COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPEEN RELATIVE AUX TAUX DE TVA AUTRES QUE LE TAUX DE TVA NORMAL [1]


Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 153

(Année 2008)


1. INTRODUCTION

La structure actuelle des taux de TVA a été adoptée par le Conseil en 1992 dans le cadre d’un ensemble de mesures jugées nécessaires en vue de l’abolition des contrôles aux frontières et de la création du marché intérieur. Conformément à ce système, les États membres sont tenus d’appliquer un taux normal unique de 15 % au minimum. Ils peuvent en outre prévoir jusqu’à deux taux réduits, fixés à 5 % au minimum, qu’ils appliquent à leur discrétion aux catégories de biens et services figurant à l’annexe III de la directive 2006/112/CE du Conseil («la directive TVA»). À cet égard, les États membres restent libres d’utiliser un taux réduit pour l’ensemble d’une catégorie ou d’en limiter l’application à une partie seulement (même minime). Cette structure de base, qui s’applique à tous les États membres, est compliquée par un nombre considérable de dérogations temporaires octroyées aux différents États membres.

En 2003, la Commission a présenté une proposition relative à la révision des taux de TVA réduits[2], qui a débouché sur l’adoption de la directive 2006/18/CE du Conseil du 14 février 2006. Cette directive prévoit une troisième prolongation, jusqu’à la fin 2010, de l’expérience des taux réduits pour les services à forte intensité de main-d’œuvre, ainsi que la possibilité d’appliquer un taux réduit au chauffage urbain selon la même procédure que celle en vigueur pour le gaz naturel et l’électricité. Il n’a pas été possible de parvenir à un accord plus large sur le champ d’application et le niveau des taux réduits. Aucun accord n’a notamment pu être trouvé sur la rationalisation de la structure des taux réduits ou sur l’application d’un taux réduit à l’ensemble du secteur du logement ou à la restauration, comme la Commission l’a proposé à l’époque.

La directive 2006/18/CE du Conseil invite toutefois la Commission à soumettre au Parlement européen et au Conseil, pour la fin juin 2007, un rapport d’évaluation générale sur l’incidence des taux réduits. Ce rapport doit se fonder sur une étude menée par un groupe de réflexion économique indépendant et couvrir certains services fournis localement, y compris les services de restauration, notamment en termes de création d’emplois, de croissance économique et de bon fonctionnement du marché intérieur.

L’étude porte principalement sur l’incidence des taux de TVA réduits et des dérogations, non seulement sur les services fournis localement, mais aussi de manière plus générale. L’incidence sur la distribution des revenus, l’économie informelle et les coûts liés à la mise en œuvre de la réglementation pour les entreprises a également été prise en considération.

La présente communication expose les principaux enseignements de l’étude susmentionnée, fournit une base de discussion et propose des pistes d’action en matière de taux de TVA réduits. La Commission considère que l’étude constitue une base solide en vue de ce travail. Les pistes évoquées ci-après prennent comme point de départ les résultats de l’étude, tout en tenant compte de la complexité de la situation actuelle et des sensibilités politiques. Il est toutefois évident que la nécessité de simplifier et de rationaliser le champ d’application et le niveau des taux réduits constitue également un des principes qui sous-tendent la réflexion. L’objectif de la Commission est d’assurer l’égalité de traitement entre les États membres ainsi qu’une transparence et une cohérence accrues et, surtout, le bon fonctionnement du marché intérieur, par exemple en réduisant les entraves aux activités économiques transfrontalières et en diminuant les coûts liés à la mise en œuvre de la législation en matière de TVA. Qui plus est, les orientations et priorités stratégiques de la Communauté convenues d’un commun accord, comme celles liées à la stratégie de Lisbonne, jouent également un rôle important. Enfin, il est bien entendu nécessaire de respecter pleinement le principe de subsidiarité sur une question aussi sensible, qui touche à la souveraineté fiscale des États membres.

2. PRINCIPALES CONCLUSIONS DE L’ETUDE SUR L’INCIDENCE DES TAUX REDUITS

Le document de travail des services de la Commission intitulé «Principales conclusions de l’étude relative aux taux de TVA réduits appliqués aux biens et services dans les États membres de l’Union européenne»[3] présente plus en détail le résumé des résultats de l’étude. L’annexe de ce document de travail contient l’intégralité de la synthèse rédigée par Copenhagen Economics. Les points exposés ci-après concernent les principaux résultats de l’étude, en particulier ceux qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur les politiques menées.

