VERS UNE UTILISATION PLUS EFFICACE DES INCITATIONS FISCALES EN FAVEUR DE LA RECHERCHE ET DU DEVELOPPEMENT [1]


   Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 149
(Année 2007)


 

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU CONSEIL, AU PARLEMENT EUROPEEN ET AU COMITE ECONOMIQUE ET SOCIAL EUROPEEN 

{SEC(2006)1515}

INTRODUCTION

Dans le cadre de la stratégie de Lisbonne[2], les États membres se sont engagés à apporter des réformes structurelles à leurs économies. Dans ce contexte, le Conseil européen a émis le désir de voir les investissements en matière de recherche et de développement (R&D) approcher les 3 % du PIB d’ici 2010, les deux tiers devant provenir du secteur privé. Dans sa communication intitulée «Investir dans la recherche: Un plan d’action pour l’Europe»[3], la Commission souligne que si la R&D joue un rôle essentiel dans l’obtention de gains de productivité et dans la croissance économique, la société tire souvent des investissements dans ce domaine un rendement plus élevé que les entreprises qui les réalisent. Il est possible de remédier à cette défaillance du marché grâce à la combinaison de différentes mesures de soutien public destinées à promouvoir les investissements de R&D, comme les subventions, les incitations fiscales et les mécanismes de partage des risques, en tenant compte des contextes et objectifs propres à chaque État membre.

Ces dernières années, les incitations fiscales sont devenues l’un des principaux instruments utilisés par de nombreux États membres pour stimuler les activités de R&D des entreprises.

Parallèlement, l’industrie adopte le modèle d’innovation ouvert et la coopération transfrontalière se banalise, en particulier dans le secteur de la haute technologie. Néanmoins, du fait de la diversité des régimes mis en place, le paysage européen en matière de traitement fiscal de la R&D est de plus en plus complexe, ce qui entrave la collaboration transeuropéenne.

Conformément à l’engagement de l’Europe de devenir un endroit plus attractif pour la R&D des entreprises, la Commission, dans ses communications de 2005 concernant la contribution des politiques fiscale et douanière à la stratégie de Lisbonne[4] et une stratégie commune pour la recherche et l’innovation[5], a annoncé son intention de promouvoir un environnement fiscal plus cohérent et plus favorable à la R&D, tout en reconnaissant la compétence des États membres dans le domaine de la fiscalité. Elle a reconfirmé le caractère prioritaire de cette approche en matière de R&D dans sa communication intitulée «Mettre le savoir en pratique»[6].

Dans cette optique, la présente communication fournit des orientations destinées à guider les États membres dans l’amélioration de leur traitement fiscal de la R&D et à apporter aux problèmes communs des solutions cohérentes entre elles. À cet effet, il importe de :

– préciser quelles sont les règles juridiques découlant du droit communautaire applicables aux incitations fiscales des États membres en faveur de la R&D, eu égard notamment à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes concernant les libertés fondamentales et les règles relatives aux aides d’État prévues par le traité ;

– mettre en évidence les caractéristiques générales de conception des incitations et régimes fiscaux en matière de R&D, sur la base d’une analyse des bonnes pratiques réalisée par des experts ;

– présenter pour discussion un certain nombre d’initiatives envisageables destinées à aborder les questions d’intérêt commun de manière cohérente.

L’annexe du présent document fournit des orientations plus détaillées quant à la conception, à la mise en œuvre et à l’évaluation des incitations fiscales en faveur de la R&D.

1. DROIT COMMUNAUTAIRE ET INCITATIONS FISCALES EN FAVEUR DE LA R&D

La plupart des incitations fiscales offertes par les États membres en matière de R&D sont accessibles à l’ensemble des entreprises, quels que soient leur taille, secteur d’activité ou situation, et sont de ce fait considérées comme des mesures générales au regard du droit communautaire. Certaines de ces incitations s’adressent néanmoins à des types de sociétés, secteurs ou activités bien déterminés. La présente section traite des aspects juridiques de l’ensemble des incitations fiscales en matière de R&D et fournit des éléments d’orientation sur les caractéristiques que celles-ci doivent présenter pour éviter que des restrictions territoriales ne les rendent incompatibles avec le droit communautaire. Les facteurs qui permettent de considérer une incitation comme restreinte à un territoire donné peuvent être explicites ou implicites. Dans ce dernier cas, la mesure concernée comporte généralement des caractéristiques qui, de facto, reviennent à privilégier les activités de R&D nationales par rapport à celles réalisées dans le reste de l’Union européenne.

