UNE NOUVELLE INTERPRETATION DE LA CONVENTION FISCALE FRANCO-MONEGASQUE PLUS EQUITABLE POUR LES FRANÇAIS NES A MONACO

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Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 159

(Année 2009)

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LA CONVENTION DU 18 MAI 1963

La Convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963, qui mettait fin à une tension temporaire entre les deux pays et faisait suite à la dénonciation par la France de la Convention du 23 décembre 1951, a eu comme conséquences essentielles l’instauration en Principauté d’un Impôt sur les Bénéfices (auquel toutefois ne sont assujetties que les entreprises industrielles et commerciales qui réalisent au moins 25 % de leur chiffre d’affaires en dehors de Monaco) et l’assujettissement à l’Impôt sur le Revenu en France, dans les mêmes conditions que s’ils avaient leur domicile fiscal dans ce pays, des français de Monaco.

Ces deux dispositions étaient donc conçues entièrement dans l’intérêt de la France ou plus précisément, s’agissant de la deuxième, dans l’intérêt du fisc français.

Il s’agissait, en effet, d’une part de supprimer l’avantage concurrentiel dont bénéficiaient les entreprises monégasques par rapport aux entreprises françaises ainsi que de lutter contre le transfert de bénéfices à Monaco et, d’autre part, d’empêcher les français de s’établir à Monaco pour échapper à l’Impôt sur le Revenu.

Cependant, les négociateurs monégasques, bien que ne pouvant discuter à armes égales, compte tenu de l’énorme pression exercée par la France sur un Etat dont le territoire est entièrement enclavé dans le territoire français, ont pu obtenir des contreparties. D’une part, en ce qui concerne les entreprises monégasques, la suppression du droit de sortie compensateur et la confirmation d’un accès libre et sans droit de douane au marché français et partant au marché européen et d’autre part, pour les résidents de la Principauté, autres que les français, le maintien d’une fiscalité douce que, par la suite, la France ne contestera jamais.

LES FRANCAIS DE MONACO GRANDS PERDANTS DE LA CONVENTION

Les négociateurs monégasques s’étaient également efforcés de défendre les intérêts des français de Monaco, conscients de l’apport essentiel de ceux-ci à la Principauté et des liens d’amitié, quelquefois de famille, qui les unissaient aux membres de la communauté monégasque. Ils réussirent finalement à obtenir le maintien des avantages acquis des français résidant à Monaco depuis au moins cinq ans au 13 octobre 1962 et qui pouvaient, de ce fait, disposer d’un certificat de domicile en Principauté ou en demander un. Ceux-ci demeurent exonérés d’Impôt sur le Revenu en France, sauf évidemment sur leurs revenus de source française.

En revanche, les français qui avaient transféré leur domicile fiscal à Monaco depuis le 13 octobre 1957, ou ceux qui l’ont transféré après la signature de la Convention sont imposables comme s’ils avaient leur domicile fiscal en France. Une exception à cette règle a été prévue d’une part pour les personnes faisant partie ou relevant de la Maison Souveraine, quelle que soit la date de leur installation en Principauté et d’autre part, pour les fonctionnaires, agents et employés de services publics de la Principauté qui avaient établi leur résidence habituelle à Monaco antérieurement au 13 octobre 1962. Par mesure de bienveillance, cette dernière disposition a été étendue aux membres du personnel hiérarchisé des entreprises ayant un établissement à Monaco.

Le domicile à Monaco s’entend de la résidence habituelle en Principauté.

DES ABUS REELS MAIS UN AMALGAME INJUSTE

Il s’agissait pour les Autorités françaises, inquiètes du nombre croissant de certificats de domicile à Monaco délivrés à des français, de lutter contre la délocalisation, quelquefois artificielle, par des contribuables trop habiles, de leur domicile à Monaco en vue d’échapper à l’impôt français.

Le Ministre des Finances français de l’époque, ayant pu constater par lui-même que quelques français fortunés, domiciliés en Principauté et échappant de ce fait à l’impôt, résidaient en réalité à Paris avec leur famille, avait fait porter sur l’ensemble des français résidant à Monaco une suspicion non justifiée d’évasion fiscale.

Ainsi, les nouvelles règles, destinées à lutter contre des abus réels, en ont cependant instauré en sens inverse, car la recherche artificielle d’avantages fiscaux au travers d’un transfert de domicile fictif était loin d’être le seul motif pour les français de s’établir en Principauté, beaucoup d’entre-eux ne l’avaient fait que pour y vivre et y travailler effectivement.

UNE INTERPRETATION DE LA CONVENTION PENALISANTE POUR LES FRANCAIS NES ET RESIDANT A MONACO

Ainsi, les dispositions de l’article 7.1 étaient disproportionnées par rapport au but légitime à satisfaire : lutter contre les transferts de domicile destinés à éluder l’Impôt sur le Revenu. L’interprétation par les autorités françaises de cette disposition devait encore aggraver ce manque de proportionnalité.

En effet, l’interprétation que l’Administration fiscale française devait donner à l’article 7.1 de la Convention allait avoir pour conséquence d’augmenter considérablement le nombre de français résidents habituels à Monaco soumis à l’imposition en France et même aboutissait à faire disparaître à terme, par le moyen de l’extinction naturelle, la catégorie des français dits « privilégiés ».

