LA FISCALITE DES OEUVRES D’ART EN FRANCE

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Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 161

(Année 2010)

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Les œuvres d’art bénéficient en droit français d’une fiscalité à la fois spécifique et attractive. Les particuliers, comme les entreprises, peuvent profiter de différents avantages offerts par la réglementation dans le but de préserver le patrimoine national et l’on assiste à l’exode systématique de nos trésors nationaux.

FISCALITE APPLICABLE AUX PARTICULIERS

De l’achat à la revente, de la possession à la transmission, les objets d’art disposent d’un cadre juridique et fiscal national qui comporte des éléments particulièrement intéressants. Ces avantages concernent l’ISF, les plus-values réalisées et la succession.

L’EXONERATION D’ISF

L’article 885I du CGI prévoit que la détention et l’acquisition d’œuvres d’art sont exonérées de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Cette disposition entraîne une double conséquence. Tout d’abord, le patrimoine artistique détenu par un particulier n’est pas soumis à l’ISF mais également, les sommes consacrées à l’acquisition des oeuvres d’art sont totalement exclues de l’assiette taxable à l’ISF.

Les oeuvres d’art, les objets de collection et d’antiquité sont donc exonérés d’ISF comme  les objets d’antiquité, d’art ou de collection détenus par une SCI propriétaire d’un monument historique.

La législation applicable en matière ­d’impôt sur la fortune  ne comporte aucune définition de l’œuvre d’art ou de l’objet de collection. Dans ses instructions d’application, l’administration énumère, par référence aux rubriques du tarif extérieur commun utilisé pour l’assiette de la taxe forfai­taire sur les métaux précieux, les biens et objets susceptibles de bénéficier de l’exonération et précise les caractéristiques qu’ils doivent présenter à cet effet (Docu­men­tation administrative 7S-3431).

Les biens considérés comme des œuvres d’art sont les suivants :

– les tapis, tapisseries exécutés d’après des cartons originaux et contrôlés par l’artiste, tissés à la main et d’un tirage limité ;

– les tableaux, peintures et dessins exécutés exclusivement à la main, même s’il ne s’agit que de copies, à l’exclusion des dessins industriels et des articles manufacturés décorés à la main ;

– les gravures, estampes et lithographies originales tirées de planches réalisées à la main par l’artiste, quelles que soient la technique et la matière employées, à l’exception de tout procédé mécanique ou photomécanique ;

– les émaux sur cuivre et céramiques exécutés de la main de l’artiste et signés par lui ;

– les statues et sculptures originales réalisées par ­l’artiste. S’il s’agit de fontes de sculptures réalisées à partir d’un moulage de la première œuvre, leur tirage doit être en nombre limité et faire l’objet d’un contrôle par le créateur ;

– les photographies prises par l’artiste sont considérées comme des œuvres d’art si elles sont tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus.

Selon l’administration fiscale, les objets d’antiquité sont des objets ayant plus de cent ans d’âge.

L’ancienneté d’un objet ne lui confère pas en elle-même la qualité d’objet d’art. Mais l’administration admet que tous les objets ayant plus de cent ans d’âge ont, en tout état de cause, le caractère d’objet d’antiquité exonéré.

Le fait de savoir si un meuble est ancien peut être prouvé par tous moyens. Le recours à un expert est souvent nécessaire à moins que l’appartenance prolongée au patrimoine familial soit une preuve suffisante ou que le vendeur du meuble (un antiquaire, un brocanteur ou l’expert désigné dans une vente aux enchères) fournisse des indications sur son ancienneté.

Les objets d’antiquité ne changent pas de nature même s’ils ont subi des modifications ou des enrichissements depuis moins de cent ans, à moins que ces transfor­mations aient altéré ses caractéristiques essentielles.

La liste des objets de plus de cent ans d’âge bénéficiant de l’exonération a été établie par le fisc. Il s’agit :

– des meubles anciens, cadres et boiseries et objets d’ornement divers (appliques, flambeaux, miroirs…) ;

– produits des arts graphiques : incunables, livres, musique (par exemple, partitions anciennes et compositions originales), cartes géographiques, gravures autres que celles mentionnées plus haut ;

– articles textiles : tapis et tapisseries, mais aussi tentures, broderies, dentelles et autres étoffes (tissus d’ameublement, costumes…) ;

– articles de joaillerie à l’exclusion des bijoux, articles d’orfèvrerie (aiguières, hanaps, coupes, flambeaux, vaisselle, etc.), vitraux, lustres et luminaires ;

– articles de ferronnerie et de serrurerie ;

– objets de vitrines : boîtes, bonbonnières, tabatières, râpes à tabac, écrins, éventails et toutes autres pièces susceptibles de faire l’objet d’une collection cohérente ;

– instruments de musique ;

– articles d’horlogerie, notamment mécanismes ;

– ouvrages de la glyptique (camées, pierres taillées), médailles et de la sigillographie (sceaux, empreintes et similaires).

