et des augmentations de capital, droit dont la suppression est à l’ordre du jour.

•1.2.2.      L’assujettissement à la taxe d’abonnement et l’exclusion du bénéfice de dispositions de droit commun

La société de gestion de patrimoine familial est soumise à la taxe annuelle d’abonnement au taux de 0,25%, avec un minimum annuel de 100 euros et un plafond de 125 000 euros.

Le calcul de la base d’imposition de la taxe d’abonnement due par la SPF correspond au capital social libéré, augmenté le cas échéant des primes d’émission et de la partie des dettes, sous quelque forme que ce soit, qui excède l’octuple du capital social libéré et des primes d’émission, existant au 1er janvier ou, pour l’année de sa constitution, existant à la date de constitution.

Par rapport aux Holdings 1929, les distributions de dividendes n’entrent plus en ligne de compte pour le calcul de la base en matière de taxe d’abonnement.

Vu son statut fiscal, la nouvelle structure est en principe exclue du bénéfice des conventions fiscales préventives de la double imposition conclues par le Luxembourg.

Dans le même ordre d’idées, la SPF n’est pas davantage en mesure d’invoquer la directive relative au régime fiscal commun applicable aux sociétés mère et filiales d’Etats membres différents. Pendant une éventuelle période d’exclusion du régime d’exonération, en raison du non-respect de la disposition relative à la composition des dividendes perçus, la SPF devrait par contre pouvoir en bénéficier. L’application des conventions contre les doubles impositions pendant la période d’exclusion reste en revanche incertaine.

2.         UN VEHICULE DE REMPLACEMENT DE LA HOLDING 1929

2.1.      La conformité de la SPF avec le droit communautaire 

2.1.1.   L’absence d’aide étatique dans le chef de la société

Le régime fiscal des sociétés de gestion de patrimoine familial ne relève pas des règles applicables en matière d’aides d’Etat, d’abord en raison de l’absence d’activité économique au niveau de la société.

En effet, la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes[11] confirme que le simple fait de détenir des participations ne constitue pas une activité économique. Ainsi, la notion « d’entreprise » et, par conséquent, l’existence d’une aide étatique à une ou plusieurs entreprises sont par-là même exclues.

Néanmoins, et il s’agit là d’une limitation importante, la CJCE ne manque pas de préciser qu’une entité qui détient des participations de contrôle dans une société et qui exerce effectivement ce contrôle en s’immisçant dans la gestion de celle-ci doit être considérée comme prenant part à l’activité économique exercée par l’entreprise contrôlée. D’où la disposition explicite interdisant à la SPF de s’immiscer dans la gestion des sociétés dans lesquelles elle détient une participation.

2.1.2.   L’absence d’aide étatique au niveau des investisseurs

Les investisseurs-associés de la société de gestion de patrimoine familial étant exclusivement (directement ou au travers d’autres entités patrimoniales) des personnes physiques qui agissent dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé, il ne peut pas non plus y avoir d’aide d’Etat à ce niveau, une aide d’Etat incompatible avec le marché commun supposant que certaines entreprises soient favorisées au détriment d’autres acteurs économiques.

Le remplacement de la Holding 1929 par la société de gestion de patrimoine familial répond donc à la contrainte posée sur ce point. Ce qui n’empêche pas de nombreuses ressemblances entre les deux types de sociétés.

2.2.      La mise en évidence de changements dans la continuité

2.2.1.   Le constat de nombreux points communs aux deux structures

Si la société de gestion de patrimoine familial est venue remplacer la Holding 1929, elle présente de larges similitudes avec la précédente.

En effet, sur le fond des structures, peu de choses changent. D’abord, les actifs éligibles sont largement identiques. En outre, exercer une activité commerciale ou acquérir des immeubles à titre d’investissement est interdit, sous réserve de la possibilité, pour la société Holding 1929, de détenir un immeuble pour ses propres besoins. Si l’une et l’autre de ces sociétés peuvent être actionnaires d’une société filiale, elles ne peuvent pas en être administrateurs.