L’ADMINISTRATION FISCALE FRANCAISE ASSIMILE LA NAISSANCE A UN TRANSFERT DE DOMICILE

En effet, par une assimilation abusive entre le transfert de domicile et la naissance, les autorités françaises considéraient que les français nés à Monaco après le 13 octobre 1957, de parents domiciliés à Monaco et qui, ayant toujours résidé en Principauté, n’avaient jamais transféré leur domicile ou leur résidence dans ce pays, entraient néanmoins dans les prévisions de l’article 7-1 de la Convention fiscale franco-monégasque, et étaient par conséquent imposables en France comme s’ils y avaient leur domicile fiscal.

Les français nés à Monaco, qu’il est usuel de désigner en Principauté, comme les autres étrangers qui y sont nés, sous le qualificatif « d’enfants du pays », qui les distingue des monégasques (peu nombreux car la nationalité monégasque ne peut pas s’acquérir par la naissance à Monaco, ni par la durée de séjour) et des personnes nées à l’étranger et qui comporte dans la législation monégasque certains avantages, étaient donc les grands perdants de l’application que le fisc français faisait de la Convention de 1963.

Les « enfants du pays » de nationalité française, subissent ainsi une discrimination totalement injustifiée par rapport aux « enfants de pays » d’une autre nationalité.

Cette discrimination est d’autant plus injuste que les « enfants du pays » sont souvent issus de familles françaises installées depuis très longtemps en Principauté, souvent avant 1914 et qui y étaient venus pour y travailler et non pas du tout par un souci d’évasion fiscale ; ni l’Impôt sur le Revenu ni, bien sûr, l’Impôt sur la Fortune n’existait en France, au moment de leur départ.

Il était, bien entendu, à craindre qu’une telle discrimination entraîne inévitablement l’éviction et le départ de Monaco de nombreux français, qui pourtant n’auraient pas demandé mieux que de rester dans ce pays. Les autorités monégasques s’étaient inquiétées de longue date de ces départs, qui affaiblissaient une communauté composée de résidents stables et très impliqués dans la vie économique et sociale monégasque, dont la Principauté a besoin. Ainsi, les français qui étaient très largement majoritaires dans la population de Monaco en 1962, ne représentaient plus que 28,2 % de cette population, soit 8.785 personnes lors du dernier recensement.

Il est évident qu’un français de Monaco soumis à l’Impôt sur le Revenu ne peut lutter à armes égales avec un concurrent d’une autre nationalité exonéré d’impôt. De même, un français de Monaco dont le pouvoir d’achat est ponctionné par l’Impôt sur le Revenu ne peut pas supporter de payer des loyers aussi élevés que les autres résidents qui ne sont pas imposables.

Cependant, la seule avancée, très partielle, qui avait pu être obtenue est la transmission du certificat de domicile aux français nés à Monaco dont les parents, domiciliés à Monaco, étaient majeurs à la date du 13 octobre 1957 (il faut rappeler que l’âge de la majorité, à l’époque, était de 21 ans), et exerçaient ou avaient exercé à cette date une activité professionnelle, industrielle ou commerciale à Monaco et qui ont conservé leur résidence habituelle en Principauté depuis leur naissance. Autrement dit, il fallait que les parents soient nés avant 1936, ce qui implique que bien peu de jeunes français nés à Monaco peuvent bénéficier de cette dérogation.

UNE SOLUTION FAVORABLE MAIS SANS REELLE PORTEE POUR LES ENFANTS MINEURS

En ce qui concerne les enfants mineurs, l’échange de lettres annexé à l’Avenant du 26 mai 2003 précise que les dispositions de l’article 7 de la Convention de 1963 ne créent pour la France aucun droit d’imposer autre que celui qui résulterait de sa législation nationale s’agissant de l’enfant mineur de nationalité française dont au moins l’un des parents est soit de nationalité monégasque soit de nationalité française qui se trouve hors du champ d’application de l’article 7-1 de la Convention et qui peut justifier de sa résidence habituelle et continue à Monaco à condition qu’il vive habituellement et depuis sa naissance au foyer de ses parents en Principauté de Monaco.

Il en est de même pour l’enfant mineur dont la garde, en cas de divorce, ou une situation justifiant l’application d’impositions distinctes, a été confiée par décision de justice ou en fait à la garde de celui de ses parents qui est soit de nationalité monégasque soit de nationalité française mais qui se trouve hors du champ d’application de l’article 7-1 de la Convention et qui peut justifier de sa résidence habituelle et continue à Monaco, à condition que l’enfant vive en Principauté de Monaco, habituellement et depuis sa naissance, avec celui de ses parents qui en a la garde.

Ainsi, l’enfant français né à Monaco d’un parent monégasque ou titulaire d’un certificat de domicile, est effectivement exonéré jusqu’à l’âge de dix-huit ans, ce qui n’est pas de la part de l’Administration Fiscale française une grande concession, puisqu’il est tout de même rare de nos jours de travailler ou d’avoir des revenus substantiels avant dix-huit ans.

En revanche, devenu majeur, cet enfant, bien qu’ayant toujours vécu à Monaco et continuant d’y vivre entrait, selon l’Administration Fiscale française, dans le champ d’application de l’article 7-1 et était donc réputé avoir son domicile fiscal en France.

LE PROBLEME DES CONJOINTS

D’autre part, compte tenu du principe du foyer fiscal, une solution devait être trouvée pour les français ou les françaises qui s’établissaient à Monaco et épousaient une personne de nationalité monégasque ou titulaire d’un certificat de domicile ou un étranger.

