MAJ Premier Semestre 2003

 

THEME I – L’ADOPTION DU PAQUET FISCAL PAR LE CONSEIL

 

Le Conseil est finalement parvenu à se mettre d’accord sur le paquet de mesures fiscales visant à lutter contre la concurrence fiscale dommageable après six mois environ d’intenses négociations.

Pour mémoire, le paquet fiscal se compose de trois mesures un code de conduite visant à éliminer la concurrence dommageable en matière de fiscalité des entreprises, une directive et une résolution connexe relatives à la fiscalité des revenus de l’épargne, ainsi qu’une directive concernant l’imposition des intérêts et des redevances versés entre entreprises associées. La directive relative à la fiscalité de l’épargne devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2005 et celle qui porte sur les intérêts et les redevances le 1er janvier 2004. Le code de conduite est déjà appliqué, bien que des prorogations aient été autorisées pour des périodes limitées en ce qui concerne certaines mesures relevant de la fiscalité des entreprises considérées comme présentant des caractéristiques préjudiciables.

Les États membres qui ont des territoires dépendants ou associés sont convenus d’y garantir l’adoption des mêmes mesures que dans la Communauté pour la fiscalité de l’épargne et d’assurer, dans ces territoires, le gel et le démantèlement des mesures dommageables en matière de fiscalité des entreprises, conformément au code de conduite. Les États membres concernés sont le Royaume-Uni et les Pays-Bas, et les territoires dépendants ou associés les îles anglo-normandes et l’Île de Man, pour le premier, et les Antilles néerlandaises, pour le second.

Code de conduite pour la fiscalité des entreprises

Le code de conduite prévoit que les États membres s’engagent à s’abstenir d’instaurer toute mesure fiscale dommageable (« gel ») et à modifier les lois ou pratiques réputées préjudiciables en appliquant les principes du code (« démantèlement »). Le code porte sur les mesures fiscales (législatives, réglementaires et administratives) qui ont ou peuvent avoir une incidence notable sur l’implantation des entreprises dans l’Union. Les critères qui permettent de déceler des mesures potentiellement dommageables sont les suivants:

un niveau d’imposition effective nettement inférieur au niveau général du pays concerné;

  • des facilités réservées aux non-résidents ;
  • des incitations fiscales en faveur d’activités qui n’ont pas trait à l’économie locale, de sorte qu’elles n’ont pas d’impact sur l’assiette fiscale nationale;
  • l’octroi d’avantages fiscaux même en l’absence de toute activité économique réelle;
  • des règles pour la détermination des bénéfices des entreprises faisant partie d’un groupe multinational qui divergent des normes généralement admises au niveau international, notamment de celles approuvées par l’OCDE;
  • le manque de transparence.

 

Les États membres et leurs territoires dépendants ou associés ont aujourd’hui révisé ou remplacé les 66 mesures en question. Pour les entités qui bénéficiaient de ces régimes jusqu’au 31.12.2000 inclus, une clause « de grand-père » a été prévue selon laquelle leurs avantages doivent prendre fin au plus tard le 31.12.2005, qu’ils aient été ou non accordés pour une durée fixe. Certaines prorogations, au-delà de 2005, ont été convenues pour des durées définies concernant les avantages octroyés par certaines mesures dans les États membres et leurs territoires dépendants ou associés.

Le Conseil a invité le groupe « code de conduite » à assurer le suivi du gel et de la mise en œuvre du démantèlement, et à lui en rendre compte avant la fin de 2003.

Le Conseil a considéré favorablement une demande de décision du Conseil des ministres formulée par la Belgique, en vertu de l’article 88, paragraphe 2, troisième alinéa du Traité CE, afin d’autoriser comme aide d’État la reconduction des agréments accordés sous le régime fiscal belge des centres de coordination et de prendre une décision le plus rapidement possible.

Fiscalité de l’épargne

Le Conseil est convenu que cette directive serait transposée dans la législation nationale des États membres à partir du 1er janvier 2004 et appliquée à partir du 1er janvier 2005. Il a également approuvé un projet d’accord avec la Suisse concernant la fiscalité des revenus de l’épargne, qui étend les avantages de la directive « mère-filiales » et de la directive relative aux intérêts et redevances, tout en prévoyant une dérogation pour l’Espagne autorisant celle-ci à mener avec la Suisse des négociations séparées sur ces deux directives. Le Conseil a considéré que les quatre éléments (voir ci-après) de cet accord avec la Suisse devraient servir de modèle à des accords entre l’UE et le Liechtenstein, Andorre, Monaco et Saint-Marin. Il a réaffirmé que l’objectif majeur de l’Union européenne était de parvenir à un échange d’informations instauré sur une base aussi large que possible, conformément à l’évolution de la situation internationale.

Il convient de rappeler, qu’en vertu de la directive, chaque État membre devra informer les autres des intérêts versés à partir de cet État membre à des particuliers résidant dans d’autres États membres. Pendant une période transitoire, la Belgique, le Luxembourg et l’Autriche seront toutefois autorisés, au lieu de communiquer des informations, à appliquer une retenue à la source fixée à 15% pour les trois premières années (2005-2007), 20% pour les trois années suivantes (2008-2010) et 35% à partir de 2011. Ces trois États membres mettront en œuvre un échange automatique d’informations:

  • lorsque la CE parviendra, le cas échéant, à un accord, approuvé à l’unanimité par le Conseil, avec la Suisse, le Liechtenstein, Saint-Marin, Monaco et Andorre visant à échanger des informations sur demande, selon les conditions définies par l’accord de l’OCDE sur l’échange de renseignements à des fins fiscales (élaboré en 2002 par le groupe de travail chargé de l’échange effectif d’informations dans le cadre du forum mondial de l’OCDE) pour ce qui est des paiements d’intérêts, et à continuer à appliquer simultanément la retenue à la source, et
  • lorsque le Conseil approuvera à l’unanimité, le cas échéant, le principe selon lequel les États-Unis doivent procéder à des échanges d’informations sur demande, selon les conditions définies dans l’accord de l’OCDE de 2002, en ce qui concerne les paiements d’intérêts.

Cette directive de vaste portée couvre les intérêts de titres de créance de toute nature, y compris les dépôts d’espèces et les obligations privées et publiques et autres titres d’emprunt négociables. La définition du paiement d’intérêts s’étend aux intérêts courus et capitalisés, qui comprennent notamment les intérêts calculés comme courus à la date de cession ou de rachat d’une obligation d’un type pour lequel l’intérêt n’est payé, ordinairement, qu’à l’échéance avec le principal (une obligation dite « à coupon-zéro »).

La définition comprend également les intérêts issus de placements indirects effectués par l’intermédiaire d’organismes de placement collectif (fonds de placement gérés par un gestionnaire qualifié qui place les investissements des particuliers dans un panier diversifié d’actifs en fonction de critères de risque bien définis).

Accords avec des pays tiers

La Commission négocie actuellement avec des pays clés non membres de l’UE (Suisse, Liechtenstein, Monaco, Andorre, Saint-Marin) afin de parvenir à ce que ces pays adoptent des mesures équivalentes pour permettre l’imposition effective des revenus de l’épargne versés à des résidents de l’UE. La Commission s’est vue confier le mandat de conduire ces négociations par le Conseil des ministres des finances du 16 octobre 2001.

