LA FISCALITE DE LA POLOGNE


par le Cabinet Fontaneau,
Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 133
(Année 2003)


 

La Pologne, Etat âgé d’un millier d’années dont la nouvelle Constitution démocratique fut élaborée en 1997, a une superficie de 312 685 km² pour environ 38.654.000 habitants.

La période de troubles terminée, cet Etat situé au cœur de l’Europe de l’Est a été l’un des premiers pays à frapper à la porte de l’Union Européenne. La Pologne faisait en effet partie du « groupe de Luxembourg » qui doit son nom au Conseil européen de Luxembourg à l’origine du lancement du processus d’élargissement en 1997. L’entrée des pays de l’Est dans l’Union semble en effet être le prolongement naturel de l’Europe et c’est un homme politique polonais, Bronislaw Gemerek, qui en donne une justification autant philosophique que d’actualité : selon lui, le cinquième élargissement réconciliera l’histoire et la géographie.

Pour ceux n’ayant de la Pologne que l’image d’un pays torturé par les guerres et dans une profonde misère, il convient de les renvoyer à l’Avis de la Commission sur sa demande d’adhésion rendu en 1997. Il témoigne des efforts accomplis par cet Etat pour réduire les freins de l’histoire et remplir les critères définis par le Conseil européen de Copenhague en juin 1993 et auxquels les pays candidats à l’adhésion doivent satisfaire : être un Etat pleinement démocratique, avoir un économie de marché viable, concurrentielle au sein de l’Union, et pouvoir s’aligner sur la législation communautaire. La négociation comprend donc un alignement de la situation du pays candidat et nécessite l’aval de la Commission sur les 31 chapitres couvrant l’acquis communautaire dont le chapitre 10 qui concerne la fiscalité.

 

PANORAMA DE LA FISCALITE POLONAISE

 

La présente note ayant pour objet l’exposition du paysage fiscal de cet Etat, n’a pas la prétention d’être exhaustive et préfère s’attacher aux aspects essentiels ou originaux de la fiscalité polonaise.

La première originalité (et non la moindre) est que la Pologne n’a instauré l’impôt sur les revenus des personnes physiques, l’impôt sur les sociétés et la TVA dans leur forme actuelle qu’en 1992 tout en ayant un éventail de conventions bilatérales préventives de double imposition dépassant la trentaine (ce qui laisse supposer qu’il existait tout de même, avant cette date, un système d’imposition équivalent) .

LA FISCALITE DIRECTE

L’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP)

Cet impôt, qui concerne tous les revenus, sauf certains revenus agricoles, est perçu par voie de déclaration pour partie et par voie de retenue à la source pour les acomptes mensuels réglés par l’employeur qui sont ensuite déduits lors du paiement.

En ce qui concerne l’étendue de l’imposition, les résidents, c’est à dire les personnes ayant travaillé plus de 183 jours en Pologne, sont passibles de l’impôt sur l’ensemble de leurs revenus de source polonaise ou étrangère. Il a cependant été prévu que l’Etat polonais ne serait pas compétent pour taxer les produits de la location d’immeubles situés sur un sol étranger.

La notion de foyer fiscal n’a pas cours en Pologne, le nombre d’enfants n’étant pas pris en compte et les époux n’étant imposés conjointement que sur demande (l’impôt est alors calculé à partir de la moyenne des deux revenus puis multiplié par deux), cette demande n’ayant d’incidence sur la retenue à la source que si l’un des époux n’a pas de revenu.

Le revenu imposable est un revenu net duquel sont déduits les frais d’acquisition qu’il a nécessités (évalués forfaitairement à 1.155,12 PLN par an si le lieu de travail correspond au lieu de résidence) ainsi que certains dons, les frais de construction d’un immeuble si au moins cinq logements d’habitation sont destinés à la location, certaines dépenses de rénovation de l’habitation ainsi que certaines dépenses de fournitures liées à l’emploi ou à la formation de celui-ci.

L’imposition est progressive et comporte trois tranches :

– Pour les revenus inférieurs à 37.024 PLN, l’imposition correspondra à 19% du revenu desquels sera retranchée la somme de 518,16 PLN
– De 37.024 à 74.048 PLN, la partie du revenu inférieure à 37.024 PLN sera imposée pour la somme forfaitaire de 6.541,24 PLN et la partie supérieure à 30%,
– A partir de 74.048, 17.623,60 PLN seront ajoutés à 40% de la partie du revenu excédant 74.048 PLN.

