L’ADOPTION PAR LES ETATS-UNIS D’AMERIQUE D’UN EXIT TAX : « THE MARK TO MARKET TAX »


Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 157

(Année 2009)


Le 17 juin 2008, le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique a adopté le « Heroes Earnings Assistance and Relief Tax Act » de 2008. Avec cette loi, les circonstances ont radicalement changé pour les personnes qui planifiaient d’abandonner leur citoyenneté américaine ou pour certains résidents de longue date des Etats-Unis qui souhaitaient mettre fin à leur résidence après le 16 juin 2008.

En effet, cette loi prévoit un allègement pour certains membres du personnel militaire américain et leurs familles. Cependant, pour compenser cette dépense, le « HEART Act »  prévoit également deux nouveaux régimes fiscaux : un « Mark to Market Tax », ou impôt sur la valeur au marché et un nouvel impôt de transfert levé sur les citoyens résidents des Etats-Unis qui reçoivent un don ou un héritage de biens provenant de certains expatriés, plus précisément de « covered expatriates », les expatriés couverts.

S’agissant de ce nouvel impôt de transfert prévu au nouvel article 877 A du « Internal Revenue Code » Code de fiscalité américaine, fondé sur la valeur au marché, une vente est réputée être effectuée, le jour précédant l’expatriation, des biens détenus par certains citoyens des Etats-Unis et certaines personnes détentrices de la carte verte, qui mettent fin à leur résidence après le 16 juin 2008. Le fait générateur de ce nouvel impôt est donc déterminé par le transfert du domicile fiscal hors des Etats-Unis et non pas la cession des biens considérés.

Ainsi, le gouvernement américain a mis en place un mécanisme d’Exit Tax. L’expatriation peut donc aujourd’hui donner lieu à des impôts sur le revenu fédéraux américains immédiat.

LA NOTION D’« EXIT TAX »

Le mécanisme de l’Exit Tax est relativement simple : le contribuable d’un Etat qui se délocalise à l’étranger doit apurer sa situation fiscale dans cet Etat. Il s’agit donc d’une « Taxe à la sortie ».

Un tel dispositif a été mis en place dans plusieurs Etats européens, et notamment en France. En effet, c’est la loi de finances pour 1999 qui avait prévu l’imposition des plus-values « constatées » au moment du transfert hors de France du domicile d’une personne physique résidente de France.

En substance, l’article 167 bis ancien du CGI prévoyait que les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant au moins six années au cours des dix dernières années étaient imposables, à la date du transfert de leur domicile hors de France, au titre des plus-values constatées sur les droits sociaux représentatifs de participations substantielles (supérieures à 25 %).

Ce texte a donc institué un Exit Tax : il visait à lutter contre la délocalisation de personnes physiques désireuses d’éviter l’imposition des plus-values sur titres par un transfert de leur domicile fiscal dans un Etat qui les exonère, préalablement à une cession.

La loi prévoyait ainsi que l’impôt exigible sur les plus-values latentes devait être calculé à la date du transfert du domicile et qu’il faisait l’objet d’une mise en recouvrement spécifique ; le contribuable pouvait néanmoins bénéficier d’un sursis de paiement, à condition notamment, que soient constituées des garanties auprès du comptable chargé du recouvrement de l’impôt correspondant aux plus-values imposables.

Le sursis était maintenu après le transfert du domicile hors de France, sous réserve du respect des obligations déclaratives ; il expirait au moment où s’opérait la transmission, le rachat, le remboursement ou l’annulation des droits sociaux concernés au cours d’une période de cinq ans suivant le départ. Dans ce cas, si la valeur des titres telle qu’elle avait été estimée à la date du départ était inférieure à la valeur des titres à la date d’expiration du sursis, l’impôt dont le paiement avait été différé devenait exigible en totalité. Etant précisé, dans cette hypothèse que, la seconde plus-value n’était généralement pas imposable en France. Par contre, si la valeur des titres, estimée à la date du départ, était supérieure à leur valeur à la date d’expiration du sursis, l’impôt dont le paiement avait été différé n’était exigible que dans la limite de son montant assis sur la plus-value réelle ; le surplus était dégrevé d’office.

Si un contribuable ne procédait à aucune transmission ou opération assimilée au cours de la période de cinq ans suivant son départ, l’impôt afférent aux plus-values constatées était dégrevé d’office.

Cependant, ce mécanisme d’Exit Tax est incompatible avec le droit communautaire.