– L’étude souligne qu’un taux de TVA unique est de loin la meilleure option d’un point de vue strictement économique. Une évolution vers des taux plus uniformes présente donc des avantages considérables. Tout d’abord, une structure de taux moins compliquée permettrait aux entreprises et aux autorités fiscales de réaliser des économies substantielles sur les coûts liés à la mise en œuvre de la réglementation. Ensuite, elle pourrait réduire les distorsions entravant le fonctionnement du marché intérieur. Enfin, elle devrait permettre d’améliorer quelque peu le «pouvoir d’achat des consommateurs» par rapport à la situation actuelle.

– Néanmoins, le recours à des taux réduits peut se révéler bénéfique pour certains secteurs bien ciblés. Des taux de TVA faibles peuvent accroître la productivité générale, et donc le PIB, ainsi que les recettes fiscales d’un État membre s’ils incitent les consommateurs à passer moins de temps aux tâches ménagères et au bricolage et à en consacrer davantage à leur activité professionnelle habituelle. Ce changement de comportement entraînerait un transfert des activités réalisées par les ménages vers l’économie officielle. Les services fournis localement (et la restauration) sont des secteurs dans lesquels les ménages ont la possibilité de réaliser un grand nombre de tâches eux-mêmes et où ce transfert pourrait donc avoir lieu. L’opportunité de taux réduits pour les services fournis localement concerne tout particulièrement les États membres dans lesquels l’imposition marginale des revenus et les taux de TVA sont relativement élevés, et les sous-secteurs des services fournis localement dans lesquels le besoin d’une formation en bonne et due forme ou d’outillage spécialisé est limité. Cet argument relatif à la productivité vaut également, mais dans une moindre mesure, si des taux de TVA faibles amènent les consommateurs à dépenser moins d’argent dans l’économie «souterraine». Enfin, il apparaît que l’application de taux de TVA différents aux services fournis localement ne pose pas de problème au niveau du fonctionnement du marché intérieur. En ce qui concerne les services fournis par les restaurants et les hôtels, la situation est moins tranchée. En effet, si ceux-ci s’adressent pour l’essentiel à la consommation intérieure, ils peuvent également avoir une influence sur la distribution du tourisme entre États membres et un effet non négligeable dans les régions frontalières.

– Si l’application de taux de TVA réduits dans les secteurs employant un grand nombre de travailleurs non qualifiés, comme les services fournis localement, financés par exemple par une augmentation des taux de TVA dans d’autres secteurs, permet des gains permanents pour l’emploi, l’effet positif global sera vraisemblablement très limité. Les gains nets s’expliquent par l’augmentation probable de la demande de travailleurs non qualifiés, lesquels, en raison de rigidités du marché du travail, ont davantage de difficultés à trouver un emploi que les travailleurs qualifiés. Néanmoins, ces gains sont très limités car les secteurs ciblés ne représentent qu’une petite partie de la totalité de l’emploi non qualifié. Par conséquent, la création d’emplois non qualifiés dans ces entreprises de taille modeste est presque entièrement neutralisée par les pertes d’emplois liées à l’augmentation du taux de TVA dans d’autres secteurs.

– Pour justifier des taux réduits, outre les arguments d’efficacité évoqués plus haut, la nécessité d’une plus grande équité est généralement avancée. À cet égard, l’étude arrive à la conclusion que les taux de TVA réduits ont un effet réel en termes d’amélioration de la distribution des revenus dans un État membre uniquement lorsque la part des dépenses de consommation consacrées aux biens/services soumis à un taux réduit (par rapport aux dépenses de consommation totales) est stable dans le temps et diffère suffisamment entre les groupes à faibles revenus et à revenus élevés. Ces écarts sont les plus marqués dans le secteur de l’alimentation. On notera cependant qu’il existe des différences relativement importantes entre les pays. Les taux réduits auront moins d’efficacité dans les pays où les inégalités de revenus sont faibles. Par ailleurs, dans certains cas, il se peut que différents objectifs soient en contradiction (si, par exemple, l’objectif d’un taux réduit est de promouvoir l’achat de certains biens, il est possible que les groupes à revenus élevés en profitent davantage, ce qui est contraire à l’objectif d’égalisation des revenus).

– L’étude souligne également avec instance que des taux de TVA réduits entraînent pour les entreprises et les autorités fiscales des coûts élevés liés à la mise en œuvre de la réglementation, notamment en raison de la nécessaire interprétation des cas limites, qui demande souvent la mobilisation de moyens financiers et ressources considérables.