Toutes les incitations fiscales proposées par les États membres en matière de R&D doivent respecter les libertés fondamentales du traité ainsi que le principe de non-discrimination. Il convient notamment d’analyser minutieusement toute incitation fiscale prévoyant des restrictions quant au lieu d’exécution des activités de R&D (restrictions territoriales) afin d’en vérifier la compatibilité avec les articles 43 (liberté d’établissement) et 49 (libre prestation des services) du traité CE. La Commission, qui étudie actuellement la conformité de la législation des États membres à cet égard, a relevé un certain nombre de cas problématiques qui ont fait, ou font, l’objet d’une discussion avec les États membres. Les restrictions territoriales prévues par les incitations fiscales d’un État membre ont été portées devant la Cour de justice[7] (Commission/Espagne). Dans les autres cas (par exemple France, Pays-Bas, Belgique), les démarches de la Commission ont déjà amené les États membres concernés à modifier leur législation ou pratiques fiscales.

Il importe de rappeler que la présente section expose la position de la Commission sur la jurisprudence actuelle de la Cour relative aux incitations fiscales en matière de R&D. On soulignera par ailleurs que l’évaluation de la compatibilité d’une mesure d’incitation fiscale avec le droit communautaire dépend du contexte dans lequel cette mesure s’inscrit.

1.1. Compatibilité avec les libertés fondamentales

Lorsqu’elle analyse une incitation fiscale en matière de R&D, la Commission considère toute restriction territoriale, explicite ou implicite, comme incompatible avec les libertés fondamentales inscrites dans le traité CE. Par restriction explicite, on entend par exemple une disposition juridique qui limite le bénéfice d’une mesure d’incitation fiscale aux seules activités de R&D réalisées sur le territoire national. Les restrictions territoriales constituent une atteinte à la liberté d’établissement étant donné qu’elles interdisent aux entreprises de réaliser ou d’externaliser leurs activités de R&D ailleurs dans l’Union.

Les restrictions territoriales explicites étaient au cœur de l’affaire Laboratoires Fournier, portée devant la Cour de justice (C-39/04), dans laquelle la Cour a déclaré illégale le crédit d’impôt-recherche en vigueur à l’époque. Conformément au Code général des impôts français, les entreprises industrielles, commerciales ou agricoles bénéficiaient d’un crédit d’impôt exclusivement pour les dépenses de R&D réalisées en France. La Cour a jugé qu’une législation limitant le bénéfice d’un crédit d’impôt aux activités effectuées sur le territoire national constituait une violation du principe de libre prestation des services. Conformément à l’arrêt, en introduisant une discrimination quant au lieu d’établissement du fournisseur de services, la législation incriminée risquait de restreindre les activités transfrontalières et se trouvait donc en contradiction directe avec l’objectif de la politique communautaire en matière de R&D, qui consiste précisément à exploiter pleinement le potentiel du marché intérieur grâce à la levée des obstacles juridiques et fiscaux entravant la coopération entre entreprises. L’incitation fiscale française a été rapidement modifiée en vue du respect de l’arrêt.

Dans les exemples suivants, les restrictions territoriales sont implicites: (1) une incitation fiscale porte sur les coûts de R&D exposés où que ce soit dans l’Union européenne, mais est subordonnée à une acceptation de l’administration qui favorise les exécutants de R&D nationaux par rapport aux sociétés non résidentes souhaitant offrir des services dans ce domaine, par exemple lorsque cette acceptation est nécessaire uniquement pour les dépenses de R&D engagées à l’étranger ou que les formalités à accomplir sont plus lourdes pour les sociétés non résidentes; (2) une incitation fiscale porte sur les coûts des activités de R&D exécutées en sous-traitance, mais limite la part des activités pouvant être sous-traitées à des entreprises non résidentes. Néanmoins, une incitation fiscale limitant la part des activités de R&D pouvant être sous-traitées, mais ne faisant pas de distinction entres les sous-contractants résidents et non résidents serait acceptable.

