L’APPLICATION DES CLAUSES D’EGALITE DE TRAITEMENT SIGNEES PAR LA FRANCE AUX RESIDENTS MONEGASQUES CONFIRMEE EN APPEL


Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » 2000/1


Par un article publié dans le numéro 1999-2 de cette Revue, nous avons commenté un jugement très important du Tribunal Administratif de Nice qui, en se fondant sur les clauses d’égalité de traitement qui figurent dans de nombreuses conventions fiscales signées par la France, avait conclu que les personnes ayant la nationalité d’un Etat lié à la France par une telle clause, résidant en Principauté de Monaco, ne pouvaient pas être assujetties en France à l’imposition forfaitaire sur la valeur locative des habitations dont ils auraient la disposition dans l’un des départements de la région française limitrophe, car la France exonérait de cette imposition les personnes de nationalité française ou monégasque résidant à Monaco.

Comme nous l’indiquions, l’Administration des Impôts avait fait appel de ce jugement. Elle vient d’être déboutée de cet appel par la Cour Administrative d’Appel de Marseille qui confère ainsi une autorité supplémentaire à la décision prise par les Juges niçois.

Nous rappellerons brièvement les données du problème.

LE REGIME DE LA VALEUR LOCATIVE

L’article 164C du Code Général des Impôts prévoit que les personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal en France mais qui disposent dans ce pays d’une ou plusieurs habitations sont imposées à l’impôt sur le revenu sur une base égale à trois fois la valeur locative réelle de cette ou de ces habitations, sauf si leurs revenus de source française sont plus élevés ; dans ce dernier cas, ce sont ces revenus qui servent de base à l’imposition.

Cependant, échappent à cette taxation forfaitaire, les personnes de nationalité française ou étrangère domiciliées dans un pays ayant conclu avec la France une convention relative aux doubles impositions (à moins que cette convention elle-même n’écarte expressément cette exonération) ainsi que les contribuables de nationalité française et les nationaux des pays ayant conclu avec la France un traité de réciprocité qui justifient être soumis dans le pays où ils ont leur domicile fiscal à un impôt personnel sur l’ensemble de leurs revenus au moins égal aux 2/3 de celui qu’ils auraient à supporter en France sur la même base d’imposition.

Les résidents monégasques ne peuvent bénéficier directement d’aucune de ces deux clauses d’exonération, car d’une part, la convention fiscale franco-monégasque en matière d’impôt sur le revenu n’est pas une convention de double imposition et ne concerne, au surplus, que les ressortissants français, et d’autre part, il leur est impossible, s’ils sont fiscalement domiciliés à Monaco, de justifier qu’ils supportent un impôt sur l’ensemble de leurs revenus.

L’EXONERATION DES RESSORTISSANTS FRANcAIS ET MONEGASQUES RESIDANT A MONACO ET DISPOSANT D’UNE RESIDENCE SECONDAIRE EN FRANCE

Cependant, compte tenu de l’exiguïté du territoire monégasque et par conséquent, de la rareté des maisons individuelles ou des appartements de très grande superficie en Principauté, un accord entre les autorités françaises et les autorités monégasques a prévu que les ressortissants français et monégasques, résidant à Monaco et disposant d’une résidence secondaire dans l’un des départements de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Var, Vaucluse), ne seraient pas soumis à l’imposition forfaitaire à concurrence d’une seule résidence par foyer fiscal.

L’ASSUJETTISSEMENT DES ETRANGERS RESIDANT A MONACO ET DISPOSANT D’UNE RESIDENCE SECONDAIRE EN FRANCE

En pratique, cette exonération avait également profité jusqu’en 1990 aux personnes d’une autre nationalité résidant à Monaco. Cette tolérance a, depuis lors, été abrogée par une réponse ministérielle et l’Administration fiscale française avait entrepris de recenser les résidents monégasques autres que de nationalité française ou monégasque disposant d’une résidence secondaire en France et de les imposer sur trois fois la valeur locative de cette résidence.

Il en résultait donc évidemment une différence de traitement entre les personnes résidant à Monaco et disposant d’une résidence en France, liée à la nationalité de ces dernières.