Cette liste ne présente pas un caractère exclusif.

Les objets de collection sont des objets qui ont, le plus souvent, une valeur intrinsèque faible, mais qui tirent leur intérêt de leur rareté, de leur regroupement ou de leur présentation. En font partie notamment :

– les collections et spécimens de zoologie, de botanique, de minéralogie ou d’anatomie, tels qu’insectes sous cadres vitrines, herbiers, minéraux choisis ou pièces anatomiques ;

– les collections et spécimens présentant un intérêt historique, ethnographique, paléontologique ou archéologique, tels qu’armes, articles d’habillement, objets primitifs ou ayant appartenu à des hommes ­célèbres.

La qualification d’objet de collection peut aussi découler de l’application d’un ou de plusieurs des critères suivants : ancienneté, rareté, importance du prix, arrêt de la fabrication, provenance ou destination, intérêt historique et appartenance passée à un personnage célèbre (BOI 7 S-09-08, 5 décembre 2008).

Cette qualification pourra donc aussi découler de l’importance du prix de l’objet concerné lequel doit être sensiblement supérieur à la valeur d’un bien similaire destiné à un usage courant.

Ainsi, des objets de moins de cent ans d’âge (qui ne peuvent donc être qualifiés d’objets d’antiquité), mais qui présentent cependant un réel intérêt artistique ou culturel et sont valorisés comme tel sur le marché de l’art (mobilier Art nouveau ou Art déco, par exemple), ont vocation à bénéficier de l’exonération d’ISF.

Cinq catégories de véhicules automobiles constituent des objets de collection exonérés (BOI 7 S-1-92, 11 février 1992) :

– les véhicules qui, quel que soit leur âge, présentent un intérêt historique indéniable ou une originalité technique ayant influencé le développement de l’automobile ou de la motocyclette et dont il est justifié par un mémoire technique ;

– les véhicules de compétition de plus de cinq ans et possédant un palmarès sportif international majeur et qui ont été conçus, construits et utilisés uniquement pour la compétition ;

– les véhicules de plus de quinze ans et dérivés d’un modèle datant de plus de vingt ans dont la série est limitée à mille exemplaires au maximum ;

– les véhicules de plus de vingt-cinq ans, même d’un mo­dèle de grande série, dont il est établi que moins de 2 % des exemplaires produits subsistent encore ;

– les véhicules de plus de quarante ans, quel que soit leur état, à l’exclusion des copies ou répliques de modèles connus et des épaves.

Les quatre premières catégories de véhicules visés ci-dessus doivent impérativement être munies de leurs organes essentiels et en état de rouler.

D’autres objets peuvent être considérés comme objets de collection sous certaines conditions :

– les timbres de collection postaux et fiscaux doivent être oblitérés ou ne plus avoir cours. Cependant, les timbres qui ont encore cours, peuvent être considérés comme des timbres de collection, à condition qu’ils soient vendus à un prix supérieur à leur valeur faciale. Peu importe pour cette exonération, qu’ils soient présentés en vrac, en planche, ou sous album ;

– les pièces de monnaies antérieures à 1800 sont considérées comme des objets de ­collection et les médailles ne peuvent être, elles, exonérées qu’au titre d’objets d’antiquité ayant plus de 100 ans d’âge ;

– les livres de collection sont également exonérés.

Pour une société civile propriétaire d’un monument historique qui détient des objets d’antiquité, d’art ou de ­collection, l’exonération ne joue qu’à concurrence de la fraction de la valeur nette des parts de la société représentative des objets d’antiquité, d’art ou de collection.

La fraction de la valeur des parts représentative des immeubles historiques demeure, quant à elle, assujettie à l’ISF.

Pour ouvrir droit à l’exonération, la société civile doit répondre à un certain nombre de conditions (BOI 7 S-5-96, 10 mai 1996) et notamment :

– être constituée uniquement entre parents en ligne directe ou entre frères et sœurs, leurs conjoints et, le cas échéant, leurs enfants,

– réaliser des revenus fonciers imposables entre les mains des associés,

– être propriétaire en pleine propriété, et gérer elle-même l’immeuble historique,

– conclure une convention avec l’État.