La solution finalement retenue, et consacrée par l’échange de lettres annexées à l’avenant du 26 mai 2003 à la Convention fiscale franco-monégasque, permet donc la délivrance d’un certificat de résidence, dont les effets sont analogues à ceux du certificat de domicile :

–    aux personnes de nationalité française, mariées à une personne de nationalité monégasque ou à une personne de nationalité française qui se trouve hors du champ d’application de l’article 7-1 de la Convention et qui peut justifier de sa résidence habituelle et continue à Monaco, à condition qu’elle ait depuis son mariage effectivement maintenu sa résidence habituelle en Principauté et qu’elle ne se trouve pas dans l’un des cas d’imposition distincte prévus par l’article 6-4 du Code Général des Impôts,

–    à la femme de nationalité française, mariée à une personne de nationalité autre que monégasque ou française, à condition qu’elle remplisse les conditions précédentes et que le mariage soit antérieur au 1er janvier 1986,

–    au conjoint survivant de nationalité française, d’une personne de nationalité monégasque ou d’une personne de nationalité française qui se trouve hors du champ d’application de l’article 7-1 de la Convention et qui peut justifier de sa résidence habituelle et continue à Monaco à condition qu’il ait maintenu sa résidence habituelle en Principauté pendant toute la durée du mariage et après le décès de son conjoint et qui ne se trouve pas au moment du décès de son conjoint dans l’un des cas d’imposition distincte prévus par l’article 6-4 du Code Général des Impôts.

Ces dérogations ne pouvaient avoir qu’un effet temporaire car, sauf en ce qui concerne – c’est tout de même la moindre des choses – les personnes de nationalité française qui épouseraient un monégasque, le régime « privilégié » des conjoints était appelé à s’éteindre en même temps que le régime privilégié des français établis à Monaco avant le 13 octobre 1957, par le biais de l’extinction naturelle.

LE PROBLEME DES DOUBLES NATIONAUX

Il se posait également le problème des personnes ayant une double nationalité française et étrangère. La situation de ces personnes avait été résolue, dans un premier temps, de manière favorable, mais par la suite, de manière de plus en plus restrictive. En fin de compte, l’instruction du 12 décembre 1995 ne plaçait inconditionnellement hors du champ d’application du paragraphe 1 de l’article 7 de la Convention du 18 mai 1963 que les personnes de nationalité française qui possèdent, en même temps, la nationalité monégasque, ce qui est, bien évidemment, la moindre des choses.

En revanche, pour les personnes possédant à la fois la nationalité française et une nationalité étrangère autre que monégasque, la possibilité de demeurer en dehors du champ d’application de l’impôt français était liée à des conditions plus ou moins nombreuses selon la date du transport de leur domicile et de leur résidence à Monaco, et les personnes jouissant d’une double nationalité qui transféraient leur domicile ou leur résidence à Monaco à compter du 12 décembre 1995, devenaient soumises à l’impôt français, comme si elles avaient leur domicile fiscal en France. En ce qui les concerne, il n’était tenu aucun compte de leur autre nationalité.

En outre, pour celles pouvant bénéficier de dérogations, des démarches devaient être effectuées avant le 31 décembre 1996 auprès du Centre des Impôts de Menton. Les intéressés avaient été informés de la nécessité de ces démarches par des communiqués parus dans la presse, mais n’avaient nullement été avisés personnellement de les faire.

En définitive, les dérogations prévues à l’application de l’article 7-1 de la Convention étaient, par nature, temporaires, et ne pouvaient empêcher l’extinction à terme des français dits « privilégiés » résidant à Monaco et même la disparition progressive de la communauté française de Monaco trop défavorisée par rapport aux autres résidents de Monaco du fait de son pays d’origine.

Les « enfants du pays » de nationalité française subissent donc, en général, depuis plusieurs dizaines d’années, une discrimination qui ne leur permet pas d’être à armes égales par rapport aux autres étrangers nés à Monaco qui eux sont exonérés de toute obligation fiscale.

Bien plus, même les français nés à Monaco avant 1957 (et qui sont, bien sûr de moins en moins nombreux) subissent également une discrimination puisqu’ils sont obligés, s’ils veulent conserver leur certificat de domicile, de résider habituellement en Principauté, sans avoir la possibilité de s’en éloigner temporairement (sauf pour leurs études), alors que les nécessités d’une carrière professionnelle imposent de plus en plus une certaine mobilité, mobilité dont peuvent jouir, évidemment, les autres étrangers nés à Monaco qui, à la différence des français, peuvent très bien aller acquérir des expériences et des compétences professionnelles en dehors de la Principauté et y revenir ensuite pour bénéficier et y faire bénéficier ce pays de ces compétences et expériences, tout en retrouvant une exonération fiscale.

LE REFUS PERSISTANT DES AUTORITES FRANCAISES DE TOUTE AMELIORATION DU SORT DES FRANCAIS NES A MONACO

Il avait pourtant été admis, en 1963, que si l’application de la Convention se traduisait par une baisse sensible de la présence française à Monaco, certaines dispositions pourraient en être renégociées, ou du moins différemment interprétées. Cependant, bien que ces craintes se soient rapidement révélées fondées, et malgré les efforts et les démarches tant des représentants de la Communauté française de Monaco que des autorités monégasques, rien de sérieux n’a pu être obtenu jusqu’à présent sur le plan politique en faveur des français nés à Monaco.