Les quatre éléments du projet d’accord convenu avec la Suisse sont les suivants:

* Retenue à la source: la Suisse applique déjà une retenue à la source de 35% sur les revenus d’origine suisse. En vertu de l’accord, elle s’engagera à appliquer aussi une retenue d’impôt aux revenus d’origine non suisse, dont les taux seront identiques à ceux fixés pour la Belgique, le Luxembourg et l’Autriche par la directive sur la fiscalité de l’épargne – 15% au cours des trois premières années, 20% au cours des trois années suivantes et 35% par la suite. L’accord porte notamment sur la définition de l’agent payeur et sur celle des intérêts, y compris les intérêts payés sur des placements fiduciaires et des fonds de placement suisses. La Suisse partagera les recettes de l’impôt retenu sur les revenus d’origine non suisse en transférant 75% de leur produit aux autorités fiscales de l’État membre de résidence.

* Divulgation volontaire d’informations: la retenue d’impôt sur les revenus d’origine non suisse ne sera pas appliquée si le contribuable autorise la banque suisse à divulguer des informations aux autorités fiscales sur les intérêts versés. Dans ce cas, les intérêts seront assujettis à l’impôt dans l’État membre de résidence au même taux que celui qui est appliqué aux intérêts rapportés dans le pays.

* Clause d’examen: il est prévu que les parties contractantes se consultent au moins tous les trois ans ou à la demande de l’une d’elles afin d’examiner le fonctionnement technique de l’accord, de l’améliorer si les parties l’estiment nécessaire et de suivre l’évolution de la situation internationale.

Sur la base de cette évaluation, des consultations pourront également avoir lieu pour examiner si l’accord doit être modifié afin de tenir compte de l’évolution de la situation internationale.

* Échange d’informations sur demande: en ce qui concerne les revenus visés par le projet d’accord, la Suisse procédera à un échange d’informations sur demande pour toute affaire pénale ou civile de fraude ou d’infraction similaire impliquant des contribuables. Cette partie de l’accord pourra être mise en œuvre par des conventions bilatérales entre les États membres et la Suisse.

Paiements d’intérêts et de redevances

La directive, qui s’inspire d’une proposition de la Commission de 1998 supprimera, une fois mise en œuvre, les retenues à la source sur les paiements d’intérêts et de redevances effectués entre entreprises associées d’États membres différents. Le fait d’imposer à la source dans un État membre, que ce soit par retenue à la source ou par voie de rôle, les intérêts ou les redevances versés à des sociétés établies dans un autre État membre peut poser des problèmes aux entreprises exerçant des activités transfrontalières.

La directive devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2004.

Des dispositions transitoires ont été prévues pour la Grèce et le Portugal en ce qui concerne tant les intérêts que les redevances et pour l’Espagne en ce qui concerne les redevances, afin d’atténuer l’incidence immédiate de la directive sur le budget de ces pays. En vertu de ces dispositions, la Grèce et le Portugal n’appliqueront pas la directive avant l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2005, de la directive sur la fiscalité de l’épargne, et l’Espagne n’appliquera pas la directive aux paiements de redevances avant la même date. Ensuite, la Grèce et le Portugal seront autorisés, pendant une période transitoire de huit ans, à appliquer sur les paiements d’intérêts et de redevances un impôt à la source qui ne devra pas excéder 10% au cours des quatre premières années et 5% au cours des quatre années restantes. L’Espagne sera autorisée, pendant une période transitoire de six ans qui débutera à la même date du 1er janvier 2005, à appliquer sur les paiements de redevances un taux d’imposition qui ne devra pas excéder 10%.

Le Conseil est convenu que les avantages prévus par la directive ne doivent pas bénéficier aux entreprises exonérées de l’impôt sur les revenus visés par ladite directive et que la Commission devra proposer en temps voulu les éventuelles modifications à y apporter.

EXTRAIT CONSEIL ECOFIN DU 03/06/2003

«QUESTIONS FISCALES

Le Conseil a adopté le « paquet fiscal ». Ce faisant, le Conseil:

– a adopté la directive du Conseil en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêts et la directive du Conseil concernant un régime fiscal commun applicable aux paiements d’intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d’États membres différents, telles qu’elles figurent dans les documents 7242/03 FISC 37 + COR 1 (it) + COR 2 (da) and 5926/3/03 FISC 13 + REV 3 COR 1 (it) + REV 4 (da) + REV 4 COR 1 (da) + REV 5 (sv) respectivement;

– a approuvé la résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiement d’intérêts, telle qu’elle figure dans le document 7248/03 FISC 38 + COR 1 (it); et

– a pris acte des déclarations ci-après à inscrire au procès-verbal du Conseil.

 

Déclarations à inscrire au procès-verbal du Conseil:

POUR CE QUI CONCERNE LA DIRECTIVE SUR LA FISCALITÉ DES REVENUS DE L’ÉPARGNE:

1. Le Conseil réaffirme que l’échange d’informations, sur une base aussi large que possible, doit être l’objectif ultime de l’Union européenne, l’évolution de la question sur le plan international étant prise en compte.

2. Le Conseil estime que des assurances suffisantes ont été obtenues en ce qui concerne l’application des mêmes mesures suivant les mêmes procédures que les douze États membres ou que la Belgique, le Luxembourg et l’Autriche dans l’ensemble des territoires dépendants ou associés concernés (îles anglo-normandes, île de Man et territoires dépendants ou associés des Caraïbes) et demande aux États membres concernés de faire en sorte que tous les territoires dépendants ou associés appliquent ces mesures à partir de la date de mise en œuvre de la directive; il est entendu que si la Belgique, le Luxembourg et l’Autriche décident de procéder à l’échange automatique d’informations, tout territoire prélevant une retenue à la source procédera lui aussi, à compter de la même date que ces États membres, à l’échange automatique d’informations.

3. Le Conseil déclare que le chapitre III de la directive, à l’exception des articles 14 et 15, ne s’appliquera pas aux nouveaux États membres.

4. Le Conseil invite la Commission à poursuivre, en étroite concertation avec la présidence du Conseil, les négociations avec la Confédération suisse, la Principauté de Liechtenstein, la République de Saint-Marin, la Principauté de Monaco, la Principauté d’Andorre et les États-Unis d’Amérique afin d’insister sur le fait que l’échange d’informations est l’objectif ultime de la Communauté européenne, et à faire rapport au Conseil d’ici le 31 décembre 2006 sur l’évolution de ces négociations.

5. Le Conseil invite également la Commission à entamer, durant la période de transition prévue à l’article 10 de la directive, des pourparlers avec d’autres centres financiers importants, afin que ces entités adoptent des mesures équivalentes à celles qui doivent être appliquées au sein de la Communauté.

6. L‘Autriche déclare que la mise en œuvre d’un échange automatique d’informations exige de modifier la constitution autrichienne, ce que pourrait exiger également la mise en œuvre d’une retenue à la source au taux de 35 %. Par conséquent, l’accord de l’Autriche sur les dispositions pertinentes des présentes conclusions s’entend sous réserve de l’approbation du Parlement autrichien.


POUR CE QUI CONCERNE LE PROJET D’ACCORD AVEC LA SUISSE RELATIF À LA FISCALITÉ DE L’ÉPARGNE

1. Le Conseil déclare que le projet d’accord avec la Suisse, tel que présenté par la Commission le 28 mai 2003, et qui comprend une disposition concernant l’autorité compétente à Gibraltar, constitue l’offre ultime en vue d’un accord entre l’UE et ce pays.

Les quatre éléments de cet accord relatif à la fiscalité de l’épargne constituent également la base pour les accords entre l’Union européenne et le Liechtenstein, Andorre, Monaco et Saint-Marin.

2. Le Conseil note que la Communauté n’a pas compétence exclusive pour conclure avec la Suisse un accord relatif au traitement fiscal des dividendes et des paiements d’intérêts et de redevances visés à l’article 15 du projet d’accord. Les délégations décident néanmoins, à titre exceptionnel et sans qu’un précédent soit ainsi créé, que les États membres n’exerceront pas leur compétence dans ce cas particulier.

