LA RESIDENCE FISCALE EN DROIT ANGLAIS : UNE BREVE DESCRIPTION

Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » 1998/2  

 

Françoise FONTANEAU-VANDOREN
Avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles
Docteur en Droit


 Les deux critères appliqués pour l’imposition des revenus sont la résidence et la source des revenus. La règle est que les dispositions concernant l’Income Tax s’appliquent aux revenus dont la source est située au Royaume-Uni, ou aux personnes qui y résident. En revanche un non-résident n’est imposable que sur ses revenus de source britannique.

Le problème de la source du revenu ne sera pas envisagé dans cet article. Par contre, la question de la résidence nécessite un développement particulier.

En droit fiscal anglais, le terme de résidence n’est pas un terme technique correspondant à une notion précisément définie. Il faut distinguer la résidence du domicile, qui est le lieu de séjour permanent et la résidence de la résidence ordinaire. Le plus souvent, la résidence va coïncider avec le domicile, mais ce n’est pas toujours le cas.

La résidence ordinaire, quant à elle par exemple, permet de soumettre à l’impôt britannique des personnes qui déménagent pour changer leur lieu de résidence et la source de leur revenu dans un but d‘évasion fiscale.


LES ELEMENTS DETERMINANT LA RESIDENCE


L’impôt sur le revenu est dû non seulement par les personnes physiques mais également par les entités juridiques transparentes.

Les personnes physiques

Les règles pour définir la résidence résultent à la fois de la loi et de la jurisprudence.

Le principe donné par la loi

Un individu est considéré comme résident du Royaume-Uni pour toutes les années fiscales pendant lesquelles il a été présent dans le pays pendant 183 jours ou plus. Ces jours de présences n’ont pas forcément besoin d’être consécutifs. Le jour de l’arrivée et le jour du départ du Royaume-Uni ne sont pas pris en compte dans ce calcul.

Aux termes de la doctrine de l’Inland Revenue la résidence est définie ainsi :

« Une personne physique est réputée résidente du Royaume-Uni pour l’application de l’impôt sur le revenu si elle séjourne au Royaume-Uni pendant une ou des périodes dont la durée totale atteint six mois au cours de l’année d’imposition. Elle peut être également considérée comme résidente du Royaume-Uni (a) si elle séjourne chaque année au Royaume-Uni pendant trois mois au moins en moyenne ou (b) si elle dispose d’un lieu de résidence au Royaume-Uni affecté à son usage et séjourne au Royaume-Uni durant une période quelconque au cours de l’année d’imposition. L’année d’imposition s‘étend du 6 avril au 5 avril suivant ».

Cela signifie que la loi considère qu’un individu présent au Royaume-Uni, pour une période temporaire et sans avoir eu l’intention d’y fixer sa résidence est considéré comme résident si, et seulement si, il a passé au moins six mois au Royaume-Uni durant l’année d’imposition. Si cette condition est remplie, l’individu sera considéré comme résident, non pas durant la seule période où il était physiquement présent, mais durant la totalité de l’année d’imposition (sauf cas particulier prévu par la loi).

Il existe cependant un cas où une personne physiquement présente au Royaume-Uni durant une période de six mois ou plus ne sera pas considérée comme résidente : c’est le cas où cette période de six mois ou plus concerne deux années d’imposition, de telle sorte que la période de présence physique ne dépasse pas six mois pour chaque année d’imposition.

A l’inverse, la jurisprudence britannique a décidé que l’absence physique d’une personne du Royaume-Uni, durant une année d’imposition, lui enlève pour cette année d’imposition la qualité de résident. Les difficultés apparaissent pour les cas se situant entre ces deux règles, c’est-à-dire pour les personnes physiquement présentes au Royaume-Uni durant une période inférieure à six mois.

Dans de telles circonstances la longueur de cette période ne sera plus un facteur nécessaire et suffisant, mais simplement un élément important pour déterminer la conviction de l’administration.

Les règles dérogatoires au principe

L’Inland Revenue a rajouté en 1991 des règles dérogatoires au traitement des résidents en Grande-Bretagne :

1- Des dispositions dérogatoires sont prévues pour les personnes qui s’installent en Grande-Bretagne, pour y habiter de façon permanente ou pendant au moins trois ans ou pour y effectuer un travail de salarié pendant au moins deux ans.