– D’autres moyens d’action, comme les subventions directes en faveur de certaines activités, permettent, à moindre coût, de parvenir pour l’essentiel aux mêmes résultats que les taux de TVA réduits. Ces régimes de subvention permettent de mieux cibler les mesures, peuvent être conçus pour éviter les retombées négatives à l’échelle de l’Union européenne et, d’une manière générale, garantissent davantage de transparence. Ils peuvent également permettre de limiter les coûts liés à la mise en œuvre de la réglementation et les pertes budgétaires. En revanche, les subventions directes peuvent se révéler moins sûres que les taux de TVA réduits en tant que solution permanente pour les entreprises concernées.

– L’étude recommande que les États membres envisagent avec soin l’ensemble des options disponibles lorsqu’ils souhaitent promouvoir la consommation de biens ou de services déterminés. En effet, d’autres outils se révèlent souvent plus efficaces et moins coûteux pour les finances publiques que les taux de TVA réduits, ce dont il convient de tenir compte au cours du processus décisionnel.

La Commission voit dans ces résultats la confirmation que l’application de taux réduits aux services fournis localement peut se révéler utile, à condition toutefois que ces mesures soit extrêmement bien ciblées et que le marché concerné réponde à certains critères spécifiques. Il convient néanmoins de souligner que les effets sur l’emploi restent limités. En ce qui concerne les services de restauration, si l’étude appelle à la prudence en raison des effets transfrontaliers que pourrait entraîner un taux réduit, étant donné que les services considérés s’intègrent parfois dans le secteur plus large du tourisme, lequel est ouvert à la concurrence entre États membres, elle indique également qu’un taux réduit peut être relativement efficace.

3. REFLEXION SUR LA VOIE A SUIVRE

L’étude offre une évaluation économique solide et très détaillée permettant d’apprécier l’opportunité de taux de TVA réduits dans certains cas particuliers. La Commission reste convaincue que le recours à un taux unique applicable à l’ensemble des biens et services serait une solution idéale du point de vue économique, même si elle reconnaît que des considérations stratégiques rendent impossible une approche uniforme de ce type. Elle observe d’ailleurs que même le Danemark, qui a opté pour le principe d’un taux unique, prévoit des exceptions à la règle.

C’est pourquoi la Commission présente ci-après la manière d’appliquer concrètement les résultats de l’étude et d’en tirer des conclusions opérationnelles exploitables dans le cadre du débat politique à venir. Dans ce contexte, elle sollicite l’avis du Conseil, du Parlement européen et des autres parties intéressées quant à une possible action législative dans ce domaine. L’objectif est de favoriser un débat de fond sur la question entre l’ensemble des parties prenantes, afin que l’on puisse déterminer une voie à suivre acceptable pour tous les États membres et franchir un pas de plus dans la mise en place du marché intérieur.

3.1. Généralités

Même si, s’écartant du taux normal, les taux réduits semblent créer des distorsions sur le plan économique et peuvent porter atteinte à la neutralité fiscale, ils sont en réalité appliqués dans tous les États membres, à une exception près. Par ailleurs, les raisons pour lesquelles les États membres ont choisi la voie de la différenciation des taux sont nombreuses et variées. Il convient de reconnaître que la législation communautaire dans son état actuel n’est pas fondée sur une approche bien structurée ou logique, mais qu’elle reflète plutôt simplement la situation qui existait dans les États membres au début des années quatre-vingt-dix. Avant d’ouvrir le débat sur la révision des taux réduits, il est logique de donner à chaque État membre la possibilité de réévaluer la pertinence de son propre raisonnement à la lumière des conclusions de l’étude, tout en tenant compte de ses objectifs et des politiques de la Communauté, comme la stratégie de Lisbonne. D’un point de vue communautaire, les principaux paramètres à prendre en considération pour la suite de la réflexion et du débat politiques sont les suivants:

– la contribution à la stratégie de Lisbonne en faveur de la croissance, de l’emploi et de la compétitivité;

– les impératifs liés au marché intérieur;

– le degré de flexibilité qui peut être offert aux États membres en matière de fixation des taux réduits au titre du principe de subsidiarité.