Le Conseil et la Commission déclarent que l’exercice de la compétence communautaire à l’égard de l’article 15 de l’accord avec la Suisse ne porte pas atteinte aux accords bilatéraux existants conclus avec d’autres pays tiers et les États membres maintiennent leur compétence pour conclure avec d’autres pays tiers des accords bilatéraux relatifs au traitement fiscal des dividendes et des paiements d’intérêts et de redevances effectués entre des sociétés.

La délégation néerlandaise déclare que, d’après elle, il est entendu que les États membres maintiennent leur compétence pour conclure à l’avenir avec la Suisse des accords bilatéraux plus favorables relatifs au traitement fiscal des dividendes et des paiements d’intérêts et de redevances.

3. Le Conseil encourage la Commission à mettre au point dès que possible les projets d’accords avec les pays tiers européens précités, en concertation étroite avec la présidence du Conseil.

POUR CE QUI CONCERNE LA DIRECTIVE RELATIVE AUX INTÉRÊTS/REDEVANCES

Le Conseil et la Commission conviennent que les sociétés qui sont exemptées de l’impôt sur les revenus visé dans la directive relative aux intérêts et aux redevances ne devraient pas bénéficier des avantages de cette directive.

Le Conseil invite la Commission à proposer en temps utile les modifications qu’il pourrait être nécessaire d’apporter à cette directive.

POUR CE QUI CONCERNE LE CODE DE CONDUITE:

Le Conseil

* se félicite des progrès accomplis par le Groupe « Code de conduite » (Fiscalité des entreprises) tels qu’ils sont indiqués dans le rapport (doc. 7018/1/03 FISC 31 REV 1 (en)) de ce dernier;

* note que les descriptions figurant à l’annexe 1 du document 14812/02 FISC 299, mises à jour par les descriptions figurant à l’annexe A du document 7018/1/03 FISC 31 REV 1 (en), constituent une base approuvée pour l’évaluation du démantèlement;

* note que le Groupe « Code de conduite » a examiné les mesures modifiées ou les mesures de remplacement proposées par les États membres et les territoires dépendants ou associés à la place de celles énumérées à l’annexe C du document SN 4901/99 à la lumière des critères établis dans le code de conduite et, comme indiqué à l’annexe B du document 7018/1/03 FISC

31 REV 1 (en), a estimé qu’aucune de ces mesures n’était dommageable au sens du code;

* convient que les mesures modifiées ou les mesures de remplacement proposées permettent de parvenir au démantèlement de toutes les caractéristiques dommageables des 66 mesures énumérées à l’annexe C du document SN 4901/99;

* approuve la prorogation des avantages au delà de la fin de l’année 2005, selon les modalités exposées aux points 15 et 17 du rapport du Groupe « Code de conduite » (doc. 7018/1/03 FISC 31 REV 1 (en)) et au point 10 de l’annexe au document 5566/03 FISC 8;

* approuve les propositions concernant l’échange d’informations publiques disponibles, formulées à l’issue des travaux du groupe sur la transparence et l’échange d’informations, telles qu’elles sont présentées aux points 21 et 22 du document 8848/02 FISC 129;

* approuve les propositions concernant l’échange des informations dans des cas particuliers, formulées à l’issue des travaux du groupe sur la transparence et l’échange d’informations en matière de prix de transfert, telles qu’elles sont présentées dans le document 11077/02 FISC 208;

* réitère sa demande au groupe de surveiller le statu quo et l’application des mesures de démantèlement et de lui faire rapport avant la fin de l’année. »

 


THEME II– LES PLUS VALUES MOBILIERES EN CAS DE TRANSFERT DE DOMICILE HORS DE France : LA COUR DE JUSTICE EUROPÉENNE EST SAISIE DU PROBLÈME

(Division X – 3ème partie )

 

Pour mémoire, aux termes de l’article 167 bis du CGI, le transfert de domicile hors de France provoque l’imposition des plus-values constatées sur les droits sociaux listés à l’article 160 du CGI.

Ce texte aboutit donc à l’imposition des plus-values non réalisées. Le contribuable peut cependant demander à bénéficier d’un sursis de paiement de cet impôt jusqu’au moment où s’effectuera « de facto » l’opération, c’est à dire la transmission, le rachat, le remboursement ou l’annulation des titres concernés.

Les contribuables visés par cette disposition sont ceux qui au cours des années précédant le transfert, ont eu leur domicile fiscal en France pendant 6 ans.

Les droits sociaux visés sont les droits sociaux de sociétés, qu’elles soient cotées ou non, passibles de plein droit ou sur option de l’impôt sur les sociétés représentatifs d’une participation dépassant 25 % des droits dans les bénéfices sociaux à un moment quelconque au cours des 5 dernières années.

Ne rentrent pas dans le champ d’application de ces nouvelles dispositions, :

  • les participations ne dépassant pas 25 % des droits dans les bénéfices sociaux (art.92B à 92J du CGI)
  • les titres de sociétés à prépondérance immobilière (art.150A du CGI)
  • les titres de sociétés de personnes (art.92K du CGI)
  • les titres détenus dans le patrimoine professionnel d’un contribuable (art. 151 nonies du CGI)

Le fait générateur de l’impôt est la date du départ hors de France. L’impôt sur le revenu dû au titre de la plus-value est mis en recouvrement en même temps que l’impôt sur le revenu qui correspond aux revenus acquis pendant l’année du transfert.

Il en est de même avec la CSG, la CRDS et le prélèvement social de 2%.

Le contribuable peut solliciter la possibilité de bénéficier d’un différé de paiement de l’impôt sur la plus-value constatée. Le sursis peut être accordé jusqu’au moment où s’opérera la transmission, le rachat, le remboursement ou l’annulation des titres concernés.

Pour pouvoir bénéficier du sursis après le transfert de domicile hors de France, le contribuable doit souscrire chaque année une déclaration d’impôt au centre des non-résidents. Cette déclaration devra préciser le montant cumulé des impôts en sursis de paiement.

Lorsque le sursis est accordé au contribuable, le paiement de l’impôt est différé et la prescription de l’action est suspendue.

Le sursis s’achève au moment où s’opère la transmission, le rachat, le remboursement ou l’annulation des titres concernés. Par transmission, on entend aussi bien la transmission à titre onéreux qu’à titre gratuit.

En tout état de cause, au terme d’un délai de cinq ans ou à la date du retour en France du contribuable, l’impôt se rapportant aux titres détenus est dégrevé d’office, sans distinguer que le sursis à paiement ait été demandé ou non.

Si aucun sursis n’avait été demandé, les sommes payées sont remboursées.

Sur l’application de cette disposition française, le conseil d’Etat a posé une question préjudicielle à la Cour de justice européenne, car dans l’affaire dont il était saisi, la portée des règles communautaires était incertaine.

La question suivante a donc été posée: «Le principe de la liberté d’établissement posé par l’article 52 du Traité CE (devenu après modification article 43 CE), s’oppose-t-il à ce qu’un état membre institue, à des fins de prévention d’un risque d’évasion fiscale, un mécanisme d’imposition des plus-values en cas de transfert du domicile fiscal. »

L’arrêt n’a pas encore été rendu par la CJCE, en revanche les conclusions de l’Avocat général sont connues..

Nous allons reprendre ici des extraits de ces conclusions particulièrement intéressantes, car elles sont opposées à ce type de dispositions nationales qui lient le fait générateur de l’impôt à un changement de domicile fiscal

 

Paragraphe 1 – Rappel des faits

M. X a quitté la France le 12 septembre 1998, pour s’installer en Belgique. Il détenait à cette date ou avait détenu à un moment quelconque au cours des  cinq dernières années avant son départ de France, directement ou indirectement avec les membres de son groupe familial, des titres donnant droit à plus de 25 % des bénéfices sociaux d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés et ayant son siège social en France. La valeur vénale de ces titres étant alors supérieure à leur prix d’acquisition, M. X a été soumis à l’impôt sur les plus-values latentes conformément à l’article 167 bis du Code Général des Impôts et à ses dispositions d’application.