La Cour a reconnu le principe selon lequel des restrictions du champ d’application d’une mesure d’incitation fiscale peuvent, sous certaines conditions, se justifier, soit en raison de dérogations expressément prévues par le traité[8], soit pour d’autres motifs considérés par la Cour comme raisons impérieuses d’intérêt général. La Cour n’accepte toutefois ces restrictions que lorsqu’elle peut établir avec certitude que les objectifs recherchés ne peuvent être atteints par des mesures moins restrictives (principe de proportionnalité). Par le passé, les États membres ont cherché à défendre leurs restrictions territoriales devant la Cour de justice en invoquant plusieurs arguments, exposés ci-après.

a) Contrôle fiscal

Les États membres ont fait valoir que la nécessité d’un contrôle fiscal effectif constituait une raison impérieuse d’intérêt général et justifiait donc les restrictions territoriales. La Cour de justice estime qu’un État membre est fondé à appliquer des mesures lui permettant de déterminer avec clarté et précision le montant des coûts déductibles en tant que dépenses de recherche (Baxter[9], Fournier). Il peut également exiger qu’un contribuable non résident prouve de manière claire et précise que les pertes qu’il prétend avoir enregistrées correspondent aux pertes réellement subies, calculées selon les règles nationales en matière de fixation des pertes et profits (Futura et Singer[10]). Jusqu’ici, la Cour a néanmoins conclu (Baxter, Futura et Singer et Fournier) que, dans les cas concernés, les restrictions n’étaient pas proportionnelles aux objectifs poursuivis. Ainsi, dans les affaires Baxter et Fournier, la Cour a estimé qu’une législation nationale qui ne reconnaissait pas comme valables les preuves présentées par un contribuable en ce qui concerne des activités de R&D effectuées dans les autres États membres ne pouvait se justifier par la nécessité d’un contrôle fiscal efficace. Elle s’est référée, en l’espèce, à la directive sur l’assistance mutuelle[11], considérant qu’en vertu de cette directive ou en application de conventions fiscales bilatérales, les États membres sont en mesure de recevoir les informations nécessaires et pertinentes[12].

b) Perte de recettes fiscales

Les États membres ont avancé dans plusieurs cas que la prévention d’une perte de recettes fiscales pouvait justifier l’imposition de restrictions. La Cour de justice a toutefois clairement affirmé jusqu’ici que les considérations d’ordre budgétaire ne sont pas acceptables en elles-mêmes[13].

c) Prévention de l’évasion fiscale

La Cour de justice a reconnu le principe selon lequel la prévention de l’évasion fiscale peut justifier certaines restrictions des libertés fondamentales. Il ressort néanmoins de la jurisprudence actuelle que la Cour n’accepte pas les restrictions territoriales générales, mais qu’elle privilégie les dispositions législatives destinées à prévenir, au cas par cas, les montages purement artificiels[14]. La Cour a par ailleurs rappelé qu’un État membre a la possibilité de recourir à la directive sur l’assistance mutuelle aux fins de la lutte contre l’évasion fiscale.

d) Promotion de la R&D et de la compétitivité nationales

Dans l’affaire Fournier, la Cour a conclu que la promotion de la R&D pouvait être considérée comme une raison impérieuse d’intérêt général justifiant une éventuelle restriction des libertés fondamentales. Elle a néanmoins souligné que le refus par un État membre d’accorder un allègement fiscal au motif que les activités de R&D ont été réalisées dans un autre État membre est contraire aux objectifs de la politique communautaire en matière de R&D, qui, conformément à l’article 163, paragraphe 1, du traité CE, a notamment pour objectif «de renforcer les bases scientifiques et technologiques de l’industrie de la Communauté et de favoriser le développement de sa compétitivité internationale».

Pour résumer la jurisprudence existante, tout indique que les restrictions territoriales à l’application des incitations fiscales en faveur de la R&D seraient vraisemblablement refusées par la Cour de justice. Il importe donc que, lorsqu’ils conçoivent leurs mesures d’incitation fiscale, les États membres ne perdent pas de vue que toute forme explicite, et parfois implicite, de restriction territoriale sera considérée comme non compatible avec le traité CE, ce qui n’exclut cependant pas des restrictions territoriales découlant simplement du caractère territorial de la compétence fiscale des États membres. Ainsi, les incitations en matière d’impôt sur les salaires ou de sécurité sociale applicables au personnel de R&D pourraient, de par leur nature, se limiter de facto aux travailleurs qui exercent leurs activités dans l’État membre où ils payent leurs impôts ou leurs cotisations de sécurité sociale.