LA TAXATION SPECIFIQUE DES PLUS-VALUES

Les particuliers domiciliés en France souhaitant revendre des bijoux, objets d’art, de collection, d’antiquité, ainsi que les métaux précieux peuvent être taxés de deux manières :

– la taxation forfaitaire prévue à l’article 150 VK du CGI,

– le régime de droit commun prévu à l’article 150 VL du CGI. Il ne peut être utilisé que lorsque le vendeur dispose des éléments de preuves sur la date, la description et le prix d’acquisition ou qu’il détient son bien depuis plus de 12 ans.

En conséquence, lorsque le cédant ne dispose d’aucun élément sur l’oeuvre qu’il vend, il est obligatoirement assujetti à la taxe forfaitaire. Si, en revanche, il détient des éléments de preuve détaillés qui prouvent l’origine du bien, il peut choisir entre la taxe forfaitaire et le régime de droit commun en fonction du régime le plus avantageux. Les biens visés par ces deux taxes sont les mêmes que ceux qui sont exonérés de l’ISF. Ce régime fiscal n’est applicable qu’aux seules personnes dont le domicile fiscal est situé en France.

La taxe sur les métaux précieux, bijoux, objets d’art, de collection et d’antiquité dite « taxe forfaitaire » est égale à 7,5 % du prix de cession ou de la valeur en douane des métaux précieux et à 4,5 % du prix de cession ou de la valeur en douane des bijoux, objets d’art, de collection ou d’antiquité la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) de 0,5 % est également applicable. La taxe et cette contribution sont exigibles au moment de la cession ou de l’exportation.

Les cessions ou les exportations de bijoux, d’objets d’art, de collection ou d’antiquité sont exonérées lorsque le prix de cession ou la valeur en douane n’excède pas 5000 euros.

En cas de cession, les commissions versées aux intermédiaires doivent être inclues dans l’assiette de la taxe.

Cette taxe est exigible au moment de l’exportation ou de la cession. Il est important de noter que le code général des impôts prévoit, en son article 150 VK, un régime de paiement différent selon qu’intervient ou non un intermédiaire au nom et pour le compte du vendeur dans la transaction. Dans le cas où il n’y a pas d’intermédiaire, c’est le vendeur qui devra assurer le versement de la taxe. Dans le cas contraire, c’est l’intermédiaire qui sera responsable du versement.

L’application du régime de droit commun des plus-values sur biens meubles réalisées par les particuliers dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé aboutit à soumettre ces plus-values à un régime sensiblement identique à celui prévu pour l’imposition des plus-values immobilières. Par l’application d’un abattement de 10 % par année de détention au-delà de la deuxième, la plus-value est définitivement exonérée au bout de la douzième année.

Pour voir ce régime de taxation sur les plus-values s’appliquer, le contribuable doit, soit apporter des éléments de preuve de l’acquisition de l’objet qu’il veut revendre (le montant d’acquisition et la date), soit prouver qu’il détient le bien depuis au moins 12 ans.

La justification de la date et du prix d’acquisition peut être apportée par tous moyens. Le contribuable doit joindre à sa déclaration :

– soit un certificat délivré par un officier ministériel attestant que l’objet a été acquis dans une vente publique, et mentionnant la date et le prix payé ;

– soit une facture régulière délivrée par un commerçant ou une société de ventes ;

– soit un reçu ou une facture délivré par un particulier ;

– soit, s’il s’agit d’un bien reçu par voie de succession ou de donation, un extrait de la déclaration ou de l’acte ayant servi de base à la liquidation des droits de mutation et mentionnant le bien concerné. L’option ne peut être exercée qu’à la condition que la déclaration de succession ou l’acte de donation mentionne distinctement les biens acquis. Lorsque le bien reçu par voie de succession est cédé en vente aux enchères publiques dans les deux années du décès, la valeur d’acquisition est réputée égale au prix de cession. Dans l’hypothèse où la cession interviendrait avant le dépôt d’une déclaration de succession, l’application stricte des règles prévues à l’article 150 VL du CGI conduirait à refuser le bénéfice de l’option puisque, faute du dépôt d’une telle déclaration, le vendeur ne peut justifier de la date et de la valeur d’acquisition. Il est toutefois admis que l’option puisse être exercée, sous réserve de faire figurer dans la déclaration n° 2092 les mêmes mentions que pour un bien acquis par succession et d’indiquer au regard de la ligne « Date d’acquisition » de cette même déclaration, non seulement la date du décès, mais également l’identité du défunt.