M. X a demandé au Conseil d’Etat d’annuler le décret n° 99-590 pour excès de pouvoir en excipant de l’illégalité de l’article 167 bis du Code Général des Impôts au motif que cet article était contraire au droit communautaire.

Le Conseil d’Etat considère, en premier lieu, que ces dispositions n’ont, contrairement à ce que soutient M. X, ni pour objet ni pour effet de soumettre à de quelconques restrictions ou conditions l’exercice effectif, par les personnes qu’elles visent, de la liberté d’aller et venir. En second lieu, il a rappelé que l’article 52 du traité s’oppose à l’institution par un Etat membre de règles qui auraient pour effet d’entraver l’établissement de certains de ses ressortissants sur le territoire d’un autre Etat membre.

Ensuite, le Conseil d’Etat indique que l’article 167 bis du Code Général des Impôts prévoit l’assujettissement immédiat des contribuables qui se disposent à transférer hors de France leur domicile fiscal, dans les conditions qu’il définit, à une imposition assise sur des plus-values non encore réalisées et qui, de ce fait, ne seraient pas taxées si lesdits contribuables maintenaient en France leur domicile.

Toutefois, il relève également que l’article 167 bis du Code Général des Impôts comporte des dispositions qui permettent d’éviter, en cas de sursis de paiement, que ces contribuables n’aient, en définitive, à supporter une charge fiscale à laquelle ils n’auraient pas été soumis, ou plus lourde que celle à laquelle ils auraient été soumis s’ils avaient conservé leur domicile en France et qui, en outre, leur accordent, au terme d’un délai de cinq ans, le bénéfice d’un dégrèvement, dans la mesure où les droits sociaux porteurs des plus-values continuent, alors, de figurer dans leur patrimoine, les intéressés ayant la faculté de solliciter le sursis au paiement de l’imposition jusqu’à ce terme.

Le Conseil d’Etat souligne, également, que l’obtention de ce sursis est subordonnée à la condition que les contribuables constituent des garanties propres à assurer le recouvrement de l’imposition. Eu égard aux sujétions que peut comporter la constitution de telles garanties, le Conseil d’Etat se demande si le droit communautaire s’oppose à la réglementation en cause.

Paragraphe 2 – Conclusions de l’Avocat Général – Extraits[1]

« IV – Analyse

« A Quant à l’applicabilité de l’article 52 du traité

« …Force est cependant de constater que, dans les observations qu’il a déposées devant la Cour et qui n’ont pas été contredites à l’audience, M. X expose qu’il a transféré son domicile fiscal en Belgique le 12 septembre 1998 afin d’y exercer son activité professionnelle. Il convient donc de considérer comme résolue de façon affirmative la question de savoir si le déplacement ayant constitué le fait générateur de l’imposition en cause au principal entrait dans le champ d’application du traité.

« C’est, toutefois, à juste titre, que la Commission observe qu’il ne ressort pas du dossier si l’activité de M. X en Belgique était celle d’un travailleur salarié, relevant de l’article 39 CE, ou non, auquel cas l’article 43 CE serait applicable. Puisque la juridiction de renvoi, à laquelle, selon une jurisprudence constante, il incombe d’apprécier la pertinence de la question posée, se réfère à la liberté d’établissement, c’est sous cet angle que nous nous proposons d’analyser le problème.

« En tout état de cause, il convient de souligner, avec la Commission, que le raisonnement effectué au regard de l’article 43 CE est transposable à l’article 39 CE du traité.

« B Quant à l’existence d’une restriction à la liberté d’établissement

« … Ces divers arguments se rattachent donc à deux ordres de considérations : la mesure en cause d’interdirait pas à un ressortissant français d’exercer son droit à la libre circulation et n’affecterait celui-ci que de façon insignifiante.

« Force est, cependant, de souligner que le fait que les règles litigieuses n’ont pas pour objet ou pour effet d’interdire à une personne de s’établir dans un autre Etat membre ne saurait être déterminant dans le contexte de la présente affaire. Il ressort, en effet, de la jurisprudence de la Cour que la liberté d’établissement peut être entravée par une mesure nationale qui ne comporterait pas d’interdiction mais serait simplement de nature à dissuader un opérateur de faire usage de cette liberté.

« Ce principe s’applique, bien entendu, aussi aux dispositions fiscales. Point n’est besoin de rappeler, en effet, que, si la fiscalité directe relève de la compétence des Etats membres, il est de jurisprudence constante que ces derniers doivent l’exercer dans le respect du droit communautaire.

« Rappelons, enfin, avec l’ensemble des intervenants, que les considérations énoncées ci-dessus sont également valables lorsque la mesure nationale en cause est le fait de l’Etat membre d’origine et non de celui de destination de l’opérateur désirant exercer la liberté d’établissement que lui confère le droit communautaire. En effet, celle-ci s’oppose à ce qu’un Etat membre entrave l’établissement d’un de ses ressortissants dans un autre Etat membre.

« Il convient donc de déterminer si les dispositions fiscales visées par l’ordonnance de renvoi, qui, certes, n’interdisent pas à un opérateur d’exercer son droit à la libre circulation, ne sont pas néanmoins de nature à restreindre l’exercice de cette liberté, en dissuadant ledit opérateur d’aller s’établir dans un autre Etat membre.

« Or, comme l’exposent tant le requérant au principal que la Commission, force est de constater que lesdites dispositions font subir à un contribuable désireux de quitter le territoire français de considérables désavantages par rapport à une personne qui continuerait à résider en France.

« Ainsi, le contribuable souhaitant transférer son domicile fiscal hors de France, doit tout d’abord déposer une déclaration des plus-values latentes qui affectent les valeurs mobilières qu’il détient, alors qu’un contribuable n’exerçant pas son droit à la libre circulation, ne doit procéder à aucune déclaration antérieure à la réalisation d’une plus-value. Cette déclaration doit être faite dans les 30 jours qui précèdent le transfert du domicile hors de France.

« Ensuite, et surtout, le contribuable désirant quitter le territoire sera immédiatement redevable de l’impôt sur lesdites plus-values. Il aura donc l’obligation, du seul fait du transfert de son domicile fiscal hors de France, de paye un impôt sur un gain non encore réalisé alors que, s’il restait en France, les plus-values en cause ne seraient imposables qu’après leur réalisation.

« Il apparaît donc de façon indiscutable qu’un tel régime pénalise les contribuables qui quittent la France par rapport à ceux qui y restent et introduit une différence de traitement claire. Comme l’observe à juste titre la Commission, il s’agit là d’une restriction typique « à la sortie » du territoire.

« Cette conclusion n’est pas affectée par les modalités dont est assortie l’imposition, contrairement à ce qu’affirment les gouvernements danois et néerlandais.

« En effet, la seule possibilité d’échapper au paiement immédiat de l’impôt et donc d’obtenir l’égalité de traitement, à l’exception de l’obligation de déclaration, avec les contribuables ne quittant pas le territoire français, est de bénéficier d’un sursis. Or, celui-ci n’est pas automatique mais est, au contraire, soumis à des conditions imposant des démarches et des frais au contribuable désireux de s’établir dans un autre Etat membre.

« Ainsi, ce dernier est tenu de déposer une demande de sursis spécifique, au moment où il fait la déclaration des plus-values latentes. Le demandeur au principal précise à cet égard que le non-respect de ce délai se solde par l’impossibilité de bénéficier du sursis. Le contribuable doit, en outre, procéder à la désignation d’un représentant fiscal, habilité à le représenter auprès de l’administration fiscale. Il est également soumis à une obligation annuelle de communiquer à l’administration un état du suivi des plus-values en cause, par hypothèse non réalisées, rappelons-le. Un retard dans l’accomplissement de cette obligation est également susceptible d’entraîner la déchéance du sursis.