L’EXIT TAX, UN MECANISME INCOMPATIBLE AVEC LE DROIT COMMUNAUTAIRE

L’affaire de Lasteyrie du Saillant

Le dispositif précédent a ainsi suscité de vives réactions, si bien qu’une question s’est posée au Conseil d’Etat dans l’affaire Lasteyrie de Saillant[1]. En l’espèce, le requérant s’était établi en Belgique le 12 décembre 1998 pour y exercer ses activités professionnelles. Disposant de participations substantielles dans différentes sociétés françaises, il était donc susceptible de se voir appliquer l’imposition prévue à l’article 167 bis du Code Général des Impôts.

Estimant que cette obligation était contraire à son droit de s’établir dans un autre Etat de la Communauté, le requérant a formé devant le Conseil d’Etat un recours en annulation du décret n° 99-590 du 6 juillet 1999 pris pour l’application des dispositions légales précitées.

En premier lieu, le Conseil d’Etat a statué sur le principe de la liberté d’aller et de venir en considérant que cette liberté n’était pas ici en cause dès lors que le fait générateur de la taxation prévue à l’article 167 bis n’était pas la sortie du territoire, mais le transfert du domicile fiscal.

En second lieu, le Conseil d’Etat a examiné le moyen selon lequel ce dispositif était contraire à la liberté d’établissement dans la mesure où une législation nationale peut être contraire à l’article 52 du Traité CEE, devenu l’article 43 CE, si elle a pour effet d’entraver l’exercice de la liberté d’établissement par les ressortissants de l’Etat membre concerné, même de façon indirecte.

Le Conseil d’Etat, eu égard aux incertitudes, au niveau communautaire, que suscite la question posée, a décidé qu’il serait « sursis à statuer sur la requête de M. de Lasteyrie du Saillant jusqu’à ce que la Cour de Justice des Communautés européennes se soit prononcée sur la question préjudicielle énoncée dans les motifs de la présente décision»[2] .

La Cour de Justice des Communautés Européennes a donc été saisie d’une demande de décision à titre préjudiciel par décision du Conseil d’Etat français, Section du contentieux, rendue le 14 décembre 2001, dans l’affaire Hugues de Lasteyrie du Saillant contre Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, et qui est parvenue au greffe de la Cour le 14 janvier 2002.

Le Conseil d’Etat a donc demandé à la Cour de Justice de statuer sur la question de savoir si le principe de la liberté d’établissement posé par l’article 52 du traité de la Communauté européenne (devenu article 43 CE) s’oppose à ce qu’un Etat membre institue, à des fins de prévention d’un risque d’évasion fiscale, un mécanisme d’imposition des plus-values en cas de transfert du domicile fiscal, tel que celui résultant de l’article 167 bis du Code Général des Impôts dans sa rédaction en vigueur.

La Cour de Justice des Communautés Européennes, dans sa décision en date du 11 mars 2004, s’est prononcée pour la première fois sur un mécanisme d’Exit Tax et a considéré que : « Le principe de liberté d’établissement posé par l’article 52 du Traité CE, devenu article 43 CE, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un Etat membre institue, à des fins de prévention d’un risque d’évasion fiscale, un mécanisme d’imposition des plus-values non encore réalisées, tel que celui prévu à l’article 167 bis du Code Général des Impôts français, en cas de transfert du domicile fiscal d’un contribuable hors de cet Etat»[3] .

La Cour a ainsi censuré ce que l’avocat général MISCHO avait appelé une restriction typique à la sortie, en rappelant que la liberté d’établissement concerne l’Etat « de sortie » aussi bien que l’Etat « d’accueil » et même si l’article 43 du Traité du Conseil d’Etat vise notamment à assurer le bénéfice du traitement national dans l’Etat membre d’accueil, il s’oppose également à ce que l’Etat membre d’origine entrave l’établissement dans un autre Etat membre de l’un de ses ressortissants.

La Cour a écarté le principal argument du gouvernement français, relatif à la prévention de l’évasion fiscale, en notant que l’article 167 bis n’a pas pour objet spécifique d’exclure d’un avantage fiscal des montages purement artificiels dont le but serait de contourner la législation fiscale française, mais qu’il vise, de manière générale, toute situation dans laquelle un contribuable détenant des participations substantielles dans une société soumise à l’impôt sur les sociétés transfère, pour quelque raison que ce soit, son domicile hors de France.

Fort logiquement, le Conseil d’Etat a ensuite annulé partiellement le décret d’application de ce texte, en tant qu’il portait application des dispositions de l’article 167 bis du CGI en cas de transfert du domicile fiscal dans un autre Etat membre de la Communauté européenne par un contribuable exerçant la liberté d’établissement[4].