1.2. Compatibilité avec les règles relatives aux aides d’État

Les incitations fiscales en faveur de la R&D mises en place dans les États membres doivent respecter non seulement les contraintes juridiques liées aux libertés fondamentales du traité, mais aussi les règles communautaires applicables aux aides d’État. Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du traité CE, «sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions». Ces règles s’appliquent quelle que soit la forme de l’aide. Les incitations fiscales concernées peuvent donc constituer des aides d’État si elles répondent aux critères de l’article 87, paragraphe 1, sont couvertes par la jurisprudence de la Cour de justice portant sur les conditions dans lesquelles les mesures fiscales en matière de R&D peuvent être considérées comme des aides d’État, et que l’aide en question ne tombe pas sous le coup du règlement de minimis[15]. Une analyse exhaustive de ces conditions figure dans la communication de la Commission, publiée en 1998, sur l’application des règles relatives aux aides d’État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises[16], laquelle fournit également d’autres orientations spécifiques. La sélectivité de l’incitation fiscale en question est l’un des critères principaux. Une incitation fiscale en matière de R&D est considérée comme sélective si elle prévoit une limitation des bénéficiaires potentiels notamment en termes de taille (par exemple, une mesure réservée aux PME), de situation ou de secteur et, à ce titre, est susceptible de constituer une aide d’État.

Dans les conclusions de sommets de Stockholm et de Barcelone, le Conseil européen appelle à poursuivre les efforts de réduction du niveau général des aides d’État et souligne la nécessité de rediriger les aides vers des objectifs horizontaux d’intérêt commun, notamment la cohésion économique et sociale, et de les cibler sur des défaillances du marché bien précises.

Toutefois, les mesures de fiscalité directe qui visent des objectifs de politique économique généraux grâce à une réduction de la charge fiscale liée à certains coûts de production (y compris ceux afférents à la R&D) ne constituent normalement pas des aides d’État si elles s’appliquent indifféremment à toutes les entreprises et à tous les biens et services produits. De plus, le fait que certaines sociétés, notamment dans les secteurs à forte intensité de R&D, supportent des coûts de R&D supérieurs à d’autres et bénéficient de ce fait davantage des mesures fiscales concernées ne signifie pas nécessairement que ces mesures soient sélectives.

Dans certains cas, les incitations fiscales qui constituent des aides d’État peuvent être considérées comme compatibles avec le traité sur la base de l’article 87, paragraphe 3. La Commission a également adopté une version révisée de l’Encadrement communautaire des aides d’État à la recherche, au développement et à l’innovation (ci après-dénommé «l’encadrement»)[17], à la lumière duquel elle évaluera les aides d’État en matière de RDI qui lui seront soumises, et notamment les incitations fiscales en faveur de la R&D.

Lorsqu’ils conçoivent leurs incitations fiscales en faveur de la R&D, il importe que les États membres tiennent compte de la communication et de l’encadrement susmentionnés. La première étape consiste à déterminer si une incitation fiscale peut être considérée comme une mesure générale. Dans la plupart des cas, les avantages accessibles à toutes les entreprises, indépendamment de leur taille, secteur ou situation, constituent des mesures générales qui ne relèvent pas du champ d’application de l’encadrement.

Lorsqu’elle évaluera une incitation fiscale en matière de R&D qui constitue une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité CE, la Commission portera une attention particulière aux éléments suivants:

– la mesure concernée s’applique à une ou plusieurs catégories de R&D définies dans l’encadrement (recherche fondamentale, recherche industrielle et développement expérimental);

– la mesure concernée ne porte que sur certaines dépenses admissibles énumérées dans l’encadrement et

– l’intensité de l’aide peut être déterminée et ne dépasse pas le plafond fixé dans

l’encadrement.

L’encadrement en matière de RDI précise par ailleurs que la Commission considérera dans son analyse, que, sur la base des études d’évaluation présentées par les États membres, les mesures fiscales concernées ont un effet d’incitation se traduisant par une stimulation des dépenses de R&D des entreprises.

Il convient également de tenir compte des règles de cumul applicables, qui permettent de

d’établir si une société peut bénéficier d’aides au titre de différentes mesures.

Il importe en outre de déterminer si les mesures fiscales concernées tombent sous le coup des règlements d’exemption par catégorie.