« Enfin, et surtout, le contribuable désireux de transférer son domicile fiscal dans un autre Etat membre est soumis à l’obligation de constituer une garantie propre à assurer le recouvrement de la créance du Trésor. Comme le souligne le requérant au principal, les plus-values en cause n’étant, par hypothèse, pas encore réalisées, le contribuable concerné ne disposera pas d’un revenu correspondant à l’imposition qui lui est réclamée et sera donc obligé de constituer les garanties réclamées en y affectant d’autres sources de revenus.

« Ce faisant, il se heurtera nécessairement à des frais, par exemple pour constituer des garanties bancaires ou hypothécaires. Il est vrai que, comme le fait valoir le gouvernement néerlandais, il pourra échapper à ce type de frais en donnant en garantie les titres à l’origine de l’imposition réclamée. Tant M. X que la Commission font cependant valoir, sans avoir été contredits, que cette possibilité n’existe pas pour des titres non cotés en bourse, situation qui est loin d’être rare lorsque sont en cause des participations substantielles dans des sociétés.

« A cet égard, la Commission a souligné, sans être contredite, que les titres sont admis comme garantie pour 100 % de leur valeur s’il s’agit de valeurs sur lesquelles la Banque de France consent des avances sur titres et pour 60 % de leur cours s’il s’agit d’autres titres cotés à une bourse française. En revanche, les titres non cotés à une bourse française ne sont pas acceptés en l’absence d’une caution bancaire garantissant le paiement intégral des impôts dus.

« Nous partageons le point de vue de la Commission selon lequel un tel traitement différencié est manifestement discriminatoire, tant du point de vue des investisseurs qui sont ainsi encouragés à détenir des titres dans des sociétés cotées à des bourses françaises que du point de vue desdites sociétés qui deviennent ainsi plus attractives au regard de tels investisseurs.

« La Commission note par ailleurs qu’il est surprenant que, d’un côté, la République française considère que l’assiette aux fins de l’imposition repose sur 100 % de la valeur des titres alors que, d’un autre côté, elle considère que l’assiette aux fins de la garantie repose sur seulement 60 % de cette même valeur, voire même 0 %.

« Soulignons, toutefois, que l’entrave dont il est question ici est liée à l’existence même de l’obligation de constituer une garantie, existence qui ne dépend pas des modalités de cette constitution.

« En tout état de cause, il apparaît que, s’il est vrai que le sursis doit être considéré comme une alternative moins pénalisante que l’imposition immédiate pour les contribuables cherchant à transférer leur domicile fiscal dans un autre Etat membre, il n’en demeure pas moins que cette possibilité n’est accessible que moyennant des contraintes que l’on ne saurait qualifier de suffisamment aléatoires ou négligeables pour ne pas être considérées comme une entrave à la liberté d’établissement desdits contribuables.

« Il ressort, en effet, de ce qui précède que, pour obtenir le sursis, ces contribuables doivent supporter les frais afférents à la mise en place des différentes conditions dont dépend l’octroi du sursis, à savoir la désignation d’un représentant fiscal, l’établissement de déclarations de suivi des plus-values latentes ainsi que, éventuellement, les frais de constitution de garanties bancaires ou hypothécaires. En outre, ils doivent, en tout état de cause, supporter la charge que représente l’immobilisation au bénéfice du Trésor d’une partie, éventuellement non négligeable, de leur patrimoine, à titre de garantie.

« Le fait que, après cinq ans, le contribuable visé par les dispositions en cause soit en droit de bénéficier d’office du dégrèvement de l’impôt, accompagné du remboursement des frais de constitution des garanties, s’il ne s’est pas défait entre-temps des titres ayant donné lieu à l’imposition, ne suffit pas, selon nous, à faire disparaître l’effet restrictif des dispositions concernées. En effet, il aura, durant toute cette période, été privé de la jouissance de la partie de son patrimoine donnée en garantie. Tel est le cas même s’il s’agit des titres en cause. Dans ce cas spécifique, l’effet restrictif de la libre circulation ne découle pas du fait de ne pas pouvoir les aliéner, puisque cette circonstance donnerait lieu à imposition même si le contribuable était demeuré en France, mais dans le fait que les titres sont indisponibles pour d’autres usagers que le propriétaire pourrait vouloir en faire, par exemple les utiliser à titre de sûreté.

« Notons enfin que, selon la Commission, qui n’a pas été contredite sur ce point, un système d’imposition tel que celui prévu à l’article 167 bis du Code Général des Impôts restreint également la liberté d’établissement en ce qu’il constitue un obstacle à des opérations de restructuration, regroupement ou fusion de la société dont le contribuable résidant à l’étranger est actionnaire. En effet, de telles opérations comportent nécessairement un apport ou un échange de titres, l’annulation des titres précédents et l’émission de nouvelles actions. Or, pour les contribuables ayant leur domicile en France, l’apport, le rachat, le remboursement ou l’annulation des droits sociaux concernés peut faire l’objet d’un report d’imposition à certaines conditions prévues à l’article 150-OA du Code Général des Impôts. Mais, un tel report n’est plus possible en cas de transfert de domicile à l’étranger. En effet, les titres en report d’imposition au moment du transfert deviennent immédiatement imposables en vertu de l’article 167 bis du Code Général des Impôts. Cette même disposition semble exclure le bénéfice du report d’imposition en cas de cession des titres à l’étranger.

« Il y a, toutefois, lieu d’observer, avec le gouvernement français, que la question préjudicielle ne vise pas les dispositions relatives à l’imposition des plus-values bénéficiant d’un report d’imposition.

« En tout état de cause, il convient de conclure que les dispositions visées par l’ordonnance de renvoi soumettent les contribuables détenteurs de participations substantielles souhaitant transférer leur domicile fiscal hors de France à des différences de traitement de nature à restreindre la liberté d’établissement que leur reconnaît le traité. Il y a donc lieu d’examiner si lesdites dispositions sont susceptibles d’une justification qui les ferait échapper à l’interdiction découlant de l’article 43 CE.

« C Quant à la justification de la restriction

« Il n’est pas contesté, en l’espèce, que l’article 46 CE ne trouve pas à s’appliquer. En revanche, en ce qui concerne la possibilité de justifier la restriction à la liberté d’établissement par une raison impérieuse d’intérêt général telle que celles déjà admises par la Cour en matière fiscale, quatre arguments sont invoqués par les différents intervenants.

« … Il s’agirait d’éviter que les contribuables français retirent un avantage des différences entre les régimes fiscaux des autres Etats membres et celui de la République française.

« A cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante qu’une réduction des recettes fiscales ne peut être considérée comme une raison impérieuse d’intérêt général pouvant être invoquée pour justifier une inégalité de traitement en principe incompatible avec l’article 43 CE. En effet, un tel objectif est de nature purement économique et ne peut, dès lors, constituer une raison impérieuse d’intérêt général. Il s’ensuit, comme l’observe le gouvernement français, que le simple manque à gagner subi par l’administration fiscale du fait d’un changement de résidence fiscale ne saurait justifier aucune restriction apportée à la liberté d’établissement du contribuable.

« En deuxième lieu sont invoquées la lutte contre l’évasion fiscale et l’efficacité des contrôles fiscaux. L’une ou l’autre de celles-ci sont considérées comme des raisons impérieuses d’intérêt général, de nature à justifier la restriction en cause, par tous les gouvernements intervenus à l’exception du gouvernement portugais.