Pour ce qui concerne la durée de détention du bien, la preuve peut être apportée au vu de tout élément écrit tel qu’un catalogue d’art, un inventaire dressé par un huissier assermenté, un contrat d’assurance ou tout autre document mentionnant distinctement le bien concerné et permettant d’établir l’ancienneté de sa détention. Le témoignage n’est toutefois pas admis.

Lorsque le bien est entré en possession du cédant par voie de succession et que ledit bien n’a pas été expressément mentionné dans la déclaration de succession (application du forfait mobilier, estimation conjointe avec d’autres objets…), la production de ce seul document est insuffisante pour établir avec certitude la date d’acquisition. La transmission aux héritiers est toutefois présumée lorsque cette déclaration est accompagnée de la facture du bien adressée au défunt ou d’une lettre de celui-ci mentionnant avec suffisamment de précision le bien en cause.

Si l’objet est revendu sans plus-value, ou avec une moins-value, et sous réserve d’avoir les preuves du prix d’acquisition, l’option pour le régime de droit commun permet naturellement d’échapper à tout prélèvement.

La plus-value réalisée est taxée au taux de base de 16 % auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux (12,1 % actuellement) soit un taux global de 28.1 %.

Cette taxe est cependant exonérée dans les conditions suivantes :

– la cession est réalisée au profit d’un musée de France ou d’un musée d’une collectivité territoriale ;

– la cession est réalisée au profit de la Bibliothèque nationale de France ou d’une autre bibliothèque de l’Etat, d’une collectivité territoriale ou d’une autre personne publique ;

– la cession est réalisée au profit d’un service d’archives de l’Etat, d’une collectivité territoriale ou d’une autre personne publique ;

– lorsque le revendeur ou exportateur de bijoux, objets d’art, de collection ou d’antiquité n’a pas son domicile fiscal en France.

LES SUCCESSIONS

Les œuvres d’art  et le mobilier courant sont traités de façon très particulière dans le cadre des successions. Cette particularité réside essentiellement dans leur mode d’évaluation visant à déterminer l’assiette imposable. Ce régime offre aux héritiers la possibilité de faire bénéficier les œuvres d’art du forfait de 5 % à condition qu’elles puissent être assimilées à des meubles meublants. Dans certain cas des exonérations sont également prévues par le droit fiscal des successions.

Il existe en réalité plusieurs modes d’évaluations visant à déterminer l’actif successoral régi par l’article 764 du CGI.

Pour les biens mobiliers courant et d’usage, les modalités d’estimation sont les suivantes par ordre de préférence sauf preuve contraire :

– le prix exprimé dans les actes de vente, lorsque cette vente a lieu publiquement dans les deux années du décès ;

– à défaut d’actes de vente, l’estimation contenue dans un inventaire, s’il en est dressé dans les formes prescrites par l’article 789 du code civil (commissaire priseur judiciaire, huissier ou notaire), et dans les cinq années du décès ;

– à défaut, par la déclaration détaillée et estimative des parties; toutefois, pour les meubles meublants et sans que l’administration ait à en justifier l’existence, la valeur imposable ne peut être inférieure à 5 % de l’ensemble des autres valeurs mobilières et immobilières de la succession.

A défaut de vente publique intervenue dans les deux ans du décès ou d’inventaire dressé dans les formes prescrites par l’article 789 du code civil, le forfait de 5 % sera ajouté d’office à la succession. Ce forfait s’avère très avantageux pour les héritiers quand la valeur des meubles meublants dépasse les 5 % du reste de l’actif successoral.

Pour les œuvres d’art, les modalités d’estimation sont les suivantes par ordre de préférence sauf preuve contraire :

– le prix exprimé dans les actes de vente, lorsque cette vente a lieu publiquement dans les deux années du décès ;

– à défaut, le montant résultant de l’inventaire (même non-conforme à l’article 789 du code civil, délivrance de legs, partage…) dressé dans les 5 ans du décès ;

– à défaut, l’évaluation faite dans les contrats ou conventions d’assurances contre le vol ou contre l’incendie en cours au jour du décès et conclus par le défunt, son conjoint ou ses auteurs, moins de dix ans avant l’ouverture de la succession, sauf preuve contraire. S’il existe plusieurs polices susceptibles d’être retenues, la valeur imposable est égale à la moyenne des évaluations figurant dans ces polices ;

– à défaut, des bases d’évaluation indiquées ci-dessus, la déclaration détaillée et estimative des parties.