UN ASSUJETTISSEMENT CONTRAIRE A L’IDENTITE DE TRAITEMENT

Le Tribunal Administratif de Nice a estimé que cette discrimination est contraire à l’égalité de traitement prévue par des clauses, qui, à la différence de la plupart des dispositions incluses dans les conventions de double imposition, ne s’appliquent pas aux seuls résidents des Etats contractants mais à toutes les personnes ayant la nationalité de l’un de ces Etats, qu’elles y soient ou non domiciliées.

L’Administration des Impôts avait fait appel de ce jugement, tant pour la question de principe qu’il soulevait que compte tenu des conséquences pécuniaires prévisibles.

En effet, sur le plan des principes, ce jugement donnait le maximum de portée et d’efficacité aux clauses d’égalité de traitement, alors que la tendance naturelle des Administrations fiscales est de restreindre cette portée en jouant notamment sur la notion de différence de situation qui peut justifier une différence de traitement.

D’autre part, sur le plan pécuniaire, le fisc français se trouvait ainsi privé de ressources non négligeables et faciles à collecter, compte tenu du nombre élevé de résidents monégasques de nationalité étrangère disposant d’une résidence secondaire en France et de la valeur locative souvent très élevée de ces résidences.

Au travers de cette imposition, la France pouvait donc tirer indirectement un parti très avantageux de l’attrait de la Principauté de Monaco pour les étrangers fortunés qui a souvent pour corollaire l’achat d’une résidence secondaire dans la région française voisine de la Principauté.

En revanche, les communes françaises voisines de Monaco, n’ont certes rien à gagner à une imposition qui risquait de décourager l’achat de résidences secondaires par les étrangers domiciliés à Monaco et donc de faire perdre l’apport économique (et fiscal au travers des impôts locaux) non négligeable que représente pour ces communes et pour leur marché immobilier les résidents monégasques.

LA POSITION DE LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

LA THESE DE L’ADMINISTRATION

Devant la Cour d’Appel, l’Administration avait soutenu que le Tribunal Administratif avait commis une erreur de droit en estimant que l’imposition mise à la charge d’un couple résidant à Monaco dont l’un des conjoints avait la nationalité anglaise et l’autre, la nationalité italienne, en application de l’article 164C du Code Général des Impôts, résultait d’une discrimination procédant de la nationalité et méconnaissait les stipulations des conventions fiscales franco-italiennes et franco-britanniques dont relevait respectivement chacun des époux.

L’Administration affirmait en effet que les intéressés n’avaient pas de revenus de source française supérieurs à la base forfaitaire litigieuse et, étant résidents monégasques, n’étaient pas domiciliés dans un pays ou un territoire ayant conclu avec la France une convention destinée à éviter les doubles impositions en matière d’impôt sur le revenu.

Une différence de situation qui justifierait un traitement fiscal différent

Qu’ainsi, disposant d’une habitation en France, ils relevaient des dispositions de l’article 164C et que l’interprétation de l’expression « se trouvant dans la même situation » qui figure aux articles 25 des conventions franco-italiennes et franco-britanniques devait s’entendre du contribuable placé dans des circonstances de droit et de fait analogues ; or, selon l’Administration, les nationaux italiens ou britanniques résidant à Monaco ne sont pas dans la même situation juridique que les nationaux français résidant à Monaco.

En effet, les premiers sont soustraits à toute contribution à l’impôt sur le revenu, au lieu de leur résidence, alors que les seconds, à l’exception des nationaux français « privilégiés » (c’est-à-dire les personnes de nationalité française ayant établi leur domicile à Monaco avant le 13 octobre 1957 et, dans certains cas, les conjoints et les enfants de ces derniers) sont assujettis à l’impôt sur le revenu en France dans les mêmes conditions que s’ils avaient leur domicile ou leur résidence en France ; qu’ainsi, l’appréciation de l’existence d’une identité de situation repose sur le critère de résidence fiscale, critère qui n’est pas prohibé par les conventions fiscales qui y font d’ailleurs expressément référence ; qu’en application de l’article 7-1 de la convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963, les nationaux français non privilégiés doivent être regardés comme ayant en France leur résidence fiscale ; que l’application de cette clause ne pouvait être contestée sur le fondement des conventions franco-italiennes et franco-britanniques qui réservent expressément à chaque Etat contractant le soin de désigner les personnes qu’il y a lieu de désigner comme résidents ; qu’ainsi, les intéressés ne peuvent être regardés comme ayant en France leur résidence fiscale sont donc dans une situation différente de celle des nationaux français résidant à Monaco.