Quant aux non-résidents, ils ne sont imposés que sur leurs revenus de source polonaise et sont considérées comme telles les personnes employées par une société à participation étrangère, peu importe la durée.

L’impôt sur les sociétés

La particularité polonaise est que l’imposition n’est pas forcément liée à la personnalité morale car certaines entités qui en sont dénuées sont tout de même passibles de l’impôt sur les sociétés comme les succursales. Mais la notion de transparence due à l’absence de personnalité morale persiste et les sociétés en nom collectif, par exemple, ne sont pas soumises à l’Impôt sur les sociétés.

L’imposition est mondiale si le siège social ou les organes de direction se trouvent sur le territoire polonais, et territoriale dans le cas contraire. Mais, pour éviter les doubles impositions, les revenus taxés à l’étranger ne le sont pas en Pologne sous condition de réciprocité.

Tout déficit est reportable de deux à cinq ans.

Le taux de l’imposition était de 28% en 2002 et est aujourd’hui de 24%. Les dividendes sont imposés à 15%.

L’impôt sur les sociétés se déclare et s’acquitte mensuellement et dans les trois mois suivant la clôture de l’exercice fiscal (qui correspond à l’année civile sauf option contraire) une déclaration doit être faite et accompagnée du compte de résultat et du paiement du solde de l’impôt. L’obligation déclarative ne s’arrête pas là puisque doivent être communiqués dans les neuf mois suivant la clôture de l’exercice le bilan et les comptes certifiés et la résolution de l’assemblée générale ayant approuvé ces documents.

La Pologne est très attachée à la production de documents comptables qui sont utilisés aussi bien pour le calcul des bénéfices qu’à titre de preuve. Dans les agences ou succursales, le résultat comptable n’étant pas obligatoire, le bénéfice imposable peut être calculé en fonction d’un résultat forfaitaire en cas d’absence de livres comptables. Ce n’est pas le cas des sociétés commerciales où le bénéfice imposable n’est autre que le bénéfice net (la différence entre les produits et les charges) qui, lui, ne peut être calculé qu’à partir du bénéfice comptable.

La Pologne est également pourvue d’une politique de lutte contre l’évasion fiscale. D’abord l’administration s’intéresse à la vraie nature des opérations qu’elle contrôle par le biais d’une documentation fiscale plus complète. Ensuite, elle contrôle les prix de transfert en s’attachant à la conformité du prix de vente à celui du marché.

Quant aux exonérations, en dehors des entreprises publiques classiques et des subventions versées par un organisme publique, les secteurs qui ont les faveurs de l’Etat sont l’activité agricole (tant l’exploitation que la vente d’immeubles destinés à cette activité), la science, la protection de l’environnement, l’enseignement et la culture.

Comme la majorité des pays candidats, la Pologne a pour objectif d’attirer les investissements étrangers et a prévu pour le servir des zones franches à régimes spéciaux. Dans le cadre des négociations d’adhésion, la suppression de certaines de ces mesures qui entraînent une distorsion de concurrence a été compensée par l’aménagement de périodes transitoires.

En Pologne, cela se concrétise par le maintient pour les PME jusqu’en 2010 ou 2011 des exemptions de l’Impôt sur les sociétés dans les Zones Economiques Spéciales.

Il existe également en Pologne des impôts locaux

– L’impôt sur les biens immobiliers (qui comprend un impôt foncier, un impôt agricole et un impôt forestier),
– L’impôt sur les moyens de transport,
– L’impôt sur les actes de droit civil (qui sont l’équivalent de nos droits d’enregistrement),
– Le droit de timbre.

LA FISCALITE INDIRECTE

La T.V.A.

La TVA, créée après 1992, a succédé à la « taxe sur le chiffre d’affaire » qui concernait les entreprises seulement et non l’ensemble des opérateurs économiques.

Le taux de TVA est variable :

– le taux de base est de 22%,
– certains produits agricoles, agroalimentaires, pharmaceutiques, médicaux, forestiers, des matériaux de construction, etc se voient appliquer un taux de 7%,

– les produits agricoles sauf exception sont imposables au taux de 3%,
– il existe également un taux de 0% pour certains biens et services exportés, la presse, les livres, les engrais chimiques ainsi que les machines et outils agricoles.

Le champ d’application de la TVA rejoint dans l’ensemble l’acquis communautaire mais si la Pologne en a compris les mécanismes, elle n’en demeure pas moins originale.

