UN ARRET TRES ATTENDU EN MATIERE D’APPLICATION DE L’ARTICLE 164C DU CODE GENERAL DES IMPOTS FRANCAIS

Mai 2000

La Cour Administrative d’Appel de Marseille vient de rendre un Arrêt très attendu qui exonère les étrangers domiciliés à Monaco et ayant la jouissance d’une résidence secondaire en région Provence-Alpes-Côte d’Azur de l’imposition sur trois fois la valeur locative de cette résidence prévue par l’article 164-C du Code Général des Impôts français.

Cet article stipule que les personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal en France mais qui y disposent d’une ou plusieurs habitations sont assujetties à l’impôt sur le revenu sur une base égale à trois fois la valeur locative réelle de cette ou de ces habitations à moins que les revenus de source française des intéressés ne soient supérieurs à cette date, auquel cas le montant de ces revenus sert de base à l’impôt.

Un accord diplomatique franco-monégasque a exonéré de cette imposition les nationaux monégasques et les français domiciliés en Principauté dans la limite d’une seule résidence secondaire sur le territoire de la région française limitrophe. Jusqu’en 1990, la France avait étendu tacitement cette exonération à tous les résidents monégasques, quelle que soit leur nationalité. Mais, depuis lors, l’Administration fiscale était revenue sur cette mesure.

Cette imposition a donné lieu à un grand nombre de contentieux et, dans un premier temps, les juridictions administratives, avaient donné raison à l’Administration.

Mais, le Tribunal Administratif de Nice avait renversé sa Jurisprudence par un Jugement du 14 mai 1998, rendu au profit d’un couple de ressortissants italiens et britanniques résidant à Monaco. Ce jugement, qui avait été attaqué par l’Administration, a été confirmé par la Cour Administrative d’Appel.

Comme le Tribunal, la Cour se fonde sur une disposition classique des conventions internationales de double imposition qui prévoit que les nationaux de l’un des Etats contractants ne sont soumis dans l’autre Etat à aucune imposition ou obligation y relatives qui est autre ou plus lourde que celles auxquelles sont ou pourraient être assujettis les nationaux de cet autre Etat qui se trouvent dans la même situation.

Contrairement à la plupart des stipulations conventionnelles, ces clauses de non-discrimination sont souvent applicables aux nationaux des Etats contractants même si ceux-ci résident en dehors de ces mêmes Etats.

Bien entendu, l’égalité de traitement suppose une situation identique, et c’est l’interprétation de cette notion qui faisait l’objet du débat entre l’Administration et les intéressés, qui a été tranchée par la Cour Administrative d’Appel dans un sens favorable à ce dernier.

En effet, pour l’Administration fiscale française, l’identité de situation doit s’entendre des contribuables placés dans des circonstances de droit et de fait analogues.

Or, selon cette Administration, les nationaux français ne sont pas placés dans des circonstances de droit analogues aux autres ressortissants étrangers résidant à Monaco, puisque à l’exception des nationaux français privilégiés, ils sont assujettis à l’impôt sur le revenu en France dans les mêmes conditions que s’ils avaient leur domicile ou leur résidence dans ce pays, alors que les nationaux étrangers échappent à tout impôt sur le revenu au lieu de leur résidence.

La Cour a considéré, au contraire, que ce n’est qu’en raison de leur nationalité et non d’une différence objective de situation, que le domicile fiscal des intéressés différait de celui de nationaux français résidant comme eux à Monaco et disposant comme eux d’une ou plusieurs habitations en France.

Bien entendu, cet Arrêt pourra être invoqué pour échapper à l’imposition, non seulement par les ressortissants britanniques et italiens, mais par tous ceux qui, en raison de leur nationalité, peuvent bénéficier d’une convention de non discrimination entre la France et l’Etat dont ils ont la nationalité, applicable aux personnes ne résidant dans aucun des deux Etats signataires. C’est donc là un point qui devra être examiné au cas par cas en fonction des différentes conventions.

L’Arrêt de la Cour Administrative de Marseille a non seulement un intérêt pratique considérable, vu le montant des impositions en cause et l’importance de l’incidence économique des investissements immobiliers effectués par les résidents monégasques pour les communes françaises voisines, mais a aussi un grand intérêt sur le plan des principes du droit fiscal national et international. Il s’inscrit en effet dans le droit fil d’un certain nombre de décisions qui tendent à garantir la primauté du droit international sur le droit fiscal national et dont de nouveaux développements peuvent être attendus.

Compte tenu de l’importance à la fois des intérêts matériels en cause et du problème juridique soulevé, il est probable que l’Administration des Impôts ne se tiendra pas pour battue et formulera un recours en cassation devant le Conseil d’Etat qui est le Juge suprême en matière d’impôt sur le revenu. Mais, ce recours ne serait pas suspensif.

En attendant, les intéressés ont sans doute intérêt à engager des procédures à l’encontre des impositions de cette nature qu’ils leur ont été ou qui leur seraient appliquées et à demander, dans la limite de la prescription, le remboursement des sommes qu’ils auraient versées.

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