C’est ainsi qu’à une question écrite posée par un Sénateur représentant les français et les étrangers, le Secrétaire d’Etat au Budget n’avait pas hésité à répondre le 10 octobre 2000 « l’objet de la Convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963 et notamment de son article 7 est de rétablir progressivement l’égalité devant l’impôt des ressortissants français, qu’ils soient domiciliés en France ou à Monaco, et donc de favoriser l’extension des avantages fiscaux liés pour les ressortissants français à la résidence à Monaco. En l’absence d’imposition sur les revenus à Monaco, il ne saurait être envisagé de modifier la Convention dans un sens plus favorable aux ressortissants français. Au contraire, comme il l’a indiqué dans le rapport au Parlement sur les relations économiques et financières entre la France et la Principauté, publié le 10 octobre 2000, le Gouvernement souhaite renforcer les dispositions qui permettent de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales à partir de Monaco ».

Ainsi, le Secrétaire d’Etat de l’époque faisait peser sur les français nés à Monaco une présomption de fraude ou d’évasion fiscales et prétendait justifier par l’égalité devant l’impôt une mesure discriminatoire, ce qui est tout de même le comble, puisque, bien évidemment, la discrimination est le contraire de l’égalité.

Est-il nécessaire de rappeler que l’égalité devant l’impôt, telle qu’elle est définie tant sur le plan national que sur le plan international, suppose que les personnes qui résident dans un même Etat soient soumises au même régime fiscal, quelle que soit leur nationalité, mais n’implique nullement que tous les ressortissants d’un Etat soient soumis de manière illimitée à l’impôt par celui-ci même s’ils n’y habitent pas.

La seule exception à cette règle est celle des ressortissants américains qui sont effectivement imposables aux Etats-Unis, même s’ils résident à l’étranger (mais, il s’agit de l’impôt fédéral alors que les impôts d’Etat sont souvent plus importants) au moins s’agit-il d’une règle générale pour tous les américains résidant à l’étranger, alors que, en ce qui concerne la France, il s’agit d’une disposition spécifique aux français résidant à Monaco, les autres français résidant à l’étranger, même dans un pays à régime fiscal « privilégié », étant naturellement exonérés de l’impôt en France.

Ainsi, les français nés à Monaco sont traités par le fisc français de manière discriminatoire, non seulement par rapport aux autres personnes nées à Monaco, mais aussi par rapport aux autres français nés à l’étranger et y demeurant.

LA RECHERCHE D’UNE SOLUTION TOUJOURS BLOQUEE PAR BERCY

Cependant, plus récemment, des progrès avaient paru possibles grâce aux efforts conjugués des autorités monégasques, des représentants de la communauté française à Monaco et d’un certain nombre de parlementaires français qui s’étaient impliqués dans les relations franco-monégasques, notamment au travers des groupes d’amitié franco-monégasque, au Sénat et à l’Assemblée Nationale et des relations entre les parlements français et monégasque.

C’est ainsi qu’il résultait des déclarations du Ministre d’Etat de la Principauté, lors d’une séance du Conseil National de Monaco destinée à l’examen du budget de l’année 2009, qu’il espérait pouvoir obtenir une nouvelle interprétation de la Convention fiscale franco-monégasque, en faveur des véritables « enfants du pays » et que cette nouvelle interprétation serait sans doute plus facile politiquement, puisque ne nécessitant pas une Loi, qu’une renégociation de telle ou telle disposition de la Convention.

Cependant, force est de constater que jusqu’à présent, Bercy est resté sourd à cette demande, même si d’autres autorités françaises y étaient favorables.

De même, pendant presque 50 ans, l’interprétation de l’article 7-1 de la Convention franco-monégasque n’a pas été remise en cause au niveau juridique.

La position adoptée par l’Administration fiscale paraissait incontournable, comme s’il allait de soi qu’une interprétation différente n’était pas imaginable. C’est pourquoi, l’Arrêt rendu le 1er septembre dernier par la Cour Administrative d’Appel de Marseille a fait l’effet d’une bombe et a suscité un immense espoir parmi les français de Monaco.

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL EXONERE LES FRANCAIS NES ET RESIDANT A MONACO

UNE AFFAIRE EXEMPLAIRE

Les circonstances de fait de l’affaire soumises à la Cour sont presque caricaturales de l’injustice dont sont victimes les français nés à Monaco.

En l’espèce, l’intéressé qui était né en Principauté à la fin des années 1970, fils d’un père français (lui-même né à Monaco) et d’une mère italienne, jouissait depuis sa naissance de la double nationalité française et italienne. Ayant toujours vécu à Monaco depuis sa naissance, il y occupait un modeste emploi salarié.

Il n’avait pas songé, en 1996, à se manifester auprès du Centre des Impôts de Menton pour faire valoir sa double nationalité. Il est vrai qu’à l’époque, atteignant à peine sa majorité, il avait d’autres soucis en tête et qu’il ne lisait pas forcément les communiqués de l’Administration fiscale française, même publiés dans un journal à aussi grand tirage que NICE-MATIN.

En tout état de cause, n’ayant jamais vécu, ni travaillé qu’à Monaco, c’est avec une extrême surprise qu’il reçut, il y a une dizaine d’années, une demande du Centre des Impôts de Menton de produire sa déclaration de revenus.

Il refusa d’obtempérer, en faisant valoir sa double nationalité. Il s’en suivit une cascade de demandes de déclarations, de mises en demeure, de notifications de redressement renouvelées d’années en années, d’avis d’imposition, auxquels il répondit en produisant des réclamations, et, ces réclamations ayant été rejetées, en saisissant le Tribunal Administratif de Nice.