Un régime dérogatoire est également prévu pour les personnes qui quittent la Grande-Bretagne pour s’installer de façon définitive à l’étranger.

Ces personnes, quoique bénéficiant de la qualité de résident britannique pendant toute l’année fiscale de leur arrivée ou de leur départ du pays ne sont soumises à l’imposition applicable aux résidents que pour le laps de temps qui correspond à leur présence effective et physique en Grande-Bretagne.

Les personnes qui quittent la Grande-Bretagne pour devenir employé salarié à l’étranger sont soumises au même régime dérogatoire suivant certaines conditions :

* le travail est fait uniquement et à titre principal (en cas de double fonction) à l’étranger,

* le salarié doit rester hors de Grande-Bretagne pour effectuer son travail à l’étranger pendant au moins une année fiscale complète,

* pendant que le salarié exerce sa profession à l’étranger il ne peut rester plus de 183 jours en Grande-Bretagne par année fiscale ou 91 jours par an en moyenne sur un maximum de quatre ans.

2 – La qualité de résident de chaque époux dans un couple s’apprécie séparément. Toutefois, si le conjoint suit le salarié qui va travailler à l’étranger, il ne sera imposé comme résident britannique que sur les périodes où il demeurait effectivement en Grande-Bretagne au cours des deux ans.

La condition d’application de ce régime dérogatoire est que le conjoint accompagnant reste à l’étranger pendant au moins une année fiscale entière et ne se rende pas en Grande-Bretagne plus de 183 jours par an.

3 – Cette disposition concerne l’exonération des plus-values réalisées par des personnes physiques avant leur arrivée en Grande-Bretagne ou après leur départ.

Les résidents britanniques qui quittaient le pays cessaient d’être imposables sur les plus values réalisées dés le premier jour de leur départ. En revanche elles étaient considérées comme non résidentes au titre du  » capital gains tax  » à partir de l’année fiscale suivante. Il existait donc une période pendant laquelle le contribuable échappait à toute forme d’imposition sur les plus-values.

Depuis la modification prévue, les personnes réalisant des plus-values pendant cette période intermédiaire sont imposables.

Les sociétés de personnes

La détermination du caractère de résident ou de non-résident est beaucoup plus simple pour les sociétés de personnes car la règle est définie avec précision par la loi.

Si les affaires sont réalisées par au moins deux associés dans la société de personnes, et si le contrôle et la gestion de cette activité, sont situés hors du Royaume-Uni, les affaires sont réputées être réalisées par les associés résidant hors du Royaume-Uni et la société de personnes est elle-même réputée résider hors du Royaume-Uni, même si une partie de ses membres réside au Royaume-Uni et si une partie des affaires y est réalisée (section 336 I.C.T.A. 1988).

Cette règle s’applique lorsque, parmi les associés, se trouve une société. Cependant, si cette société est elle-même résidente du Royaume-Uni, la société de personnes dans laquelle elle est associée est traitée comme si elle était résidente du Royaume-Uni, pour l’application de la Corporation Tax, mais simplement par rapport à cette société et non par rapport aux autres associés.

Les mandataires

Pour les mandataires, il n’existe pas de règle législative précise ni de décision des tribunaux. Ainsi, il n’existe pas de disposition permettant de savoir quand un ensemble d’individus, ne formant pas une société, est résident ou non. L’application des règles générales se fera donc au cas par cas.

De même, la question n’a pas été résolue de savoir comment est déterminée la résidence d’un ensemble de mandataires si l’un d’entre eux est lui-même résident du Royaume-Uni. Il est possible que le lieu d’administration du mandat constitue le facteur déterminant.


LA NOTION DE DOMICILE


La notion de domicile d’un redevable revêt beaucoup moins d’importance que la notion de résidence. La détermination du domicile peut avoir certaines conséquences lors de l’imposition du revenu dans les cédules D et E. L’Angleterre, le Pays-de-Galles, l’Ecosse et l’Irlande du Nord ont la même conception générale du domicile.

Il faut noter que, s’il existe une notion légale de domicile en Angleterre, en Ecosse, au Pays-de-Galles et en Irlande du Nord, par contre la notion de domicile au Royaume-Uni n’existe pas. Un changement de domicile doit comprendre deux éléments : un changement physique de résidence et l’intention de résider dans la nouvelle résidence indéfiniment.