En regardant ces dispositions il apparaît que les œuvres d’art ne peuvent pas bénéficier du forfait de 5 %. Cependant depuis « l’arrêt Poliakoff » rendu par la cour de cassation le 17 octobre 1995, il a été reconnu que les œuvres d’art, quelle que soit leur valeur, pouvaient être considérées comme des meubles meublant si ces œuvres jouent un rôle décoratif dans le domicile. Cette jurisprudence à été reconnue par l’administration fiscale dans une instruction du 8 août 1986 et rend possible l’intégration des œuvres d’art dans le forfait de 5 % prévu pour les meubles meublants.

L’article 1131 du CGI stipule que l’acquéreur, le donataire, l’héritier ou le légataire d’une œuvre d’art, de livres, d’objets de collections ou de documents de haute valeur artistique ou historique, est exonéré des droits de mutation et des taxes annexes afférents à la transmission de ces biens, lorsqu’il en fait don à l’Etat dans le délai prévu pour l’enregistrement de l’acte constatant la mutation ou de la déclaration de la succession. Le donateur peut stipuler qu’il conservera, sa vie durant, la jouissance du bien donné. Il peut également stipuler que la réserve de jouissance bénéficiera après sa mort à son conjoint. Lorsqu’il s’agit d’une personne morale, la réserve de jouissance prend fin à sa dissolution ; elle ne peut, en tout état de cause, excéder vingt-cinq ans. Cette donation est soumise à un agrément prévoyant les mesures de conservation et de surveillance des biens donnés à l’Etat.

Cette même règle s’applique aux œuvres d’art constituant un complément historique ou artistique d’un monument historique à condition que les héritiers ou donataires signent avec les ministères de la culture et des finances une convention prévoyant le maintien dans les lieux des objets exonérés.

LA DATION EN PAIEMENT

La dation est un mode de paiement exceptionnel qui permet de s’acquitter d’une dette fiscale par la remise d’œuvres d’art, livres, objets de collection, documents, de haute valeur artistique ou historique. C’est un système équitable qui permet au contribuable d’éteindre sa dette et à l’Etat d’enrichir les collections publiques.

Pour favoriser le maintien des œuvres d’art et objets de collection d’importance patrimoniale sur le territoire national, le général de Gaulle et son ministre de la culture André Malraux promulguèrent, le 31 décembre 1968, la loi sur les dations. Celle-ci propose le règlement en nature des droits de succession. Le texte de la loi stipule que «Tout héritier, donataire ou légataire peut acquitter les droits de succession par la remise d’œuvres d’art, de livres, d’objets de collection ou de documents de haute valeur artistique ou historique». Le champ d’application de la loi a ensuite été étendu aux droits de mutation à titre gratuit entre vifs, au droit de partage et à l’impôt de solidarité sur la fortune.

La procédure elle-même est simple : le contribuable dépose son offre à la recette des impôts, accompagnée de sa propre proposition sur la nature – la substance – de l’œuvre et sur sa valeur libératoire, qu’il a lui-même déterminée. Il peut bien sûr s’entourer d’experts, mais cette démarche reste personnelle. La valeur de l’œuvre qu’il propose en paiement doit couvrir le montant des droits dus, mais elle peut n’en constituer qu’une fraction. Si elle excède le montant des droits, il est possible, pour des œuvres très exceptionnelles, que les musées complètent la part excédentaire. Le ministère des Finances transmet le dossier pour avis à une instance indépendante aux compétences multiples : la « commission interministérielle d’agrément pour la conservation du patrimoine artistique national », dite commission des dations.

En cas d’agrément, le demandeur dispose du délai fixé par la décision d’agrément pour accepter les conditions auxquelles celui-ci est subordonné (valeur libératoire…). Il fait connaître son acceptation au ministre de l’économie et des finances, par pli recommandé avec demande d’avis de réception. En l’absence de décision notifiée dans le délai d’un an à compter de la date du récépissé de l’offre, celle-ci est considérée comme refusée.

Les œuvres susceptibles de faire l’objet d’une dation doivent appartenir au contribuable depuis au moins 5 ans ou figurer dans la succession à l’origine des droits dus.

Dans tous les cas, la procédure, qui peut durer de 2 à 3 ans, reste suspensive du paiement des droits et aucun intérêt de retard n’est exigible. Pendant toute la procédure de dation le propriétaire contribuable reste libre de retirer ou non son offre. En revanche, s’il consent à la dation, sa dette est automatiquement éteinte et l’œuvre intègre le domaine public.