Cependant, le législateur français est allé au-delà de la solution donnée par le Conseil d’Etat ; l’article 19 de la loi de finances pour 2005 a purement et simplement abrogé le 1 bis de l’article 167 et l’article 167 bis du CGI sans chercher à modifier le dispositif ni à le maintenir pour les contribuables qui s’expatrient en dehors de l’Union européenne.

Ayant tiré les leçons de la décision de la CJCE, le gouvernement français a institué un nouvel article 167 du CGI qui prévoit qu’un contribuable domicilié en France, qui transfère son domicile à l’étranger, est passible de l’impôt sur le revenu à raison des revenus dont il a disposé pendant l’année de son départ jusqu’à la date de celui-ci, des bénéfices industriels et commerciaux qu’il a réalisés depuis le fin du dernier exercice taxé et de tous revenus qu’il a acquis sans en avoir la disposition antérieurement à son départ.

On remarquera cependant, que la CJCE n’a pas condamné définitivement les mécanismes de type « Exit Tax », en admettant au contraire que les Etats membres puissent prendre des mesures destinées à assurer la répartition du pouvoir d’imposer des plus-values compte tenu du principe de territorialité, à condition que les mesures en cause n’aillent pas au-delà du nécessaire.

La CJCE n’a pas condamné définitivement les mécanismes d’Exit Tax

Ainsi, dans l’affaire N[5], la Cour de Justice des Communautés européennes a dû se prononcer sur le dispositif néerlandais, qui ne différait que très sensiblement de l’Exit Tax française et reconnu comme constitutif d’une entrave[6].

La Cour admet cependant que ce dispositif garantit l’objectif d’intérêt général qu’il poursuit en faisant référence à la préservation de la répartition du pouvoir d’imposition entre les Etats membres[7]. Le principe de territorialité constitue un fondement de cette répartition et la mesure néerlandaise l’applique en le combinant à un critère temporel.

La Cour se fonde ainsi sur cette double constatation pour admettre que la mesure est ainsi justifiée. La différence, sur ce point, avec l’affaire de Lasteyrie du Saillant tient sans doute à ce que le régime en cause en l’espèce n’a pas pour seul objectif la prévention de l’évasion fiscale mais également une répartition harmonieuse et conforme au principe de territorialité de l’impôt entre deux Etats membres.

La Cour sanctionne cependant la réglementation néerlandaise comme disproportionnée au motif, d’une part, qu’elle appelait la constitution d’une garantie et, d’autre part, qu’elle ne tenait pas compte des moins-values apparues après le départ du contribuable.

En l’espèce, l’exigence du dépôt d’une déclaration au moment du départ vers le Royaume-Uni d’un ressortissant néerlandais qui détenait la totalité des actions de trois sociétés néerlandaises a été admise mais non celle de constituer des garanties propres à garantir l’imposition des plus-values latentes, ni de l’impossibilité de tenir entièrement compte des moins-values ultérieures.

A la suite de l’arrêt de Lasteyrie du Saillant, cette réglementation a été modifiée sur ces deux points et, dans sa version actuelle, elle n’encourrait pas les mêmes critiques de la part de la Cour.

L’Exit Tax Américain

Avec la promulgation de « The HEART ACT », les Etats-Unis ont mis en place un dispositif  similaire aux mécanismes français et néerlandais. Le gouvernement américain a ainsi adopté, le 17 juin 2008 un mécanisme d’Exit Tax, intitulé « The Mark to Market Tax » ou impôt sur la valeur au marché, prévu au nouvel article 877 A qui dispose que « All property of a covered expatriates shall be treated as sold on the day before the expatriation date dor its fair maket value ».  Selon cet article, la vente de tous les biens d’un « expatrié couvert » est réputée être effectuée, le jour précédant l’expatriation, selon leur valeur marchande.

Une telle taxation ne peut être évitée et, pire encore, est imposée immédiatement. En effet, le fait générateur de l’impôt sur la valeur au marché est alors déterminé par la délocalisation hors des Etats-Unis et non pas la cession des biens détenus par le contribuable.

Cependant, tout comme les mécanismes européens, le contribuable peut choisir de façon irrévocable de différer le paiement de l’impôt, pour une partie ou la totalité des actifs réputés cédés, en fournissant un cautionnement ou une autre forme de garantie adéquate à l’administration fiscale américaine (IRS) et en payant l’intérêt pour la période du report aux taux appliqués par l’IRS pour les paiements insuffisants. Cependant, même si cette constitution de garantie constitue bien une entrave pour les « expatriés couverts »,  elle ne peut, contrairement aux dispositions d’Exit Tax néerlandais, être sanctionnée par une juridiction supérieure.