Sont en effet imposables les opérations suivantes :

– la vente, la donation et l’échange de marchandises et de services,
– l’importation et l’exportation de marchandises et de services aux besoins de représentation et de publicité,
– la livraison de marchandises ou la prestation de services en lieu et place d’une créance ou d’une prestation pécuniaire ou d’opération n’étant pas soumises à la TVA.

Et sont redevables de la TVA les personnes effectuant ces activités même une seule fois à partir du moment où on peut supposer leur intention de les répéter.

La loi du 26 mars 2002 élargit le champ des opérations imposables à la TVA en ajoutant aux activités classiques de vente et de prestations de service effectuées sur le territoire national par un assujetti, les utilisations de marques ainsi que les importations de licences et de sous-licences.

Mais il demeure des exonérations auxquelles la Pologne tient :

Ø d’abord l’exonération pour les entreprises dont le chiffre d’affaire annuel est inférieur à 10 000 Euros
Ø ensuite une exonération dans le domaine des prestations de service agricoles et leur exportation, de même que dans celui de l’exploitation des forêts, de la science, de la protection de la santé ; mais encore les services financiers et assurances, ou l’importation de marchandises exemptées de droits de douane.

Le paiement de la TVA se fait mensuellement et la TVA sur les produits importés est versée au bureau des douanes. La déduction s’opère selon un mécanisme tout à fait classique. Quant à la récupération de la TVA, elle est subordonnée à un enregistrement auprès d’un bureau fiscal lors duquel un numéro d’identification est attribué. Certaines opérations ne donnent pas droit à récupération comme l’achat de pièces détachées et de véhicules personnels d’une charge utile de moins de 500 kg s’ils ne correspondent pas à l’objet de l’activité économique de l’acheteur de même que l’achat de carburant pour ces véhicules.


Les droits d’accises

Cette taxe sur les produits de consommation, régie par la même loi du 8 janvier 1993, impose carburants, alcools, tabacs, jeux de hasard et produits de luxe en plus de la TVA. Seuls les exportateurs y échappent.

L’avis de la Commission sur la reprise de l’acquis communautaire :

Le rapprochement des fiscalités des pays membres de l’Union Européenne est une question qui devient de plus en plus d’actualité surtout depuis l’avènement de la monnaie unique. En effet, un grand marché intérieur ne peut fonctionner sans une politique d’élimination des disparités susceptibles d’avoir une influence sur les objectifs mêmes du Traité.

A ce jour, les instances communautaires ont privilégié le rapprochement des législations fiscales dans le domaine des taxes sur le chiffre d’affaire, les droits d’accise et des autres impôts indirects. En ce qui concerne les impôts directs, l’objectif se limite à l’élimination des phénomènes de double imposition et au rapprochement des entreprises.

La Pologne, comme tous les pays candidats, doit reprendre l’acquis communautaire.

En 1997, la Commission était confiante dans l’ensemble et particulièrement pour la fiscalité directe. Elle s’est montrée plus réticente pour la TVA et les droits d’accise et demandait des efforts plus prononcés également dans le renforcement des structures administratives.


LES EFFORTS EN MATIERE DE FISCALITE DIRECTE

Dans le domaine de la fiscalité directe, l’acquis communautaire n’est pas très important car la compétence de la Commission est à cet égard subsidiaire.

Cela n’empêche pas la Cour de justice des Communautés européennes de veiller au respect des grandes libertés affirmées par le Traité CE à savoir la liberté d’établissement, la liberté de circulation des travailleurs, la libre prestation de services et la liberté de circulation des capitaux. De plus, l’évolution considérable du principe de non discrimination conduit la Cour à intervenir dans des domaines de fiscalité. En effet, une jurisprudence constante de la CJCE rappelle que si la fiscalité relève de la compétence des Etats membres, ceux-ci ne doivent toutefois l’exercer que dans le respect du droit communautaire et s’abstenir de toute discrimination fondée sur la nationalité.

Ainsi les commentaires de la Commission sur la fiscalité directe en tant que telle ne concernent que les taux et quelques principes qui lui sont chers.

Elle note un effort de diminution du taux de l’impôt sur les sociétés qui était de 30% en 2000 mais doit encore diminuer.

De même que l’instauration, en mars 2002, d’une nouvelle taxe de 20% sur les revenus de l’épargne.