« Le gouvernement français, qui a développé sur ce point l’argumentation la plus détaillée, explique que le dispositif litigieux vise à empêcher ce qu’il conviendrait d’appeler un abus de droit, à savoir l’utilisation frauduleuse par un contribuable des libertés découlant pour lui du droit communautaire. Il rappelle, à cet égard, qu’un Etat membre est libre de définir les modalités d’imposition des plus-values comme il l’entend, notamment en matière de taux d’imposition. Il serait donc parfaitement légitime que chaque Etat membre prenne les mesures appropriées afin d’éviter que l’imposition des plus-values soit privée de sa substance par des comportements abusifs.

« En l’espèce, constituerait un tel comportement le fait pour un contribuable de transférer temporairement son domicile fiscal hors de France avant de céder des titres mobiliers dans le seul but d’éluder le paiement de l’impôt sur les plus-values dû en France. Il s’agirait là non pas d’un exercice normal de la liberté d’établissement mais d’un usage abusif de cette liberté à des fins de contournement de la loi fiscale.

« Ce serait à un double titre que le dispositif critiqué serait justifié par la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux. En effet, il viserait, d’une part, à s’opposer aux comportements frauduleux décrits ci-dessus et, d’autre part, à garantir l’efficacité du recouvrement de l’impôt. Ce recouvrement serait, en effet, rendu beaucoup plus onéreux et aléatoire par le fait que le redevable réside hors de France.

« Que faut-il penser de ces arguments ?

« Il est indiscutable que la jurisprudence a reconnu le caractère d’exigence impérieuse, de nature à justifier une restriction, à la nécessité d’assurer l’efficacité des contrôles fiscaux. Tel est également le cas de la lutte contre l’évasion fiscale. Quant à ce deuxième point, il convient, cependant, de souligner, comme le rappelle le gouvernement français lui-même, qu’il ressort de la même jurisprudence que seule est susceptible d’être justifiée une législation qui aurait pour objet spécifique d’exclure d’un avantage fiscal les montages purement artificiels dont le but serait de contourner la loi fiscale.

« Or, il n’est pas contestable que le dispositif litigieux va très au-delà de cette limite. En effet, comme l’observe à juste titre la Commission, qui cite également, dans ce contexte, les arrêts Leur-Bloem et Centros, la règle nationale en cause vise, de manière générale, toute situation dans laquelle un contribuable détenant des participations substantielles dans une société soumise à l’impôt français sur les sociétés transfère, pour quelque raison que ce soit, son domicile fiscal hors de France.

« Il est ainsi créé, comme l’expose le requérant au principal, une « présomption irréfragable de fraude fiscale » dans le chef d’un tel contribuable. Or, l’établissement d’un contribuable à l’étranger n’implique pas en soi la fraude fiscale et c’est à l’administration fiscale de l’Etat membre concerné de prouver, au cas par cas, qu’il existe un risque d’évasion fiscale.

« Il s’ensuit que, pour être conforme au principe de proportionnalité, une mesure nationale ne devrait pas, comme en l’espèce, présumer le caractère frauduleux de l’exercice de la liberté d’établissement découlant du droit communautaire, mais pourrait, en revanche, prévoir la possibilité, pour l’administration fiscale, de démontrer au cas par cas l’existence effective d’une fraude ou d’une évasion fiscale.

« Le caractère proportionné de la règle nationale apparaît également à l’examen de la différence de traitement entre un contribuable qui reste à l’étranger plus de cinq ans après son départ de France sans vendre ses titres et celui qui, tout en restant à l’étranger pour la même durée, vend ses titres avant l’expiration des cinq ans. En effet, alors que tous deux quittent la France pour une période tout aussi longue, tendant à démontrer que leur comportement n’est pas forcément motivé par une volonté d’échapper à l’impôt, le premier ne paiera aucun impôt contrairement au second. Or, comme l’observe la Commission, on ne voit pas de différence, au regard de l’objectif de prévention des délocalisations artificielles et, donc temporaires, entre une personne vendant ses titres après cinq ans et celle qui les cède après quatre ans, voire un an.

« Le gouvernement français fait toutefois valoir que la cession des titres peu après le départ de France constitue un indice certain de la volonté d’échapper à l’impôt. Nous ne partageons pas ce point de vue. En effet, un départ vers un autre Etat membre dans le but d’entamer une nouvelle activité professionnelle est susceptible d’entraîner des frais considérables, liés éventuellement à cette nouvelle activité, ou découlant de la nécessité d’acquérir un logement, par exemple. On ne saurait donc considérer que le simple fait de céder les parts peu après le transfert du domicile suffirait à révéler l’intention frauduleuse. En revanche, un critère constitué par la rapidité du retour en France serait, a priori, plus en rapport avec l’objectif d’empêcher le contribuable d’éluder l’impôt par le simple expédient d’un bref séjour dans un autre Etat membre, durant lequel les titres seraient cédés.

« Cette considération illustre la deuxième raison qui nous amène à conclure au caractère disproportionné des règles en cause, à savoir l’existence de mesures moins restrictives de la liberté d’établissement, susceptibles de réaliser l’objectif allégué de lutte contre les délocalisations temporaires.

« De quelles mesures pourrait-il s’agir ? Il suffirait, à notre avis, aux autorités nationales de prévoir la taxation des plus-values réalisées par le contribuable qui, après un séjour relativement bref dans un autre Etat membre, reviendrait en France après avoir cédé ses titres. Ce retour à brève échéance démontrerait le caractère temporaire dudit séjour et permettrait précisément de faire échec au comportement dénoncé par les autorités françaises sans affecter la situation des contribuables n’ayant pas d’autre objectif que d’exercer en toute bonne foi leur liberté d’établissement dans un autre Etat membre. En percevant l’impôt au moment du retour, survenu, par hypothèse, peu après l’aliénation des titres au cours d’un bref séjour dans un autre Etat membre, l’Etat membre intéressé tirerait, en quelque sorte, la conséquence du caractère fictif de la localisation dans un autre Etat membre de la réalisation de la plus-value en la traitant comme si elle était effectivement survenue en France. Procéder ainsi, devrait lui permettre, en outre, d’exclure toute difficulté de recouvrement de l’impôt.

« … Il s’ensuit qu’il existe des mesures moins restrictives des libertés fondamentales du droit communautaire qui permettraient tant de lutter contre l’évasion fiscale que de préserver l’efficacité des contrôles fiscaux.

« En ce qui concerne plus spécifiquement ce second objectif, il convient, à des fins d’exhaustivité, d’ajouter ce qui suit. Comme nous l’avons vu ci-dessus, les modalités de dépôt de garanties opèrent une discrimination au détriment de titres non cotés dans une bourse française, dont on ne voit pas la justification au regard de l’objectif d’efficacité des contrôles fiscaux. En outre, la règle nationale en cause ne tient aucun compte de l’existence de divers instruments susceptibles de faciliter le recouvrement de l’impôt dû par un contribuable ayant transféré son domicile fiscal dans un autre Etat membre.

« Ainsi, le requérant au principal souligne que la République française a conclu avec un grand nombre d’Etats membres des conventions destinées à éviter la double imposition, qui comportent en règle générale une clause dite d' »assistance au recouvrement », par laquelle les Etats s’engagent à s’accorder une aide mutuelle pour le recouvrement des impôts visés par la convention.

« En outre, comme la Cour l’a jugé à de nombreuses reprises et comme le rappelle la Commission, « la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des Etats membres dans le domaine des impôts directs (JO L 336, p. 15) offre des possibilités d’obtenir des informations nécessaires comparables à celles existant entre les services fiscaux sur le plan interne ».

« Il découle de tout ce qui précède que la règle nationale en cause ne saurait être justifiée par la lutte contre l’évasion fiscale ou la nécessité de préserver l’efficacité des contrôles fiscaux.