De plus, contrairement à ses homologues français, cette réforme du gouvernement américain, n’est pas due au motif d’évasion fiscale ; quiconque qui s’expatrie des Etats-Unis peut potentiellement être soumis à la taxe. Cependant, le dispositif de l’Exit Tax américain ne peut être encadré, voir sanctionné comme les dispositifs européens, pour le plus grand dam des contribuables américain.

EXIT TAX AMERICAIN : L’IMPOT SUR LA VALEUR DU MARCHE

Les Etats-Unis d’Amérique taxent ses contribuables sur leur revenu mondial. En effet, les personnes physiques des Etats-Unis ne possédant pas la nationalité américaine ainsi que les citoyens américains quelque soit leur lieu de résidence sont redevables de l’impôt sur le revenu aux Etats-Unis à raison de leurs revenus mondiaux.

Le personne est considérée comme résidente des Etats-Unis sous réserve des conventions fiscales internationales et de la nationalité, si elle est entrée aux Etats-Unis avec une carte de séjour permanent dénommée « green card » ou, sans « green card », si elle a séjourné un minimum de 31 jours aux Etats-Unis durant la dernière année civile et si sa présence aux Etats-Unis au cours de ladite année et au cours des deux années précédentes a atteint 183 jours.

La seule possibilité pour les contribuables des Etats-Unis d’éviter légalement de payer des impôts américains est de s’expatrier.  Le gouvernement américain a donc depuis longtemps mis en place une taxe d’expatriation, qui a été plusieurs fois modifiée.

Ainsi, le 17 juin 2008, le Président des Etats-Unis, George Bush, a signé la loi « The HEART ACT » qui prévoit à son article 301 un nouvel article 877 A du « Internal Revenue Code » (IRC), code de fiscalité américain, qui abroge l’article 877 du même code. Ce dernier article prévoyait une taxe d’expatriation, plus précisément un « altenative income tax regim », soit un régime d’impôt sur le revenu alternatif.

Régime de la taxe d’expatriation de l’article 877 du IRC

Les dispositions relatives à la taxe d’expatriation, visées à l’article 877 du Code de Revenu Interne (IRC) s’appliquent aux citoyens américains qui ont renoncé à leur citoyenneté et des résidents à long terme qui ont mis un terme à leur statut résident américain pour des buts fiscaux. Il s’agit des « expatriés couverts ». En 2004, les règles d’expatriation ont changé, lorsqu’une personne s’expatrie à compter du 3 juin 2003.

« The American Jobs Creation Act » (AJCA) a ainsi réformé l’article 877 du IRC, et prévoit la taxation des « expatriés couverts » sur un certain nombre de revenus pendant 10 ans après leur expatriation. L’article 877 du IRC a ainsi éliminé les critères d’évasion fiscale qui étaient auparavant nécessaires pour imposer les expatriés.

Le formulaire 8854 « Initial and Annual Expatriation Information Statement » devait être impérativement rempli avant le départ de l’expatrié. Cependant, l’article 877 qui stipule qu’une personne continue à être imposée comme un citoyen américain ou un résident à long-terme jusqu’à ce qu’il dépose le formulaire 8854 a été abrogé par le « HEART Act ».

Mais surtout, cet ancien régime limitait le temps de séjour d’un expatrié aux Etats-Unis pendant une  période de 10 ans après l’expatriation, à moins de 30 jours pour chaque année. Au-delà de cette limite l’expatrié était traité à nouveau comme un citoyen ou un résident à long terme.

Ainsi, le « Heroes Act » n’a pas seulement modifié la méthode de taxation des « expatriés couverts » mais également les méthodes de détermination des expatriés susceptibles d’être imposés.  Mais surtout, à compter du 17 juin 2008, si une personne, considérée comme un expatrié couvert, se délocalise à l’étranger, le nouvel Exit Tax américain s’applique sur la plupart de ses biens mondiaux détenus à la date d’expatriation.

Ainsi, selon une nouvelle règle fondée sur la valeur du marché, une vente de l’ensemble des actifs de l’expatrié est réputée être effectuée, le jour de l’expatriation. Cependant, l’expatrié couvert doit prendre en compte l’ensemble des plus-values et moins-values de l’année imposable à l’Exit Tax mais, en ce qui concerne les moins-values, seulement si elles sont admises en déduction par les dispositions du IRC.

