ALLEGEMENT DE LA FISCALITE DU CAPITAL ET DE L’EPARGNE AU LUXEMBOURG


 

 

Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 145 (Année 2006)


 

Avec comme objectif de favoriser l’épargne, le législateur luxembourgeois a introduit une réforme destinée à réduire la charge fiscale des revenus d’intérêts, tout en simplifiant leur mode d’imposition.

Réalisée par la loi du 23 décembre 2005, le dispositif de cette réforme consiste dans l’instauration d’un prélèvement à la source libératoire de 10% à l’égard des personnes physiques résidentes, accompagnée, toujours pour les personnes physiques, de la suppression de l’impôt sur la fortune 1.

Après avoir rappelé les grandes lignes de l’imposition des revenus de l’épargne au Luxembourg avant l’introduction de la retenue libératoire, nous examinerons le nouveau système d’imposition à la source. Nous verrons, en particulier, que la retenue libératoire s’inscrit dans la continuité de la loi du 21 juin 2005, transposant en droit luxembourgeois la directive 2003/48/CE relative à la fiscalité de l’épargne2.

1. LA RETENUE A LA SOURCE SUR LES REVENUS D’EPARGNE

1.1. L’imposition des revenus de capitaux mobiliers avant la réforme

La législation fiscale luxembourgeoise entend par revenus de capitaux mobiliers, d’une part, les revenus de l’épargne au sens de la loi relative à la retenue libératoire, c’est-à-dire d’une manière générale, les paiements d’intérêts à taux fixe fondés sur des créances de toute nature et, d’autre part, les revenus variables attribués en raison des bénéfices, aux détenteurs de participations dans le capital des entreprises.

1.1.1. L’imposition des contribuables résidents

Avant la loi du 23 décembre 2005, les intérêts et les dividendes, au sens de l’article 97 de la loi de l’impôt sur le revenu, étaient imposables par voie d’assiette, sachant que seuls les dividendes et produits similaires faisaient l’objet en amont d’une retenue à la source non libératoire de 20%.

Tous les revenus de capitaux mobiliers entraient donc dans la base imposable annuelle de l’impôt sur le revenu, pour être soumis au taux global progressif d’imposition du contribuable, compte tenu de l’ensemble de ses revenus professionnels et autres. La retenue d’impôt sur les dividendes était imputée sur la cote d’impôt annuelle.

Ce système continue d’être applicable aux dividendes après la réforme.

1.1.2. L’imposition des contribuables non-résidents

Sous réserve de l’abrogation de l’impôt sur la fortune, les règles relatives à l’imposition des non-résidents n’ont pas été modifiées à la suite de l’entrée en vigueur de la loi du 23 décembre 2005.
Ainsi, l’imposition des revenus de capitaux mobiliers demeure régie par la loi relative à l’impôt sur le revenu. Accessoirement, pour les résidents de pays de l’Union européenne, l’imposition des intérêts fait l’objet de la loi spéciale du 21 juin 2005 transposant la directive 2003/48/CE ayant pour objet la fiscalité des revenus de l’épargne.

– L’imposition des dividendes

Les dividendes perçus par les non-résidents restent imposés par voie de retenue à la source au taux de 20% 3.

En règle générale, le bénéficiaire des dividendes ne sera pas soumis au Luxembourg à une imposition par voie d’assiette, en l’absence d’autres revenus. La retenue aura un caractère libératoire, ce qui ne préjuge pas des dispositions applicables dans son pays de résidence.

Le taux de 20% est applicable en l’absence de convention fiscale. Selon les traités en vigueur, préventifs de la double imposition, le taux effectif de la retenue sur dividendes se situe dans une fourchette comprise entre 0% et 15%.

– L’imposition des paiements d’intérêts

Jusqu’à un passé récent, les paiements d’intérêts aux non-résidents restaient libres de toute imposition au Luxembourg.