UNE LONGUE SUITE DE PROCEDURES

Sa première contestation était surtout fondée sur sa double nationalité, tant il lui paraissait absurde qu’on lui reproche de n’avoir pas effectué en 1995 des formalités alors qu’il n’avait jamais été informé de devoir en faire et d’être imposé par un pays où il n’avait jamais vécu et où il n’avait jamais travaillé, même si ce pays était le pays d’origine de l’un de ses parents et alors que son autre parent était d’une nationalité autre que française et la lui avait transmise.

Cependant, tous ses efforts pour faire admettre le bien-fondé de ses demandes sur ce point ont abouti à un échec. Le Centre des Impôts de Menton ne pouvait qu’appliquer littéralement l’Instruction de 1995 qui faisait, de formalités accomplies avant une certaine date, la condition de l’exonération des doubles nationaux, présentée d’ailleurs par les services fiscaux français comme un régime de faveur alors qu’il s’agissait simplement de l’application du droit commun des résidents de Monaco.

Il est vrai que l’argument tiré de sa double nationalité s’est heurté à une réponse ministérielle (la réponse FRITSCH) à laquelle se référait abondamment l’Administration fiscale, selon laquelle lorsqu’une personne possède une double nationalité, dont la nationalité française, seule cette dernière doit être prise en considération par la France. Il peut, cependant, paraître contestable de se référer à une telle doctrine, lorsqu’il s’agit d’appliquer non un texte interne français mais une Convention internationale et lorsque l’intéressé n’est pas lui-même résident en France. Mais rien n’y fit.

La localisation fictive en France du domicile d’un ressortissant italien résidant à Monaco pouvait, de même, apparaître comme contraire à la clause d’égalité de traitement de la Convention franco-italienne, même si l’intéressé avait également la nationalité française.

En effet, il ressort d’une jurisprudence bien établie qu’un italien qui ne réside pas en Italie, et en particulier qu’un italien qui réside à Monaco peut se prévaloir, de par sa nationalité et indépendamment du lieu de sa résidence, de cette égalité de traitement. Cet argument avait d’ailleurs emporté la conviction du Commissaire du Gouvernement devant le Tribunal Administratif de Nice, mais n’avait pas été retenu par le Tribunal, celui-ci considérant implicitement que la nationalité italienne s’effaçait complètement derrière la nationalité française.

Il avait donc fallu saisir la Cour Administrative d’Appel.

Entretemps, et en application de la clause d’assistance administrative de la Convention franco-monégasque, l’Administration des Impôts française avait requis le concours des Services Fiscaux de la Principauté pour faire diligenter une procédure de saisie sur les salaires de l’intéressé, ce qui a été d’autant plus facile que, toujours aux termes de la Convention franco-monégasque, ces salaires étaient obligatoirement connus de l’Administration fiscale française car déclarés par son employeur.

Fort heureusement, le Juge de Paix de Monaco, compétent pour la validité des saisies‑arrêts, avait donné mainlevée de celle-ci, au motif que la créance du Fisc français n’était pas certaine, puisque contestée devant la juridiction compétente.

Grâce à cette mainlevée, l’intéressé avait pu poursuivre la procédure, sans être contraint à un paiement préalable, ni à la constitution de garanties, ce qui l’aurait bien entendu extrêmement handicapé vue la modestie de ses moyens.

C’est donc au terme de près de dix ans de procédure que l’Arrêt rendu par la Cour Administrative d’Appel de Marseille l’a enfin libéré du poids énorme qui pesait sur ses épaules.

Le point le plus important de cet Arrêt et qui lui donne tout sa portée, est que celui-ci ne se fonde aucunement sur la double nationalité (ce qui est tout de même une situation relativement rare) mais prend en compte un argument, qui avait également été avancé mais qui, au départ, paraissait plus difficile à faire admettre tant il se heurtait à la doctrine administrative : l’absence de transfert du domicile à Monaco, en raison de la naissance en Principauté, situation qui, à la différence de la précédente, concerne tous les enfants du pays et non pas seulement ceux ayant une double nationalité.

UN ARRET FONDAMENTAL

L’Arrêt est particulièrement clair et tous les termes de sa motivation en sont bien pesés :

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 4 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu à raison de l’ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de la convention du 18 mai 1963 signée par la France et par Monaco, modifiée en matière d’impôt sur le revenu par les avenants du 25 juin 1969 et du 26 mai 2003 :

Dispositions applicables aux personnes physiques et morales françaises.

Situation des français transférant leur domicile à Monaco.

Article 7-1 : Les personnes physiques de nationalité française qui transporteront à Monaco leur domicile ou leur résidence – ou qui ne peuvent pas justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 – seront assujetties en France à l’impôt sur le revenu des personnes physiques et à la taxe complémentaire dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France. ;