En outre, le Ministre de l’Economie et des Finances et de l’Industrie français avait fait valoir que l’article 7-1 de la convention franco-monégasque s’applique également aux nationaux français qui, résidant hors de France, ont transporté leur domicile à Monaco ; que la qualité de résident fiscal français ne s’applique pas que pour le seul échange de renseignements, l’article 7 étant clair et précis sur ce point ; qu’enfin les nationaux français résidant à Monaco, doivent être regardés comme ayant en France leur résidence fiscale au sens de l’article 4B du Code Général des Impôts.

LA RECONNAISSANCE PAR LA COUR DU CARACTERE DISCRIMINATOIRE DE L’IMPOSITION

Cette argumentation n’a pas convaincu la Cour Administrative d’Appel qui, dans un Arrêt fortement motivé, a considéré :

– Qu’aux termes du premier alinéa de l’article 164C du Code Général des Impôts, les personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal en France mais qui y disposent d’une ou plusieurs habitations à quelque titre que ce soit directement ou sous le couvert d’un tiers, sont assujetties à l’impôt sur le revenu sur une base égale à trois fois la valeur locative réelle de cette ou de ces habitations, à moins que les revenus de source française des intéressés ne soient supérieurs à cette base, auquel cas le montant de ces revenus sert de base à l’impôt.

– Qu’en application de ces dispositions, les intéressés, domiciliés dans la Principauté de Monaco et respectivement de nationalité italienne et britannique, ont été assujettis à l’impôt sur le revenu 1996 sur la base de la valeur locative de l’habitation dont ils ont disposé dans le département des Alpes-Maritimes et demandent à être déchargés de cette imposition en invoquant les clauses d’égalité de traitement contenues dans les articles 27 des conventions fiscales franco-italiennes et franco-britanniques.

– Que l’article 25 de la convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 1989 stipule que : « les nationaux d’un Etat, qu’ils soient ou non résidents de l’un des Etats, ne sont soumis dans l’autre Etat à aucune imposition, ou obligation y relative qui est autre, ou plus lourde, que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat qui se trouvent dans la même situation » et que l’article 25 de la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 stipule que : « les nationaux d’un Etat ne sont soumis dans l’autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative qui soit différente ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation ».

– Que les intéressés soutiennent qu’ils sont en raison de leur seule nationalité soumis à une imposition différente de celle à laquelle sont soumis les ressortissants français qui comme eux résident à Monaco et disposent d’une habitation en France.

– Que l’article 7-1 de la convention conclue le 18 mai 1963 entre la République française et la Principauté de Monaco stipule que les personnes physiques de nationalité française qui transportent à Monaco leur domicile ou leur résidence et qui ne peuvent pas justifier de 5 ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 sont assujetties en France à l’impôt sur le revenu dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France ; qu’il en résulte que les ressortissants français qui, comme les intéressés, résident à Monaco et disposent d’une habitation en France doivent être regardés comme ayant en France leur domicile fiscal au sens des dispositions de l’article 4A du Code Général des Impôts et sont assujettis en France à l’impôt sur le revenu à raison de leur domicile ou de leur résidence ; que les ressortissants français se trouvant dans cette situation sont ainsi imposés sur la base de leurs revenus réels dans la mesure où ils disposent de revenus imposables et non, comme l’ont été les intéressés, sur le revenu forfaitaire désigné par l’article 164C précité.

La différence de situation ne repose pas sur des critères objectifs mais seulement sur la nationalité