2. CARACTERISTIQUES DE BONNE CONCEPTION DES INCITATIONS ET REGIMES FISCAUX EN MATIERE DE R&D

Ces dernières années, les États membres ont été de plus en plus nombreux à instaurer des incitations fiscales en matière de R&D ou à adapter celles en vigueur, afin d’encourager les investissements dans le domaine[18]. À l’heure actuelle, quinze États membres les utilisent dans le cadre de leur dispositif d’aide publique. Fondés sur la méthode ouverte de coordination, les rapports d’expert[19] du CREST[20] présentent une vue d’ensemble et une analyse des différentes incitations fiscales appliquées en matière de R&D par les États membres et d’autres pays concernés. Ces rapports mettent en avant la variété des types d’incitations fiscales et de leurs caractéristiques de conception, qui témoigne de la diversité des situations prévalant dans les pays intéressés (politique fiscale générale, tissu industriel, résultats du secteur privé en matière de R&D). Il n’y a pas de réponse unique à la question de savoir comment concevoir, mettre en œuvre et évaluer les incitations fiscales en faveur de la R&D.

Cela étant, un certain nombre de principes directeurs peuvent être définis, sur la base de l’analyse des différents régimes et évaluations réalisée par les experts, quant aux grandes options et caractéristiques de conception et aux principaux facteurs de contingence à prendre en considération. Conformément à ces principes, exposés en annexe[21], il est notamment nécessaire:

– que les incitations fiscales touchent plus d’entreprises, en vue de maximiser l’augmentation potentielle au sein de la DIRDE (dépense de R & D des entreprises) et de minimiser les distorsions du marché, le mieux étant alors de recourir à des mesures générales,

– qu’elles portent sur l’ensemble des dépenses courantes et prennent en compte certains types de dépenses en capital liées à la R&D,

– que l’on s’attache à établir l’additionnalité directe des incitations fiscales et leur additionnalité comportementale,

– que les critères et données d’évaluation soient pris en considération dès la phase de conception,

– que l’on détermine si les incitations fiscales ont atteint leurs objectifs spécifiques, si leur mécanisme de mise en œuvre/d’administration a été efficace et, plus largement, quels sont leurs effets sur la société.

L’annexe fournit des orientations détaillées quant aux principes de conception et de mise en œuvre génériques, dont certains sont évoqués ci-dessus, aux différents types de régimes et d’allègements fiscaux et aux coûts de R&D admissibles. Elle présente les possibilités d’amélioration du traitement fiscal de la R&D dans différents contextes et, à cet égard, examine en particulier l’influence du dosage des instruments d’action ainsi que les avantages d’un environnement fiscal globalement favorable à la R&D par rapport à ceux d’un régime d’incitations fiscales générales en faveur des entreprises ou d’aides sélectives ciblées sur les jeunes PME innovantes. Les États membres sont invités à tenir compte de ces lignes directrices lorsqu’ils instaurent de nouvelles incitations fiscales en matière de R&D ou adaptent celles existantes.

Il est primordial de mener une évaluation systématique et cohérente de l’effet de ces mesures tant sur le plan microéconomique que sur le plan macroéconomique afin d’accroître leur efficacité. Or, les quelques études disponibles reposent souvent sur des méthodes différentes, qui rendent difficile toute comparaison des résultats. Les États membres sont invités à adopter une approche systématique et cohérente pour la réalisation de leur évaluation selon les orientations définies dans l’annexe.

L’approche proposée s’articule autour d’une analyse ex-ante de l’effet attendu des incitations fiscales en matière de R&D et de la préparation d’une évaluation ex-post lors de la phase de conception. La Commission facilitera le partage des expériences et des bonnes pratiques par la création d’un réseau d’experts nationaux.

3. ORIENTATIONS RELATIVES AUX MESURES D’INTERET COMMUN ET PRESENTANT DES AVANTAGES MUTUELS

Pour accroître l’efficacité des incitations fiscales en faveur de la R&D et améliorer le traitement fiscal appliqué en la matière dans l’Union, il ne suffit pas de suivre les principes de conception fondamentaux exposés ci-dessus (à savoir, respect de la législation communautaire et exploitation des bonnes pratiques des États membres); il faut aussi traiter un certain nombre d’autres questions fiscales spécifiques de manière cohérente. Certaines de ces questions concernent les aspects du système fiscal général liés à la recherche, les autres portant sur des éléments d’intérêt commun en matière de R&D.