Cette situation a changé avec la loi transposant la directive 2003/48/CE qui introduit une retenue sur les paiements d’intérêts effectués en faveur de personnes physiques ayant leur résidence fiscale dans un autre Etat membre de l’Union européenne.

Conformément aux principes arrêtés au niveau européen, chaque Etat membre doit communiquer, aux autorités fiscales des autres Etats membres, les paiements d’intérêts perçus sur son territoire par les résidents de ces autres Etats.

Par dérogation, il est permis à l’Autriche, à la Belgique et au Luxembourg de ne pas effectuer cet échange d’informations, mais de mettre en place, sur les paiements d’intérêts, une retenue à la source dont le produit est reversé, à raison de trois quarts, à l’Etat de résidence de la personne ayant bénéficié de ces revenus 4.

Ainsi, aux termes de la loi du 21 juin 2005, le Luxembourg prélève une retenue à la source d’après un taux croissant, à savoir :
– 15% pendant trois années à partir du 1er juillet 2005,
– 20% pendant les trois années suivantes,
– 35% par la suite.

1.2. L’imposition des revenus de capitaux mobiliers après la réforme

Après le vote de la loi du 23 décembre 2005, le système luxembourgeois de la retenue à la source est dorénavant régi par trois textes :

– en ce qui concerne les dividendes, par la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, et plus particulièrement les articles 146 à 151 ayant pour objet la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux ;

– en ce qui concerne les intérêts versés à des personnes physiques résidentes dans l’Union européenne, par la loi spéciale du 21 juin 2005 transposant la directive 2003/48/CE ;

– en ce qui concerne les intérêts attribués à des particuliers résidents luxembourgeois, par la loi du 23 décembre 2005 portant introduction d’une retenue à la source libératoire sur les revenus d’intérêts des personnes physiques résidentes.

Il a été jugé préférable, notamment en vue d’assurer une bonne application des dispositions par les agents payeurs, de ne pas incorporer dans la loi de l’impôt sur le revenu la retenue au sens de la directive et la retenue libératoire, mais de réglementer la matière par deux lois spéciales prévoyant les mêmes mécanismes d’imposition.

1.2.1. Les personnes assujetties à la retenue libératoire

La retenue à la source libératoire vise « les revenus de l’épargne sous forme de paiement d’intérêts effectués au Luxembourg en faveur de bénéficiaires effectifs, personnes physiques, qui sont des résidents du Grand-Duché de Luxembourg, sans être des résidents fiscaux d’un autre Etat » (article 1er de la loi du 23 décembre 2005).

Les notions de bénéficiaire effectif et de résidence sont issues de la loi du 21 juin 2005 transposant la directive 2003/48/CE.

– La notion de bénéficiaire effectif

Il faut entendre par bénéficiaire effectif « toute personne physique qui reçoit un paiement d’intérêts ou toute personne physique à laquelle un paiement d’intérêts est attribué, sauf si elle fournit la preuve que ce paiement n’a pas été effectué ou attribué pour son propre compte » (article 2 de la loi du 21 juin 2005).

Sur la base d’un critère formel, le bénéficiaire effectif est identifié par le nom et l’adresse figurant sur son passeport ou sur sa carte d’identité officielle, ainsi que par son numéro d’identification fiscal. A défaut de communication de ce numéro, l’agent payeur complète l’identité du bénéficiaire effectif par la date et le lieu de naissance tels qu’ils sont repris dans le passeport ou la carte d’identité (article 3 de la loi du 21 juin 2005).

La circulaire du Directeur de l’Administration des contributions directes relative à la loi du 23 décembre 2005 précise qu’une carte de séjour est assimilée à une carte d’identité. Dans l’éventualité où l’adresse ne figure pas sur la carte d’identité, elle peut accessoirement être justifiée par un autre document probant, voire par une déclaration signée du bénéficiaire effectif 5.