Considérant que M. X est né en 1976 à Monaco, a été domicilié sans interruption dans la Principauté ; qu’il travaille à Monacoet possède de par sa naissance la double nationalité franco-italienne ; que l’administration l’a assujetti à l’impôt sur le revenu en France au titre des années 1998 à 2000 sur l’ensemble de ses revenus, au seul motif de sa nationalité française, sur le fondement des dispositions précitées de l’article 7 de la convention franco-monégasque du 18 mai 1963 ; que ces dispositions ne sont cependant applicables qu’aux personnes qui ont procédé au transfert de leur domicile à Monaco ; que notamment les dispositions relatives aux personnes de nationalité française ne pouvant justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962, ne s’appliquent qu’aux français qui avaient transféré leur résidence à Monaco à la date de la signature de la convention ; que la situation de M. X, qui a toujours été domicilié à Monaco et qui n’y a jamais transféré son domicile au sens de la convention du 18 mai 1963, n’entre pas dans le champ d’application de ces dispositions ; que dans ces circonstances, ni les dispositions précitées de l’article 4 A du code général des impôts, ni aucune autre disposition de ce code ou de la convention franco-monégasque ne permettent son assujettissement à l’impôt sur le revenu en France sur ses revenus dont aucun n’est de source française ; que le requérant est dès lors fondé à soutenir que c’est à tort, que le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamées au titre des années 1998, 1999 et 2000 et à demander son annulation ; qu’il résulte de ce qui précède qu’il peut prétendre à la décharge totale de l’ensemble des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu en litige ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0205069 du 30 mai 2006 du Tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : Il est accordé à M. X la décharge des cotisations d’impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamées au titre des années 1998, 1999 et 2000 ;

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. X et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat. »

La position de la Cour est donc tout à fait claire. Ne sont imposable sur le fondement de l’article 7 (qui était le seul texte sur lequel l’Administration pouvait se fonder) que les personnes de nationalité française qui ont transféré leur domicile ou leur résidence à Monaco après le 18 mai 1963 ou celles qui ayant effectué ce transfert avant cette date ne peuvent justifier de cinq ans de résidence ininterrompue à la date du 13 octobre 1962.

En revanche, les dispositions de l’article 7-1 de la Convention Fiscale entre la France et Monaco n’ont pour effet de rendre fiscalement résidentes de France les personnes de nationalité française qui ne peuvent justifier de cinq années de résidence habituelle à Monaco au 13 octobre 1962 que si celles-ci ont transféré à un moment quelconque leur domicile ou leur résidence à Monaco.

LES FRANCAIS NES A MONACO ET QUI Y ONT TOUJOURS RESIDE N’ONT JAMAIS TRANSFERE LEUR DOMICILE A MONACO

Ainsi, la Cour ne dissocie pas les deux membres d’une même phrase comme le faisait l’Administration Fiscale française mais comprend l’article 7-1 globalement et subordonne donc l’exigence de cinq années de résidence à Monaco au 13 octobre 1962 à l’existence d’un transfert du domicile à Monaco. Ce critère ne peut donc pas jouer pour les personnes qui, nées à Monaco, n’y ont jamais transféré leur domicile ou leur résidence.

La naissance ne saurait être assimilée à un transfert ou à un transport de domicile ou de résidence.

La référence à la date du 13 octobre 1962 apporte simplement une précision pour les français ayant transféré leur domicile à Monaco, en ce qui concerne la date de transfert, à compter de laquelle ils ne peuvent plus prétendre acquérir un domicile fiscal à Monaco ; cette précision était nécessaire pour aménager la transition entre la Convention du 23 décembre 1951 et celle du 18 mai 1963.

En effet, la Convention du 23 septembre 1951 qui, ayant été dénoncée par la France, a cessé de produire ses effets à la date du 13 octobre 1962, prévoyait que les français qui transféraient leur résidence à Monaco depuis la France devaient y résider cinq ans pour échapper à l’impôt sur le revenu.

Les français qui avaient fait le transfert de leur domicile à Monaco après le 13 octobre 1957 n’avaient donc pas acquis le droit de se voir délivrer un certificat de domicile à Monaco à la date à laquelle la Convention avait cessé de produire ses effets, c’est-à-dire au 13 octobre 1962, et demeuraient soumis à l’impôt sur le revenu français.

En revanche, il faut souligner qu’aucune condition de date d’établissement ou durée de résidence à Monaco n’était prévue par la Convention de 1951 pour les français nés à Monaco et qui résidaient en Principauté depuis leur naissance. Il ressort de l’Arrêt de la Cour que la Convention de 1963 ne doit pas être interprétée comme ayant institué de telles conditions.

Un problème d’interprétation peut se poser dans le cas où le lieu de naissance et donc celui où l’acte de naissance aura été dressé, ne correspond pas au lieu du domicile des parents.

Il conviendra sans doute de considérer, pour savoir s’il y a eu ou non transfert de domicile, non le lieu de l’accouchement mais le lieu où les parents étaient domiciliés au moment de la naissance et où était, par conséquent, domicilié le nouveau-né, puisqu’aux termes du Code Civil, l’enfant mineur est domicilié chez ses parents.

Ainsi, un enfant né hors de Monaco, de parents domiciliés en Principauté, soit par hasard, soit parce que la mère a préféré, pour telle ou telle raison, accoucher dans une clinique française, est lui-même domicilié à Monaco dès sa naissance.

Le certificat de résidence délivré par la Sûreté Publique monégasque mentionne d’ailleurs, dans ce cas, la date de naissance comme date de début de la résidence à Monaco, même si la naissance a eu lieu à l’étranger.

En revanche, un enfant né à Monaco, de parents domiciliés à l’étranger (ce qui est un cas fréquent car beaucoup de mères résidant dans les communes françaises voisines ont choisi d’accoucher à la Maternité de Monaco) n’a pas son domicile à Monaco. S’il vient à habiter dans ce pays, il y aura donc un transfert de domicile rendant l’article 7 de la Convention de 1963 applicable.