« En troisième lieu, le gouvernement néerlandais fait valoir que la disposition litigieuse est justifiée par les exigences de la cohérence du système fiscal français.

« En effet, selon ce gouvernement, les circonstances de l’espèce ne diffèrent pas fondamentalement de la problématique de l’affaire Bachmann. D’après lui, celle-ci concernait une « exonération » sous la forme de déductibilité de primes, en contrepartie de laquelle les allocations ultérieures seraient imposées. Lorsque l’imposition ultérieure des prestations n’était pas garantie, l' »exonération » sous la forme d’une déduction des primes sur le revenu ne devait pas être accordée. De façon similaire, le cas d’espèce impliquerait en réalité une exonération temporaire de l’imposition sur l’accroissement de patrimoine que constitueraient les plus-values, celui-ci n’étant imposé qu’au moment de sa réalisation. Cette imposition ultérieure compenserait donc l’exonération temporaire. Celle-ci ne devrait, par conséquent, par être accordée lorsque, du fait du transfert à l’étranger du domicile fiscal du contribuable, l’imposition ultérieure ne serait plus garantie.

« Nous ne partageons par cette thèse, et ce pour plusieurs raisons.

« Tout d’abord, elle fait abstraction du fait que, comme nous venons de le voir, le transfert dans un autre Etat membre du domicile fiscal du contribuable ne signifie pas nécessairement que le recouvrement de l’impôt est compromis.

« Il apparaît, en outre, que la différence de traitement entre résidents et (futurs) non-résidents ne se limite pas à une simple anticipation du moment où doit être payé un impôt qui serait dû en tout état de cause. En effet, le contribuable qui quitte le territoire pour une durée supérieure à cinq ans n’étant en tout état de cause plus imposable, on ne saurait considérer qu’il a fait l’objet d’une simple anticipation de l’imposition.

« En outre, l’applicabilité de règles moins favorables concernant la déductibilité des pertes éventuelles, prévues à l’article 167 bis I, 2, deuxième alinéa du Code Général des Impôts, précité, indique également que nous ne sommes pas en présence d’une simple anticipation du paiement de l’impôt.

« Il convient, d’ailleurs, de signaler que, même si tel était le cas, il ne s’ensuivrait pas encore que cette anticipation de paiement serait justifiée par une exigence de sauvegarde de la cohérence du système fiscal. Ainsi, dans l’arrêt Metallgesellschaft, précité, la Cour a jugé contraires au traité des dispositions qui imposaient aux seules sociétés non résidentes le paiement anticipé de l’impôt.

« De plus, la Commission a fait valoir à l’audience, sans être contredite sur ce point, que les dispositions en cause, en prévoyant l’imposition des plus-values dans le chef de contribuables qui ne sont plus résidents, sont en contradiction avec l’exigence de cohérence du système fiscal puisque celui-ci reconnaît comme principe, notamment appliqué dans la convention franco-belge de prévention de la double imposition, l’imposition des plus-values par l’Etat de résidence du contribuable.

« Enfin, et surtout, il convient de souligner que les règles françaises relatives à l’imposition des plus-values ne visent pas à imposer, tôt ou tard, l’accroissement du patrimoine. Il existe, en effet, des règles spécifiques concernant l’imposition de la fortune. Comme le souligne le requérant au principal, la règle de base gouvernant l’imposition des plus-values dans le système fiscal français est l’imposition des plus-values réalisées, c’est-à-dire d’un revenu, et non pas l’imposition périodique de l’accroissement éventuel de la valeur du patrimoine. Dès lors, en prévoyant, dans le cas des (futurs) non-résidents, un impôt prélevé sur des plus-values latentes et non pas réalisées, la règle litigieuse est une exception à la cohérence du système fiscal en cause et ne saurait donc être considérée comme nécessaire à celle-ci.

« En quatrième lieu, il convient d’analyser l’argumentation exposée par le gouvernement allemand, selon lequel il faudrait tenir compte du fait que le régime fiscal en cause constitue en même temps un régime de répartition du pouvoir fiscal entre l’Etat de départ et celui de destination. La disposition en cause aurait pour but de garantir le paiement de l’impôt sur des plus-values constituées jusqu’au moment du départ du contribuable. Le droit de l’Etat de départ d’imposer ces plus-values résulterait du fait qu’elles sont régulièrement nées de l’activité de la société dans l’Etat de départ.

« Il est, toutefois, de jurisprudence que, si les Etats membres sont libres de définir les critères de répartition de la compétence fiscale, ils ne peuvent, dans l’exercice du pouvoir d’imposition ainsi réparti, s’affranchir du respect des règles communautaires.

« Force est d’observer, en outre, que, en l’espèce, la répartition du pouvoir fiscal entre les Etats membres n’est pas en cause. En effet, l’objet du litige ne porte pas sur le droit des autorités françaises de protéger l’imposition des plus-values en luttant contre les délocalisations entreprises à seule fin d’éluder l’impôt, mais sur la question de savoir si les mesures adoptées dans ce but sont conformes aux exigences de la liberté d’établissement.

« La situation diffère donc de celle qui était en cause dans l’arrêt Gilly, cité par le gouvernement allemand. En effet, dans cette affaire était en cause un critère de répartition de la compétence fiscale qui pouvait, d’ailleurs, jouer en faveur ou en défaveur des contribuables concernés, selon les caractéristiques de leur situation. En revanche, la présente affaire concerne des règles nationales qui ne découlent pas nécessairement de la répartition du pouvoir d’imposition entre Etats membres et sont, d’ailleurs, systématiquement défavorables aux contribuables désirant exercer les droits découlant pour eux du droit communautaire.

« Il découle des considérations exposées ci-dessus que le dispositif litigieux est constitutif d’une restriction incompatible avec l’article 43 CE et n’est pas susceptible d’être justifié par une raison impérieuse d’intérêt général.

« V Conclusion

« Pour les raisons qui précèdent, il est proposé de donner la réponse suivante au Conseil d’Etat :

« L’article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) s’oppose à une législation nationale telle que celle en cause au principal qui prévoit, à la charge de tous les contribuables qui transfèrent leur domicile fiscal dans un autre Etat membre, un mécanisme d’imposition immédiat des plus-values non encore réalisées. » »


THEME III – LA CONCURRENCE FISCALE DOMMAGEABLE ET L’OCDE : SUIVI DES TRAVAUX


Pour rappel, les ministres des pays de l’OCDE ont adopté le 9 avril 1998 le rapport sur la concurrence fiscale dommageable afin «de mettre au point des mesures pour limiter les distorsions qu’une concurrence fiscale dommageable introduit dans les décisions d’investissement et de financement et leurs conséquences pour la matière imposable au niveau national».

L’OCDE estime que l’existence d’une faible imposition du revenu ou l’absence même d’une telle imposition ne suffit pas à établir la concurrence fiscale dommageable. Celle-ci peut en revanche être établie lorsqu’une faible fiscalité ou l’absence d’imposition se combine avec d’autres spécificités législatives ou réglementaires permettant notamment la pratique du «cantonnement» et aboutissant à un manque de transparence ou d’échanges d’informations. Le rapport de l’OCDE fournit à cet égard une grille d’identification des régimes dommageables et propose des mesures pour en contrer les effets.

Il ne s’agit pas de vouloir harmoniser les taux d’imposition entre les pays ni même de vouloir instaurer des niveaux minimaux de prélèvements fiscaux. Les pays doivent rester libres de déterminer leurs barèmes d’imposition. La régulation doit en revanche se faire à partir des mécanismes de concurrence à l’œuvre sur le marché mondial de manière à ce que les pays soient incités à adopter des «pratiques exemplaires» en matière de politique fiscale.