La procédure d’identification est moins contraignante pour les relations établies avant le 1er janvier 2004. Le nom et l’adresse du bénéficiaire des intérêts, tels qu’ils figurent dans les dossiers de l’agent payeur, peuvent être retenus.

– Le lieu de la résidence fiscale

La retenue libératoire de 10% ne concerne que les personnes physiques résidentes, la détermination du lieu de résidence découlant des procédures d’identification du bénéficiaire effectif.

En principe, le lieu de résidence est donc établi sur base de l’adresse mentionnée sur le passeport ou sur la carte d’identité du bénéficiaire, ou, à défaut d’une telle mention, sur base de tout autre document probant.

A moins que l’intéressé ne soumette à l’agent payeur un certificat de résidence fiscale attestant qu’il est résident d’un autre Etat (article 2 de la loi du 23 décembre 2005).

Pour les personnes détentrices d’une carte d’identité délivrée par un Etat membre de l’Union européenne et qui déclarent être résidentes d’un pays tiers, le lieu de leur domicile doit nécessairement être confirmé par un certificat de résidence fiscale délivré par l’autorité compétente du pays tiers en question. A défaut de production de ce certificat, il est considéré que leur résidence est située dans l’Etat membre de l’Union européenne qui a délivré la carte d’identité (article 3 de la loi du 21 juin 2005).

A noter que la résidence fiscale telle qu’elle est établie ici, sauf délivrance d’un certificat par une autorité étrangère, ne correspond pas nécessairement au domicile fiscal au sens du droit interne ou des conventions fiscales contre les doubles impositions.

La retenue européenne étant supérieure à la retenue libératoire interne, les agents payeurs devront être vigilants lors de la détermination du lieu de la résidence. La réalité de la résidence fiscale peut évidemment faire l’objet des vérifications d’usage par les autorités fiscales étrangères.

1.2.2. Les modalités de perception

– La notion d’agent payeur

Tout paiement ou attribution de revenus d’épargne par un agent payeur établi au Luxembourg en faveur d’un contribuable résident est soumis à la retenue à la source libératoire de 10%.

Par agent payeur, les lois du 21 juin et 23 décembre 2005 visent « tout opérateur économique établi au Luxembourg qui paie des intérêts ou attribue le paiement d’intérêts au profit immédiat du bénéficiaire effectif, que cet opérateur soit le débiteur de la créance produisant les intérêts ou l’opérateur chargé par le débiteur ou le bénéficiaire effectif de payer les intérêts ou d’en attribuer le paiement ».

En matière d’intérêts, la notion de débiteur des revenus qui prévalait jusqu’ici cède donc la place à celle de l’agent payeur.

Sont principalement concernées les banques et autres établissements du secteur financier, agissant en tant que prestataires de services d’un agent payeur ou pour leur propre compte en qualité de débiteur des revenus, dont les sociétés de participations financières.

Ne sont en principe pas considérées comme agent payeur, les sociétés commerciales et industrielles qui sont débitrices d’intérêts au titre du financement de leur activité. C’est ainsi que la circulaire du Directeur des Contributions relative à la retenue libératoire distingue l’opérateur économique « qui paie des intérêts dans le cadre de sa profession ou de son activité économique normale et celui qui paie des intérêts lors ou à l’occasion de l’exercice de son activité essentielle distincte ».

– La déclaration et le versement de l’impôt

L’agent payeur, établi au Luxembourg, prélève une retenue à la source de 10%, lors de chaque paiement ou attribution de revenus d’intérêts à une personne physique résidente.

L’impôt est déclaré au bureau de la retenue d’impôt sur les intérêts, au plus tard le dixième jour du mois qui suit celui de la retenue, en une somme globale sans désignation des bénéficiaires des revenus. Parallèlement à la remise de la déclaration, l’impôt doit être versé au bureau de recette.

L’agent payeur est personnellement responsable du prélèvement et du versement de l’impôt qu’il aurait dû retenir. Toute insuffisance constatée par les services fiscaux est mise à sa charge.