Les mineurs ont un domicile « dépendant », en principe celui du père. Depuis le 1er janvier 1974, l’épouse ne bénéficie plus automatiquement du domicile de son époux. Il lui est en effet possible de maintenir son domicile d’origine. Il convient toutefois de noter que si le couple habite en permanence en Grande-Bretagne, le domicile sera le même pour le mari et la femme.

Le concept de domicile

La notion de domicile a un contenu différent de ceux de résidence et de résidence ordinaire. Le critère de l’intention joue un rôle important pour déterminer si une personne est domiciliée ou non au Royaume-Uni. On peut dire qu’une personne considérée comme domiciliée au Royaume-Uni perd difficilement cette qualité. Par contre, une personne qui n’y est pas domiciliée l’acquiert difficilement.

Son intention de s’y établir définitivement doit être manifeste pour qu’elle soit considérée comme y étant domiciliée .

La qualité de domicilié est importante en matière d’impôts sur les successions et d’imposition de gains en capital. En matière de droit de succession on reconnaît la qualité de domicilié britannique à une personne qui a été résidente pendant plus de seize ans sur vingt ans d’affilée.

On peut noter que cette souplesse des règles de domicile et résidence permet à des personnes de nationalité étrangère, dont l’installation au Royaume-Uni a un caractère relativement temporaire, de bénéficier d’un régime fiscal souvent avantageux.

La preuve du domicile

Le problème du domicile est étroitement lié à celui de la charge de la preuve.

Un enfant a le domicile de ses parents à sa naissance et c’est le domicile qu’il conservera potentiellement pour le reste de sa vie, ce qui fait que s’il acquiert un nouveau domicile puis le perd, son domicile redeviendra son domicile d’origine.

Si le domicile d’origine est au Royaume-Uni, le contribuable peut perdre son statut fiscal seulement en vivant dans un autre pays et en montrant qu’il a l’intention d’y vivre pour le reste de ses jours ou jusqu’à ce que quelque chose arrive et qui le fasse changer d’avis. La charge de la preuve incombe au contribuable pour montrer le changement et ceci est, de toute évidence, très difficile à prouver.

Si, d’un autre côté, une personne a son domicile d’origine hors du Royaume-Uni, elle sera considérée comme conservant ce domicile à moins qu’il puisse être prouvé, dans ce cas par les autorités fiscales, qu’elle compte passer le reste de ses jours au Royaume-Uni. Bien sûr, une telle intention peut être déduite des faits, comme c’était le cas dans l’affaire FURSE, mais aussi longtemps que le contribuable prévoit de quitter le Royaume-Uni à une quelconque date future, il ne peut être considéré comme y ayant acquis un domicile.

Il en résulte la résurgence du domicile d’origine chaque fois qu’un domicile choisi est perdu. Ainsi que cela a été dit précédemment, l’usage voulait que l’épouse prenne le domicile du mari automatiquement, mais, depuis 1974, il est possible à une épouse d’avoir un domicile différent. Ici encore, la charge de la preuve est importante : lors du mariage, avant 1974, l’épouse prenait automatiquement le domicile du mari et c’était à elle de prouver qu’elle en avait changé ; après cette date, la femme garde son propre domicile à moins qu’elle prouve qu’elle en a changé.


LA NOTION DE RESIDENCE ORDINAIRE


L’administration fiscale en Grande-Bretagne considère qu’une personne physique est  » ordinairement  » résidente si elle remplit les conditions suivantes :

– à son arrivée en Grande-Bretagne, elle manifeste l’intention d’y rester pendant au moins trois ans,

– ou si elle manifeste l’envie d’y habiter régulièrement pendant quatre années consécutives.

Dans tous les cas elle est considérée comme résidente ordinaire à partir de sa troisième année d’imposition. C’est en fait la notion de séjour régulier ou durable qui prévaut pour décider de la qualité de résident ordinaire ou non.

De la même façon, une personne physique qui quitte l’Angleterre ne perdra sa qualité de résident ordinaire qu’à la condition qu’il soit prouvé que son installation à l’étranger est définitive.

Le 4 décembre 1991, l’Inland Revenue a publié un document reprenant les critères pour la détermination de la résidence ordinaire. Il ne s’agit pas d’une loi, mais bien un document administratif.