Seul l’excédent  de plus-values nettes sur 600 000 $, ajusté en fonction de l’inflation après 2008, est pris en compte. Les plus-values réalisées ultérieurement sont ajustées sans toutefois tenir compte de l’exonération de 600 000 $.

Aujourd’hui, les expatriés couverts, ne sont plus soumis à un régime d’impôt sur le revenu alternatif sur 10 ans, mais ils sont immédiatement imposés sur l’ensemble de leurs plus-values latentes. Ainsi, l’ancien régime a été abrogé et remplacé par ce nouvel impôt sur la valeur du marché, un mécanisme d’Exit Tax, qui est applicable pour les contribuables qui s’expatrient à partir du 17 juin 2008.

CHAMP D’APPLICATION DE L’EXIT TAX AMERICAIN

L’impôt de sortie s’applique à un citoyen des États-Unis qui abandonne sa citoyenneté et à un résident de longue date des États-Unis qui met fin à sa résidence aux États-Unis après le 16 juin 2008. Ce sont les « expatriés couverts ».

Définition de la notion « expatrié couvert »

Le nouveau régime est applicable aux individus mentionnés dans le Code comme « des expatriés couverts. » Ainsi, l’Exit Tax s’applique à un citoyen américain qui abandonne la citoyenneté et à un résident  de longue date des Etats-Unis qui met fin à sa résidence aux Etats-Unis après le 16 juin 2008 et qui :

• 1. A un impôt sur le revenu net annuel moyen pendant les cinq ans précédant immédiatement l’expatriation considérée qui excède 139,000 $ («La condition d’un impôt sur le revenu net annuel moyen »);

• 2. A une valeur nette de 2 millions ou plus de $ le jour d’expatriation (« la condition de la valeur nette »);

• 3. Ou omet de certifier, sous peine d’être accusé de parjure, qu’il s’est conformé à toutes les obligations fiscales envers le gouvernement fédéral américain pour les cinq dernières années.

Un citoyen américain est considéré comme ayant abandonné la citoyenneté américaine sur la première des quatre dates suivantes :

• 1. La date à laquelle l’individu renonce à la nationalité américaine devant un diplomatique ou un employé consulaire des Etats-Unis ;

• 2. La date à laquelle l’individu fournit au Département d’Etat une déclaration signée de renonciation volontaire de la nationalité américaine confirmant l’acte d’expatriation ;

• 3. La date à laquelle le Département d’Etat publie un certificat de perte de nationalité ;

• 4. Ou la date à laquelle une Cour américaine annule le certificat de naturalisation d’un citoyen.

Ainsi, la date à laquelle l’individu abandonne sa citoyenneté américaine est « la date d’expatriation. »

De plus, un individu est considéré comme n’ayant plus la résidence américaine à long terme lorsqu’il cesse d’être un résident légal permanent des Etats-Unis, c’est-à-dire qu’il perd son statut de « green card » (carte verte) par la révocation ou la résiliation administrative ou juridique.

Un individu cessera aussi d’être traité comme un résident légal permanent  des Etats-Unis s’il commence à être traité comme un résident d’un pays étranger ayant signé une convention fiscale internationale avec les Etats-Unis, et qui ne renoncent pas aux avantages du traité applicable aux résidents du pays étranger.

La date sur laquelle la résidence à long terme est terminée est « la date d’expatriation ».

Le nouveau régime d’Exit Tax maintient de manière générale les exonérations contenues dans les règles antérieures pour les particuliers nés avec la double nationalité (Etats-Unis et autre pays) ou qui s’expatrient avant d’avoir 18 ans et demi.

Les exceptions

Le nouveau régime fournit deux exceptions pour exclure les citoyens que l’on considérait auparavant comme « des expatriés couverts » lorsqu’ils remplissent la condition d’un impôt sur le revenu net annuel moyen ou la condition de la situation nette.

La première exception s’applique à un individu qui est né avec la citoyenneté américaine et d’un autre pays, mais seulement si :

• 1. A partir de la date d’expatriation, l’individu continue à être un citoyen de l’autre pays et à être imposé comme un résident de cet autre pays, et

• 2. L’individu a été un contribuable des Etats-Unis pour moins de 10 ans pendant une période de 15 ans finissant avec l’année imposable d’expatriation.