3.2. Subsidiarité

La TVA est une taxe harmonisée qui frappe les livraisons de biens et les prestations de services, dont la libre circulation est l’une des caractéristiques d’un véritable marché intérieur. Néanmoins, la TVA n’a jamais été une taxe entièrement harmonisée, les États membres disposant d’une marge de manœuvre et pouvant bénéficier de dérogations dans divers domaines, parmi lesquels figure la fixation des taux. L’accord intervenu en 1992 sur le degré actuel d’harmonisation était fondé sur deux grandes considérations: d’une part, les conditions nécessaires pour éviter des distorsions de concurrence une fois le marché intérieur mis en place (voir point suivant) et, d’autre part, le degré d’harmonisation plus important requis en vue du système de TVA dit «définitif» fondé sur l’imposition au lieu d’origine. Cet objectif aurait demandé une harmonisation des taux de TVA bien plus importante que ce qui s’est révélé faisable à l’époque ou ultérieurement. Par conséquent, les progrès réalisés sur la voie d’un système «définitif» ont été limités, voire inexistants, malgré les propositions de la Commission en la matière, et il est peu probable que cet objectif puisse être atteint à brève échéance, ou même à moyen terme. La Commission a donc entre-temps adopté en matière de TVA une stratégie caractérisée par d’autres priorités. L’une d’entre elles consiste à neutraliser l’incidence économique potentielle liée aux écarts de taux entre les États membres en prévoyant, si nécessaire, que le lieu de prestation des services soit situé dans l’État membre de consommation, ce qui permet d’assurer la taxation au lieu de consommation. Dans ce contexte, il n’est plus impératif de parvenir exactement au degré d’harmonisation qui était nécessaire en 1992. Il y a, néanmoins, certaines limites à la flexibilité qui peut être offerte en vertu du principe de subsidiarité, étant donné qu’il subsiste, en ce qui concerne les biens et services échangés au niveau international, des risques de distorsions ou de coûts démesurés liés à la mise en œuvre de la réglementation.

L’étude confirme le point de vue défendu par la Commission lors des discussions menées précédemment au Conseil sur cette question[4], à savoir notamment qu’il existe une certaine marge de manœuvre pour donner plus d’autonomie aux États membres dans la fixation des taux réduits en ce qui concerne les services locaux qui ne peuvent être fournis à distance. En revanche, les possibilités d’une autonomie accrue sont limitées en ce qui concerne les biens et services pouvant être fournis à distance, étant donné que le risque d’une concurrence faussée en raison des écarts de taux de TVA n’est pas négligeable.

En conclusion, il est possible d’accorder davantage de flexibilité aux États membres, mais celle-ci doit tenir compte de la nécessité de maintenir le bon fonctionnement du marché intérieur et d’éviter des coûts disproportionnés pour les entreprises pratiquant des échanges commerciaux intracommunautaires.

3.3. Impératifs liés au marché intérieur

Le marché intérieur nécessite que les biens et services puissent être échangés au sein de l’Union sans que cela n’entraîne de distorsions de concurrence ou de coûts susceptibles de créer des problèmes d’accès au marché (voir point suivant). Une distorsion peut se produire au niveau des entreprises ou au niveau des États. Les sociétés font face à une distorsion de concurrence lorsque le taux applicable affecte leurs capacités de vendre leurs produits sur le marché ou aux citoyens d’un autre État membre. Ces distorsions sont susceptibles de se produire en raison du droit qu’ont les consommateurs, au sein du marché intérieur, d’effectuer des achats dans les autres États membres aux conditions locales ou de se procurer des biens et services par un système de vente à distance. Seuls les services dits locaux n’ont guère ou pas d’incidence transfrontalière. Selon l’étude, les services de restauration et d’hôtellerie constituent un cas limite en ce qui concerne les effets transfrontaliers. Par ailleurs, les taux de la TVA grevant les intrants peuvent également influencer le coût auquel les entreprises peuvent offrir leurs produits lorsque celles-ci ne peuvent déduire entièrement la TVA en amont ou lorsqu’elles ne sont pas soumises à la taxe. De la même manière, les États membres eux-mêmes peuvent voir leur capacité fiscale amoindrie lorsque leurs citoyens décident d’effectuer des achats transfrontaliers pour pouvoir bénéficier d’un niveau de taxation plus faible. Néanmoins certains écarts de taux sont tolérables et le Conseil a jusqu’ici accepté des différences de taux à la fois pour le taux de TVA normal et les taux réduits, sous réserve du respect de certains niveaux minimaux et de l’application de divers régimes fiscaux spéciaux, comme celui régissant actuellement les ventes à distance.

Il s’ensuit que la législation communautaire ne peut exposer les États membres et/ou les entreprises à des distorsions de concurrence en ne prévoyant aucun encadrement des taux réduits. En effet, même si l’application de taux réduits relève du choix des États membres (ce qui pourrait donc entraîner de forts écarts de taux et, partant, des distorsions considérables), on notera toutefois que, dans les faits, pour les principales catégories de biens pouvant faire l’objet d’un taux réduit (alimentation, médicaments, livres et journaux), une large majorité des États membres appliquent un tel taux. Les États membres et la Commission devront donc examiner les biens et services pour lesquels la possibilité d’un taux réduit est proposée, afin de déterminer les distorsions qu’entraînerait l’application, facultative, d’un tel taux à ces produits et services et de décider si ces distorsions sont acceptables, en particulier pour les entreprises opérant dans les secteurs concernés. Cette analyse doit se fonder non seulement sur une évaluation économique, mais aussi sur une appréciation politique, les distorsions éventuelles devant également être examinées au regard du consensus politique dont elles pourraient faire l’objet.

Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que des distorsions peuvent également apparaître entre produits similaires. Il importe donc de définir les catégories pouvant faire l’objet d’un taux réduit d’une manière cohérente, sur la base de (sous-)secteurs d’activités clairement délimités (par exemple, dans le secteur alimentaire, les catégories doivent être définies de manière à ce que l’on ne puisse éviter des distinctions subtiles entre les différents produits). Il est nécessaire que ces catégories soient bien définies, afin d’éviter des distorsions entre les différents produits et des divergences dans l’application des taux, même au niveau national.

En conclusion, si tout écart de taux est susceptible d’entraîner des distorsions économiques, toute distorsion n’est pas forcément incompatible avec le marché intérieur. Il convient d’analyser la situation au cas par cas, étant entendu que de toute évidence les produits échangés au niveau local posent moins de problèmes.

3.4. Coûts liés à la mise en œuvre de la réglementation pour les entreprises

La question des coûts entraînés par la différenciation des taux est importante. Une étude réalisée par l’administration fiscale suédoise au sujet des coûts liés à la mise en œuvre de la réglementation en matière de TVA en Suède[5] indique qu’il existe un lien clair entre les coûts afférents à la gestion de la TVA dans les entreprises et le nombre de taux de TVA applicables. Le coût par entreprise augmente lorsque l’on passe non seulement de un à deux taux de TVA, mais aussi de deux à trois ou plus[6].

Les coûts liés à la mise en œuvre de la réglementation sont proportionnels au degré de non-harmonisation des règles: plus le nombre de règles appliquées au sein de l’Union est important, plus les entreprises devront dépenser d’argent pour se conformer aux règlementations des différents États membres. C’est pourquoi la stratégie de Lisbonne, qui vise la croissance, la création d’emplois et le renforcement de la compétitivité de l’économie européenne, insiste sur la nécessité d’un véritable marché intérieur et d’une simplification des règles. Le fait pour les entreprises d’être soumises à des taux de TVA variables selon les États membres a bien entendu un coût, lequel devient particulièrement lourd lorsque ces variations de taux ne concernent pas seulement quelques biens et services, mais de centaines, voire des milliers, d’entre eux, et que chacun de ces taux a un champ d’application différent. Davantage de transparence permettrait des réduire ces coûts pour les entreprises, conformément à la stratégie de Lisbonne et à la communication concernant un programme d’action pour la réduction des charges administratives dans l’Union européenne[7], auquel les États membres ont apporté un soutien sans réserve.

Concrètement, les entreprises doivent savoir si un taux réduit s’applique dans un cas particulier et, si oui, quel en est le niveau, ce qui peut se révéler difficile à gérer, surtout lorsque la TVA est due dans un État membre où l’entreprise concernée n’est pas établie, et constituer un frein au démarrage d’activités dans les autres États membres. La Commission a reçu des informations à ce sujet, desquelles il ressort clairement que les sociétés renoncent à exercer des activités commerciales dans d’autres États membres pour cette raison, ou simplement parce qu’elles redoutent les coûteuses conséquences d’une mauvaise application des taux, même de bonne foi. En fin de compte, réduire ces coûts de mise en œuvre pourrait également renforcer l’effet positif sur le pouvoir d’achat des consommateurs.

Une entreprise vendant les mêmes produits dans les 27 États membres devra consacrer des ressources à un examen approfondi du niveau des taux, en sus des coûts administratifs afférents aux formalités en matière de TVA dans les différents États membres, comme l’immatriculation à la TVA ou le dépôt de déclarations. Si la mise en place d’un guichet unique, proposée par la Commission, pour remédier à ce dernier problème a reçu un accueil favorable dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, elle n’a pas encore été adoptée par le Conseil. De plus, même au niveau national, les cas limites donnent lieu à de nombreux problèmes d’interprétation quant au taux à appliquer, ce qui entraîne, pour les entreprises concernées, des coûts et des risques et, pour les administrations fiscales, des frais liés à la gestion et au contrôle de l’application des taux réduits. La Commission estime qu’il convient de prendre dûment ces aspects en considération lors de la discussion sur les taux réduits.

En conclusion, il importe que la flexibilité possible en matière d’extension du champ d’application des taux réduits soit contrebalancée par des mesures garantissant transparence et simplification en vue d’une réduction des coûts liés à la mise en œuvre de la réglementation.