– Que si le traité de non discrimination contenu dans les conventions franco-italiennes et franco-britanniques précitées ne s’oppose pas en principe à ce qu’un non résident de l’un des Etats signataires soit imposé différemment, autrement ou plus lourdement qu’un résident de cet Etat, c’est à la condition toutefois que cette distinction repose sur une différence objective de situation et ne résulte pas exclusivement, par le fait de règles du droit interne ou de conventions internationales, de la nationalité des intéressés. En l’espèce, ce n’est qu’en raison de la nationalité que le domicile fiscal des intéressés diffère de celui des nationaux français résidant à Monaco et disposant d’une ou plusieurs habitations en France ; que dans ces conditions, la différence de situation, qu’invoque le Ministre, dans laquelle se trouvent les intéressés au regard des règles relatives au domicile fiscal, ne saurait, sans que soient méconnus les articles 25 des conventions franco-italiennes et franco-britanniques précitées, justifier qu’ils soient soumis à une imposition autre, différente ou plus lourde que celle à laquelle sont assujettis les ressortissants français qui comme eux résident à Monaco et disposent d’une ou de plusieurs habitations en France. Que par suite, ainsi que l’ont retenu les premiers Juges, ces stipulations font des obstacles à ce que les intéressés soient assujettis en France à l’impôt sur le revenu selon la base forfaitaire prévue par l’article 164C du Code Général des Impôts.

Il résulte de ce qui précède que le Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort, par le jugement attaqué, que le Tribunal Administratif de Nice a prononcé la décharge des impositions litigieuses.

LA PORTEE DES CLAUSES D’EGALITE DE TRAITEMENT

L’Arrêt de la Cour d’Appel Administrative de Marseille donne donc son maximum d’efficacité aux clauses d’égalité de traitement et va ainsi dans le sens dominant de la jurisprudence française, tant civile qu’administrative, qui fait de plus en plus prévaloir les conventions internationales par rapport aux lois internes, conformément d’ailleurs à la lettre et à l’esprit de la Constitution française.

Cette large application est faite à trois niveaux :

LES CLAUSES D’EGALITE DE TRAITEMENT SONT APPLICABLES AUX NON-RESIDENTS DES ETATS CONTRACTANTS

– D’une part, la Cour ne s’est même pas posé la question de savoir si les clauses d’égalité de traitement s’appliquaient à des personnes qui, si elles avaient la nationalité de l’un des Etats contractants, ne résidaient dans aucun de ces Etats. Certaines conventions résolvent ce problème en visant expressément les non résidents. C’est le cas de la convention entre la France et l’Italie qui a reçu application en l’espèce. D’autres conventions les excluent expressément. Enfin, la plupart des conventions sont silencieuses à ce sujet, et c’est le cas notamment de la convention franco-britannique. Il semble qu’il n’y ait pas de doute pour la Cour que, en l’absence d’une exclusion expresse, la portée des clauses d’égalité de traitement doit être étendue aux personnes qui ne résident pas dans l’un des Etats contractants. Mais, il est vrai que l’Administration n’avait pas soulevé cette difficulté.

L’INTERDICTION D’UNE IMPOSITION DIFFERENTE

D’autre part, pour la Cour Administrative d’Appel, l’égalité de traitement n’interdit pas seulement une imposition plus lourde des étrangers mais aussi une imposition différente. En l’espèce, en effet, il n’est pas évident qu’une imposition sur trois fois la valeur locative de la résidence en France soit plus lourde qu’une imposition sur le revenu réel. Généralement, c’est tout le contraire. Cependant, la Cour d’Appel Administrative a fondé son Arrêt sur le fait que les ressortissants français se trouvant dans la même situation que les intéressés sont imposés sur la base de leurs revenus réels et non selon le revenu forfaitaire.

Une telle interprétation est d’ailleurs conforme à la lettre et à l’esprit des conventions qui interdisent une imposition « autre » ou plus lourde. Il n’est donc pas nécessaire que l’imposition soit plus lourde, il suffit qu’elle soit autre ou différente.

LA DIFFERENCE DE SITUATION DOIT ETRE OBJECTIVE POUR JUSTIFIER UNE DIFFERENCE DE TRAITEMENT

Enfin, sur un troisième point, qui a été le seul réellement débattu, car c’est sur ce point que l’Administration fiscale française avait fondé sa défense, la Cour d’Appel a interprété la notion d’identité de situation de la manière la plus favorable aux intéressés. En effet, la Cour a estimé que les différences de traitement ne pouvaient reposer que sur des différences objectives de situation et non sur des différences créées par des règles de droit interne ou des conventions internationales sur le fondement de la nationalité des intéressés. Ainsi, si les français résidant à Monaco et les personnes d’autre nationalité également résidentes à Monaco ne sont pas placées dans la même situation, ce n’est pas en raison d’une différence de situation objective mais seulement à cause de dispositions conventionnelles elles-mêmes discriminatoires puisque fondées sur la nationalité des assujettis.