FISCALITE APPLICABLE AUX ENTREPRISES

Les entreprises françaises peuvent intervenir dans les domaines culturels et artistiques sous différentes formes. Une fiscalité avantageuse est prévue à cet effet, elle prévoit des mécanismes de déduction et de réduction d’impôts. Ces avantages fiscaux sont essentiellement offerts pour l’aide à l’acquisition de trésors nationaux par l’Etat, l’achat de trésors nationaux et l’achat d’œuvres d’art contemporain.

L’ACQUISITION DE TRESORS NATIONAUX PAR L’ETAT

Cette disposition à été mise en place afin d’aider l’Etat à acquérir des trésors nationaux souvent très coûteux.

Les entreprises imposées à l’impôt sur les sociétés d’après leur bénéfice réel peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt égale à 90 % des versements effectués en faveur de l’achat de biens culturels présentant le caractère de trésors nationaux ayant fait l’objet d’un refus de délivrance d’un certificat d’exportation par l’autorité administrative et pour lesquels l’Etat a fait, au propriétaire du bien, une offre d’achat.

Cette réduction d’impôt est également applicable, après avis motivé de la commission, aux versements effectués en faveur de l’achat des biens culturels situés en France ou à l’étranger dont l’acquisition présenterait un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l’histoire, de l’art ou de l’archéologie.

Les versements ne sont pas déductibles pour la détermination du bénéfice imposable.

Les versements doivent faire l’objet d’une acceptation par les ministres chargés de la culture et du budget.

La réduction d’impôt s’applique sur l’impôt sur les sociétés dû au titre de l’exercice au cours duquel les versements sont acceptés. Toutefois, la réduction d’impôt ne peut être supérieure à 50 % du montant de l’impôt dû par l’entreprise au titre de cet exercice, conformément au I de l’article 219. Pour les sociétés membres d’un groupe au sens de l’article 223 A, la limite de 50 % s’applique pour l’ensemble du groupe par référence à l’impôt dû par la société mère du groupe.

L’ACHAT DE TRESORS NATIONAUX

Les entreprises qui décident d’acquérir des trésors nationaux bénéficient également d’avantages fiscaux.

Ces acquisitions ouvrent droit depuis le 4 janvier 2002 à une réduction d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés, égale à 40 % de leur prix d’acquisition. Les sommes consacrées par les entreprises à l’achat de biens culturels faisant l’objet à la date d’acquisition d’un refus de certificat, dans les conditions suivantes :

– Le bien ne doit pas avoir fait l’objet d’une offre d’achat de l’Etat.

– L’entreprise s’engage à consentir au classement du bien comme monument historique ou comme archives historiques.

– Le bien ne doit pas être cédé avant l’expiration d’un délai de dix ans à compter de l’acquisition.

– Durant la période de dix ans, le bien doit être placé en dépôt auprès d’un musée de France, d’un service public d’archives ou d’une bibliothèque relevant de l’Etat ou placée sous son contrôle technique.

La réduction d’impôt est subordonnée à l’agrément du ministre de l’économie et des finances qui se prononce après avis de la commission chargée d’établir si l’objet est un trésor national.

L’ACHAT D’ŒUVRES D’ART CONTEMPORAIN

Depuis le 1er janvier 2002, les entreprises qui achètent, des œuvres originales d’artistes vivants bénéficient également d’avantages fiscaux.

Les entreprises peuvent déduire du résultat de l’exercice d’acquisition et des quatre années suivantes, une somme égale au prix d’acquisition. La déduction se fera chaque année par part égale. Cette déduction ne peut excéder 5 /1000 du chiffre d’affaires de l’année d’exercice.

Pour bénéficier de la déduction, l’entreprise doit exposer dans un lieu accessible au public ou aux salariés, à l’exception de leurs bureaux, le bien qu’elle a acquis pour la période correspondant à l’exercice d’acquisition et aux quatre années suivantes.

L’entreprise doit inscrire à un compte de réserve spéciale au passif du bilan une somme égale à la déduction opérée. Cette somme est réintégrée au résultat imposable en cas de changement d’affectation ou de cession de l’œuvre ou de prélèvement sur le compte de réserve.

L’entreprise peut constituer une provision pour dépréciation lorsque la dépréciation de l’œuvre excède le montant des déductions déjà opérées au titre des premier à quatrième alinéas.

Isabelle FONTANEAU

Avocat (Paris)

DESS Droit des affaires et fiscalité

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