4. INVITATION AU DEBAT POLITIQUE

4.1. Équilibre entre flexibilité, impératifs liés au marché intérieur et simplification

De nombreuses considérations économiques plaident pour une structure de taux uniforme (un seul taux par État membre). Néanmoins, l’étude concède que, dans certains secteurs très précis, il existe également des arguments économiques réels en faveur de taux de TVA réduits. Compte tenu de la situation actuelle dans les États membres et de la réalité politique, il apparaît impossible d’abolir les taux réduits, même si l’étude indique que ces taux ne constituent pas la meilleure manière de régler les problèmes liés à l’éventuel caractère régressif de la TVA. Il s’agit donc avant tout de trouver un juste équilibre entre les impératifs politiques et économiques.

4.2. Structure des taux

La structure actuelle des taux de TVA ne répond à aucune logique claire, et elle n’est certainement pas efficace du point de vue du marché intérieur et de la compétitivité générale des entreprises européennes. Elle n’est ni plus ni moins que le résultat de négociations politiques passées.

Se fondant sur les résultats de l’étude, la Commission estime qu’une nouvelle architecture des taux de TVA réduits dans la Communauté présenterait certains avantages. Pareille approche devrait prendre en considération les objectifs suivants:

–  la nécessité d’assurer l’égalité de traitement entre tous les États membres, ce qui implique la fin des dérogations accordées en fonction du pays;

– la reconnaissance de la forte volonté politique dans la plupart des États membres d’appliquer des taux très réduits, voire nuls, en particulier à des fins sociales[8];

– la reconnaissance des difficultés (économiques et budgétaires) accrues pour les États membres à faire passer des produits d’une catégorie de taux à une autre, en raison de l’écart parfois très important (dans la plupart des cas supérieur à 10 points, parfois même 15) entre le taux normal et le taux réduit;

– la nécessité d’établir une logique claire en ce qui concerne les fins auxquelles un taux réduit doit être utilisé;

– la nécessité de contrebalancer une flexibilité accrue par une réduction des coûts liés à la mise en œuvre de la réglementation.

Dans un premier temps, la Commission souhaiterait que le Parlement européen et le Conseil lui fassent savoir dans quelle mesure ils souscrivent à ces objectifs.

Une des manières, mais ce n’est certainement pas la seule, de traduire ces objectifs

dans la pratique serait la suivante:

– Prévoir un taux très bas pour les biens et services de première nécessité, comme les denrées alimentaires. Si la discussion sur le champ d’application de ce taux sera de toute évidence très difficile (convient-il par exemple d’inclure les traitements médicaux, le logement social, etc.), cette solution permettrait de limiter l’application d’un tel taux (et son coût) aux besoins de base réels des citoyens et donc de prendre en compte des considérations d’ordre exclusivement social.

– En outre, un deuxième taux pourrait être utilisé pour des biens et services qui ne constituent pas des besoins de base, mais dont on estime qu’ils méritent un traitement préférentiel pour d’autres raisons (par exemple dans le domaine de la culture et de l’éducation, des transports publics, de l’emploi, de l’énergie et de l’environnement, etc.) Bien entendu, il importe qu’un tel système reste facultatif afin de préserver les choix politiques des États membres et de maintenir la possibilité d’appliquer des structures de taux plus simples et plus efficaces. Cependant, comme indiqué précédemment, la plupart des États membres appliquent déjà, outre le taux normal, deux taux réduits.

– Afin de limiter le coût d’une structure à trois taux à la fois pour les administrations fiscales et pour les entreprises, il est nécessaire que les catégories de biens et services pouvant faire l’objet des différents taux réduits soient clairement définies, pour éviter les cas limites difficiles. En outre, il conviendrait que les États membres ne puissent appliquer un taux réduit qu’à l’ensemble d’une catégorie et non à une partie seulement. Néanmoins, afin de permettre un niveau élevé de flexibilité, il y a lieu de prévoir un nombre de catégories plus important qu’aujourd’hui, mais dont le contenu serait davantage harmonisé.

Il est nécessaire de mener une réflexion plus approfondie sur l’étendue des catégories à inclure ainsi que sur les objectifs qui les sous-tendent. Faut-il par exemple strictement limiter l’application du deuxième taux? Convient-il de l’appliquer à l’ensemble du secteur du logement (par exemple dans le cadre de la lutte contre la fraude), aux services de restauration, aux vêtements pour enfants ou aux langes pour bébés, par exemple? Quoi qu’il en soit, le premier taux devrait être relativement bas, par exemple de l’ordre de 0 à 5 %. Le taux réduit «intermédiaire» pourrait, quant à lui, être plus élevé et se situer entre, par exemple, 10 et 15 %. Aux fins de la définition du niveau des taux, on pourrait soit prévoir deux fourchettes, soit deux taux minimaux.