La deuxième exception s’applique à un citoyen américain qui abandonne la citoyenneté américaine avant d’avoir 18 ans et demi, mais seulement si l’individu était un contribuable des Etats-Unis pour moins de 10 ans imposables avant une telle renonciation.

Ainsi, le nouveau régime est plus clément que l’ancien, qui précisait, d’une part, que l’individu ne pouvait pas être présent sur le sol  des Etats-Unis pendant plus de 30 jours par année civile durant les 10 années suivant la date d’expatriation et d’autre part, s’agissant l’exception de double résidente, l’individu ne devait pas avoir eu le statut de résident américain.

REGIME DE l’EXIT TAX PREVU A L’ARTICLE 877 A DU IRC

A compter du 17 juin 2008, les expatriés couverts sont soumis à un impôt sur la valeur du marché ou Exit Tax, assis sur les plus-values latentes constatées sur l’ensemble des actifs mondiaux, fondé sur la valeur du marché et réputé réalisé le jour précédant l’expatriation.

Il est précisé dans le « HEART Act » que, la plus-value constatée est prise en compte le jour précédant l’expatriation, sans application des autres dispositions de l’IRC. Les moins-values constatées lors  du transfert sont généralement  admises en déduction lorsqu’elles sont prévues dans le code de fiscalité américaine.

Cependant, toutes les plus-values nettes sont prises en compte dans la mesure où elles excèdent la somme de 600 000 $. A défaut, l’Exit Tax n’est pas applicable.  Ainsi, seul l’excédent de plus-values nettes sur 600 000 $, ajusté en fonction de l’inflation, est pris en compte dans l’assiette de l’Exit Tax. Les plus values réalisées lors de cessions ultérieures sont ajustées sans tenir compte de l’exonération de 600 000 $.

Le gouvernement américain a fait correspondre cet abattement avec l’abattement prévu par le IRC lors de la cession d’un bien immobilier (estate tax exemption), afin de faciliter la décision du contribuable d’abandonner sa citoyenneté américaine ou de quitter le territoire américain, mais surtout afin de  rendre cette décision fiscalement neutre.

Toutefois, le contribuable peut demander à bénéficier d’un différé de paiement de l’Exit Tax, jusqu’au moment où s’opérera la cession effective.

La possibilité d’un report d’imposition

Un expatrié couvert peut choisir de différer le paiement de l’impôt sur la valeur du marché, cependant, cette option est irrévocable. Ainsi, un expatrié peut choisir de façon irrévocable de reporter le paiement de l’impôt, pour une partie ou la totalité des actifs réputés cédés, jusqu’au moment où s’opérera la cession effective desdits biens.

Pour opter pour le report de l’Exit Tax, les expatriés couverts doivent fournir des garanties à l’administration fiscale américaine. Ainsi, un particulier peut choisir de façon irrévocable de différer le paiement de l’impôt, pour une partie ou la totalité des actifs réputés cédés, en fournissant un cautionnement ou une autre forme de garantie adéquate à l’IRS et en payant l’intérêt pour la période du report au taux appliqué par l’administration américaine pour les paiements insuffisants.

De plus, l’expatrié couvert doit renoncer à l’application de traités qui écarteraient l’application de cette taxe. De ce fait, énormément de conventions fiscales internationales signées avec les Etats-Unis devront être renégociées.

L’impôt différé sur un bien en particulier est dû à la date d’échéance de la production de la déclaration de cession pour l’année d’imposition au cours de laquelle le bien est cédé.

L’impôt dont le paiement avait été différé n’était exigible qu’après corrections éventuelles de son montant initialement déterminé à l’occasion du transfert du domicile.

Prise en compte des plus-values immobilières

Ainsi, les plus-values relatives à la cession d’un bien immobilier sont prises en compte dans l’assiette de l’Exit Tax.

Cependant, nonobstant le fait que la cession est réputée avoir lieu un jour avant la date d’expatriation, l’expatrié couvert devrait pouvoir bénéficier de l’exonération partielle de plus-values réalisées lors de la cession de sa résidence principale.

De plus, la plus-value immobilière imposable est égale à la différence de valeur du bien immobilier entre le jour avant la date d’expatriation et  son acquisition. En cas de cession ultérieure, l’expatrié couvert ne sera imposable que sur la plus-value égale à la différence de valeur du bien le jour avant l’expatriation et le prix de cession.

REGLES SPECIALES APPLICABLES A CERTAINS PRODUITS

Ainsi, des règles spéciales s’appliquent à certains produits à rémunération différée, aux intérêts des trusts dites « no-grantor trust » et certains comptes à imposition différée.