1.2.3. Le champ d’application de la retenue libératoire

La retenue est opérée par les agents payeurs établis au Luxembourg sur les paiements d’intérêts en faveur de personnes physiques contribuables résidents. Elle s’applique aux intérêts payés à partir du 1er janvier 2006, mais courus depuis le 1er juillet 2005.

– Les intérêts

Par paiements d’intérêts, il faut entendre les intérêts payés ou inscrits en compte se rapportant à des créances de toute nature, y compris celles assorties d’une clause de participation aux bénéfices, ainsi que les intérêts courus ou capitalisés obtenus lors de la cession, du remboursement ou du rachat des créances visées.

Certains revenus restent hors du champ d’application de la retenue. De plus, une limite d’exonération a été instaurée.

– Les revenus hors champ d’application

Techniquement, le champ d’application de la retenue applicable aux résidents est identique à celui de la retenue prévue pour les non-résidents, par un renvoi à l’article 6 de la loi du 21 juin 2005. Par dérogation, restent cependant hors du champ d’application de la retenue, toutes les distributions des organismes de placement collectif investissant en titres de créances (SICAV, fonds commun de placement) et les revenus provenant de leur cession (article 4, paragraphe 2, de la loi du 23 décembre 2005).

Le champ d’application de la retenue européenne est donc plus large. La loi du 21 juin 2005 transposant la directive 2003/48/CE vise en effet expressément :

– les revenus, provenant de paiements d’intérêts, distribués par des organismes de placement collectif autorisés conformément à la directive 85/611/CEE et entités assimilées (sauf OPC dont les investissements dans des produits de taux ne dépassent pas 15% de leur actif net) ;

– les revenus réalisés lors de la cession, du remboursement ou du rachat de parts d’OPC, lorsqu’ils investissent plus de 40% de leurs actifs dans des titres de créances.

Les revenus qui ne rentrent pas dans le champ d’application de la retenue continuent à être imposables par voie d’assiette dans les conditions établies par la loi relative à l’impôt sur le revenu. Ainsi, les distributions de bénéfice par les organismes de placement collectif sont imposables au titre de dividendes. Quant aux plus-values de cession, elles sont imposables dans l’hypothèse où la durée de détention des titres ne dépasse pas 6 mois. Echappent donc à l’imposition, les OPC de capitalisation (ne procédant pas à des distributions) détenues pendant 6 mois au moins.

Restent également hors du champ d’application, les intérêts sur comptes à vue, si la rémunération ne dépasse pas le taux de 0,75%.

Enfin, il y a lieu de rappeler que les obligations et autres titres de créances négociables émis avant le 1er mars 2001 ne sont pas soumis à la retenue européenne, et ce jusqu’au 31 décembre 2010. Il en est de même en ce qui concerne la retenue interne (clause de grand-père).

– Les revenus exonérés

Font l’objet d’une mesure d’exonération, les intérêts crédités annuellement en une fois sur des dépôts d’épargne à condition qu’ils soient inférieurs ou égaux à 250 euros par personne et par agent payeur. Sont considérés comme dépôts d’épargne, les dépôts à vue, à terme ou à préavis qui ont pour objet l’accumulation ou le placement d’avoirs.

Il faut souligner qu’il ne s’agit pas d’un abattement, mais d’une limite d’exonération dont le dépassement déclenche l’imposition de l’intégralité des intérêts.

Comparaison des champs d’application des lois du 21 juin et 23 décembre 2005

Produits Soumis à la loi du 21.6.2005 transposant la directive
(imposition des non-résidents)
Soumis à la loi du 23.12.2005
(imposition des résidents)
Comptes courants avec rémunération = 0,75% OUI NON
Autres comptes courants OUI OUI
Dépôts d’épargne et à terme OUI OUI 1
Contrats épargne logement OUI OUI
OPC de type monétaire et obligataire Distributions OUI NON
Plus-values OUI NON
Obligations et autres titres émis après le 1er mars 2001 OUI 2 OUI 2

1 Sous réserve d’une exemption, accordée s’il n’y a qu’un seul paiement d’intérêts par an, limité à 250 euros par personne et agent payeur.
2 Les obligations et autres titres de créances émis avant le 1er mars 2001 bénéficient d’une clause de grand-père jusqu’au 31 décembre 2010.