Ensuite, à l’image de son ascendante, la SPF est exemptée des impôts sur le revenu et sur la fortune. Elle demeure, comme la société Holding 1929, soumise au droit d’apport et à la taxe annuelle d’abonnement, sous le contrôle de l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines. Toutes deux bénéficient d’une exonération de la retenue à la source sur les dividendes versés.

En raison de son régime fiscal spécial, la SPF n’aura pas la possibilité de récupérer les retenues à la source sur les produits perçus ; de même et logiquement, elle ne pourra pas se prévaloir de l’application des conventions de non double imposition et du régime d’exonération des sociétés mère et filiales.

Par ailleurs, il faut écarter un assujettissement de la SPF à la TVA.

Finalement, il apparaît que l’idée fondamentale, qui a présidé à l’élaboration de la loi sur la société de gestion de patrimoine familial, est bien d’éviter que la SPF ne soit perçue comme une entreprise, ou comme un véhicule permettant à des entreprises associées d’obtenir des avantages concurrentiels, tel que ce fut le cas, aux yeux de la Commission Européenne, pour la Holding 1929.

2.2.2.   Les éléments les différenciant

Un certain nombre d’activités permises aux Holdings 1929 ne sont pas admises dans les sociétés de gestion de patrimoine familial. Tel est le cas de l’octroi de prêts rémunérés aux filiales, même si une activité de financement sans intérêt reste possible à titre accessoire. Il en va de même de la détention de brevets, touchant de trop près au domaine commercial pour être autorisée dans la SPF.

Plus spécifiquement, l’industrie des organismes de placement collectif verra la disparition du régime d’exonération des sociétés de conseil de SICAV sous le statut de
Holding 1929.

Pour ce qui est de la taxe d’abonnement, on a vu que le taux applicable à la SPF s’élève à 0,25% du capital social libéré, des primes d’émission et de la partie des dettes qui excède l’octuple du capital social libéré et des primes d’émission, contre 0,20% de la valeur des parts pour la Holding 1929, dont le taux d’endettement était par ailleurs et en principe limité au triple du capital et au décuple en ce qui concerne les emprunts obligataires.

Enfin, aucun plafonnement de la taxe d’abonnement n’était prévu pour cette dernière, alors qu’elle est limitée à 125 000 euros pour la société de gestion de patrimoine familial.

Les divergences et similitudes essentielles existant entre les deux types de sociétés peuvent être résumées comme suit :

 

HOLDING 1929

SPF

Investisseurs

Aucune restriction

Personnes physiques et assimilées

Actifs éligibles 

Participations et avoirs financiers, brevets

Instruments financiers (art.1 loi du 05/10/2005), avoirs en compte

Participations dans des sociétés

Autorisées

Autorisées avec interdiction explicite de s’immiscer dans la gestion

Prêts sur sociétés filiales

Permis

Permis accessoirement sans intérêt

Acquisition d’immeubles

Autorisée pour ses propres besoins

Interdite

Activité commerciale

Exclue

Exclue

Impôts sur le revenu
et la fortune

Exemption
sauf dépassement seuil 5%

Exemption

 sauf dépassement seuil 5%

Droit d’apport 1%

Assujettissement

Assujettissement

Taxe d’abonnement
sur le capital

Assujettissement : 0,20% ; supplément en cas de dépassement du ratio capital/dettes 1 à 3 (1 à 10 pour emprunts obligataires) et de dividendes supérieurs à 10% du capital

Assujettissement : 0,25% ; supplément en cas de dépassement d’un ratio capital/dettes de 1 à 8

 

Pas de plafond

Plafond : 125 000 euros

Dividendes versés

Exonération de la retenue à la source

Exonération de la retenue à la source

Intérêts versés

Application de la retenue à la source (européenne ou luxembourgeoise)

Application de la retenue à la source (européenne ou luxembourgeoise)

Assujettissement à la T.V.A.