L’une des questions devant faire l’objet d’un suivi, dans ce rapport, était la possibilité de restreindre le droit à bénéficier des dispositions des conventions fiscales.

 

Dans ce contexte, plusieurs commentaires ont été ajoutés au modèle de la convention OCDE, qui portent sur les aspects suivants :

–          utilisation des notions de siège de direction effective et d’établissement stable pour réduire les avantages obtenus en vertu d’une convention fiscale (article 1)

–          inclusion possible dans le Modèle de diverses catégories de dispositions visant à faire en sorte que les revenus qui échappent à l’impôt à travers des régimes constituant une concurrence fiscale dommageable ne bénéficient pas des avantages des conventions fiscales (article 1)

–          le cas des sociétés relais

–          les dispositions visant des entités bénéficiant de régimes fiscaux préférentiels

–          les règles anti-abus portant sur l’imposition à la source de catégories de revenus spécifiques

–          les moyens d’éviter que lorsqu’un pays adopte, après la conclusion d’une convention fiscale, des mesures qui aboutissent à une concurrence dommageable, les avantages de la convention soient indûment accordés au titre des revenus couverts par ces mesures

–          clarification de la notion de « bénéficiaire effectif »

–          …..


THEME IV – LE FORUM CONJOINT SUR LES PRIX DE TRANSFERT

( Division I – Les recommandations de L’OCDE sur les prix de transfert à l’intérieur des groupes multinationaux

+ Mise à jour premier semestre 2002)

L’étude faite par l’Union européenne, sur la fiscalité des sociétés a clairement mis en évidence l’importance croissante des problèmes de fiscalité liés aux prix de transfert et l’enjeu que cela représente pour le marché intérieur.

Les obstacles et problèmes recensés sont de natures diverses mais imposent, en raison de leur importance croissante, que des mesures soient prises. L’approfondissement du marché intérieur et le nombre croissant de nouvelles technologies et structures d’entreprises aux niveaux national et international n’ont fait qu’aggraver ces problèmes au cours des dernières années. Il ne fait aucun doute que l’application des prix de transfert à des fins fiscales est une opération compliquée et qui pose des problèmes dans la pratique.

Pour bon nombre des problèmes spécifiques qui se posent, une coopération plus étroite entre les administrations fiscales et les entreprises pourrait conduire à des progrès considérables. De plus, l’amélioration de la coordination entre États membres qui permettrait de réduire les coûts de mise en conformité et de lever une partie des incertitudes pesant sur la pratique des prix de transfert, est considérée comme étant d’une importance majeure à court terme.

Pour rappel, l’objectif général assigné au forum est d’assurer une application plus uniforme des dispositions fiscales applicables aux prix de transfert dans l’Union européenne. Bien que tous les États membres appliquent les « Principes applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales » de l’OCDE et en reconnaissent les mérites, les interprétations différentes données à ces principes donnent souvent lieu à des litiges transfrontaliers qui sont préjudiciables au bon fonctionnement du marché intérieur et qui entraînent des coûts supplémentaires à charge des entreprises et des administrations fiscales nationales.

De même, l’application concrète de la « Convention d’arbitrage » (qui est un instrument communautaire visant spécifiquement à éviter la double imposition en liaison avec la correction des bénéfices des entreprises associées) s’avère problématique et doit elle aussi être améliorée.

L’examen de ces différents problèmes devrait permettre d’identifier les améliorations non législatives qui pourraient éventuellement être apportées aux problèmes pratiques afin de réduire les coûts de mise en conformité et d’éviter tout litige.

C’est donc dans ce contexte que le forum s’est réuni pour réfléchir aux améliorations des procédures de la convention d’arbitrage, et des procédures amiables.

Voici quelles sont ces premières conclusions et propositions.

« 1. Le nombre de procédures amiables et de procédures d’arbitrage conclues avec des pays ne cesse d’augmenter à la suite de la mondialisation rapide de l’économie conjuguée à l’intérêt croissant des administrations fiscales pour les questions de prix de transfert. Par conséquent, il devient de plus en plus important pour les entreprises que la double imposition causée par des ajustements de prix de transfert soit éliminée aussi rapidement que possible. (Les termes « prix de transfert » utilisés dans la présente note font référence à la détermination des bénéfices conformément à l’article 7 et à l’article 9 du modèle de convention fiscale de l’OCDE.)

2. En outre, les entreprises multinationales ont affaire à des autorités fiscales dont les règles internes ne sont pas les mêmes, ce qui les amène souvent à adopter une approche différente en ce qui concerne les prix de transfert et les procédures de règlement des différends fiscaux.

3. Tous les traités de double imposition auxquels les États membres sont parties contiennent une disposition qui est comparable à l’article 25 du modèle de convention fiscale de l’OCDE et qui prévoit une procédure amiable. De plus, la convention d’arbitrage de l’UE est maintenant en place depuis le 1er janvier 1995 et certains États membres ont des procédures d’arbitrage incorporées dans des traités bilatéraux de double imposition. À la différence des procédures amiables prévues par ces traités, la convention d’arbitrage de l’UE fixe un délai dans lequel les autorités compétentes doivent parvenir à un accord éliminant la double imposition résultant d’ajustements des prix de transfert et prévoit aussi l’obligation d’éliminer cette double imposition.

4. Bien que tant les entreprises que les autorités fiscales reconnaissent la valeur ajoutée de la convention d’arbitrage de l’UE, celle-ci a laissé en suspens un certain nombre d’aspects pratiques et organisationnels, ce qui fait que son application concrète pose des problèmes. À la suite de la décision prise par le Forum lors de sa réunion du 3 octobre 2002, les lacunes de cette convention doivent donc être éliminées aussi rapidement que possible.

5. Dans le cadre de son mandat, et compte tenu des orientations de l’OCDE, le Forum doit se fixer comme objectif d’étudier la manière d’éviter effectivement la double imposition des entreprises dans un délai raisonnable. À cet effet, il concentrera ses travaux sur les moyens de développer des instruments non législatifs pragmatiques tels que des codes de conduite, des orientations pour des interprétations communes, des codes de meilleures pratiques, des mémorandums, etc., afin de rendre les procédures amiable et arbitrale plus efficaces. Dans ce contexte, le Forum devrait aussi examiner si les contribuables devraient disposer du droit d’initiative à chaque stade des procédures. Pour certains représentants de l’industrie ce droit devrait porter sur la composition du comité consultatif et inclure la possibilité d’introduire des plaintes auprès de la Cour de Justice européenne ou la Commission européenne. Le Forum devrait également examiner la possibilité de fusionner les procédures amiables avec des procédures d’arbitrage améliorés ou de les remplacer par ces dernières.

6. Le premier domaine dans lequel il faudrait rechercher des solutions pragmatiques communes est l’état des procédures applicables au cours de la période transitoire précédant la ratification par l’ensemble des États membres du protocole de prorogation de la convention d’arbitrage.

En ce qui concerne la seconde partie des objectifs, à savoir l’examen de la meilleure façon d’améliorer la mise en oeuvre de la convention d’arbitrage, le Forum devrait en particulier centrer ses travaux sur les questions suivantes:

i) définition d’une interprétation commune de la date à laquelle commence à courir la période de deux ans correspondant à la première phase de la procédure arbitrale;

ii) définition de règles plus détaillées concernant la seconde phase de la convention;

iii) recherche d’une approche commune des problèmes relatifs au recouvrement de la dette fiscale et au paiement des intérêts pendant la procédure amiable (qui comprend la première phase de la convention d’arbitrage).


[1] Ces conclusions sont sur le site de la CJCE, http://curia.eu.int, elles ont été présentées le 13 mars 2003, Affaire C-9/02.

 

Les commentaires sont fermés.