En insistant sur le caractère objectif que doit revêtir la différence de situation, comme l’avait fait naguère la Cour de Cassation à propos de la taxe de 3 % dont elle reconnaissait le caractère discriminatoire, la Cour Administrative d’Appel ajoute une pierre nécessaire à l’édifice.

Il serait en effet trop facile de créer des différences de situation par des textes juridiques, internes ou conventionnels et de justifier ensuite par des différences de situations ainsi créées des mesures discriminatoires. La position de l’Administration dans cette affaire est une parfaite illustration d’un tel comportement.

LES FRANCAIS PEUVENT-ILS BENEFICIER EN FRANCE DE L’EGALITE DE TRAITEMENT ?

Enfin, l’Arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Marseille ouvre peut-être la possibilité d’une application encore plus générale et plus juste parce que plus réciproque des clauses d’égalité de traitement. En effet, ces clauses interdisent d’imposer les nationaux étrangers de manière autre différente ou plus lourde que les nationaux de l’Etat considéré. Certains en ont tiré comme conséquence qu’il était en revanche possible d’imposer les nationaux plus lourdement que les étrangers. Une telle interprétation privilégie le troisième terme de la proposition « plus lourde » et oublie le premier « autre » ou « différente ». Dire que les étrangers ne doivent pas être imposés de manière autre que les nationaux a pour corollaire le fait que les nationaux ne doivent pas être imposés de manière autre que les étrangers.

Or, il se trouve que les français « non privilégiés » résidant à Monaco sont victimes de la part de la France d’une discrimination encore plus grave que celle dont étaient victimes les étrangers résidant à Monaco et disposant d’une habitation en France. En effet, alors que ces étrangers domiciliés à Monaco ne sont soumis à aucune imposition dans leur Etat de résidence et ne sont imposables en France que sur leurs revenus de source française, les français non privilégiés résidant à Monaco sont imposés en France sur le revenu mondial. C’est d’ailleurs ce que faisait valoir l’Administration des Impôts dans l’affaire jugée par la Cour Administrative d’Appel de Marseille.

Cette discrimination ne repose sur aucune différence de situation objective, mais seulement sur la nationalité des redevables en raison de la convention franco-monégasque de 1962 qui est fondée sur ce critère.

Dès lors, la différence de traitement résulte exclusivement sous l’effet d’une convention internationale, de la nationalité des intéressés.

En paraphrasant l’Arrêt de la Cour Administrative d’Appel, on pourrait donc dire que ce n’est qu’en raison de leur nationalité que le domicile fiscal des nationaux français non privilégiés résidant à Monaco diffère de celui des nationaux des autres Etats résidant à Monaco et qu’une telle discrimination est incompatible avec les clauses d’égalité de traitement qui implique, par exemple, qu’un ressortissant français résidant à Monaco ne soit pas imposé de manière différente d’un ressortissant italien ou d’un ressortissant britannique résidant à Monaco.

La question mériterait en tout cas d’être posée aux juridictions françaises compétentes.

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Il est vraisemblable que le Ministre français de l’Economie, des Finances et de l’Industrie se pourvoira en cassation devant le Conseil d’Etat contre la décision rendue par la Cour d’Appel Administrative de Marseille et qu’ainsi, la plus haute Juridiction administrative française donnera une solution définitive au problème.

En attendant, les ressortissants étrangers résidant à Monaco et disposant d’une habitation en région Provence-Alpes-Côte d’Azur peuvent, sur le fondement de cet Arrêt, produire des réclamations à l’encontre des impositions non prescrites fondées sur l’article 164C qu’ils auraient subies et en demander leur remboursement. Ils peuvent également, pour les impositions à venir, présenter des réclamations éventuellement assorties d’une demande de sursis au paiement à condition dans ce cas de constituer des garanties suffisantes en faveur du Trésor.

Dans le cas où la réclamation serait rejetée par l’Administration, ils pourraient saisir le Tribunal Administratif de Nice, qui est compétent en la matière sur le plan territorial, et il n’y a aucune raison que ce Tribunal ne rende pas en leur faveur un jugement analogue à celui qui vient d’être confirmé par la Cour Administrative d’Appel.

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