UN REGIME FISCAL TRES FAVORABLE POUR LES SOCIETES COMMERCIALES LUXEMBOURGEOISES PROPRIETAIRES D’IMMEUBLES EN FRANCE


Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 124 (Année 2000)


Les étrangers qui achètent une résidence secondaire en France préfèrent souvent le faire sous couvert d’une société étrangère, ce qui est très fréquent dans notre région. Or, un achat sous cette forme comporte de nombreux pièges sur le plan fiscal.

Ainsi, une disposition de la Convention modèle de l’OCDE de double imposition, reprise dans la quasi totalité des conventions signées par la France, prévoit que les revenus provenant des biens immobiliers d’une entreprise sont imposés selon les dispositions conventionnelles relatives aux revenus immobiliers et non selon les dispositions conventionnelles relatives aux bénéfices des entreprises.

Il en résulte que, bien qu’un immeuble donné en location ne constitue pas un établissement stable au sens des conventions, la France est en droit d’imposer les revenus tirés de la location d’un immeuble situé dans ce pays par une entreprise établie dans l’autre Etat contractant.

Si l’immeuble n’est pas loué, la France peut néanmoins, si le propriétaire est une société de capitaux, imposer celle-ci à l’impôt sur les sociétés en application de la théorie de l’acte de gestion anormal.

De même, la France peut imposer la plus-value générée par la vente de l’immeuble.

Il existe cependant une exception qui vient d’être récemment confirmée par l’Administration fiscale française : il s’agit des sociétés de capitaux luxembourgeoises.

En effet, la convention de double imposition entre la France et le Luxembourg ne prévoit pas de règle particulière pour l’imposition des revenus immobiliers des entreprises industrielles ou commerciales. Il faut dès lors considérer que ces revenus sont imposables selon les règles générales applicables aux bénéfices industriels et commerciaux.

L’article 4-1 de la Convention entre le Luxembourg et la France du 1er avril 1958 stipule, ce qui est parfaitement classique, que les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières, ne sont imposables que dans l’Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable. Or, un immeuble destiné à la location ne constitue pas un établissement stable et les revenus en provenant ne peuvent donc pas être imposés dans l’Etat de situation, ce qui a été confirmé par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 18 mars 1994.

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat a jugé que la Convention fiscale entre la France et le Luxembourg du 1er avril 1958 ne prévoit pas de règle particulière pour l’imposition des revenus immobiliers des entreprises industrielles et commerciales. Il y a donc lieu, dans ces conditions, de se référer aux dispositions du droit interne français qui rangent dans la catégorie des recettes commerciales les revenus tirés des immeubles possédés par une entreprise industrielle et commerciale.

 Aux termes des dispositions de l’article 4 de la Convention fiscale franco‑luxembourgeoise, les revenus de telles entreprises ne sont imposables que dans l’Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable. La possession d’un immeuble n’emporte pas la création d’un établissement stable. Il s’en suit que les revenus tirés de biens immobiliers situés en France par des sociétés qui ont leur domicile fiscal au Luxembourg ne sont pas imposables en France à l’impôt sur les sociétés, à moins que ces biens immobiliers ne se rattachent effectivement à un établissement stable possédé en France.

Cet arrêt du Conseil d’Etat n’avait pas toutefois suscité l’intérêt qu’il aurait mérité, notamment de la part des résidents étrangers envisageant de faire l’acquisition d’un immeuble en France par l’entremise d’une société étrangère, car tout le monde craignait que le fisc français n’essaie par tous les moyens d’en réduire la portée, voire cherche à obtenir par voie législative ou par la voie d’une renégociation de la Convention qu’il soit mis fin à une telle exception.

Or, il ressort d’une Instruction prise par l’Administration le 4 août 2000 que, non seulement cet arrêt n’est pas critiqué, mais que de plus, celle-ci paraît disposer à en tirer toutes les conséquences.

En effet, publiant cet arrêt au BOI du 11 août 2000, l’Administration l’a assorti des observations suivantes :

Les conclusions de l’arrêt s’appliquent mutatis mutandis aux plus-values tirées de la cession d’immeubles.

Les sociétés fiscalement domiciliées au Luxembourg ne sont donc pas redevables du prélèvement du tiers prévu à l’article 244bis A du CGI.

Pour obtenir l’exonération du prélèvement prévu à l’article 244bis A, les sociétés concernées doivent justifier qu’elles sont fiscalement domiciliées au Luxembourg au moyen d’une attestation établie en ce sens par l’Administration fiscale luxembourgeoise.

L’exonération du prélèvement du tiers emporte bien entendu dispense d’accréditation du représentant prévu au 3ème alinéa du I de l’article 244bis A du CGI et à l’article 171quater de l’annexe 2 au même Code.

Ainsi, les sociétés de capitaux luxembourgeoises propriétaires d’un immeuble d’habitation en France bénéficient dans notre pays d’un régime fiscal exceptionnellement favorable :

- Elles ne sont pas assujetties à l’impôt sur les sociétés sur les revenus tirés de la location de l’immeuble et, par conséquent, elles peuvent mettre cet immeuble à la disposition gratuite de leurs associés sans pour autant tomber sous le coup de l’acte de gestion anormal.

- Elles ne sont pas assujetties au prélèvement du tiers sur la plus-value réalisée lors de la vente de l’immeuble, alors qu’en général les sociétés de capitaux étrangères sont très lourdement imposées dans un tel cas compte tenu des règles particulières de calcul de la plus-value qui leur sont applicables.

- Elles ne sont pas assujetties à la taxe patrimoniale de 3 %, à condition bien entendu de remplir les obligations déclaratives qui leur permettent d’être exonérées de cette taxe sur le fondement des dispositions de l’article 990E 2° ou 3° du CGI, puisqu’il existe entre la France et le Luxembourg à la fois une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et une clause d’égalité de traitement.

Bien entendu, les sociétés holding luxembourgeoises qui ne sont pas couvertes par la Convention ne peuvent bénéficier d’aucune de ces exonérations.

Ainsi, une société commerciale luxembourgeoise est un vecteur particulièrement intéressant pour l’achat d’une maison d’habitation en France par un non résident qui pourra bénéficier de tous les avantages de la détention par une personne morale interposée sans en souffrir les inconvénients.

 

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