Il convient d’ajouter que la différenciation des taux dans certaines catégories de biens/services, comme les livres, semble avoir des implications très directes sur le marché intérieur. Le cas des services de restauration et d’hôtellerie n’est pas aussi tranché, étant donné que ces implications ne concernent que le secteur touristique ou les régions frontalières. Il s’agit donc de savoir si, dans ces cas, un système de taux réduits facultatif est acceptable ou s’il convient de le rendre obligatoire pour éviter toute distorsion de concurrence.

Une autre question qu’il convient d’examiner concerne l’efficacité de l’utilisation des taux de TVA réduits pour la promotion de certains biens/services. L’utilisation de la TVA pour favoriser l’adoption de comportements particuliers est par exemple envisagée à l’heure actuelle en ce qui concerne les matériaux permettant d’économiser l’énergie, les produits à haut rendement énergétique, les produits respectueux de l’environnement, la biomasse, les aliments sains, etc. En outre, dans certains États membres, on considère que les langes pour bébés servent des objectifs sociaux. La Commission considère qu’il est nécessaire de mener une discussion sur l’utilité de la TVA à ces fins et encourage vivement le Conseil à organiser ce débat en prenant en considération les conclusions de l’étude.

D’un point de vue purement technique, il ne faut pas perdre de vue que le niveau du taux de TVA, de par le fonctionnement-même de la taxe, ne peut avoir une influence que sur les achats des consommateurs finaux. Il n’aura jamais qu’un effet indirect, lié à l’évolution des attitudes des consommateurs, sur le comportement des entreprises  et autres opérateurs disposant du droit de déduire la TVA. En outre, la TVA ne permet pas le traitement fiscal différencié d’un produit particulier utilisé dans le cadre de la prestation d’un service: par exemple, un matériau permettant d’économiser l’énergie utilisé pour la rénovation d’un bâtiment (qui constitue une prestation de service) ne sera plus soumis à un taux spécifique. Par ailleurs, des problèmes découlent également de la nécessité de définir avec exactitude la catégorie de produits à promouvoir. Ici encore, les coûts liés à la mise en œuvre de la réglementation doivent être pris en considération et peuvent influencer le choix du moyen d’action le plus efficace. La Commission souligne toutefois à cet égard que, selon l’étude, les taux de TVA réduits ne constituent pas, en règle générale, l’outil le plus approprié.

Du point de vue politique, il s’agit de savoir si, dès lors que l’on considère ce type de mesures comme efficaces, il convient de les rendre obligatoires. On rappellera que l’étude confirme le risque accru de distorsion découlant de taux réduits facultatifs sur les biens.

Par ailleurs, il convient d’envisager la question sous l’angle de la cohérence fiscale. Y a-t-il une quelconque logique à appliquer un taux réduit au gaz naturel et à l’électricité lorsque l’on sait que celui-ci est susceptible d’accroître la consommation, alors même que l’on cherche à la réduire en promouvant les matériaux permettant d’économiser l’énergie et les produits à haut rendement énergétique, qui eux, restent actuellement soumis au taux normal? Il importe également d’examiner la question de la cohérence fiscale en ce qui concerne les taxes s’ajoutant à la TVA. Pourquoi appliquer un taux de TVA réduit à des produits qui, simultanément, sont frappés de droits d’accises spécifiques?

4.3. Maintien de la situation actuelle en attendant l’issue du débat politique

Comme on l’a vu plus haut, la Commission souhaite lancer un débat sur l’avenir des taux réduits. La présente communication et les résultats de l’étude sont destinés à servir de base aux discussions. D’ici la fin de l’année (2007), la Commission souhaiterait recevoir des institutions européennes des indications quant à la voie à suivre et aux principaux éléments à prendre en considération. Sur cette base, elle travaillera aux propositions législatives en vue de leur présentation fin 2008 ou début 2009, afin que les propositions en question puissent être adoptées par le Conseil suffisamment de temps avant que les dispositions autorisant les États membres à appliquer des taux particuliers aux services à forte intensité de main-d’œuvre n’arrivent à expiration à la fin 2010.