Règles spéciales pour les produits à rémunération différée

Les produits à rémunération différée visent notamment les droits de retraite et les options d’achats d’action, dans lesquels le débiteur ou l’établissement payeur est une personne américaine ou non qui décide de prélever, sous son entière responsabilité, une retenue à la source, à la condition bien évidemment que l’expatrié couvert l’ait au préalable informé de son statut particulier.

Dans cette hypothèse, aucune plus-value n’est imposée le jour avant le départ de l’expatrié, si et seulement si, l’expatrié couvert renonce à se voir appliquer les dispositions avantageuses des conventions fiscales internationales signées par les Etats-Unis, qui en règle générale, réduisent, voire même parfois, suppriment, les prélèvements à la source.

Bien évidemment, s’il ne s’agit pas d’un produit à rémunération différée, la plus-value constatée un jour avant l’expatriation, sera incluse dans la base d’imposition de l’expatrié couvert et imposée à l’impôt sur le revenu.

Cependant, ces règles ne s’appliquent pas aux produits de rémunération différée lorsque l’établissement payeur est établi à l’extérieur des Etats-Unis et que l’expatrié couvert n’était pas un citoyen ou un résident des Etats-Unis.

Règles spéciales pour les  comptes à imposition différée

Comme exposé ci-dessus, l’Exit Tax ne s’applique pas aux comptes à imposition différée qui visent notamment, les régimes d’études admissibles, les plans de retrait individuel, les plans d’économies de santé, les comptes d’épargne médical dit « Archer ».

Cependant, si un expatrié couvert reçoit des intérêts de ces comptes à imposition différée avant sa délocalisation, il sera considéré que l’expatrié a reçu la totalité de ses intérêts.

De plus, cette distribution sera constatée le jour avant son expatriation et sera imposée à l’impôt sur le revenu.

Règles spéciales pour les intérêts dans des trusts dits « non-grantor trust »

Ainsi, l’impôt sur la valeur du marché ne s’applique également pas aux intérêts des non-grantor trust. Le terme « non-grantor trust » vise les trusts dans lesquels l’expatrié couvert n’est pas considéré comme le propriétaire du trust et dans lequel le cédant recherche des avantages fiscaux dans l’imposition américaine des revenus qu’il reçoit.

Des règles spéciales s’appliquent si l’expatrié couvert est le bénéficiaire d’un « non-grantor trust », un jour avant la date de son expatriation. Ainsi, en cas de distribution directe ou indirecte d’actifs d’un non-grantor trust à un expatrié couvert, les revenus font l’objet d’une retenue à la source dont le taux est fixé à 30 %.  La somme réputée distribuée est évaluée au jour de la distribution selon la valeur du marché.

Le montant des distributions soumis à la retenue à la source correspond à celui qui aurait été compris dans le revenu brut imposable de l’expatrié traité comme un citoyen ou résident américain. De plus, l’expatrié couvert ne peut se prévaloir du bénéfice d’une convention fiscale internationale signée avec les Etats-Unis.

Cependant, le « Heroes Act » ne se contente pas d’instaurer un Exit Tax. En effet, le gouvernement américain a également instauré un nouvel impôt de transfert levé sur les citoyens et les résidents des Etats-Unis qui reçoivent un don ou un héritage de biens transmis par des expatriés couverts.

TRAITEMENTS DES DONS ET LEGS D’UN EXPATRIE COUVERT

Ainsi, le nouvel article 2801 du Code impose un nouvel impôt de transfert à un citoyen ou à un résident des États-Unis qui reçoit un bien en don ou en héritage, après le 17 juin 2008, d’un expatrié visé par les dispositions de l’Exit Tax.

Un citoyen ou un résident des États-Unis qui reçoit un bien, directement ou indirectement, sous forme de don ou d’une succession d’un expatrié visé, après la date de son expatriation, doit payer l’impôt sur la valeur du don ou du legs au plus élevé des deux taux suivants :

• – le taux le plus élevé des droits successoraux américains en vigueur (45 % pour 2008-2009)

• – ou le taux le plus élevé en vigueur à la date de réception du bien.

L’impôt s’applique également au bénéficiaire d’un trust américain ; il impose un trust étranger au moment où il distribue du revenu ou du capital à un citoyen ou à un résident américain.

Cependant, l’Exit Tax s’applique seulement sur l’excédent de la valeur du don ou de la succession sur le montant de 12 000 $ (pour l’année 208). De surcroît,  l’Exit Tax est diminué de tout impôt sur les dons ou droit successoral payé à un pays étranger.