Pour compléter le tableau, notons que les produits structurés proposés par les banques peuvent entrer dans le champ d’application des retenues lorsqu’ils donnent lieu à un revenu garanti fixe. Ne sont cependant pas soumis à retenue, les produits d’assurance.

1.2.4. Le caractère libératoire de la retenue

La retenue à la source vaut imposition définitive dans le chef du contribuable résident personne physique et les intérêts soumis à la retenue, tout comme les capitaux qui sont à l’origine des intérêts, sont dispensés de déclaration (article 6, paragraphe 7, de la loi du 23 décembre 2005).

Par la loi relative à la retenue libératoire, le législateur luxembourgeois a donc mis en place un système dualiste d’imposition. Alors que les revenus de capitaux mobiliers visés par la retenue sont désormais imposés au taux forfaitaire définitif de 10%, l’ensemble des revenus professionnels et autres revenus du patrimoine, dont les dividendes, restent soumis à l’impôt sur le revenu par application du taux progressif.

Comme les intérêts soumis à retenue libératoire sont dorénavant exclus de l’assiette globale en matière d’impôt sur le revenu, on aboutit à une atténuation de l’effet de la progressivité de l’impôt et à une diminution du taux moyen auquel sont imposés les autres revenus du contribuable.

Seuls les revenus du patrimoine privé bénéficient de la nouvelle disposition.

La retenue à la source de 10% n’est pas libératoire lorsque les éléments de fortune engendrant les intérêts font partie d’un actif net investi, c’est-à-dire lorsque les revenus sont compris dans un bénéfice commercial, un bénéfice agricole et forestier ou un bénéfice provenant de l’exercice d’une profession libérale (article 6, paragraphe 8, de la loi du 23 décembre 2005).

Les agents payeurs effectuent la retenue dans tous les cas. Lorsque les intérêts imposés font partie d’un patrimoine d’exploitation, la retenue est considérée comme non libératoire et devient imputable sur la cote d’impôt de l’intéressé.

Rappelons que les paiements d’intérêts sont uniquement soumis à la retenue libératoire s’ils sont versés par un établissement financier situé au Luxembourg. Les revenus d’intérêts obtenus par un résident luxembourgeois sur des placements effectués à l’étranger restent donc imposables par voie d’assiette.

1.2.5. Le sort des capitaux non déclarés

La loi du 23 décembre 2005 dispose que la retenue effectuée par l’agent payeur est versée en une somme globale à l’Administration des contributions, sans indication de l’identité des bénéficiaires (article 6, paragraphe 4). Les possibilités de contrôle fiscal sont limitées à la vérification des procédures mises en place par les agents payeurs en vue de la collecte de l’impôt et ne peuvent s’étendre à l’accès aux données individuelles des bénéficiaires des intérêts (article 6, paragraphe 6).
L’instauration de la retenue libératoire est en outre assortie d’une mesure d’immunité.

En effet, à titre de « liquidation du passé », la loi prévoit dans son article 9 que les informations concernant les revenus soumis à la retenue libératoire et les intérêts dispensés de retenue à raison d’un dépôt d’épargne ne pourront être utilisées aux fins d’une poursuite pour fraude ou d’une imposition relative aux impôts sur le revenu ou sur la fortune nés avant l’entrée en vigueur de la loi.

Cette disposition, non exempte d’incertitude quant à sa portée, ne semble pas devoir être analysée comme une mesure d’amnistie fiscale. Elle a plutôt pour effet de priver l’Administration d’une partie de ses droits d’investigation et des moyens de preuve pouvant être utilisés.