Dans ce contexte, la Commission souhaite rappeler que la structure de base des taux, qui s’applique à tous les États membres, est compliquée par un certain nombre de dérogations temporaires octroyées aux différents États. Il peut s’agir de dérogations portant sur le niveau du taux fixé par la réglementation (taux zéro, taux super réduits inférieurs à 5 %) ou sur les biens et services devant être soumis au taux normal (comme les taux intermédiaires, les taux dits «taux parking» fixé à un minimum de 12 %). Alors que les dérogations octroyées à l’occasion du dernier élargissement ont une durée de validité limitée[9], les dérogations antérieures restent applicables jusqu’à l’entrée en vigueur du «régime définitif» portant sur les transactions intracommunautaires. Étant donné que ce régime définitif ne sera vraisemblablement pas adopté dans un avenir proche, ces dispositions temporaires restent en vigueur jusqu’à ce qu’une nouvelle décision soit adoptée à l’unanimité par le Conseil. Pour ce qui est des États membres ayant adhéré à l’Union après le 1er janvier 1995, les dérogations temporaires accordées dans le cadre des négociations d’adhésion s’appliquent pour une durée plus limitée, dans de nombreux cas jusqu’à la fin 2007 uniquement.

Pour la Commission, il convient que les dérogations arrivant bientôt à échéance soient, à une ou deux exceptions près, prolongées jusqu’à la fin de l’année 2010, c’est-à-dire jusqu’à la fin de l’application, à titre expérimental, de taux réduits sur certains services à forte intensité de main-d’œuvre et la date d’entrée en vigueur plus que probable des nouvelles dispositions en matière de taux réduits. Il importe toutefois de ne pas prolonger les dérogations lorsque celles-ci nuisent au bon fonctionnement du marché intérieur et/ou sont en contradiction avec les autres politiques de la Communauté (par exemple les dérogations concernant les intrants agricoles ou le charbon, le coke, les carburants, le pétrole, qui sont contraires aux objectifs dans le domaine de l’énergie et de l’environnement), ou lorsque celles-ci sont déjà prévues par les dispositions générales relatives aux taux (par exemple pour le chauffage urbain). D’autre part, en ce qui concerne les secteurs de la restauration, de l’alimentation, des produits pharmaceutiques, des livres ou du logement, les dérogations peuvent être prolongées, étant donné qu’un autre traitement créerait des inégalités injustifiées entre les États membres, ce qui entraînerait des tensions inacceptables.

La Commission propose donc de prolonger la plupart des dérogations octroyées aux États membres ayant adhéré à l’Union européenne après le 1er janvier 1995.

5. CONCLUSIONS

La Commission estime qu’un nouveau cadre en matière de taux de TVA réduits doit viser à rationaliser l’utilisation de ces taux, à assurer davantage de transparence et à laisser aux États membres une certaine latitude, tout en veillant au respect du principe établi à l’article 93 du traité. Elle a présenté quelques réflexions sur la manière dont on pourrait procéder, mais reconnaît la nécessité d’un débat politique destiné à définir les orientations avant que des propositions plus détaillées puissent être élaborées.

La Commission rappelle qu’il conviendra, au cours de ce débat, de ne pas perdre de vue que toute modification du taux de TVA applicable à certains produits ou services, qu’il s’agisse d’une hausse ou d’une baisse, aura des répercussions non seulement sur le secteur concerné, mais aussi sur d’autres pans de l’économie, tout comme sur les finances publiques.

[1] Source : Commission européenne – Direction générale Taxud – COM(2007) 380 final – http://ec.europa.eu/taxation_customs.

[2] COM(2003) 397 final.

[3] [SEC (2007) 910].

[4] Notamment dans le document informel élaboré en février 2004 en ce qui concerne les possibilités d’accorder plus d’autonomie aux États membres dans la détermination des taux de TVA applicables à leurs territoires respectifs, lorsque cela n’a pas d’incidence sur le bon fonctionnement du marché intérieur.

[5] Compliance costs of value-added tax in Sweden, rapport 2006:3B, Skatteverket, http://skatteverket.se/omskatteverket/rapporter.4.584dfe11039cdb626980000.html.

[6] L’étude indique qu’un taux de TVA uniforme en Suède permettrait une réduction des coûts liés à la mise en œuvre de la réglementation de l’ordre de 500 millions SEK (soit environ 54 millions EUR).

[7] Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social Européen et au Comité des Régions – Programme d’action pour la réduction des charges administratives dans l’Union européenne. COM(2007) 23 final.

[8] Il convient néanmoins de prendre en considération le fait que, conformément à l’article 99, paragraphe 2, de la directive TVA, chaque taux réduit est fixé de telle façon que le montant de la TVA résultant de l’application de ce taux permette normalement de déduire la totalité de la taxe.

[9] Voir articles 93 à 130 de la directive TVA (directive 2006/112/CE du Conseil du 28.11.2006).

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