L’objectif commun des initiatives proposées dans la présente section consiste à garantir que la politique fiscale contribue davantage à la construction de l’économie de la connaissance par l’établissement d’un cadre cohérent propre à accroître les investissements dans le domaine de la R&D et par l’amélioration du fonctionnement du marché intérieur.

Les États membres sont invités à débattre de ces initiatives au niveau communautaire et à en tenir compte lors de la révision de leur politique fiscale.

3.1. Soutien aux grands projets transnationaux de R&D

L’époque actuelle est marquée par une tendance accrue à la mondialisation de la connaissance et à l’internationalisation de la recherche et de l’innovation. Ce phénomène est favorisé par les progrès réalisés dans le domaine des TIC ainsi que par la prise de conscience de la valeur ajoutée considérable que la mondialisation et les partenariats internationaux peuvent apporter à la production et à la diffusion du savoir. L’expérience tirée de l’initiative Eureka et d’autres initiatives de recherche plurinationales a montré qu’il était particulièrement difficile, dans le cadre de grands projets transnationaux, de mobiliser en temps utile et de manière synchronisée des financements publics pluriannuels provenant de plusieurs États membres, cette difficulté étant souvent liée à l’utilisation de procédures d’approbation différentes. En conséquence, alors que les projets transnationaux devraient idéalement être encouragés compte tenu de leur effet significatif en termes de productivité, d’apprentissage profitable à tous et de transfert des connaissances, c’est le phénomène inverse qui pourrait se produire. Pour résoudre ce problème, on pourrait envisager de recourir, en lieu et place de simples subventions, à des incitations fiscales spécifiques qui auraient l’avantage d’intervenir à temps et de manière prévisible sur toute la durée du projet de recherche.

Les États membres sont donc invités – ainsi que la Commission européenne – à lever les obstacles à la réalisation des projets de recherche transnationaux, par exemple en améliorant l’utilisation et la coordination des incitations fiscales en faveur des entreprises participant à de grands projets de ce type ou en appliquant des définitions communes en matière de R&D.

Étant donné que de telles aides publiques sont sélectives de par leur conception, elles constituent des aides d’État et doivent répondre aux dispositions du nouvel encadrement et être compatibles avec l’article 87, paragraphe 3, du traité CE, relatif aux projets importants d’intérêt européen commun.

3.2. Jeunes entreprises innovantes

Les incitations fiscales ciblées sur les jeunes entreprises innovantes[22], instaurées par certains États membres, peuvent avoir un effet positif sur les activités de R&D et sur la croissance de ces entreprises. Elles peuvent prendre la forme d’exonérations de l’impôt sur les sociétés ou d’exonérations temporaires du paiement des charges sociales liées à l’emploi d’un personnel hautement qualifié (chercheurs et experts, par exemple), ce qui permet de réduire les coûts supportés par les jeunes entreprises du secteur de la R&D. Les États membres sont invités à examiner la possibilité d’octroyer des incitations fiscales spécifiques au profit de cette catégorie stratégique d’entreprises.

3.3. Favoriser le financement philanthropique de la recherche

L’amélioration du traitement fiscal des organismes philanthropiques finançant la recherche, par exemple des fondations et des œuvres de bienfaisance (fondations de recherche), constitue un autre moyen d’encourager les investissements dans le domaine de la R&D en Europe. Les fondations de recherche sont des entités privées dont le but consiste à accroître les connaissances scientifiques en finançant les activités de R&D des établissements d’utilité publique, généralement les universités et les centres de recherche publics. Bien qu’il existe des fondations de recherche[23] importantes, cette source de financement est toutefois sous-exploitée en Europe si l’on compare la situation avec celle des États-Unis, certains obstacles formels et informels constituant un frein, d’une part, à la réalisation de dons par les particuliers et par les entreprises et, d’autre part, à l’arrivée des fonds dans les budgets de la recherche.

Il est donc indispensable d’améliorer les conditions fiscales applicables aux donations et activités des fondations de nature transfrontalière afin d’assurer une égalité de traitement au sein de l’Union européenne. L’établissement d’une définition commune des œuvres d’utilité publique ou une progression vers la reconnaissance mutuelle des organismes d’utilité publique pouvant prétendre à une exonération fiscale constitueraient une avancée importante en matière de financement transfrontalier. C’est dans cette optique que s’inscrit la proposition de statut de la fondation européenne présentée par le Centre européen des fondations, qui plaide aussi en faveur d’une approche non discriminatoire à l’égard du traitement fiscal des fondations considérées et de leurs donateurs et bénéficiaires.