Non

Non

Conventions
de non double imposition

Non applicables

Non applicables

Régime d’exonération des sociétés mère et filiales

Non applicable

Non applicable

 

CONCLUSION

A la suite de la suppression du régime des Holdings 1929, le Gouvernement luxembourgeois a instauré la société de gestion de patrimoine familial, nouvelle génération de Holding couverte par le secret bancaire et réservée aux personnes physiques agissant dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé.

Conforme au droit communautaire, elle offre aux investisseurs privés les avantages connus de la Holding 1929, néanmoins tempérés par certaines restrictions de son champ d’activités.

Elle vient s’insérer dans le paysage financier luxembourgeois comme outil de gestion et de transmission patrimoniale, à côté des SOPARFI qui s’intègrent davantage dans la stratégie d’optimisation fiscale des entreprises et dont il est question d’adapter le régime fiscal.

Certaines interrogations peuvent être formulées à l’égard du nouvel outil. Néanmoins, en parente de la Holding 1929, la SPF bénéficie d’un préjugé favorable quant à ses chances de succès. 

En tout état de cause, l’enjeu pour la Place financière n’est pas négligeable. 

Guy SCHOSSELER

Sabrina FUNK

Département fiscal
S.F.C. REVISION, Luxembourg

 

[1] Loi du 31 juillet 1929 sur le régime fiscal des sociétés de participations financières (holding companies), abrogée par la loi du 22 décembre 2006, publiée au Mémorial A n° 241 du 29 décembre 2006.

[2] Loi du 21 juin 2005 portant modification de l’article 1er de la loi modifiée du 31 juillet 1929 sur le régime fiscal des sociétés de participations financières, publiée au Mémorial A n° 86 du 22 juin 2005 ; voir l’article y relatif paru dans le numéro 142 de notre revue.

[3] Décision 2006/940/CE de la Commission Européenne du 19 juillet 2006 concernant le régime d’aide C3/2006 mis en œuvre par le Luxembourg en faveur des sociétés Holdings 1929 et des Holdings milliardaires, publiée au Journal Officiel de l’Union Européenne L n°366 du 21.12.2006. 

[4] Elles deviennent de fait SOPARFI, désignation donnée aux Holdings luxembourgeoises de droit commun. Ces sociétés de participations financières bénéficient de l’article 166 de la loi sur l’impôt sur le revenu qui prévoit l’exonération des revenus d’une participation de 10% au moins, s’inscrivant dans le cadre de la directive relative aux sociétés mère et filiales d’Etats membres différents ; voir l’article y relatif paru dans le numéro 192 de notre revue.

[5] Loi du 11 mai 2007 relative à la création d’une société de gestion de patrimoine familial (« SPF »), publiée au Mémorial A n°75 du 14 mai 2007.

[6] Article 1er, 8), de la loi du 5 août 2005 sur les contrats de garantie financière, publiée au Mémorial A
n° 128 du 16 août 2005.

[7] L’article 115, n°15a de la L.I.R., exonérant auprès du bénéficiaire la moitié des dividendes perçus de sociétés de capitaux pleinement imposables, n’est pas applicable.

[8] Loi du 23 décembre 2005 portant introduction d’une retenue à la source libératoire sur certains intérêts produits par l’épargne mobilière, publiée au Mémorial A n°214 du 28 décembre 2005.

[9] Loi du 21 juin 2005 introduisant une retenue à la source sur les paiements d’intérêts effectués en faveur de personnes physiques ayant leur résidence fiscale dans un autre Etat membre de l’Union Européenne, publiée au Mémorial A n°86 du 22 juin 2005.

[10] Les dispositions relatives aux Holdings 1929 sont applicables, à une différence près. En ce qui concerne la SPF, les investissements dans des titres de sociétés cotées sont admis dans tous les cas, sans qu’il soit nécessaire de valider l’absence de régime fiscal privilégié au niveau de l’émetteur.

[11] Arrêt du 10 janvier 2006,  Ministero dell’Economia e delle Finanze contre Cassa di Risparmio di Firenze, référence C-222/04.

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