Les principes généraux du droit touchant notamment aux délais de prescription ne devraient pas être affectés par l’effet de l’article 9.

Deux autres limitations sont à considérer :

– l’article 9 ne couvre pas les éléments de fortune faisant ou ayant fait partie d’un capital d’exploitation (comme indiqué ci-dessus au point 1.2.4.) ;

– l’article 9 ne vise que les impôts sur le revenu et sur la fortune. Une fraude réalisée avant l’entrée en vigueur de la loi pourrait donc continuer de faire l’objet d’une poursuite dans le cadre d’une procédure de perception de droits de succession.

1.2.6. Exemple de calcul

Nous donnons, ci-après, un exemple de calcul de la charge fiscale d’un couple marié, avec deux enfants, avant et après la réforme fiscale. Ce calcul révèle une atténuation significative de la progressivité de l’impôt en raison de l’exclusion des intérêts de la base imposable au titre de l’impôt annuel sur le revenu.
On suppose des salaires de 100 000 euros, des revenus d’intérêts de 30 000 euros et des dividendes de 30 000 euros.
Avant la réforme fiscale, la base imposable s’élève à 142 000 euros, compte tenu de l’abattement de 1 500 euros par époux et l’exonération de la moitié des dividendes 6.

Base imposable :

100 000
60 000
– 3 000
– 15 000
142 000

Impôt suivant barème :7 36 830 dont charge fiscale des salaires 25 936,62 euros

Après la réforme fiscale, la base imposable s’élève à 112 000 euros

Base imposable :

100 000
30 000
– 3 000
– 15 000
112 000

Impôt suivant barème : 25 430 dont charge fiscale des salaires 22 705,36 euros
……..Impôt libératoire : .3 000
…….. ………………………28 430

Par rapport aux revenus bruts de 160 000 euros, la charge fiscale totale s’établit à 36 830 euros (23,02%) avant la réforme et à 28 430 euros (17,77%) après la réforme.

A noter que le contribuable pourrait encore réduire sa charge fiscale, en réalisant ses investissements en actions par l’intermédiaire de SICAV de capitalisation.

2. L’ABROGATION DE L’IMPÔT SUR LA FORTUNE

A partir de l’année 2006, les dispositions relatives à l’impôt sur la fortune des personnes physiques, tant résidentes que non-résidentes, sont supprimées. La loi en tant que telle n’est cependant pas abrogée : elle continue d’être applicable aux personnes morales8.

L’impôt sur la fortune était assis sur la fortune mondiale des contribuables résidents et, en ce qui concerne les non-résidents, sur les éléments de fortune, notamment les immeubles, situés au Luxembourg.

En raison du mode d’évaluation de la base, pour ce qui concerne les contribuables résidents, l’impôt frappait essentiellement la fortune mobilière.

Le phénomène générateur de l’impôt était constitué par la possession, à la date-clé du 1er janvier, de biens entrant dans le champ d’application de la loi. L’impôt sur la fortune était perçu au taux de 0,5 % de la fortune imposable.

Sa suppression, outre la réduction de charge fiscale non négligeable qu’elle représente, va alléger les obligations administratives du contribuable, personne physique, répondant ainsi à un souci de cohérence avec le système de la retenue libératoire.

Après la suppression de l’impôt sur la fortune, les seuls impôts sur le patrimoine subsistant au Luxembourg pour les personnes physiques sont les droits de succession9.

. . . ET DEMAIN ?

La réforme de caractère structurel mise en vigueur à la suite de la loi du 23 décembre 2005 ne reflète pas seulement la volonté du législateur luxembourgeois de mettre en place un système d’imposition simple, efficace et transparent des revenus de l’épargne, mais également de développer un dispositif fiscal compétitif et cohérent pour les activités internationales de gestion de patrimoine, l’une des activités les plus prometteuses de la place financière, actuellement numéro deux au monde en matière de fonds d’investissement.