Les États membres sont invités à promouvoir l’adoption d’une politique commune en ce qui concerne, d’une part, le traitement fiscal des fondations, quel que soit l’endroit où se trouve leur siège dans l’Union, et, d’autre part, la définition des organismes d’utilité publique.

La Commission apportera son soutien à la création d’un forum européen de la philanthropie et du financement de la recherche. Ce dispositif permanent permettra de mettre en commun les expériences, d’évaluer les meilleures pratiques et de faciliter la coopération.

3.4. Mobilité transfrontalière des chercheurs

En vue de favoriser la mobilité des chercheurs au sein de l’Union européenne, qu’il s’agisse de longs séjours dans un autre État membre ou de missions plus courtes, les États membres sont invités à faciliter, pour les chercheurs et les institutions d’accueil, les procédures administratives nécessaires au respect des règles fiscales et à prévoir l’exonération fiscale des indemnités afin de couvrir le coût réel de la mobilité (frais de voyage, par exemple).

De surcroît, tant les États membres que les institutions d’accueil devraient consentir un effort supplémentaire pour améliorer la transparence à l’égard des incitations fiscales spécifiques dont peuvent éventuellement bénéficier les chercheurs (avantages fiscaux en faveur des expatriés, notamment). Les États membres sont également invités à déterminer les cas où les chercheurs pourraient être autorisés à conserver leur domicile fiscal dans leur pays d’origine pendant une période limitée. En tout état de cause, il convient que les États membres évitent les situations de double imposition, par exemple en améliorant la transparence quant aux dispositions des conventions fiscales bilatérales et de la législation nationale concernant directement les chercheurs transfrontaliers.

3.5. Faciliter l’externalisation transfrontalière des activités de R&D

Dans certains États membres (la France et l’Espagne, notamment), les entreprises peuvent demander un certificat attestant leur capacité à mener des activités de R&D. Ces certificats facilitent la mise en œuvre des incitations fiscales en faveur de la R&D et sont valables plusieurs années. Les autorités fiscales y ont recours pour rationaliser le traitement des demandes d’exonération fiscale. Afin d’éviter toute discrimination territoriale en cas d’externalisation transfrontalière des activités de R&D, les États membres utilisant ce système sont invités à l’étendre aux entreprises du secteur installées dans les autres États membres.

Les États membres intéressés sont invités à définir d’un commun accord le contenu de ces certificats en vue de faciliter leur reconnaissance mutuelle et d’alléger le fardeau administratif qui pèse sur les entreprises de l’Union. La Commission présentera un modèle envisageable pour ces certificats afin d’alimenter les discussions.

Certains États membres délivrent ce type de certificat automatiquement aux organismes publics œuvrant dans le secteur de la R&D. Afin d’éviter toute discrimination territoriale en cas d’externalisation transfrontalière des activités de R&D, il importe que les organismes publics équivalents des autres États membres soient traités de la même façon que les organismes nationaux. La Commission a dressé une liste des organismes publics de R&D établis dans l’Union européenne sur la base de leur participation au programme-cadre de recherche. Cette liste sera consultable en ligne et pourra aider les États membres intéressés à mettre en œuvre leur régime d’incitations fiscales en matière de R&D de façon non discriminatoire. La Commission mettra cette liste à jour régulièrement et invite tous les États membres à la consulter et, le cas échéant, à transmettre les informations nécessaires sur tout autre organisme à y faire figurer.