La question posée à la Cour ne concernait que l’Impôt sur le Revenu, l’intéressé n’étant pas, en tout état de cause, passible de l’Impôt sur la Fortune (ISF).

Cependant, le domicile fiscal des français de Monaco est, depuis l’avenant du 28 mai 2003, défini de la même façon en ce qui concerne l’Impôt sur le Revenu et l’Impôt sur la Fortune sauf que, pour ce dernier la date du transfert de domicile ou de résidence à Monaco prise en considération est le 1er janvier 1989 et non le 13 octobre 1957. L’interprétation du fisc français aurait donc conduit à rendre passibles de l’Impôt sur la Fortune les français nés à Monaco après le 1er janvier 1989, si leur patrimoine excédait le seuil d’imposition. En pratique, le problème n’a pas dû encore souvent se poser car il est rare d’avoir, avant vingt et un ans, un patrimoine suffisant pour être assujetti à l’Impôt sur la Fortune. Néanmoins, la jurisprudence de la Cour Administrative d’Appel conduit à considérer que les français nés à Monaco ne sont pas soumis à l’Impôt sur la Fortune, quelle que soit leur date de naissance et quel que soit le montant de leur patrimoine sauf, bien entendu, sur leurs biens situés en France (autres que leurs placements financiers), dès lors que le montant de ces biens dépasserait le seuil d’imposition.

Notons, toutefois, qu’en matière d’Impôt sur la Fortune, la compétence appartient au Juge judiciaire et non au Juge administratif.

Le Ministre n’a pas formulé de recours en Cassation devant le Conseil d’Etat à l’encontre de l’Arrêt de la Cour Administrative de Marseille qui est donc définitif depuis le 2 décembre dernier.

UN ARRET DEFINITIF

Il est vrai que cet Arrêt se situe dans le droit fil et est parfaitement cohérent avec un Arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 5 octobre 2007, qui rend plus facile la preuve de la résidence habituelle à Monaco en supprimant l’exigence du certificat de domicile.

Dès que l’Arrêt a été connu et publié, il a suscité bien entendu un très grand intérêt au sein de la Communauté française de Monaco et beaucoup d’enfants du pays, suivant les conseils qui leur étaient donnés par leurs représentants, se sont empressés avant le 31 décembre 2009 de produire des réclamations et de demander le remboursement des impôts qu’ils avaient acquittés au titre de l’impôt sur le revenu 2004 et des années suivantes, en prenant garde de ne pas laisser passer la date du 31 décembre pour éviter la prescription d’une année de réclamation.

Pour justifier leur exonération, les intéressés devront prouver leur résidence habituelle et sans solution de continuité à Monaco depuis leur naissance, ce qui est une question de fait.

Cependant, un éloignement temporaire de la Principauté, par exemple pour des études ou pour recevoir des soins médicaux, qui n’entraîne pas un transfert de domicile au sens juridique du terme, ne devrait pas entraîner la perte de l’exonération.

A l’appui de leur demande, ils ont généralement produit un certificat de résidence délivré par la Sûreté Publique de Monaco, qui a fait diligence pour fournir les certificats demandés. Ces certificats, dont la valeur probante ne saurait être contestée, puisqu’ils reposent sur les renseignements que recueille la Sûreté Publique au travers des enquêtes qu’elle effectue pour la délivrance et le renouvellement des titres de séjours, mentionnent la date à compter de laquelle l’intéressé a sa résidence à Monaco.

Bien entendu, les réclamations, souvent faites dans la hâte et quelquefois sans suffisamment d’informations, pourront être, si besoin était, complétées en 2010.

Le Service qui a reçu les Réclamations (en principe le Service des Impôts des particuliers de Menton) dispose d’un délai de six mois à compter de la réception pour statuer, sauf à aviser le contribuable de la nécessité d’un délai supplémentaire qui ne peut excéder trois mois.

Faute de décision dans ce délai, la réclamation est réputée rejetée, et l’intéressé peut adresser une requête au Tribunal Administratif de Nice pour contester ce rejet implicite. Toutefois, il est obligé de la faire sous peine de prescription dans les deux mois de la réception d’une décision explicite.

Il est probable que ni le Service des Impôts de Menton, ni la Direction des Finances Publiques des Alpes-Maritimes ne voudront statuer au cas par cas et qu’ils attendront que le Ministère du Budget ait pris position et leur ait adressé ses instructions générales.

QUELLE REACTION ATTENDRE DE BERCY ?

Que peut faire Bercy ?

Il faut tout d’abord souligner que l’absence de pourvoi devant le Conseil d’Etat de la part de l’Administration des Impôts n’implique pas nécessairement que celle-ci se soit ralliée à l’interprétation du Juge Administratif.

Pour les contribuables intéressés, une simple abstention ne peut être opposée à l’Administration fiscale. Seule une prise de position explicite et rendue publique peut engager celle-ci et permettre à tous les intéressés de s’en prévaloir.

UN ARRET DIFFICILEMENT CONTESTABLE

Cependant, il est probable que si le Fisc avait eu des moyens sérieux pour contester sur le plan du droit l’Arrêt de la Cour Administrative de Marseille, il n’aurait pas manqué de saisir d’un recours en Cassation le Conseil d’Etat. L’absence de recours est donc pour le moins le signe d’un embarras du Ministère du Budget sinon la reconnaissance par celui-ci du caractère difficilement critiquable de l’Arrêt.