Techniquement, la retenue libératoire représente une exception au principe de l’imposition du revenu universel d’après un barème progressif.

Jointe à la suppression de l’impôt sur la fortune, la retenue libératoire aboutit à dispenser le contribuable de déclarer une partie de ses revenus, ainsi que ses capitaux, tout en assurant l’égalité du traitement fiscal des revenus considérés.

Il reste qu’elle introduit une dualité dans le système d’imposition en vigueur jusqu’ici.

Ne serait-il dès lors pas opportun d’étendre la mesure à d’autres produits de capitaux, tels les dividendes ?

Il en a été question lors des travaux préparatoires à la loi et des débats, ce point ayant été retenu dans une motion de la Chambre des Députés.

D’un autre côté, l’impact budgétaire réel de la loi du 23 décembre 2005 reste à mesurer dans les faits.

Si la réforme suscite beaucoup d’attente, notamment pour le secteur financier, des inconnues demeurent et la Chambre des Députés, lors de l’adoption de la loi, a dans la motion citée, invité le gouvernement « à évaluer les effets de la loi à la fin de l’exercice fiscal 2006 ».

Guy SCHOSSELER
Département fiscal
S.F.C. REVISION. Société fiduciaire,
comptable et de révision, Luxembourg
Réviseurs d’entreprises, experts-comptables

1 Loi du 23 décembre 2005 portant 1. introduction d’une retenue à la source libératoire sur certains intérêts produits par l’épargne mobilière ; 2. abrogation de l’impôt sur la fortune dans le chef des personnes physiques ; 3. modification de certaines dispositions de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, publiée au Mémorial A n° 214 du 28 décembre 2005, documents parlementaires n° 5504.
2 Loi du 21 juin 2005 transposant en droit luxembourgeois la directive 2003/48/CE du 3 juin 2003 du Conseil de l’Union européenne en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiement d’intérêts.
3 Par dérogation, les distributions effectuées par les sociétés holding au sens de la loi du 31 juillet 1929 et les organismes de placement collectif sont libres de retenue à la source.
4 La retenue n’est pas perçue si le bénéficiaire des revenus autorise l’agent payeur à communiquer son identité à l’Administration fiscale luxembourgeoise, en vue de la transmission de ces données à l’autorité compétente de son Etat de résidence. Il en est de même si le bénéficiaire effectif fournit à l’agent payeur un certificat établi à son nom par les services fiscaux de son Etat de résidence fiscale, identifiant ses coordonnées bancaires ou les titres de créances dont il est propriétaire.
5 Circulaire du Directeur des Contributions ayant pour objet l’introduction d’une retenue à la source libératoire sur certains intérêts produits par l’épargne mobilière, circulaire Relibi n° 1 du 24 janvier 2006.
6 Lors de la détermination de la base imposable annuelle, les revenus de capitaux mobiliers au sens de l’article 97 sont exonérés à concurrence d’une première tranche annuelle de 1 500 euros (3 000 euros en cas d’imposition collective des époux). En outre, les dividendes sont exemptés à raison de 50% lorsqu’ils sont payés par une société de capitaux pleinement imposable.
7 Formule de calcul de l’impôt sur les revenus dépassant 89 700 euros pour la classe d’impôt 2.2.
(contribuables mariés avec deux enfants) : 0,38 x revenu imposable – 17 130.
8 Les sociétés continuent d’être soumises à l’impôt sur la fortune, mais peuvent l’éviter par l’affectation d’une quote-part de résultat à une réserve spéciale non distribuable pendant cinq ans.
9 Les droits de succession sont fonction du degré de parenté. Dans la tranche d’imposition la plus élevée (dépassant 1 750 000 euros), les taux d’imposition varient entre 6,4% et 48 % maximum. Sont exonérées de tous droits de succession, les parts recueillies en ligne directe et les transmissions entre époux laissant des enfants nés de leur commun mariage ou des descendants de ceux-ci.

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