Le nouvel impôt de transfert ne s’applique pas à :

• 1. Un bien déclaré comme un don imposable dans une déclaration de l’impôt sur les dons produite à temps aux États-Unis pour l’expatrié couvert;

• 2. Un bien compris dans le patrimoine brut de l’expatrié couvert tel qu’il figure dans une déclaration de droits successoraux produite à temps aux États-Unis ;

• 3. Un bien pour lequel une déduction pour dons de bienfaisance ou une déduction pour conjoint aux fins des droits successoraux ou de l’impôt sur les dons des États-Unis serait permise si le cédant était une personne des États-Unis.

CONCLUSION

Ainsi, force est de constater que les dispositions de l’article 877 A du IRC, instituant un nouvel Impôt Fédéral,  Exit Tax ou impôt sur la valeur du marché, font subir au citoyen ou au résident américain  désireux de quitter le territoire des Etats-Unis, une véritable entrave. Le fait générateur de cet impôt  étant déterminé un jour avant la date d’expatriation et pas par la cession effective de l’ensemble des biens de l’expatrié couvert.

De surcroît, la possibilité de différer le paiement de l’Exit Tax, pour une totalité ou partie des actifs réputés cédés, est sous la condition que l’expatrié fournisse des garanties personnelles et adéquates à l’IRS, l’administration fiscale américaine. Les conséquences financières de ces garanties sont, en général très coûteuses et l’expatrié ne pourra garder la jouissance de son patrimoine s’il l’affecte en garantie. Et même si certains expatriés peuvent porter en garantie des titres ou actions, cette possibilité n’est pas ouverte à tous les expatriés, mais surtout n’oublions pas que la valeur des actifs est ajusté en fonction de la valeur du marché. A l’heure actuelle il pourra donc être plus difficile,  vu le cours de la bourse, d’affecter des actions de société quottée.

Il apparaît donc très nettement que ces modalités n’atténuent pas le caractère pénalisant de l’Exit Tax américain et qu’elles peuvent même être considérées, à certains égards, comme sanctionnant un peu plus les citoyens et résidents des Etats-Unis qui décident de se délocaliser. Ainsi, il s’agit d’une « restriction typique à la sortie »[8], matérialisée par l’imposition des plus-values qui ne le serait pas si l’ « expatrié couvert » ne quittait pas les Etats-Unis.

Cependant, contrairement au régime antérieur, les expatriés couverts pourront séjourner aux Etats-Unis sans se préoccuper de la règle de limitation  de 30 jours annuelle. De plus, ils peuvent continuer à acheter des titres et actions américaines, sans que la plus-value future soit soumise à taxation américaine.

Si on prend en compte le contexte économique actuel, il peut être intéressant pour un citoyen ou résident américain de déclencher toute sa plus-value latente cette année, vu la valeur du marché actuel. Mais de surcroît, il est fort possible que les taux de plus-values augmentent dans l’avenir, tout comme les droits de succession. Par voie de conséquence, la délocalisation d’un expatrié couvert peu avoir un coût fiscal moindre en cas de départ cette année.

En conclusion, comme l’expatriation peut maintenant donner lieu à des impôts sur le revenu fédéraux américains immédiats et qui peuvent être importants, pour un particulier ayant un patrimoine conséquent,  une personne qui risque de devenir un expatrié couvert devrait consulter un fiscaliste américain avant de renoncer à sa résidence ou d’abandonner sa carte verte. Les règles relatives à l’Exit Tax doivent donc désormais être prises en compte dans la planification de délocalisation, et notamment dans la planification successorale des expatriés couverts ayant des attaches avec les Etats-Unis.

Carine SEZIONALE

CABINET FONTANEAU

Master 2 Stratégie Fiscale de l’Entreprise

[1] Conseil d’Etat, 14 décembre 2001, req. n°211341, M. LASTERIE DU SAILLANT

[2] CJCE 11 mars 2004 aff. 9/02, 5e ch., de Lasteyrie du Saillant

[3] CJCE, 11 mars 2004, aff. C-9/02, précit., point 69

[4] Conseil d’Etat 10 novembre 2004 n°211341, 9e et 10e s.-s., de Lasteyrie du Saillant

[5] CJCE 17 septembre 2006, aff. 470/04, 2e ch.,N

[6] concl . J.Micho BDCF 5/04 n°69

[7] cf. CJCE 13 décembre 2005 aff. 446/03, Marks & Spencer

[8] Selon l’expression de l’Avocat Général MISCHO

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