Lorsque l’Administration des Impôts n’est pas satisfaite d’un Arrêt rendu par le Juge Judiciaire ou par le Juge Administratif qui retient une interprétation de la loi contraire à la sienne, il peut lui arriver de demander au législateur de valider sa propre interprétation en apportant à la loi une modification qui consacre la thèse administrative.

Il arrive même parfois de donner à ce nouveau texte un caractère interprétatif, de sorte de pouvoir l’appliquer rétroactivement, même aux litiges en cours.

Le Conseil Constitutionnel a admis en effet que cette rétroactivité était possible, si elle était rendue nécessaire par l’intérêt général, sauf à ne pas porter atteinte aux décisions de justice passées en fort de chose jugée (mais cela ne concerne que les personnes qui ont directement bénéficié de la décision) et à ne pas entraîner de pénalités.

La loi de finances rectificative pour 2009 qui vient d’être promulguée contient deux exemples de ce type de réaction de la part des Services Fiscaux : il s’agissait d’aller à l’encontre, d’une part, d’un Arrêt du Conseil d’Etat qui concerne l’assujettissement des sociétés étrangères propriétaires d’immeubles en France à l’impôt sur les sociétés et, d’autre part, d’un Arrêt de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, au sujet de l’assujettissement aux droits d’enregistrement en France de la cession réalisée à l’étranger de titres d’une société étrangère propriétaire d’immeubles en France. En l’occurrence, il s’agissait d’ailleurs d’une société monégasque.

Dans les deux cas, la position du Juge était contraire à la doctrine, réaffirmée de longue date, de l’Administration des Impôts.

Le Ministère du Budget a donc glissé dans le projet de loi de finances rectificative pour 2009 et fait adopter par le Parlement des textes qui valident l’interprétation administrative. Dans le cas de l’Arrêt du Conseil d’Etat, il a donné au nouveau texte un caractère interprétatif et donc d’application rétroactive.

Il est donc relativement facile au Ministère du Budget, d’obtenir une modification de la loi fiscale afin de contrecarrer, du moins pour l’avenir et quelquefois même rétroactivement une décision de justice qui lui déplaît.

Cependant, ce qui est possible s’agissant d’appliquer et d’interpréter la loi interne, ne l’est pas en matière de Traité International.

On ne voit pas comment le Ministre pourrait faire voter par le Parlement une loi qui modifie unilatéralement un Traité ou même qui l’interprète de manière unilatérale.

L’ATTENTE D’UNE INSTRUCTION ADMINISTRATIVE

La possibilité d’une loi interprétative devant semble-t-il être écartée, Bercy a encore plusieurs solutions possibles.

Tout d’abord prendre une nouvelle instruction administrative, sur la base de laquelle le Service Local devra rendre ses décisions.

Bien entendu, l’Administration pourra très bien dans cette instruction (ou ce qu’elle fait quelquefois, dans une décision de rescrit rendue publique) maintenir sa position et prétendre toujours assujettir à l’Impôt sur le Revenu les français nés à Monaco après le 13 octobre 1957 dans les mêmes conditions que s’ils avaient leur domicile fiscal en France. Dans ce cas, les réclamations seraient rejetées mais les intéressés pourraient saisir le Juge Administratif et l’on peut penser que celui-ci confirmerait sa jurisprudence.

L’Administration pourrait également, ce qui est attendu par les français de Monaco, accepter dans son instruction l’interprétation de la Cour Administrative d’Appel, quitte à en cerner le contour, ou à tenter d’en limiter quelque peu la portée, ou à soumettre les intéressés qui voudraient s’en prévaloir à certaines obligations formelles ou déclaratives. Il conviendrait alors d’analyser très précisément l’instruction qui serait publiée.

Enfin, une autre solution peut consister dans la réécriture de l’article 7-1 de la Convention franco-monégasque de 1963. Bien entendu, cette réécriture suppose l’accord de Monaco.

Cette réécriture devra donc tenir compte de la position exprimée par les autorités monégasques en ce qui concerne les véritables « enfants du pays ».

On ne voit pas l’intérêt de la France à s’acharner sur ces quelques milliers de français nés et résidant à Monaco, et cela au détriment de l’intérêt bien compris de la France qui suppose le maintien d’une communauté française à Monaco et sa participation à la vie monégasque, alors que la Convention Fiscale franco-monégasque lui donne toute satisfaction dans la mesure où elle rend impossible l’évasion et la fraude fiscales pour les résidents français ou même les délocalisations pour des raisons fiscales, de domicile à Monaco, et cela quand bien même les français nés à Monaco et qui en aucun cas ne peuvent se voir présumer une volonté d’évasion fiscale seraient exonérés.

On ne voit pas davantage pourquoi l’Administration Fiscale française pourrait refuser de rechercher une entente avec la Principauté qui fournit plus de 30.000 emplois à des résidents français (des personnes qui résident effectivement en France), soit un chiffre comparable à celui des résidents de Monaco et constitue le pôle économique autour duquel gravite une bonne partie des Alpes-Maritimes.

L’Arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Marseille donne donc au Gouvernement français l’occasion de faire droit aux demandes légitimes des français de Monaco. Il lui suffit de suivre l’interprétation du Juge dont la mission d’interpréter la Loi, ce qui est sans doute politiquement plus facile que de prendre elle-même l’initiative de changer son interprétation.

Henri FONTANA

Avocat au Barreau de Nice

Ancien Assistant à la Faculté

CABINET FONTANEAU

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