3.6. R&D et TVA

La TVA prélevée sur les dépenses de R&D exposées par les assujettis est déductible lorsque les biens et services en question sont utilisés aux fins d’opérations soumises à la TVA. Les dispositions actuelles de la 6e directive TVA relatives aux exonérations, aux autorités publiques et aux subventions pourraient avoir des conséquences sur cette déductibilité et, partant, faire peser des contraintes inutiles sur certaines activités de recherche. La Commission s’est engagée à examiner ces trois aspects[24], qu’il convient d’adapter à la situation actuelle. Lorsqu’elle passera en revue la législation, la Commission étudiera avec attention les restrictions au recouvrement de la TVA sur les dépenses de R&D. Elle évaluera également dans quelle mesure les dispositions actuelles concernant les autorités publiques et les subventions entravent l’établissement de partenariats public-privé et d’accords en matière de partage des coûts, notamment dans le domaine de la recherche, où de telles structures sont de plus en plus utilisées pour mener à bien les activités de R&D nécessitant la mise en commun de ressources provenant d’organismes publics et privés ou l’externalisation de la recherche par des organismes privés au profit d’organismes publics (recherche sous contrat). L’application du régime de TVA en vigueur aux organismes publics est d’une grande complexité et aboutit à des situations disparates dans la Communauté. Qui plus est, la différence de traitement entre les organismes publics et les organismes privés au regard de la TVA fausse la concurrence, engendre des inefficacités économiques et favorise le recours à des mécanismes d’évasion fiscale. La Commission examinera les différents moyens de simplifier les règles en cause et de faciliter une application plus uniforme de celles-ci à travers la Communauté, en vue de garantir un traitement égal dans ces secteurs d’activité, caractérisés par la présence d’entités publiques et privées (recherche sous contrat, notamment).

Les questions étroitement liées que représentent les exonérations, les autorités publiques et les subventions seront traitées conjointement et les conséquences socioéconomiques de toute proposition législative éventuelle seront évaluées avant qu’un texte ne soit présenté en 2008.

3.7. Traitement de la R&D dans le cadre de l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés

Il est souhaitable, à plus long terme, d’établir à l’échelle de l’UE une définition fiscale de la R&D et de l’innovation et de prévoir pour les dépenses concernées un traitement fiscal favorable dans le cadre de l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS). La Commission inclura cet aspect dans les discussions menées avec les États membres au sein des groupes de travail compétents afin qu’une solution cohérente et équilibrée puisse être trouvée, qui soit compatible avec d’autres incitations envisageables dans le cadre de l’ACCIS.

4. CONCLUSION

Consciente de la tendance, apparue récemment dans de nombreux États membres, à accorder un traitement fiscal plus favorable aux activités de R&D, la Commission se félicite des efforts consentis pour accroître les dépenses des entreprises dans ce secteur.

La diversité croissante des incitations fiscales en matière de R&D risque de fragmenter encore davantage le paysage fiscal européen en ce qui concerne l’impôt sur les sociétés et pourrait réduire l’efficacité de toute utilisation transfrontalière. Un certain degré de coordination est en conséquence nécessaire pour faciliter l’utilisation efficace de ces incitations fiscales dans l’ensemble de l’Union européenne et pour améliorer la coopération transnationale dans le domaine de la recherche compte tenu de la mondialisation toujours plus poussée des activités de R&D. La présente communication et l’annexe qui l’accompagne exposent les règles juridiques et les options de conception sur la base desquelles les États membres pourront améliorer leur traitement fiscal des activités de R&D.

 

[1] Source : Commission européenne – Direction générale Taxud – COM(2006) 728 final – http://ec.europa.eu/taxation_customs.

[2] COM(2005) 24.

[3] COM(2003) 226.

[4] COM(2005) 532.

[5] COM(2005) 488.

[6] COM(2006) 502.

[7] C-248/06.

[8] Article 46 et 55 du traité CE.

[9] C-254/97.

[10] C-250/95.

[11] Directive 77/799/CEE du Conseil, modifiée par la directive 2004/56/CE.

[12] Vestergaard C-55/98, Futura et Singer C-250/95, Danner C-136/00.

[13] Danner & X & Y, ICI C-264/96, De Groot C-385/00, Bosal C-169/01, Saint-Gobain C-307/97 et Skandia C-422/01.

[14] X &Y C-436/00, Danner C-136/00.

[15] Règlement (CE) n° 69/2001 de la Commission ou tout acte lui succédant.

[16] JO C 384 du 10.12.1998, p. 3.

[17] L’encadrement en matière de RDI.

[18] Rapport de l’IBFD sur le traitement fiscal des dépenses de R&D – 2004.

[19] Rapports du CREST.

[20] Comité scientifique consultatif du Conseil européen et de la Commission.

[21] SEC(2006) XXX.

[22] Voir la définition de l’aide d’État figurant dans l’encadrement en matière de RDI.

[23] The Wellcome Trust, Volkswagen Stiftung, Fondazione Cariplo, Fondation Champalimaud.

[24] COM(2000) 348.

 

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