Deux cas de figure sont isolés, soit la volonté de la personne de séjourner en Grande-Bretagne est évidente, auquel cas elle devient résidente ordinaire dés le jour de son arrivée, soit la situation n’est pas aussi claire et à ce moment là la qualité de résident ordinaire n’est pas obtenue immédiatement.

En effet si l’intention de s’établir en Grande-Bretagne n’est pas évidente, ce n’est qu’au début de l’année fiscale qui suit les trois premières années de son installation que la résidence ordinaire sera accordée.

En revanche si le contribuable manifeste son intention de manière précise en acquérant un logement par exemple, dans la première année fiscale de son arrivée il sera alors considéré comme résident ordinaire rétroactivement à compter de la date de son arrivée en Angleterre.

Si cette intention se précise dans les années suivantes, sa résidence britannique ordinaire sera acquise à partir du début de l’année fiscale où s’est produit le fait justifiant de sa volonté de s’établir en Grande-Bretagne.


LES EFFETS FISCAUX DE LA RESIDENCE ET DU DOMICILE


La résidence est un concept factuel relativement simple. Toute personne qui demeure au Royaume-Uni pendant 183 jours dans l’année fiscale est, sans exception, résidente. L’année fiscale va du 6 avril au 5 avril suivant.

Il existe un cas particulier de résidence, applicable seulement aux gens qui restent moins de 183 jours, qui veut que lorsqu’une personne dispose d’un logement celle-ci soit considérée comme résidente pour l’année entière aussi courte que puisse être sa visite. La sévérité de ce principe est atténuée car l’Administration Fiscale ignore les locations de logement si la période de location est inférieure à deux ans pour les locations meublées ou un an pour les locations non meublées. Il faut remarquer que la preuve est la disposition du logement et non pas la propriété du logement.

En l’absence de la disposition d’un logement, une personne peut donc passer 183 jours au Royaume-Uni sans y devenir résidente. Toutefois, il existe une autre méthode qui consiste à faire la moyenne de ces visites sur quatre années fiscales et, si la moyenne des visites excède trois mois par an, la personne sera considérée comme résidente.

On voit donc qu’il est extrêmement facile de devenir résident au Royaume-Uni, mais les effets de ceci sont atténués dans le cas d’une personne qui n’est pas domiciliée au Royaume-Uni ainsi que nous allons le montrer.

Le concept de la résidence ordinaire a beaucoup moins d’importance. Fondamentalement, il signifie un résident habituel, ce qui fait qu’une personne qui devient résidente pour une année sera seulement résidente mais non pas résidente ordinaire et, inversement, une personne qui a toujours été résidente au Royaume-Uni mais qui devient non-résidente pour une année peut être considérée comme demeurant un résident ordinaire. En pratique, une personne venant au Royaume-Uni comme salarié n’est habituellement pas considérée comme un résident ordinaire tant qu’elle n’y est pas restée pendant trois années fiscales, à moins qu’il puisse être prouvé qu’elle y disposait d’un logement.

En pratique, l’année fiscale peut être divisée et une personne arrivant au Royaume-Uni pour y être résidente est traitée comme devenant résidente et, éventuellement, résidente ordinaire, à partir de la date de son arrivée.

Il est intéressant de mentionner l’intérêt qu’il y a à être résident et non domicilié au Royaume-Uni, ce qui est réalisable par une personne venant vivre au Royaume-Uni.

Les revenus d’investissement d’une telle personne, provenant de l’extérieur du Royaume-Uni, les salaires provenant d’un employeur non résident du Royaume-Uni pour un travail réalisé entièrement à l’extérieur du Royaume-Uni (l’extérieur incluant le plateau continental dans ce cas), ou si la personne n’est pas résidente ordinaire au prorata de son travail à l’extérieur dans le cas d’un emploi mixte, les revenus d’une profession libérale pratiquée à l’extérieur du Royaume-Uni, sont tous imposés au prorata du revenu introduit au Royaume-Uni. Ramener de l’argent au Royaume-Uni est défini largement comme étant l’utilisation d’argent au Royaume-Uni.

Dans le cas de revenus d’investissement ou de revenus de profession libérale, c’est habituellement le montant introduit au Royaume-Uni dans l’année fiscale précédente qui est pris en considération, ce qui est à surveiller lors de la première année de résidence. Il s’ensuit que si une personne peut s’arranger pour introduire au Royaume-Uni un capital ne représentant pas un gain en capital, plutôt qu’un revenu, aucun impôt n’est dû.

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