Il est également prévu que la taxe de 2% créée en janvier 2002 concernant toutes les sorties de capitaux des résidents disparaisse à la fin du mois de décembre 2003.
A part cela, est recommandée la poursuite de l’alignement de la législation sur l’acquis communautaire et la Commission attend, en particulier, une élimination des mesures fiscales dommageables afin de parvenir au respect du code de conduite en matière de fiscalité des entreprises.

Des efforts sont, selon la Commission, également nécessaires s’agissant des grandes libertés (même si dans l’ensemble le niveau d’alignement et la capacité administrative sont satisfaisants), notamment dans le domaine de la libre prestation de services en ce qui concerne le secteur bancaire, les assurances et les valeurs mobilières et dans le domaine de la libre circulation des capitaux qui demeure restreinte notamment par une législation sectorielle limitant les investissements étrangers directs. Mais dans les deux cas des mesures sont en cours.


LES ATTENTES EN MATIERE DE FISCALITE INDIRECTE

C’est bien entendu parce qu’elle est harmonisée que les attentes sont beaucoup plus importantes dans ce domaine et sont, au goût de la Commission, trop lentement satisfaites.

En matière de TVA, la Pologne a fait beaucoup d’efforts :

– elle a instauré un régime permettant le remboursement de la TVA aux touristes,
– de même que l’exemption pour les importations de marchandises commerciales n’excédant pas 10 Euros.

Mais d’autres mesures sont attendues concernant le champ d’application de cette taxe qui compte encore des discriminations et notamment le fait que les produits agricoles sont exemptés et que certains produits importés sont imposés à un taux supérieur à celui appliqué à des produits nationaux similaires voire à d’autres produits importés d’autres Etats.

Devant l’étendue des progrès restant à accomplir, la Pologne s’est vue accorder plusieurs périodes transitoires :

– Pour commencer, elle peut conserver jusqu’au 31 décembre 2007 son taux de TVA réduit pour les prestations de service dans le secteur de la restauration et le taux nul sur l’impression de livres et de revues spécialisées pourvu qu’elle en affine la définition,
– Elle bénéficie également pour une période indéterminée du droit d’appliquer un seuil d’enregistrement et de l’exonération de la TVA pour les entreprises dont le chiffre d’affaire ne dépasse pas 10 000 Euros.

En ce qui concerne les droits d’accise jugés trop faibles par la Commission, ils ont été augmentés sur les carburants, le GPL, et les cigarettes mais n’ont pas encore atteint les minima communautaires. De même, l’exemption de ces droits a été introduite pour l’énergie générée par des sources renouvelables et les centrales à réserve pompée.

Ici encore, il a été accordé au pays une période transitoire jusqu’au 31 décembre 2008 pour atteindre les niveaux communautaires minimum en matière de cigarettes.


LE RENFORCEMENT DES STRUCTURES ADMINISTRATIVES

En août 2002, la Pologne a adopté une « Stratégie de modernisation de l’administration fiscale d’ici à 2004 » afin d’assurer la mise en œuvre de l’acquis communautaire par le biais d’une administration efficace .

Un tel objectif passe en premier lieu par la formation, l’amélioration du recouvrement de l’impôt et l’informatisation. La formation et le nombre des fonctionnaires du fisc ont été adaptés aux objectifs, l’administration des accises et l’administration des douanes ont fusionné en 2002.

En ce qui concerne le recouvrement, un amendement à la loi sur les huissiers et le recouvrement a été introduit en septembre 2001 et permet une simplification des procédures de recouvrement et une amélioration de leur efficacité.

Quant à la collecte de l’impôt, elle est facilitée par un module de recouvrement de l’impôt informatisé qui traite également les données concernant les contribuables notamment leurs comptes bancaires et leurs liens avec d’autres contribuables.

Dans ce domaine les progrès sont donc notables mais la Commission attend mieux surtout en matière de recouvrement qui, selon elle, reste déficient.

Pour conclure sur cette approche de la fiscalité polonaise, nous citerons le Rapport régulier de la Commission pour 2002 sur les progrès réalisés par la Pologne sur la voie de l’adhésion, selon lequel : « la Pologne a atteint un niveau raisonnable d’alignement sur l’acquis et a développé de manière satisfaisante les capacités nécessaires à la mise en œuvre.(…) La Pologne respecte de manière générale les engagements qu’elle a pris lors des négociations d’adhésion. »

 

 

 

Cabinet FONTANEAU
Nice – Paris – Bruxelles

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